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L’Anarchie expliquée aux enfants : Publication d’un nouveau livre par le Collectif Emma Goldman

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Mai 212023
 

Du Collectif Emma Goldman

Tandis que les bourgeons de mai laissent entrevoir de nouvelles feuilles, nous sortons des presses l’Anarchie expliquée aux enfants à temps pour les jours plus doux. Pour la toute première fois mondiale, ce petit livre de José Antonio Emmanuel, datant de 1931, est publié en français. Nous nous sommes occupé-e-s de la traduction et de la présentation. Nous le diffusons par nos propres moyens (D.I.Y.) à partir de Saguenay sur le Nitassinan.

L’Anarchie expliquée aux enfants est un curieux objet historique écrit par un pédagogue anarchiste espagnol. Elle est le produit de l’agitation culturelle populaire impulsée par les mouvements ouvriers et sociaux qui ont marqué la seconde république espagnole et qui ont largement diffusé les nouveaux discours émancipateurs. Le bouquin a connu une attention renouvellée au cours des dernières années avec des rééditions dans plusieurs pays d’Amérique du Sud. La version (52 pages) que nous vous proposons est agrémentée des illustrations magnifiques d’artistes militants et militantes.

Comme pour le Dictionnaire anarchiste des enfants (dont nous avions produit une adaptation et traduction en 2022), l’intérêt principal du livre est de se pencher sur une épineuse question qui demeure entière : « comme anarchistes, comment va-t-on éduquer nos enfants? ». L’Anarchie expliquée aux enfants est composée de trois parties. Les deux premières ont un vocabulaire plus soutenu et des paragraphes plus longs alors que la dernière, « Comment devient-on anarchiste? », présente de manière simple, succincte et imagée quelques principes importants. Comme chaque enfant a sa propre individualité et ses propres capacités, il est difficile d’établir un âge auquel recommander un tel ouvrage anarchiste, qui revêt en plus un caractère historique. L’accompagnement de l’enfant qui lit demeure précieux pour questionner et faire jaillir le sens d’un livre. Sans lui enlever le contrôle de sa pensée, l’adulte peut aiguiser sa pensée critique en lui présentant les rapports sociaux qui traversent son monde et en lui expliquant les idéologies qui façonnent les discours sur celui-ci. Autour de ses 11 ans, ou plus tôt avec un bon accompagnement, ce livre pourrait les intéresser. Notons que cette idée de recommander un âge demeure assez normative, chaque parent devrait en définitive juger elle-même ou lui-même. Enfin, même si selon son titre l’opuscule serait destiné « aux enfants », les adolescents et adolescentes et les adultes savoureront certainement cette lecture.

Ce livre ne se retrouve pas dans les réseaux commerciaux de distribution – et c’est voulu. Alors que les livres meurent comme marchandises sur les tablettes des magasins et des distributeurs, nous souhaitons que nos pages vivent en créant des occasions de se rassembler, en étant partagées comme outil éducatif et en soutenant les réseaux militants. Nous diffusons le livre par nos propres moyens lors d’événements militants et au sein de nos réseaux.

Les bibliothèques, milieux éducatifs et autres endroits alternatifs et ouverts aux enfants/adolescents, ainsi que les camarades qui souhaiteraient en obtenir une ou des copies peuvent manifester leur intérêt par courriel (cegsaglac@riseup.net). Aussi, contactez-nous si vous aimeriez organiser un lancement (une occasion de se rassembler) dans votre localité. L’automne dernier, nous nous sommes déplacé-e-s à Saint-Fulgence, Percé, Sherbrooke, Chicoutimi, Saint-Valérien-de-Rimouski, Québec, et Gaspé pour lancer le Dictionnaire anarchiste des enfants ; c’est bien la preuve que dans les villages et les petites villes aussi, il est possible d’organiser des événements anarchistes!

Appel international à la solidarité avec les anarchistes à Atlanta

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Mai 202023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La lutte contre la cop city et pour la forêt de Weelaunee a été explosive, expérimentale et sauvage pendant presque trois ans maintenant. Au cours de ce processus, nos ennemis nous ont brutalisés, ont accusé des personnes de terrorisme intérieur, les menaçant de 5 à 35 ans de prison, ont assassiné notre ami et camarade Tortuguita, ont tenté de réprimer notre lutte, et pourtant nous sommes toujours là à nous battre.

Alors que les forêts que nous avons juré de protéger sont coupées à blanc et que des personnes sont condamnées à de lourdes peines par les tribunaux, alors que nous envisageons la possibilité de raids, de répression, d’enquêtes et d’inconnu, nous voulons faire le grand saut. Nous ferons payer à nos ennemis chaque pouce de terrain. Nous ne leur laisserons pas un seul instant de répit.

Nous appelons à ce que les mécanismes du système capitaliste américain, le gouvernement et l’infrastructure qui le soutient soient attaqués afin de faire payer cette civilisation misérable et les responsables qui ont pris notre ami et qui lèvent la puissance de leurs tribunaux et de leur police contre nous.

Récupération de terres paysannes en Colombie

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Mai 202023
 

Du Projet accompagnement solidarité Colombie (PASC)

Depuis deux ans, des paysan•nes qui habitent sur les rives du marais de la Zapatosa en Colombie participent à la récupération de 8000 hectares de terre. Leur but est de protéger les zones humides, d’améliorer leur vie et de construire une souveraineté alimentaire. Ce faisant, les paysan•nes s’opposent à des puissants intérêts qui ont accaparé ces terres pour l’agroindustrie d’huile de palme et l’élevage bovin et de bisons…

Activer les sous-titres en français en cliquant sur CC en bas à droite.

Communiqué de la contre-manif de drag defense du 16 mai

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Mai 172023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le mardi 16 mai à 17h, un groupe proche de l’extrême droite mené par le complotiste François Amalega a lancé l’appel à manifester devant la Maison des familles de Mercier-Est (700 rue Georges-Bizet) dans le but de s’opposer à la tenue d’une heure du conte pour enfants avec la drag-queen Barbada. Les homophobes/transphobes ont été attendu·es de pied ferme par des antifascistes et des militant·es queer et trans, car où qu’ils aillent pour propager leur haine, nous sommes présent·es pour leur barrer la route et défendre nos communautés.

Aujourd’hui, 300 manifestants fabuleux·ses et déterminé·es ont fait face à une toute petite poignée de militants d’extrême-droite, tout au plus étaient-iels 5. On est loin des chiffres qu’Amalega était capable de rassembler pendant les confinements ou même à Sainte-Catherine le 2 avril. On voit que quand nos communautés s’organisent et se défendent, on est capable de mettre en déroute leur mouvement! C’est une excellente nouvelle et démonstration de force des milieux Queer/Trans et antifasciste, pourtant on ne baisse pas notre garde. On sait qu’il planifie d’autres manifestations similaires et nous sommes prêt·es à défendre nos communautés.

Le contexte : Depuis quelques mois, l’extrême droite canadienne – notamment sous l’influence des mouvements complotistes et évangélistes – a importé des États-Unis l’obsession anti-trans et anti-drag (puisqu’ils confondent les deux, et utilise les seconds pour s’en prendre au premier) et repris l’idée de manifester contre les « heures du conte en drag ». Ces manifestations réactionnaires font partie d’une montée grandissante de la violence envers les vies trans et LGBTQ+.

L’action anti-drag du 16 mai fait suite à une action semblable à Sainte-Catherine, le 2 avril dernier, qui était l’un des premiers événements de ce genre organisé au Québec. Cette journée-là, des néonazis du groupe « White Lives Matter » se sont mêlés aux anti-drag pour intimider les contre-manifestant·es antifascistes, mais celleux-ci se sont défendu et les ont repoussés avec succès.

Pourquoi ne pas laisser la police s’en occuper? Parce que la police n’a jamais été un allié des communautés LGBTQ+; au contraire, la police nous a activement réprimé, souvent dans la violence et, encore aujourd’hui, malgré sa rhétorique inclusive le SPVM perpétue la marginalisation des personnes queers, des travailleur·euses du sexe, des Autochtones et des personnes noires et racisées dans notre ville. Dans les dernières années, le SPVM a même régulièrement protégé les manifestations d’extrême droite! C’est pourquoi nous scandons que « la police est au service des riches et des fascistes ». Devant ce constat, nous avons décidé de prendre en charge nous-mêmes, en tant que communauté, la défense de nos espaces.

Amour et rage!

Pour des communautés vraiment solidaires et inclusives, veillons activement à notre propre sécurité!

Pour rester au fait des prochaines mobilisations de défense communautaire —

defense_communautaire@riseup.net
@pink_bloc_mtl
@MontrealAntifa
MontrealAntifasciste

Appel à la solidarité du mouvement Ekoni Aci ! Blocage au km 16 !

