Valve d’oléoduc fermée et sabotée
Le visage de la guerre a changé… celui de la guerre de classes aussi
Aux wobblies, aux marxistes civilisé-es, aux gentil-les anarchistes de salon qui parlent bien, au reste de la Gauche bien polie qui parle d’après-révolution…
Dans chaque contexte socio-géographique le système capitalisme génère sa propre réalité d’oppression, de destruction, d’exploitation sociales à l’échelle et selon le caractère de son développement. Au Moyen-Orient ce sont les invasions militaires récurrentes, les frappes de drones, les groupes de jihadistes Takfiri aux ceintures d’explosifs, les trafiquants d’armes et de drogues soutenus par des États occidentaux; dans les État occidentaux surdéveloppés ce sont les flics harcelant partout dans les rues, l’appareil technologique qui envahit et impose sa domination sur le territoire, la machinerie et les troupes embrigadées de la construction poussant l’empire infini de la banlieue et de ses autoroutes, le tout sous les commandes des promoteurs-parasites et des technocrates. La guerre sociale permanente n’est pas que généralisée sur plusieurs fronts et métastases, mais prend forme aussi sous une multitude d’aspects et de dimensions. C’est pour ça qu’il ridicule que de penser -comme certain-es osent encore le faire, soit naïvement ou malhonnêtement- la « révolution sociale » comme ce fut pensé il y a une centaine d’années, ou au mieux en Catalogne durant les années ’30. Sans doute à Rojava ça ne l’est pas… faut voir!
D’autogérer les « usines », qui ont pour la plupart été exportées en Chine et au Bangladesh, ça veut dire quoi au juste? L’industrie par ici veut dire une industrie de masse parasitaire et destructrice de la construction/immobilier poussant la gentrification dans les villes comme les banlieues sans fin à l’encontre de la dite « campagne »; ça veut dire une industrie des « nouvelles technologies », notamment du contrôle social et de la biotechnologie toxique; ça veut dire une industrie du spectacle, incluant tout le cosmétique… le « show » de la vie quotidienne; ça veut dire aussi un complexe industriel de l’identité et de ses politiques identitaires. Ça veut dire, globalement, la société-machine. Pourrie de toutes parts mais toujours aussi fonctionnelle et sordide, nous souriant toujours, machinalement.
Au delà de la question de comment autogérer des secteurs aussi complexes, sauvagement compétitifs, ultra-compartimentés d’une industrie fondamentalement hostile et anti-humaine/anti-naturelle, pointant ses armes contre le personnel et l’interpersonnel, il y a la question de l’à-quoi-bon organiser une quelconque reprise de cette industrie par sa force de travail, qui est déjà achetée de toutes pièces dès sa jeunesse, à travers le système d’éducation et les nombreux dispositifs technologiques de contrôle de masse.
L’accumulation techno-industrielle, en parallèle direct et causal avec l’expansion impériale de la société de la commodité, s’est soldée par une invasion de la commodité et de son spectacle dans nos vies, prenant maintenant la forme bien logique et conséquente d’une invasion technocratique de nos vies, du vivant en général, allant dans le sens d’une domination totalitaire où nous ne sommes réduit-es qu’à être des bio-machines de chair et de sang, où l’humain sert plus à la machine industrielle que l’inverse. Le prolétariat, le nouveau prolétariat d’après-guerre du moins, participe à ce processus, activement et farouchement. L’idéal sur les lèvres de tous-tes est la sacro-sainte quête du pouvoir -idéal inquestionné même chez une bonne part de soi-disant radicaux soi-disant critiques de la société dominante- se traduisant par la poursuite de la prospérité, de l’atteinte d’un statut, de meilleurs conditions matérielles, d’un « levier » social/politique/économique plus puissant pour soi, son clan, sa famille, sa bande… mais bien-sûr avant tout pour soi. Les valeurs intellectuelles, esthétiques, ludiques, morales, humaines n’ayant pas en substance d’intérêt, ou au mieux comme soutiens interchangeables à la valeur centrale du dogme; le capitaliste, sous toutes ses formes, est un être vide de sens et de sensualité, qui n’a de goût que pour l’objet de possession et de domination, surtout pour l’idée de possession et de domination, plus que l’objet lui-même.