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Mai 132023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Afin de faire respecter le moratoire des coupes forestières sur leur territoire, le Nitaskinan, des Atikamekw de Manawan installent présentement un nouveau blocage. Il est situé au km 16 sur le chemin de la Manawan, au nord de St-Michel-des-Saints. Les compagnies forestières ont été mises au courant qu’elles ne pourront pas revenir avec leur machinerie au dégel le 19 mai. Nous devrons être nombreux nombreuses pour s’assurer qu’elles respectent cette consigne. 

Il est possible de venir dès maintenant pour aider à installer le camp. Ceux et celles qui pourront se libérer, les moments les plus sensibles risquent d’être du 19 au 26 mai. Le barrage restera en place par la suite et la solidarité toujours nécessaire. 

Les Atikamekw de Wemontaci ont également besoin d’appui présentement, dans le coin de Renard au rat. La tension monte et les propos se font menaçant. 

Il est aussi possible d’envoyer des sous pour le matériel, la nourriture et les déplacements ici: https://gofund.me/5820583c

Bash Back! Is Back : Faire revivre un réseau queer insurrectionnel (entretien)

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Mai 022023
 

De CrimethInc.

En 2007, durant les préparatifs d’actions contre la Convention Nationale Républicaine de 2008, un réseau insurrectionnel d’anarchistes queers s’est formé sous le nom de Bash Back! Au cours des trois années qui ont suivi, ce réseau a participé à une série de confrontations, d’efforts d’organisation et de publications, qui ont élargi et intensifié la lutte contre la normativité de sexe et de genre. Aujourd’hui, alors que les fascistes et autres fanatiques réitèrent leurs assauts contre les personnes queer et trans et que les anarchistes ripostent, il est urgent de renouveler la coordination et l’innovation. Dans ce contexte, les participants du réseau originel Bash Back! ont appelé à une nouvelle convergence Bash Back! en septembre 2023.

Dans leurs propres termes,

Les années qui viennent de s’écouler ont été marquées par l’intensification – de la crise, de l’aliénation, de la défaite et de la lutte. La droite ne se réfugie plus derrière des euphémismes : elle veut exterminer les personnes queer et trans. Face à cela, la gauche n’offre que de fausses solutions : voter, faire des dons, s’assimiler. Une décennie de représentation, de victoires juridiques symboliques, d’activisme sur les médias sociaux et de saturation du marché de masse ont aggravé notre situation à tous points de vue. Nos amis des beaux jours ne nous sauveront pas des conséquences de leur stratégie de visibilité vide. La conclusion inéluctable est que nous devons nous réunir pour nous protéger nous-mêmes.

L’histoire nous montre que l’héritage queer consiste à créer des liens dans un monde qui nous hait, qu’il est un héritage de joie émeutière, un héritage de riposte. Les attaques se poursuivront contre nos clubs, nos parcs, nos lectures drag de contes et nos frères et nos sœurs. Pour résister, nous avons besoin d’espaces – souterrains si nécessaire – pour nous retrouver, des espaces pour nous ressouvenir, pour construire, pour partager et pour conspirer.

Pour approfondir l’héritage de Bash Back! et ses possibilités actuelles, nous avons réalisé l’entretien suivant avec d’ancien.ne.s membres de Bash Back! qui prennent part à l’organisation de la prochaine convergence.


Parlez-nous de l’assemblée de septembre. Que peut-on faire pour y participer ou y contribuer ?

La convergence 2023 Bash Back! aura lieu à Chicago du 8 au 11 septembre. Nous invitons tous nos camarades queers pour un week-end de construction d’un réseau, d’apprentissage mutuel et d’élaboration de nouvelles stratégies et tactiques pour lutter contre l’ordre social. Nous organisons cet événement parce qu’il y a eu tant d’exemples stimulants de personnes queer qui ont riposté contre les fanatiques – par exemple, les réactionnaires qui essaient de faire fermer les spectacles de drags. Toutefois, nous avons besoin de plus de cohésion et de plus de stratégie, en raison notamment de l’escalade des agressions à l’encontre des personnes queer et trans dans tout le pays et dans le monde entier. Bien entendu, ces violences s’inscrivent dans le contexte d’une crise du capital profondément enracinée et qui ne cesse de s’aggraver, et d’une crise climatique qui s’intensifie de jour en jour.

Plus spécifiquement, il y a un besoin manifeste de construire une tendance queer combative qui soit anticapitaliste, anti-état et anti-assimilationniste. Les libéraux et les sociaux-démocrates ont promu l’assimilation afin que les personnes queer et trans puissent être utilisées comme des pions politiques, à sacrifier lorsque cela leur est opportun électoralement. Toute avancée dans la guerre culturelle n’a conduit qu’à la subsomption du queer à la logique du capital et à la fausse liberté agitée par la politique de consommation.

Pour ce qui est de la participation ou de la contribution, l’essentiel pour l’instant est que nous recherchons des gens pour prendre part au programme de la convergence. Nous acceptons les propositions jusqu’au 20 juin. En dehors de la programmation, la tâche la plus importante que les gens puissent entreprendre est celle de renforcer les relations et les affinités avec les membres de leurs communautés. Cela a toujours été l’essence de Bash Back! qui n’a jamais été une organisation centralisée mais plutôt un réseau de partage d’idées et de camaraderie.

Bash Back! a vu le jour à l’approche de la Convention nationale républicaine de 2008. Le fait qu’il ait vu le jour dans le Midwest plutôt que sur les côtes a-t-il influé sur son caractère et son développement ?

Les origines de Bash Back ! s’ancrent dans un contexte qui, une décennie et demie plus tard, semble très éloigné. Je pense que deux éléments ont joué un rôle essentiel dans le climat politique qui a donné naissance à Bash Back! : la méthode de protestation du “summit-hopping” et la popularité croissante de l’anarchisme insurrectionnel au sein du milieu anarchiste/radical de l’époque. Par “summit-hopping”, j’entends les grandes manifestations contre les rassemblements de capitalistes, comme le sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce à Seattle en 1999 et les réunions du Fonds Monétaire International, de la Banque mondiale, du G8 et du G20 tout au long des années 2000. Rétrospectivement, ces manifestations ont été spectaculaires et très médiatisées, mais en grande partie symboliques. Ensuite, l’anarchisme insurrectionnel a gagné en popularité, en particulier, je pense, auprès des personnes qui avaient été politisées ou radicalisées par le mouvement anti-guerre, mais qui voyaient aussi dans ce mouvement son échec total. En termes de tactique, l’accent était mis sur les groupes d’affinité et les black blocs.

Dans ce contexte, l’idée originale de Bash Back! est née de l’organisation de la perturbation de la Convention Nationale Républicaine (CNR) dans les Twin Cities (Minneapolis/St. Paul, Minnesota) en 2008. Lors d’une séance de stratégie à Milwaukee en 2007, l’idée d’un blocus queer/trans de la CNR a germé, et Bash Back! s’est développé à partir de cette idée initiale.

L’un des aspects les plus significatifs de la forme originelle de Bash Back ! est qu’il s’agissait en grande partie d’un projet d’anarchistes du Midwest. À l’époque, une grande partie de l’activisme queer “radical” ou progressiste le plus visible provenait des côtes, avec des milieux militants bien établis qui souvent en venaient à étouffer les nouvelles idées ou qui étaient empêtrées dans l’idéologie de la non-violence. On y retrouverait également un certain degré d’élitisme culturel, dans la mesure où l’on supposait qu’être un “queer radical” ne pouvait se faire que dans les grandes villes côtières libérales. Ainsi, Bash Back!, issu du Midwest et non lié à des scènes “queer radicales” déjà établies, a ouvert de nouvelles possibilités de militantisme, en résistance directe aux églises anti-queer, aux politiciens et aux autres groupes extrêmement hostiles aux gays.

Pouvez-vous nous rappeler quelques-uns des principaux événements, luttes et procès de la première phase de Bash Back! ?

Il est difficile de répondre à cette question, car beaucoup de choses ont eu lieu dans tout le pays grâce à Bash Back! Mais je pense qu’il est important de souligner quelques points:

  • DNC/RNC 2008: le réseau Bash Back! naissant a participé à des manifestations à Denver (pour la Convention Nationale Démocrate) et dans les Twin Cities (pour la Convention Nationale Républicaine).
  • Pittsburgh 2009: Bash Back! a organisé une marche très mouvementée pendant le sommet du G20.
  • L’Église Mt. Hope: En novembre 2008, des membres de Bash Back! ont perturbé a messe du dimanche dans une méga-église réputée anti-gay à Lansing, dans le Michigan. Cette action a donné lieu à un procès intenté par l’Alliance Defending Freedom contre Bash Back! qui, après une bataille juridique de plusieurs années, a abouti à une injonction permanente interdisant les perturbations dans les églises.
  • Campagne de vengeance de Duanna: I En février 2008, Duanna Johnson, une femme noire transgenre, a été tabassée par des policiers à Memphis, dans le Tennessee. Elle a été assassinée en novembre 2008, vraisemblablement par les policiers qui l’avaient rouée de coups quelques mois auparavant. Cela a déclenché une campagne à Memphis pour venger sa mort.