Sanctionné par un système de lois et de règles (pas toujours formelles, encore moins souvent acceptées de tous-tes) restreignant la jouissance directe, le capitalisme se fait État, et l’État en est indissociable, fondamentalement. De parler d’État capitaliste est un pléonasme; il n’existe rien d’autre qu’un État légitimant et régulant le jeu de la quête du pouvoir, ce qui veut dire protégeant et permettant la consolidation de ceux qui en ont le plus accumulé. Par ici, c’est un secret encore trop bien gardé par les autorité officielles comme leurs soi-disant critiques que le trafic des drogues dures, surtout la Sainte Cocaïne, est un moteur de ce puissant capital en voie de consolidation, défendu et en partie contrôlé par ces mêmes autorités (gouvernmentales, corporatistes, médiatiques surtout). L’Armée, les services secrets, même la police, notamment, en sont les vecteurs centraux. C’est l’ »indépendance » de force du Kosovo, par exemple, qui -par l’entremise de l’aéroport des forces de l’OTAN- a permis à de répandre de l’héroïne Afghane bon marché partout en Europe et au-delà.
Dans un tel ordre social, toute forme de radicalisme de Gauche niant ou ignorant la réalité d’une telle domination technologique (qui inclut la pharmaceutique bien entendu) comme étant un front en soi pour renverser ce monde ne se résume qu’à être une secte ésotérique, une frater-sororité religieuse convaincue dur comme fer en une analyse aussi romancée que déphasée, déconnectée d’une part signifiante de la réalité de l’oppression dans ce système. Ou avez-vous vu des anarcho-communistes se joindre à la résistance locale contre la construction d’antennes de télécoms et de compteurs intelligents, ou bien contre l’élargissement d’une banlieue? Faut être chanceux-se pour voir ça, du moins par ici. Mais pourtant…il s’agit de fronts cruciaux de l’invasion capitaliste qui profite directement à son renforcement et son accumulation systématique sans fin apparente. Toutefois il est pas trop tard, toutefois, pour comprendre et se mettre à jour avec la réalité post-Guerre Civile d’Espagne de la technocratie capitaliste. Suffit de sortir un peu de la bulle socio-culturelle son petit milieu militant, loin en dehors aux frontières de ce monde sordide. Tout-e soi-disant-e radical-e devrait une fois de temps à autres aller faire une balade de vélo « en dehors », autant que possible avec des complices, pour constater l’état actuel de la guerre de classes, compter le nombre de victimes non-humaines qu’elle fait sur les routes, continuellement, repérer géographiquement les zones et fronts d’invasion capitaliste, surtout se familiariser avec un autre monde, naturel, qui se fait étouffer graduellement dans l’étreinte d’une grille de domination bien réelle et concrète.
Surtout, le capitalisme étant bien plus qu’une philosophie suspendue dans les nuages, il devrait être compris comme nécessaire, en tant que « révolutionnaires », que de cartographier et schématiser le système de relations et de flux, concrets comme relationnels, le faisant fonctionner au quotidien et lui permettant d’envahir toujours plus.
Et que savez-vous des « capitalistes » eux-mêmes, que savez-vous de leurs réseaux sociaux, leurs clubs, sectes, sociétés secrètes, gyms et restos préférés? Saviez-vous que… les « riches », le « Pouvoir », les « capis », les « bourgeois », les « gestionnaires » vivent sur cette même terre et respirent le même air, sont parfois même parmi vous ou dans les environs?
Si t’es pour le moins intéressé-e à avoir un véritable levier contre ce Pouvoir plutôt que de te donner collectivement l’impression d’en avoir un, penses un peu à ça. Ça peut être une bonne idée aussi d’en parler, pragmatiquement, avec tes ami-es… entre deux manifs de soir ou assemblée.
Valve d’oléoduc fermée et sabotée
Soumission anonyme à Montréal Contre-Information
Y a-t-il pas de meilleure façon de commencer la nouvelle année qu’en fermant des foutus oléoducs?
À un moment dans la nuit du 3 Janvier 2016, des individus se sont aventurés dans l’ombre près du lieu dénommé Cambridge et ont fermé un robinet manuel d’oléoduc pour restreindre le flux de la Ligne 7 d’Enbridge. Nous avons ensuite attaché un dispositif de verrouillage pour retardé leur temps de réponse.
La ligne 7 est un autre oléoduc qui a récemment subi une augmentation de sa capacité et qui est opéré par Enbridge, fonctionnant en parallèle à la ligne 9 et acheminant 180 000 barils par jour de pétrole brut des sables bitumineux.
Cette action fut entreprise pour montrer notre amour et notre soutien sans fin envers les courageux-euses qui ont commis-es des actions similaires sur des territoires traditionnels des peuples Huron-Wendat, Mohawks et Anishinaabek.
Qui plus est, on est passé à l’action pour contrer le nouveau discours de l’État; pour lutter contre les accusations absurdes et exagérées portées contre ceux-elles de Sarnia, et pour leur montrer qu’on ne se laissera pas intimider.
Nous luttons pour l’eau et pour la terre, et nous luttons pour nos vies.
On va toujours riposter, que ce soit avec le soleil qui nous réchauffe le visage ou bien avec la lumière de la lune pour nous guider.
Joignez-vous à nous.
Pas de sables bitumineux, pas de pipelines.
Feux d’artifice devant les prisons à Laval
Au jour de l’an, plus de 100 personnes se sont rassemblées pour une manif de bruit devant les prisons hors de Montréal à Laval : Le Centre de surveillance de l’immigration, l’unité à sécurité minimale du Centre fédéral de formation, et la prison Leclerc. Sur les bannières, on lisait en anglais : Happy New Year, Free All Prisoners et Our passion for freedom is stronger than prison (Joyeuse année, Libérez tous les prisonnierEs et Notre passion pour la liberté est plus forte que la prison)
Au Centre de surveillance de l’immigration, nous n’avons pas pu établir de contact visuel avec les personnes à l’intérieur mais nous savons grâce aux années précédentes que les feux d’artifices et les chants peuvent être entendus au-delà des murs. La caméra vidéo de la police qui suivait la manifestation à pied a été bloquée par des bannières, et les manifestantEs ont marché dans leur chemin pour entraver leur file. À Leclerc et au Centre fédéral de formation, on pouvait voir les prisonnierEs faire clignoter les leurs lumières, envoyer la main et crier par les fenêtres. Des feux d’artifice ont été déclenchés en abondance à chaque prison, et des discours ont été lus par système sonore contre les prisons et sur leurs liens avec les systèmes de colonialisme, de suprémacie blanche et de capitalisme. Des mots d’encouragement et de solidarité avec les prisonnierEs ont été transmis en français, en espagnol et en anglais.
Nous sommes heureux que trois manifestations de bruit aient eu lieu au Québec ce jour de l’an. On espère que cette tradition puisse servir de moment pour saluer une année de lutte continue et variée contre le système carcéral et contre les personnes, institutions et infrastructures qui le maintiennent.
Extrait de l’appel :
«Nous voulons célébrer la résistance à l’intérieur des prisons. En avril 2015, 70 mères du Karnes County Detention Center au Texas ont fait la grève. Ces femmes migrantes ont fait la grève de la faim pour demander leur libération tout en demandant l’asile aux États-Unis. En août, des prisonniers détenus en isolement à long terme en Californie ont gagné un recours collectif fédéral, stoppant efficacement l’isolement à long terme indéfini. En octobre, Amazon, une femme trans anarchiste présentement emprisonnée en Californie, a fait une grève de la faim, demandant d’être transférée dans une prison pour femmes. À Lindsay, en Ontario, des détenus de l’Agence Frontalière du Canada au Centre correctionnel du Centre-Est sont en grève depuis deux ans, demandant la fin des détentions pour immigrants. Ce ne sont que quelques exemples de résistances prisonnières qui se sont produites cette année. Nous sommes solidaires avec celles et ceux qui luttent contre les murs des prisons de l’intérieur.
Les prisons ont été créées pour isoler les gens de leurs communautés. Les manifs de bruit sont un moyen concret de combattre la répression et l’isolation. Nous voulons étendre notre message de solidarité aux gens à l’intérieur, et leur souhaiter bonne année. Par contre; une bonne année en serait une sans prison et sans ce monde qui nourrit leur existence.»