Participants in Bash Back! Lansing, interviewed in Details magazine after disrupting the service at a homophobic mega-church.

En outre, Bash Back! a organisé trois convergences:

  • Chicago 2008: elle s’est concentrée sur la planification d’actions autour de la DNC/RNC durant l’été 2008.
  • Chicago 2009: elle s’est focalisée sur le développement de Bash Back! en tant que mouvement, sur la création de liens et sur le renforcement de nos attaques contre l’ordre social. Une marche dans Boystown, le quartier gay de Chicago, a été attaquée par la police. Cela a engendré un conflit au sein de la convergence entre celleux qui se sont battu.e.s contre la police et les libéraux/identitaires qui ont prôné la non-violence face à la violence policière.
  • Denver 2010: c’était la dernière convergence de la mouvance Bash Back! ; le même clivage entre politiques libérales/identitaires et queer insurrectionnel se reproduisait sous nos yeux pendant toute la durée de la convergence mais nous ne voulions pas le voir. Ces tensions étaient aussi palpables qu’insurmontables, et c’est ainsi que Bash Back!, dans sa forme originale, a été considéré comme mort. Toutefois, ces faits marquants ne reflètent qu’une infime partie de l’action de Bash Back! Les sections de tout le pays ont participé à de très nombreux actes de vandalisme, à de nombreuses confrontations avec la police, à des manifestations contre les assimilationnistes et les exterminationnistes, à des affrontements physiques avec des religieux fanatiques et à d’innombrables actes de propagande. Tout cela constitue l’héritage de Bash Back!

Promotion pour la convergence de 2010 de Bash Back! de à Denver, dans le Colorado.

Expliquez-nous comment Bash Back! a opéré à partir des cadres politiques identitaires existants à la fin des années 2000, tout en s’y opposant.

Lorsque Bash Back! a commencé, l’idéologie de la non-violence prévalait dans le milieu militant. En termes de politique identitaire, nombre de ces militants libéraux/”radicaux” partaient du principe que toute confrontation était forcément le fait d’hommes blancs hétérosexuels machos de la classe moyenne/supérieure et qu’elle était donc raciste/sexiste/homophobe parce que les personnes queer/trans, les femmes et les personnes racisées subissent le plus gros de la répression et de la violence policières. Bash Back! s’est directement opposé à ce discours, constituant une grande partie du conflit qui a éclaté durant la convergence de Chicago en 2009. Certaines personnes n’arrivaient pas à croire que les queers/trans, les pauvres, les femmes et les personnes racisées pouvaient se battre contre les flics ou se montrer plus conflictuel.le.s. Une partie de l’attrait de Bash Back! résidait dans le fait que les personnes marginalisées se défendaient sans aucune honte et de manière concrète. D’un point de vue très pratique, Bash Back! était pro-violence, et les gens n’avaient pas l’habitude que les groupes marginalisés revendiquent ce point de vue.

En outre, Bash Back! s’est toujours positionné contre l’assimilation et contre les politiques identitaires libérales qui considèrent la représentation sociale, politique et économique comme une fin en soi. Ainsi, à l’époque où des questions telles que le mariage gay et le service militaire constituaient les principaux enjeux des organisations LGBT, Bash Back! s’y opposait fermement et s’en prenait même à des groupes tels que Human Rights Campaign et Stonewall Democrats, qu’il accusait d’être assimilationnistes ou de trahir les personnes trans selon le gain politique qu’ils pouvaient en tirer.

Un poster de Bash Back! s’opposant à la campagne assimilationniste visant à ce que l’armée soit plus inclusive.

D’un point de vue plus abstrait, je pense que les approches concurrentes de l’identité ont été dans les faits un élément central de la dissolution du mouvement de Bash Back! Il y avait un éventail de points de vue sur l’identité dans Bash Back! D’un côté, il y avait une tendance fortement influencée par le nihilisme queer et l’anarchisme insurrectionnel ; pour ce bloc, l’identité queer était une identité d’opposition à l’ordre social capitaliste et à son hétéronormativité. D’autre part, il y avait une approche plus positive de l’identité queer ; positive dans le sens où elle n’était pas basée sur une opposition politique à l’ordre social mais plutôt liée à l’expérience individuelle du genre/de la sexualité. Étant donné que Bash Back! était une organisation basée sur l’identité, ces compréhensions divergentes de l’identité queer ont conduit à des visions opposées qui ont fini par dissoudre le réseau.

Qu’est-ce qui a changé depuis l’apogée du réseau original ? Qu’est-ce que le modèle Bash Back! a à offrir aujourd’hui ?

Le premier réseau Bash Back! a vu le jour juste avant la crise économique de 2008. Depuis, nous avons le sentiment de passer d’une crise à l’autre – et en outre, les crises s’intensifient. Je pense que c’est probablement le plus grand changement depuis le début de Bash Back! ; la permanence de la crise et l’espèce de désespoir face à l’avenir ne s’étaient pas encore vraiment installées à cette époque. Il était autrefois assez mal vu de dire que les choses iraient de mal en pis et que nous n’avions effectivement pas d’avenir ; aujourd’hui, c’est ce que l’on comprend communément du sort des millennials et de la génération Z. Entre la crise apparemment permanente du capitalisme et la catastrophe climatique en cours, les choses apparaissent plus sombres aujourd’hui qu’elles ne l’étaient auparavant.

Bash Back! participant à une action antifasciste à une époque où les conflits sociaux étaient moindres.

Mais d’un autre côté, je pense que beaucoup des idées qui étaient popularisées non seulement dans Bash Back! mais aussi plus largement dans le milieu anarchiste à cette époque ont gagné du terrain d’une façon qui ouvre à de nouvelles potentialités. Par exemple, le concept d’abolition des prisons et l’idée d’aide mutuelle se se retrouvent dans des discours plus vastes. L’organisation syndicale s’est également développée dans des secteurs qui paraissaient inaccessibles auparavant, et il semble que cela a également conduit à une plus forte conscience de classe. Plus en accord avec l’objectif de Bash Back!, l’idée que les personnes sont non-binaires ou genderqueer s’est également répandue dans le courant dominant d’une manière que je n’aurais pas anticipée, étant donné le climat social dans lequel Bash Back! s’est formé à l’origine.

Sans trop me plonger dans une analyse économique aride, je pense qu’il est indéniable que les contradictions du capitalisme sont devenues plus visibles au cours de ces dernières années. Et l’histoire nous montre nettement que les crises du capitalisme se traduisent par une intensification des politiques réactionnaires et de la répression. Historiquement, nous pouvons prendre l’exemple de Magnus Hirschfeld, qui a été l’un des premiers à défendre les personnes queer et trans à Berlin dans les années 1930. On sait que les nazis ont brûlé des livres, mais on oublie souvent qu’ils ont brûlé la bibliothèque de l’Institut für Sexualwissenschaft de Hirschfeld, qui était peut-être la première organisation à défendre et à soutenir spécifiquement les personnes queer et trans. Il est donc évident que les personnes queer et trans sont les premières cibles des moments réactionnaires de l’histoire.

Un poster pour la première convergence Bash Back! de 2008.

En fin de compte, c’est ce qui rend le moment actuel si important et d’où nous pouvons tirer des leçons des débuts de Bash Back! Je pense que la force fondamentale du réseau Bash Back! résidait dans le fait qu’il se concentrait sur la construction d’une puissance non seulement en dehors de l’État et du capitalisme, mais aussi en opposition farouche à ces derniers. C’est essentiel, car l’argument de vente du parti démocrate ces dernières années a été de prétendre que les choses empireraient si les Républicains étaient au pouvoir. Et cela masque le fait que le parti démocrate est en fin de compte un parti du capitalisme ; il n’a ni la capacité ni la volonté d’améliorer les choses pour les individu.e.s. Tout ce qu’il offrira, c’est une sorte de dérive encadrée vers le fascisme, dont le prix est l’assimilation. L’alternative, bien sûr, est l’approche carrément exterminationniste des Républicains.

Bash Back! rejetait les politiques assimilationnistes, étatistes et capitalistes des principales organisations LGBT de l’époque et se concentrait sur la constitution par les personnes queer d’une communauté entre camarades, sur la pratique de l’entraide et de la solidarité et sur l’attaque de l’État, des capitalistes et des réactionnaires. C’est ce militantisme sans concession qui a été, selon moi, la contribution la plus importante de Bash Back! et qui devrait être au centre des préoccupations à venir.

Comment les gens peuvent-ils s’impliquer ? Quelles sont les tactiques et les stratégies que les gens peuvent mettre en œuvre dans leurs propres communautés de manière continue, afin que cela ne soit pas seulement une convergence mais vienne également imprimer un nouvel élan à travers le continent ?

Il est difficile de dire exactement comment s’impliquer dans Bash Back! Il est évident que nous voulons que les gens viennent à la convergence pour partager des idées, établir des contacts et créer des liens de solidarité. Mais pour ce qui est de la manière de s’impliquer, il n’y a pas vraiment de réponse toute faite. Ce qui a rendu Bash Back! si important, c’était en partie le fait qu’il s’agissait d’un réseau assez souple, avec des sections autonomes qui agissaient selon ce qui apparaissait comme logique aux personnes impliquées dans ces sections au niveau local.

Mais d’une manière générale, Bash Back! s’est concentré sur la confrontation avec les fanatiques religieux, l’entraide, l’autodéfense et la propagande. Fondamentalement, il faut comprendre que l’État ne nous protégera pas, pas plus que les politiciens, et que nous devons construire la solidarité au sein de nos communautés comme une question de survie. C’est pourquoi il est indispensable de renforcer la confiance et la camaraderie. Tout comme il est nécessaire de faire face à ceux qui veulent nous détruire. Et dans un monde qui cherche à nous maintenir dans la misère, toutes expressions et célébrations de la joie queer sont essentielles.

Pour ce qui est de la direction à prendre, les anciens Principes d’Unité de Bash Back! sont un bon point de départ:

  1. Lutter pour la libération. Rien de plus, rien de moins. La reconnaissance par l’État au travers d’institutions oppressives telles que le mariage et l’armée n’est pas un pas vers la libération, mais plutôt vers l’assimilation hétéronormative.
  2. Rejeter le capitalisme, l’impérialisme et toutes les formes de pouvoir d’État.
  3. S’opposer activement à l’oppression à l’intérieur et à l’extérieur du “mouvement”. Le racisme, le patriarcat, l’hétérosexisme, le sexisme, la transphobie et tous les comportements oppressifs ne doivent pas être tolérés.
  4. Respecter la diversité des tactiques dans la lutte pour la libération. Ne condamnez pas une action au seul motif que l’État la juge illégale.

Vous aussi, vous pouvez être Bash Back! Organisez une section et agissez dans votre communauté !


Autres lectures

Minimiser les traces ADN pendant les émeutes

 Commentaires fermés sur Minimiser les traces ADN pendant les émeutes
Avr 302023
 

Du Centre de documentation sur la contre-surveillance

D’après notre expérience, en Amérique du Nord, la plupart d’entre nous n’ont pas l’habitude de réfléchir aux traces ADN. Les informations sur la manière dont les traces ADN sont créées ou évitées se limitent à quelques mythes qui circulent. Ceci dit, on peut être à peu près sûr qu’à chaque fois qu’un sabotage incendiaire se produit, une équipe de police scientifique spécialisée dans l’ADN intervient également. Par exemple, une arrestation a été effectuée récemment pour un incendie de Jane’s Revenge[1] après que de l’ADN a été prélevé sur le lieu de l’incendie. On voudrait résumer ici quelques considérations d’ordre pratique. En se préparant et en comprenant bien comment l’ADN est transféré, il est possible de limiter considérablement la quantité d’ADN qu’on laisse derrière soi. Bien que l’ADN soit un élément qu’on devrait toujours garder à l’esprit quand on planifie sa participation à une émeute, on ne veut pas que les gens se sentent submergé·e·s par ces informations. Des connaissances concrètes nous permettent d’éviter le double piège de l’insouciance (faire comme si l’ADN n’existait pas) et de l’immobilisme (faire comme si laisser des traces qui finissent analysées en laboratoire était inévitable).

Comme l’explique la page sur les protocoles de minimisation de l’ADN de la Threat Library du CSRC :

« Nous perdons constamment de l’ADN sous diverses formes ; les cellules de la peau, les cheveux, la salive, le sang et la sueur sont autant de sources d’ADN qui, contrairement aux empreintes digitales, ne peuvent jamais être éliminées d’un objet de manière fiable une fois qu’il a été contaminé. Les protocoles de minimisation de l’ADN visent à permettre la manipulation d’objets sans y laisser de traces ADN. Comme on peut s’y attendre, ces protocoles visent à empêcher les cellules de la peau, les cheveux, les particules de salive présentes dans l’air, le sang et la sueur d’entrer en contact avec les objets. La destruction chimique de l’ADN est souvent également employée. »

Pour éviter ou au moins limiter significativement les traces ADN, il est nécessaire de porter des gants neufs, un masque facial, une charlotte ou, mieux encore, se couvrir entièrement les cheveux (par exemple avec un bonnet de bain) et des vêtements propres avec des manches et des jambes longues pour couvrir le plus de peau possible.

Dans un contexte d’émeute, il y a plusieurs choses auxquelles se préparer :

  • Soit vous cassez soit vous brûlez, mais pas les deux à la fois. Casser quelque chose implique parfois un contact important avec l’objet, ce qui risque de transférer des traces ADN sur l’objet en question (surtout si vous devez grimper dessus). Un feu soutenu détruira les traces ADN, mais pour un objet qui est d’abord cassé puis brûlé, ce n’est pas une garantie ; les parties de l’objet qui ont été touchées peuvent ne pas être suffisamment chauffées par les flammes pour que toutes les traces soient détruites. Dans un contexte d’émeute, cela signifie que les personnes ayant des intentions incendiaires devraient essayer de prendre l’initiative tôt, avant que les personnes ayant des intentions de casse ne s’attaquent à une cible donnée. Un scénario qui n’est pas idéal : une foule casse une voiture, quelqu’un touche peut-être la voiture avec des gants qui ont été portés plusieurs fois (et qui ont donc accumulé de l’ADN) ou se coupe sur la vitre cassée, puis quelques minutes plus tard, quelqu’un met le feu à la voiture. Scénario idéal : la voiture est brûlée en premier, ce qui ne nécessite pas de la casser – soit une bouteille d’accélérateur est placée sous le pneu avant (plus rapide, moins d’une minute), soit des cubes allume-feu sont placés sur le pneu avant (plus lent, environ cinq minutes). Il est parfois nécessaire de casser une fenêtre ou une porte pour accéder à un bâtiment, mais il est possible de brûler des machines et des véhicules sans rien avoir à casser en plaçant l’accélérateur au bon endroit.
  • Portez des gants imperméables neufs que vous n’avez jamais touchés auparavant et enfilez-les en dernier lieu, une fois que vous vous êtes déjà changé en black bloc. Cela permet d’éviter que des cellules de peau, des cheveux ou de la sueur se retrouvent à l’extérieur des gants et se transmettent à tous les objets que vous touchez. Manipulez toujours les outils que vous apportez avec cette nouvelle paire de gants, même si vous n’avez pas l’intention de vous en débarrasser. Veillez à ce que les outils que vous utilisez, et surtout les projectiles que vous laissez sur le site, soient exempts de votre ADN depuis le début, et transportez-les avec précaution. Les gants de vaisselle sont excellents pour se préparer à l’action (lorsque ce n’est pas gênant de se faire remarquer). Lors de l’émeute, vous pouvez utiliser des gants de travail dont la paume et les doigts sont recouverts d’une épaisse couche imperméable. Prévoyez une paire supplémentaire que vous pourrez enfiler au cas où vous vous toucheriez par erreur le visage ou autre.
  • Si vous utilisez un marteau, entraînez-vous à briser des vitres dans un environnement contrôlé avant de vous retrouver dans le feu de l’action. Le sang est une source d’ADN évidente, même pour l’enquêteur le plus incompétent. L’essentiel est de s’assurer que votre main ou votre bras ne dépasse jamais la fenêtre, ce qui nécessite de générer de la force à partir du poignet plutôt que du coude ou de l’épaule. Un coup de poignet rapide génère une force suffisante avec un marteau bien équilibré.
  • Veillez à ce qu’aucun objet ne puisse tomber pendant l’agitation – les fermetures éclair sont votre meilleur allié. Soyez particulièrement prudent·e·s au moment de farfouiller dans des sacs ou sacs à dos.
  • Les vêtements utilisés pendant l’émeute ne doivent pas être récupérés par la police scientifique si cela peut être évité. L’époque où on laissait un énorme tas de sweats à capuche noirs au milieu de la rue est révolue : les vêtements portent généralement des traces ADN. L’idéal est d’emporter les vêtements suffisamment loin pour pouvoir s’en débarrasser correctement (soit en les brûlant, soit en les plaçant dans un endroit où, s’ils sont retrouvés, ils ne seront pas considérés comme ayant un lien avec l’émeute). Il faudra faire preuve de discernement pour décider entre essayer de transporter les vêtements loin et les cacher quelque part sur l’itinéraire de dispersion. En cas de fouille, des vêtements noirs peuvent suffire à justifier une enquête, mais il est peu probable qu’ils mènent à eux seuls à une condamnation. Tout vêtement ou autre objet identifiable dans le sac pourrait être plus incriminant. Vous devrez donc évaluer le risque d’une fouille du sac et le mettre en perspective avec l’objectif de garder vos vêtements d’émeute hors des mains des flics. Les objets qui ne peuvent être dissimulés dans un sac à dos (comme les grands boucliers) peuvent être cachés, enduits d’eau de Javel (qui contient environ 10% d’hypochlorite de sodium – voir les lectures complémentaires ci-dessous) ou brûlés avec un accélérateur placé à l’avance sur l’itinéraire de dispersion (dans des bouteilles en plastique qui brûleront, pas dans un jerrycan).
  • N’utilisez pas de ruban adhésif pour fabriquer des molotovs à base de feux d’artifice. Le ruban adhésif est un aimant à ADN. Utilisez plutôt des zip-ties en plastique pour fixer le feu d’artifice à la bouteille. Idéalement, il devrait y avoir deux feux d’artifice pour la redondance, afin de minimiser la probabilité qu’un molotov non explosé soit récupéré. En outre, il convient de prendre des précautions pour minimiser l’ADN lors de la construction et du transport des molotovs (voir ici aussi les lectures complémentaires). Ces précautions sont particulièrement importantes si vous devez vous débarasser des molotovs avant d’avoir pu les utiliser. Les feux d’artifice seuls seront probablement tout aussi efficaces pour tenir les flics à distance sans risquer le même niveau de répression que les molotovs – il faut également veiller à ne pas laisser de traces ADN sur les douilles des feux d’artifice. Les molotovs traditionnels (avec une bouteille en verre) doivent heurter une surface dure pour se briser et ne sont donc pas fiables lorsqu’ils sont lancés à l’intérieur d’un bâtiment. Par exemple, sur le site du premier incendie de Jane’s Revenge, l’ADN de trois personnes a été trouvé sur un molotov non explosé, sur la vitre de la fenêtre et sur un briquet (dossier judiciaire disponible ici, utilisez le navigateur Tor).