Feux d’artifice du nouvel an à la prison des femmes de Joliette
De La Solide – Anti-répression Montréal
Le 31 décembre en soirée, nous nous somme rendu à la prison fédérale des femmes de Joliette (la seule prison pour femme purgeant des sentences de plus de 2 ans au soi-disant Québec), dans la région de Lanaudière. Nous tenions deux banières avec les inscriptions: L'(A)MOUR POUR LA LIBERTÉ NOUS FAIT ENNEMI.ES DE L’AUTORITÉ et LA LIBERTÉ EST NOTRE ARME ABSOLUE. Nous avons lancé quelques feux d’artifice, avons pu communiquer avec les filles détenues et chanter notre solidarité. Plusieurs d’entre-elles sont sorties aux portes de leurs unités (petites maisonettes dans la court de la prison), ou sont allées à leurs fenêtres. C’était une première du genre à cette prison.
Solidarité avec tous les prisonniers en lutte
Jusqu’à ce que nous soyons tous libre
DÉTRUISONS TOUTES LES PRISONS ET CE MONDE QUI EN A BESOIN
Action de solidarité avec les détenu-es du centre de détention de Rimouski
Le soir du 31 décembre, une vigile de bruits s’est tenue devant la prison de Rimouski. Une dizaine de personnes s’étaient réunies avec casseroles et feux d’artifices pour l’évènement. La gardienne de sécurité nous a bloqué l’accès dès le début de l’action et 3 voitures de police se sont rapidement rendues sur place, nous demandant de ne plus entrer sur le terrain de la prison. Nous avons tout de même continué l’action, lisant le manifeste des détenu-es contre l’austérité et faisant le point sur la situation à Rimouski.
Si des gens sont en contact avec des détenu-es à Rimouski qui pourraient témoigner de leur situation quotidienne, il est possible de nous contacter pour relayer l’information et enrichir le dialogue.
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La prison de Rimouski serait l’une des pires en terme de surpopulation au Québec, avec un taux d’occupation atteignant les 130 à 135% en 2013. Je vous laisse imaginer la situation deux ans plus tard, avec les mesures d’austérité imposées par le gouvernement libéral. Les détenu-es sont entassé-es, couchent au sol ou à deux dans des cellules prévues pour une personne.
Durant l’année 2013, trois prisonnier-es ont subi une détention illégale et ont été relâché-es en retard à cause d’erreurs dans le traitement des documents ou durant le calcul de leur peine. Durant la même période, deux tentatives de suicide ont eu lieu. En plus, on remarque une augmentation du nombre de personnes ayant des troubles de santé mentale qui sont dirigées vers l’établissement carcéral de Rimouski, malgré une absence flagrante de médecin-es et de soins adaptés. Les conditions de vie deviennent de plus en plus insupportables et la tension entre les détenu-es ne fait qu’empirer. Il est temps que ça change.
Nous voulons soutenir les luttes à l’intérieur des prisons à travers le Québec et aider les détenu-es à faire entendre leur voix au-delà des murs!
Comme la plupart des prisonnièr-es sont enfermé-es pour des crimes liés à leur condition de vie, nous soutenons que toute détention est politique!
Solidarité avec les personnes incarcéré-es
Plan de sécurité d’Enbridge
De Submedia.tv
Les reportages des médias de masse soutiennent qu’Enbridge a arrêté son pipeline « Ligne 9 » pour des raisons de sécurité. Voici ce qui s’est réellement passé.
Une boutique de vêtements Yuppie attaquée à St-Henri
Soumission anonyme à Montréal Contre-Information
Au petit matin du mardi 22 décembre, nous avons utilisé des morceaux de porcelaine pour briser une fenêtre de la boutique de vêtements Yuppie au coin de Notre-Dame et Delinelle dans le quartier montréalais de St-Henri. Nous nous sommes ensuite servi-e-s d’un extincteur détourné pour arroser de peinture couleur vomi l’intérieur du commerce, vandalisant la marchandise.