Lectures complémentaires : Stratégies pour limiter l’accès de la police aux données ADN, et le sujet « ADN » du CSRC.


1. Note de la traduction : l’expression « Jane’s revenge » – référence au Jane Collective, groupe clandestin qui facilitait l’accès à l’avortement aux États-Unis entre 1969 et 1973 – a été utilisée pour revendiquer plusieurs actions de vandalisme et de sabotage contre des groupes anti-avortement qui ont eu lieu aux États-Unis en 2022.

Source: scenes.noblogs.org[archive.org]

L’air, la terre et les rivières ont besoin de révolutionnaires!

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Avr 232023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Dans la nuit de vendredi à samedi, une bannière a été déployée juste au dessus de l’autoroute 20 dans le secteur de Saint-Pascal/Saint-Germain-de-Kamouraska.

Nous avons choisi d’afficher cette bannière car nous estimons que la protection et la défense de l’environnement et de la multiplicité des écosystèmes qui le constitue nous incombe à tous et toutes. En tant qu’humain.e.s, nous estimons avoir la responsabilité de remédier aux erreurs de nos semblables.

Nous reconnaissons toutefois que l’anthropocène n’est pas un phénomène auquel tous.te.s contribuent dans la même mesure. Nous n’hésitons pas à pointer du doigt les coupables : les capitalistes de tout acabit, et les élu.e.s qui choisissent d’en être les complices.

Nous reconnaissons par ailleurs que les changements climatiques et la destruction de la biodiversité affectent de manière disproportionnée les communautés marginalisées, que ce soit à l’échelle mondiale, ou ici-même, en soi-disant Amérique du Nord (Île de la Tortue), territoire où les Premiers peuples continuent de subir les assauts répétés des États coloniaux et de leurs polices.

Au-delà de la rime un peu facile, le slogan de notre bannière vise à mettre en lumière l’importance d’un rapport entier et intègre à la nature et à ses éléments les plus essentiels. Nous sommes des personnes ordinaires, d’âges, de genre et d’horizons divers. Malgré nos expériences variées, nous sommes liées par la volonté d’en finir avec les compromis qui nous sont imposés à répétition.

Nous ne voulons plus de la demi-mesure perpétuelle dans laquelle tentent de nous coincer les tenants de la transition énergétique et de l’économie verte. Nous en avons assez d’applaudir avec complaisance des réformes don’t le seul mérite, s’il en existait, serait d’apaiser momentanément nos consciences éco-anxieuses en nous faisant miroiter le mythe du progrès infini et du salut par la technologie.

Nous refusons catégoriquement d’abandonner le sort de la terre et des êtres qui y vivent aux réformistes. À ceux qui saccagent la terre en toute impunité depuis trop longtemps : Nous choisissons aujourd’hui de prendre responsabilité face à votre irresponsabilité. À l’inaction nous répondons par l’action.

Solidarité avec toutes celles et ceux qui refusent de fermer les yeux sur la destruction de la terre, et qui, par leurs actions, honorent et favorisent la résurgence constante de la vie !

CDCS Bulletin #1

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Avr 092023
 

Du Centre de documentation sur la contre-surveillance

Ceci est le premier numéro d’une publication irrégulière du Centre de documentation sur la contre-surveillance, une base de données de ressources sur comment déjouer la surveillance ciblée.

Contre la surveillance ciblée, coordination internationale

On est des anarchistes. On croit en une coordination internationale de groupes anarchistes informels pour poursuivre la lutte contre toutes les formes de domination. On croit que le partage des connaissances sur les capacités et les tactiques de nos ennemis devrait être une partie importante de cette coordination. La connaissance n’est pas une fin en soi mais un moyen de limiter les risques de se faire prendre, afin de pouvoir continuer à attaquer.

Nos ennemis ont des capacités importantes et des tactiques perfectionnées. De leur côté, iels ont les institutions policières et judiciaires, les scientifiques et les technocrates, et dans certains cas, le soutien de la majorité de la population. Iels contrôlent de vastes réseaux d’infrastructures. Iels ont une mémoire infinie, des archives et des bases de données ADN.

De notre côté, on a la nature informelle et décentralisée de nos organisations, les ombres pour se cacher, et la solidarité pour s’entraider dans les moments difficiles, pour continuer les combats des camarades qui ne peuvent plus le faire.

Quoi qu’il arrive, nous faisons et continuerons à faire des erreurs dans la lutte contre des mécanismes d’oppression aussi puissants. Des erreurs qui « coûteront » toujours plus cher par rapport aux erreurs des flics qui sont « absorbées ». Nous devons évaluer à nouveau les situations et veiller à ce que les erreurs commises une fois ne se reproduisent plus. Nous devons étudier et apprécier l’expérience accumulée depuis tant d’années et, en tenant compte de la tendance à se préparer pour les batailles qui ont déjà eu lieu et non pour celles qui viendront, soyons prêt·e·s et que la chance soit de notre côté…

camarades anarchistes de Grèce, dans un texte détaillant la surveillance qui a conduit à leurs arrestations, 2013.

Nos ennemis s’organisent déjà au niveau international ; iels partagent des informations, des tactiques et des développements technologiques et scientifiques. C’est regrettable, mais ça signifie aussi qu’un rapport rédigé par des camarades dans un pays – sur, par exemple, une bonne façon d’éliminer les traces ADN, ou un micro-espion trouvé dans un squat, ou un outil pas cher pour abattre les drones de la police – pourrait aider d’autres personnes n’importe où dans le monde.

Certes, tout ne doit pas être partagé publiquement. Parfois, des informations encore inconnues de nos ennemis doivent rester secrètes en fonction d’une stratégie ou d’un plan spécifique. Mais sinon : partageons nos connaissances et nos expériences, et organisons-nous !

On présente : la Threat Library

L’objectif de la toute nouvelle Threat Library du CSRC est simple : examiner l’éventail des techniques répressives de l’État afin de mieux les déjouer. Cette « bibliothèque » documente deux douzaines de techniques de maintien de l’ordre différentes, les divisant en trois tactiques (dissuasion, incrimination et arrestation) et proposant pour chacune d’elles des mesures d’atténuation [mitigations] potentielles, c’est-à-dire des moyens de limiter les dégâts. Elle établit également un lien entre ces techniques et des opérations répressives spécifiques menées par les États contre des anarchistes au cours des deux dernières décennies.

La Threat Library est destinée à vous aider à « établir un modèle de menace », processus par lequel vous essayez de comprendre quels types de mesures l’État est susceptible de prendre contre vous afin de vous y préparer. Il est préférable de faire cet exercice en collaboration avec les camarades avec lesquel·le·s vous travaillez sur un projet spécifique. Un bon modèle de menace peut transformer la peur ou la paranoïa en courage, en nous donnant une idée précise de ce à quoi nous sommes confronté·e·s afin que nous puissions prendre des précautions. En d’autres termes, cela nous aide à décider de la sécurité opérationnelle (OpSec) appropriée.

Le CSRC suggère d’utiliser la Threat Library pour créer des « arbres d’attaque » [attack trees]. « Les arbres d’attaque sont un outil permettant de faciliter un brainstorming collectif sur les différentes façons dont un adversaire pourrait réussir à vous attaquer dans un contexte donné, en représentant les attaques sous la forme d’un arbre. » Consultez le tutoriel de la Threat Library pour obtenir un guide étape par étape sur leur utilisation.

La Threat Library peut aussi être consultée en dehors de l’établissement d’un modèle de menace. Supposons que les anarchistes de ma région ont l’habitude de faire face à des infiltré·e·s ou des indics qui tentent de briser leur organisation. Dans l’onglet « Incrimination », je sélectionne « Infiltrators ». En 300 mots, l’entrée liste cinq principaux types d’infiltré·e·s et propose trois mesures d’atténuation possibles (l’attaque, le principe need-to-know, et un exercice consistant à faire une carte de nos relations sociales). Si je clique sur le lien « infiltrators topic », j’obtiens une liste de 27 textes écrits par des anarchistes sur des infiltré·e·s dans leurs réseaux. Ma peur des infiltré·e·s est atténuée par la connaissance des signes spécifiques à rechercher et par des outils pratiques pour renforcer mes réseaux de confiance.

Avec des sujets allant des visites domicilaires [Door knocks] aux perquisitions [House raids] en passant par la criminalistique [Forensics], la Threat Library vise à être complète tout en restant brève et pertinente. Le CSRC dispose d’une énorme quantité d’informations sur la répression et la façon d’y faire face. La Threat Library résume et trie toutes ces informations pour qu’elles soient pratiques et faciles à analyser. La Threat Library est disponible en format brochure pour faciliter sa lecture et sa distribution.

Est-ce qu’il y a une technique, une mesure d’atténuation ou une opération répressive qui manque ? Est-ce que vous voulez modifier une technique actuellement répertoriée ? Pour agrandir, améliorer, critiquer ou commenter la Threat Library, contactez-nous à l’adresse csrc@riseup.net.

Une base sur laquelle s’appuyer : distinguer la sécurité opérationnelle (OpSec) et la culture de la sécurité

Parfois, des termes apparentés deviennent des synonymes, et parfois ça peut être bien. Le français en est rempli, comme « super » et « génial » – la différence entre ces mots ne manque à personne.

Mais parfois, laisser s’estomper la différence entre les termes nous fait aussi perdre un élément de sens utile. La sécurité opérationnelle (OpSec) et la culture de la sécurité sont deux termes qui ont des significations similaires mais distinctes, et les deux sont des éléments nécessaires de la pratique anarchiste de la sécurité contre la répression.

L’OpSec fait référence aux pratiques spécifiques utilisées pour éviter de se faire prendre pour une action ou un projet donné. Certaines pratiques d’OpSec incluent porter des gants et des masques, changer de chaussures, des mesures pour éviter de laisser de l’ADN, des vêtements de black bloc, l’utilisation de Tails pour un accès anonyme à Internet, et ainsi de suite. L’OpSec se situe au niveau de l’action ou du projet. Ces pratiques peuvent être enseignées, mais en fin de compte, seules les personnes qui réalisent ensemble un projet spécifique doivent se mettre d’accord sur les pratiques d’OpSec à utiliser.

Selon Confidence Courage Connection Trust : « La culture de la sécurité fait référence à un ensemble de pratiques développées pour évaluer les risques, contrôler le flux d’informations à travers vos réseaux et établir des relations d’organisation solides. » La culture de la sécurité intervient au niveau de la relation ou du réseau. Pour être efficaces, ces pratiques doivent être partagées aussi largement que possible.

À première vue, l’OpSec peut sembler plus importante. Si nous avons les pratiques dont nous avons besoin pour être en sécurité, pense-t-on, alors qu’importe ce que font les autres personnes du milieu ? De nombreu·x·ses anarchistes sont (à juste titre) sceptiques à l’égard des milieux et ne se considèrent pas comme connecté·e·s ou dépendant·e·s de personnes avec lesquelles iels n’ont pas d’affinités. Beaucoup d’énergie dans l’espace anarchiste est consacrée au perfectionnement de l’OpSec, ce qui semble approprié, puisque si vous voulez mener une action offensive, il est préférable de ne pas se faire prendre.

Cependant, la culture de la sécurité est également importante, et une bonne OpSec ne la remplace pas. Elle fournit le contexte social – la base – sur lequel repose toute notre activité. En effet, que nous le voulions ou non, nous sommes toutes intégré·e·s dans des réseaux, et le prix à payer pour s’en couper complètement est élevé. Sans une base stable, il est beaucoup plus difficile d’agir en toute sécurité.

Pour en revenir à Confidence Courage Connection Trust, les auteur·ice·s écrivent que la culture de la sécurité ne consiste pas à se fermer, mais à trouver des moyens de rester ouvert aux connexions avec les autres en toute sécurité. Cela implique d’avoir des conversations honnêtes sur les risques et de définir des normes de base avec des réseaux plus larges que les seules personnes avec lesquelles nous avons l’intention d’agir. La culture de la sécurité n’est pas statique – il ne s’agit pas seulement d’un ensemble de règles que les membres des milieux « radicaux » doivent connaître. Elle doit être dynamique, fondée sur des conversations permanentes et sur notre meilleure analyse des modèles de répression actuels.

Des pratiques telles que le vouching (établir des réseaux de confiance en se cautionnant entre nous), cartographier nos relations sociales et se renseigner sur le passé des gens peuvent sembler relever de l’OpSec et constituer un élément important de la planification de certaines actions, mais elles sont issues de la culture de la sécurité. La culture de la sécurité consiste à se demander « ce qu’il faudrait pour que je te fasse confiance ». Cela ne signifie pas que vous devez cautionner toutes les personnes que vous connaissez ou que vous ne passez pas de temps avec les personnes que vous ne cautionnez pas, mais simplement que vous savez clairement à qui vous faites confiance pour quoi et pourquoi, et que vous disposez de mécanismes pour apprendre à faire confiance à de nouvelles personnes en toute sécurité.

Aucune bonne habitude sur la façon de parler des actions qui se produisent dans votre ville (culture de la sécurité) ne vous protégera si vous laissez de l’ADN sur la scène de crime (OpSec), et aucune détection de la surveillance physique (OpSec) ne vous protégera du flic infiltré qui s’est lié d’amitié avec votre colocataire afin de se rapprocher de vous (culture de la sécurité). Les pratiques d’OpSec et de culture de sécurité sont distinctes et l’une ne remplace pas l’autre. En développant une compréhension plus approfondie des deux cadres, on peut essayer de se maintenir hors de prison tout en continuant à créer des liens et à étendre les réseaux informels d’affinité.

Extraits contre la surveillance

Dans cette section, on veut partager avec vous de courts extraits qui relèvent des sujets couverts par le CSRC, mais qui ne justifient pas une entrée distincte sur notre site web. Vous pouvez nous envoyer de tels extraits si vous souhaitez qu’ils soient publiées dans le prochain numéro.

En 2021, plusieurs personnes ont été arrêtées en France suite à l’incendie de véhicules appartenant à Enedis et d’une importante antenne-relais. Un texte détaille l’éventail intéressant de techniques de surveillance qui ont précédé leurs arrestations : filature, prélèvement ADN sur la poignée d’une voiture pendant que son propriétaire faisait des courses, entrée dans un domicile la nuit pour installer un keylogger sur un ordinateur, demande à Enedis de fournir la liste des personnes qui ont refusé l’installation du compteur Linky, et demande à un journal local de fournir les adresses IP qui ont accédé à leur article sur l’incendie.

En 2022, deux anarchistes ont été arrêté·e·s en Italie et accusé·e·s de fabrication et de possession de matériel explosif. Un texte explique que l’enquête qui a conduit aux arrestations a commencé lorsqu’un « inconnu » a trouvé du matériel explosif, du matériel électrique et d’autres dispositifs dans une forêt en juin 2021. Par la suite, les flics ont installé des pièges photo/vidéo pour « capturer » toute personne qui s’approchait de la zone. Une personne a ainsi été photographiée de dos près de l’endroit, et les flics ont prétendu l’avoir reconnue et identifiée.