Les boutiques comme celle-ci transforment le quartier en le rendant plus attrayant pour les riches, augmentant le prix des loyers et le coût de la vie, expulsant des gens de leur chez-soi, et amenant davantage de contrôle social dans les lieux où nous vivons.
Cette action se veut en réponse à l’appel pour un Décembre Noir. Nous avons choisi cette cible à cause de toutes les façons évidentes par lesquelles les gentrificateurs rendent misérable la vie des pauvres et des rebelles, et aussi parce que nous refusons le discours politique gauchiste de la « mixité ». Nous ne vivrons pas paisiblement aux côtés des individus et des commerces qui mettent des policiers et des caméras de surveillance à chaque coin de rue et intensifient le pouvoir des patrons et des proprios sur nos vies.
Nous invitons les autres à intensifier les attaques contre les formes concrètes que prennent le capital et le contrôle social autour d’elles et eux.
Pas besoin d’une grève pour se révolter contre l’État : Réflexions sur la manif de soir du 18 décembre
La nuit du vendredi 18 décembre, environ 150 personnes se sont rassemblées au centre-ville de Montréal pour une manifestation de soir. Cette manifestation était la troisième d’une série entamée le 30 novembre et continuée le 9 décembre, la deuxième constituant probablement la manif combative la plus réussie à Montréal depuis la grève étudiante de 2012. Le 18 décembre était vu comme la chance d’amener encore plus loin la combativité et le courage nous ayant permis de nous réapproprier autant de temps et d’espace la nuit du 9 décembre.
L’invitation disait : La nuit nous appartient. La jeunesse emmerde le gouvernement, les riches et les fascistes, sans oublier les flics. La lutte ne fait que commencer, pas besoin d’une grève pour se révolter contre l’État. Cette manif sera aussi en solidarité avec les camarades emprisonné-e-s en Grèce et pour le Décembre noir. Contre les violences étatiques nous serons la réplique. Love and Rage
Pour plusieurs d’entre nous, les attentes étaient hautes dû à l’excitation courrant discrètement à travers la ville et au raffinement des stratégies dans la semaine précédente. La foule réunie au carré Berri, moins nombreuse qu’espéré, n’avait cependant pas l’air mal préparée à la rencontre.
La nuit, en revanche, appartient en grande partie à la police. Malgré les roches et les fusées lumineuses lancées en leur direction pendant l’affrontement final sur Ste-Catherine, il leur a été permis de contrôler l’itinéraire de la manifestation à chacune des intersections clés et comme de raison, d’entraîner la manif vers un secteur géographique où il leur fût ensuite facile de disperser la foule à l’aide de gaz lacrymogènes et de charges d’anti-émeute. Alors que la foule était repoussée vers l’Est sur Ste-Catherine, les vitrines de la banque Laurentienne, de commerces gentrificateurs du quartier gay et d’au moins une voiture de police ont été fracassées, mais le caractère désespéré de ces attaques était bien loin du joyeux saccage sur le boulevard René-Lévesque de la semaine précédente.
Malheureusement, l’aspect le plus mémorable de cette nuit fût probablement la présence de policiers undercover dans la manif, certains accoutrés de leur risible interprétation du black bloc. Lorsque dénoncés par des participant.e.s de la manif, ceux-ci répliquèrent vicieusement à de nombreuses reprises en tabassant, arrêtant, poivrant ou même en pointant leur arme à feu vers les individus ou groupes qui tentaient de les démasquer ou de les confronter. Il y avait longtemps que les flics n’avaient tenté aussi effrontément d’infiltrer une manif à Montréal, et nous y voyons une réponse directe à la popularité et à l’efficacité des tactiques black bloc du 9 décembre dernier. En envoyant des infiltrateurs aussi aisément identifiables dans des manifestations combatives et en s’attaquant aux participant.e.s, le SPVM énonce clairement ses buts (mis à part blesser et terroriser ses ennemis) : générer la méfiance envers les individus qui choisissent de se masquer pour se défendre contre la répression.