Pour terminer cette section, voici une citation pleine d’espoir d’un communiqué revendiquant la responsabilité de l’incendie d’un bâtiment de constructeurs de prisons en Allemagne :

Afin de ne pas produire de bonnes images sur les caméras de surveillance, nous portions des K-ways pour dissimuler la forme de nos corps et nos démarches. Pour rendre la forme de nos têtes méconnaissable, nous avons utilisé des chapeaux. Le développement des techniques d’analyse vidéo inquiète de nombreu·x·ses camarades. Avec ces conseils nous voulons montrer les possibilités de résister contre cette technique de surveillance.

Contribuez au CSRC !

Nous proposons d’utiliser notre site web pour faciliter le partage de connaissances et d’expériences entre camarades sur le thème de la surveillance ciblée.

Parcourez nos plus de 180 ressources sur csrc.link, également accessible dans le navigateur Tor via une adresse .onion.

Imprimez nos tout nouveaux stickers et diffusez-les autour de vous.

Contribuez en nous envoyant un email à csrc@riseup.net – si vous voulez chiffrer, notre clé PGP est ici.

Dix astuces pour casser les téléphones

  1. mets le feu à ton téléphone
  2. jette ton téléphone dans le canal
  3. mets les téléphones de tes amis dans un plus grand feu
  4. jette tous les téléphones dans le canal
  5. n’apporte pas toujours ton téléphone (quelqu’un·e pourrait le jeter dans le feu)
  6. parlez-vous les un·e·s aux autres, pas à votre écran
  7. détruis les preuves (c.f. astuces 1 et 2) et ne laisse pas les autres fabriquer des preuves (c.f. astuces 3 et 4)
  8. fais de l’utilisation du téléphone un sujet
  9. sois injoignable par téléphone, sois sociable
  10. nique la technologie

Rumoer n°5, « Dix astuces pour casser les téléphones »

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Compte-rendu de l’action d’autodéfense communautaire du 2 avril 2023 à Sainte-Catherine

 Commentaires fermés sur Compte-rendu de l’action d’autodéfense communautaire du 2 avril 2023 à Sainte-Catherine
Avr 042023
 
« Respecte mes potes trans, ou on va s’identifier comme un ostie de problème. »

De Montréal Antifasciste

Les complotistes, l’extrême droite… et quelques nazis se donnent rendez-vous pour intimider les drag queens;
les communautés LGBTQ+ et antifasciste se serrent les coudes et tiennent tête aux trolls haineux;
renouant avec la tradition, les fafs se retrouvent à nouveau isolés au fond d’un parking…

Contexte

Le 2 avril avril 2023, l’artiste drag Barbada de Barbades était invitée par la municipalité de Sainte-Catherine, sur la rive sud de Montréal, à animer une « Heure du conte en drag » (Drag Queen Story Hour) pour une vingtaine de familles de la région intéressées à cette activité principalement conçue pour susciter l’intérêt des enfants pour la lecture, démystifier la diversité de genre et favoriser l’ouverture à la différence. L’activité était organisée à la bibliothèque municipale de Sainte-Catherine.

Il faut rappeler que Barbada anime des heures du conte depuis 2016 (elle n’est d’ailleurs pas la seule à le faire), mais ça n’est que dans les dernières années – et de manière très marquée dans les derniers mois – qu’une partie des milieux complotistes adjacents à l’extrême droite québécoise s’est emparée de cette nouvelle marotte, sous l’influence combinée de la droite conservatrice évangéliste et de la complosphère antisanitaire coalisée autour du soi-disant « convoi de la liberté ». L’hystérie anti-drag s’inscrit en fait dans un mouvement plus large de diabolisation des minorités sexuelles et de genre, et en particulier des transidentités, qui sont cadrées dans différents fantasmes de complot rattachés, par exemple, à la « grooming panic », au « pédosatanisme » (un thème central de l’univers QAnon) et, dans certains cas, à la théorie raciste et antisémite du « grand remplacement ». Ce mouvement de fond de l’extrême droite transphobe gagne même du terrain actuellement, aux États-Unis, sur le plan législatif et institutionnel.

Ici, c’est le militant antisanitaire François Amalega Bitondo, connu pour ses frasques durant la pandémie de COVID-19, qui a décidé de mener la charge contre les heures du conte en drag, maintenant que son opposition aux mesures sanitaires ne lui attire plus l’attention à laquelle il s’est manifestement habitué. Amalega semble avoir connu une certaine fanatisation au cours des dernières années, notamment au contact des évangélistes de Théovox et du désinformateur André Pitre (Lux Média); il est devenu pro-Trump, pro-Poutine et a avalé différentes saveurs de kool-aid conspirationniste, dont l’actuelle hystérie anti-drag, qu’il campe dans un langage explicitement transphobe. Depuis quelques semaines, il mobilisait ainsi sa base de suiveux pour aller manifester contre l’heure du conte à Sainte-Catherine. Il a aussi tenté (en vain) de perturber une heure du conte le 25 mars à la bibliothèque de Westmount, avec une poignée de sympathisant·es.

C’est devant la menace claire et imminente que représente ce mouvement réactionnaire, qui en dernière analyse vise à marginaliser et à opprimer leurs communautés, qu’un réseau ad hoc d’antifascistes queers, trans et allié·es a commencé à organiser une intervention de défense communautaire à Sainte-Catherine. Parallèlement, d’autres initiatives se sont organisées spontanément sur les médias sociaux, dont une manifestation « OUI aux DRAGS » visant à opposer une présence festive aux complotistes/intolérants.

Or, Barbada et son entourage ont signifié une semaine avant l’événement (avec les renseignements qui étaient disponible à ce moment-là) qu’elle préférait que rien du tout ne soit organisé en réaction à la manifestation anti-drag, dans l’espoir qu’en ignorant tout simplement ce mouvement, il s’essoufflera et disparaîtra naturellement. Or comme nous l’avons souvent dit, quand il est question des mouvements fascistes et fascisants, la pensée magique ne fonctionne pas. L’organisateur de la manifestation « OUI aux DRAGS » a tout de même choisi d’annuler son événement, suscitant la perplexité chez de nombreux·ses participant·es. En réaction à cette dérobade, un énoncé anonyme a été publié l’avant-veille de l’événement, notamment relayé par le P!nk Bloc et Montréal Antifasciste, pour expliquer en quoi cette analyse est problématique et confirmer que la mobilisation de défense communautaire allait de l’avant malgré tout, dans une perspective beaucoup plus large que la simple défense de l’heure du conte.

Le jour venu…

L’heure du conte était prévue à 10 h; Amalega et ses trolls avaient lancé un appel à manifester devant le centre communautaire où se situe la bibliothèque municipale dès 9 h 30.  Amalega est arrivé sur place à 8 h 45 et a stationné sa voiture dans le parking du petit centre commercial situé de l’autre côté de la rue. Il a immédiatement été bloqué et encerclé par une douzaine de militant·es, qui l’ont empêché de traverser la rue et l’ont en quelque sorte « confiné » dans le parking. Dans sa webdiffusion, Amalega dit à plusieurs reprises être « agressé » et avoir « peur pour [sa] vie », mais la vidéo montre clairement que les militant·es ne font que lui bloquer le chemin avec une bannière et lui demander de s’en aller. Ce face-à-face a duré plusieurs minutes, tandis que d’autres manifestants anti-drag se joignaient peu à peu à Amalega (un sympathisant particulièrement agressif a décidé de jouer au cow-boy et a dû être recadré un peu à ce moment-là) et que le contingent défensif grossissait lui aussi, jusqu’à ce que les policiers de la MRC Rousillon viennent s’interposer entre les deux groupes.

Dans la demi-heure qui a suivi, les deux camps ont continué à gonfler, alors que la confrontation devenait peu à peu statique; le noyau des anti-drag formé autour d’Amalega est resté confiné sur un bout de trottoir pour les deux heures suivantes, derrière une ligne de police, tandis qu’une partie des défenseur·es se regroupait autour de ce noyau et que d’autres circulaient dans le secteur pour accueillir les manifestant·es anti-drag et leur faire comprendre qu’iels étaient en situation hostile. Quelques escarmouches mineures ont eu lieu, mais rien de sérieux. D’autres renforts sont ensuite arrivés pour les deux camps : de nombreux véhicules ornés de drapeaux et de décorations de type « convoi de la liberté » vomissaient des complotistes dans le parking, et un autobus nolisé avait transporté une trentaine de défenseur·es avec des collations, du café, des éléments de costumes et un système de son. Dans l’heure et demie suivante, le bloc défensif a pris un caractère festif, coloré et irrévérencieux, les camarades gigotant sur des airs populaires et des chansons de Disney, et les anti-drag se morfondant sur leur bout de trottoir, n’en revenant pas d’avoir été piégé·es de la sorte.

Il convient de dire ici que le milieu complotiste a largement été épargné par les antifascistes au cours des trois années marquées par la pandémie. Malgré la proximité mainte fois explicitées entre l’extrême droite et les fantasmes de complot, les enjeux d’ordre sanitaire relèvent pour l’essentiel de choix personnels, et il est compliqué et délicat d’intervenir contre des personnes et des regroupements sans contours clairs dont le principal défaut est d’adhérer à des balivernes antiscientifiques. Une ligne est toutefois franchie lorsque ces fantasmes de complot visent directement nos communautés et compromettent notre sécurité à court, moyen et long terme. C’est cette ligne que franchissent actuellement les anti-drag et les transphobes avec leur panique bidon, et il est absolument nécessaire de leur envoyer le message que les communautés queers et trans ne se laisseront pas intimider sans se défendre. Qu’il ne subsiste aucun doute à cet égard : si les queerphobes/transphobes persistent dans leur démarche de diabolisation de nos communautés, iels nous trouveront toujours sur leur chemin. Queers bash back, darling…

Finalement, l’information a circulé vers 11 h que l’heure du conte avait été déplacée à un autre édifice municipal et avait eu lieu comme prévu, sans problèmes. Les anti-drag avaient donc perdu sur toute la ligne, et les défenseur·es peuvent se targuer d’une belle réussite sur le plan stratégique, même si la mobilisation considérable des phobes a de quoi inquiéter.

Les nazis s’en mêlent…

Les médias ont fait état de quelques altercations, d’usage d’irritants chimiques et d’arrestations. Ce qui n’a été dit nulle part, cependant, c’est que ces altercations concernaient des individus clairement identifiés à l’extrême droite la plus radicale, dont une poignée de néonazis et de suprémacistes blancs « connus de nos services ».

En plus de quelques vétérans de l’âge d’or (2017-2019) du milieu national-populiste xénophobe/islamophobe, comme Michel Éthier et Luc Desjardins (La Meute, Storm Alliance, Front patriotique du Québec, gilets jaunes/Vague bleue, etc.) et du désinformateur en chef, André Pitre (Lux Média), des invités-surprise ont été aperçus parmi les anti-drag.

À un moment donné, trois individus ont eu la curieuse idée de se planter au milieu du contingent défensif et de déployer une bannière où l’on pouvait lire « Sales pédos hors du Québec ». Bien que dans l’absolu, il soit tout à fait noble de dénoncer et de combattre la pédophilie, il était en l’occurrence légitime de croire que ces individus louches n’étaient pas là pour les bonnes raisons, et leur bannière a été confisquée immédiatement, ce qui a donné lieu à une foire d’empoigne lorsque l’un d’eux a voulu la récupérer. Il s’est fait un peu brasser par les défenseur·es, suite à quoi des policiers sont intervenus pour casser l’altercation et escorter les trois intrus un peu plus loin, mais une autre altercation à éclaté aussitôt et mené à l’arrestation d’un des gêneurs. Or, en examinant les photos des individus en question, des camarades ont reconnu le leader du groupe local du réseau White Lives Matter, auquel Montréal Antifasciste a consacré un article en mars 2022.

La bannière déployée par des militants suprémacistes lors de la manifestation anti-drag de Sainte-Catherine, le 2 avril 2023, et promptement confisquée par les antifascistes.
À Gauche Raphaël Dinucci St-Hilaire, leader du groupe suprémaciste blanc White Lives Matter; à droite, possiblement Bruno Lacasse-Freeman, (ex-)militant de Soldiers of Odin.

La bannière déployée par des militants suprémacistes lors de la manifestation anti-drag de Sainte-Catherine, le 2 avril 2023, et promptement confisquée par les antifascistes.

À Gauche Raphaël Dinucci St-Hilaire, leader du groupe suprémaciste blanc White Lives Matter; à droite, possiblement Bruno Lacasse-Freeman, (ex-)militant de Soldiers of Odin.

Ce militant suprémaciste blanc très actif, que nous n’avions jusqu’à présent identifié que par son sobriquet sur Telegram, « Whitey », est un résident de Laval répondant au nom de Raphaël Dinucci St-Hilaire. Ce nazillon a eu droit à un coup de semonce l’hiver dernier et a eu une année entière de sursis pour abandonner ses activités militantes, mais au contraire il a redoublé d’activité et collé des centaines de collants suprémacistes blancs dans la région de Montréal, en plus de participer à des activités d’accrochage de bannière. Il a commis une erreur fatale en allant manifester contre la communauté queer/trans à Sainte-Catherine. La méthode douce est terminée, et monsieur Dinucci peut tenir pour acquis que la communauté antifasciste de Montréal a épuisé sa réserve de patience à son égard.

Raphaël Dinucci St-Hilaire, militant de While Lives Matter Québec.

Quant à son camarade qui s’est fait arrêter, il ne nous est pas possible de l’affirmer avec certitude, mais nous croyons qu’il s’agit d’un (ancien) membre des Soldiers of Odin, Bruno Lacasse-Freeman, alias « Burn SOO », lequel n’a jamais trop caché ses penchants suprémacistes.

Bruno Lacasse-Freeman, alias « Burn SOO », est possiblement le militant suprémaciste qui a été interpellé par la police lors de la manifestation anti-drag du 2 avril 2023.

Mais nous n’étions pas au bout de nos surprises! Quelques minutes plus tard, un autre nazi, et non le moindre, a été aperçu en marge de la manifestation. Nul autre que Sylvain Marcoux, un abonné des activités de surveillance antifasciste (antisémite enragé, grand admirateur d’Adolf Hitler et d’Adrien Arcand, proche de la Fédération des Québécois de souche, dirigeant du Parti nationaliste chrétien, etc.) était là, accompagné par deux jeunes adultes. Il s’est fait apostropher et a été poliment invité à se joindre au groupe anti-drag pour éviter l’escalade. Il a plutôt décidé de jouer au coq et de faire monter la tension, ce qui n’a pas tardé. Il a été pris à partie, s’est mis à gesticuler comme un forcené et a finalement frappé une camarade, après quoi il a mangé ce qu’il est convenu d’appeler une crisse de volée. Les policiers sont intervenus avec du poivre de cayenne et ont interpellé Marcoux, qui a vraisemblablement été relâché plus tard sans accusations.

Le pipeline nationaliste identitaire -> complotisme -> haine queerphobe

Dans une vidéo publiée quelques heures après l’événement, le mononcle facho et ex-Farfadaa, Luc Desjardins, décompressant sa crise de nerfs tout seul chez lui (20 1e avenue/Chemin Talbot, à L’Assomption), déplore le fait que les anti-drag se sont fait complètement humilier et appelle au « militantiste » à se regrouper « vraiment vraiment vraiment » contre « les antifas et les grandes crisses de fofolles », tout en versant son fiel sur son ancien camarade Steeve Charland.

Ce n’est pas un hasard si toutes ces figures connues de l’extrême droite (soft et dure) se retrouvent aujourd’hui dans la nouvelle hystérie complotiste à la mode. Depuis plusieurs années, ces différentes lubies sont importées ici des États-Unis à la faveur des bulles de médias sociaux plus ou moins hermétiques dans lesquelles baignent ces milieux et où circulent librement toute sorte d’amalgames, de désinformations et de fantasmes toxiques qui alimentent constamment la fanatisation des personnes qui s’y trouvent exposées. Une très grande partie de ces personnes ne se rendent même pas compte qu’elles sont attirées dans une spirale descendante qui les inocule à la haine et les rapproche graduellement, mais inexorablement de l’extrême droite et des néonazis.

Face à ce phénomène, nous n’avons pas le choix de mobiliser nos forces, promouvoir l’autodéfense communautaire et faire tout en notre pouvoir pour déconstruire et combattre les discours haineux qui visent nos communautés. Les discours transphobes, notamment, résonnent de plus en plus fort dans la société mainstream depuis quelque temps; des lois sont adoptées aux États-Unis pour réprimer les droits des minorités sexuelles et de genre, des comédiens de haut niveau normalisent les moqueries et l’intimidation à l’égard des personnes trans, et la droite religieuse gagne chaque jour un peu plus de terrain.

Ce serait une grave erreur de croire que ces phénomènes vont s’arrêter à la frontière et que le Québec y est imperméable. Les mobilisations contre les drag queens ne sont que le premier signe de cette contamination, et nous croyons qu’il est nécessaire de tuer ce mouvement dans l’œuf, comme toutes les tentatives menées par l’extrême droite d’imposer ses idées et son programme.

N’oublions jamais qu’ensemble, nous sommes plus fort·es, et que quand nos droits et nos existences sont attaqués, la seule réponse possible est l’autodéfense communautaire.