La police espère que l’on associe ceux et celles qui dissimulent leur identité à des agents provocateurs, créant ainsi un climat dissuadant l’adoption de tactiques black bloc et facilitant par le fait même le contrôle policier de la situation. Dans les heures qui suivirent la dispersion de la manif, des images et descriptions d’infiltrateurs se sont mises à circuler de manière virale sur les médias sociaux. Des manifestant.e.s pacifiques jouaient déjà le jeu des forces policières en défendant publiquement la thèse que les attaques envers les flics effectuées par des anarchistes la nuit du 18 étaient en fait orchestrées par la police elle-même par le biais d’agents provocateurs qui (d’après cette logique) auraient mis en danger leurs coéquipièr.e.s afin de se mêler à la foule et de justifier la répression policière qui s’ensuivit.
Le spectre d’undercovers dans les manifs ne date pas d’hier, et nous pensons que les meilleures manières de le contrer demeurent. Parmi celles-ci, les black blocs fournis et bien exécutés où les gens sont impossibles à distinguer les uns des autres empêchent les infiltrateurs de bien suivre ce qui se déroule et de récolter des preuves contre un.e participant.e en particulier. Le bloc et la foule devraient demeurer relativement bien regroupés, pour rendre plus difficile les arrestations ciblées où les forces policières attaquent un individu et l’écartent de force de la foule. Lorsque des manifestant.e.s sont capable d.identifier avec certitude un infiltrateur, celui-ci devrait être éjecté de force de la manif, de manière à décourager l’utilisation de cette tactique. Souvenons-nous de la manif du 15 mars 2010 où le black block s’en est pris aux infiltrateurs déguisés et les a chassés hors de la foule à l’aide de roches, de bâtons et de feux d’artifice. À la suite de cette intervention, la police s’est abstenu de faire appel aux infiltrateurs pendant assez longtemps.
De nombreuses personnes sont légitimement ébranlées par cet incident, mais nous souhaitons également réfléchir à la manifestation dans son ensemble. Nous trouvons encourageante la manière dont nous avons réussi à matérialiser un esprit de révolte au cours des trois dernières semaines, mais nous pensons que vendredi dernier aurait pu être tellement plus, et, sans annoncer publiquement les virages stratégiques que nous souhaitons emprunter, nous désirons offrir quelques pistes de solution au pourquoi de notre si grande vulnérabilité aux interventions policières.
Pendant que des participant.e.s se masquaient au tout début du trajet, des caméras en direct filmaient encore une fois dans toutes les directions. Une analyse provenant d’un compte-rendu sur la manif du 9 mérite d’être soulignée : « Idéalement, nous aurions une culture spontanée d’éduquer les gens sur pourquoi c’est nuisible, et ensuite si nécessaire de prendre action contre ces personnes ou leurs appareils. Nous souhaitons par contre mentionner que plusieurs médias indépendants qui filment de manière régulière les manifs semblent avoir des pratiques solides reliées au fait de ne pas enregistrer ou publier des vidéos incriminantes. » Nous souhaitons néanmoins ajouter que la vidéo, peu importe ce qui est gardé lors de l’édition, devrait être évitée pendant les quinze premières minutes d’une manif (pendant que des personnes se masquent), car elle fournit des preuves précieuses à la police.
Notre position s’affaiblissait à chaque fois que nous laissions les flics nous dicter notre itinéraire en bloquant deux des quatre directions à une intersection, mais il n’y a eu aucun effort majeur de tenter de suspendre la progression de la marche et de forcer les lignes policières ou bien de faire marche arrière (comme le 9 décembre où un volte-face rapide et bien exécuté a permis d’échapper au contrôle policier). Par le passé, nous avons fait l’erreur d’attendre que de telles décisions stratégiques nous soient dictées par des organisateurs.trices présumé.e.s à l’avant de la manif, mais il y a également une forte culture dans les manifs de nuit de s’organiser par la coordination de groupes autonomes proposant et adoptant des tactiques si assez de personnes sont motivées à les mettre en branle. En l’absence de cette intelligence autonome et alors que l’avant de la manifestation dépassait en grande vitesse les intersections bien gardées par l’anti-émeute, chaque quadrilatère était ressenti comme un pas de plus vers le piège que nous tendait la police. Historiquement, grâce à des méthodes variées, nous avons mis fin aux arrestations de masse de même qu’aux cordons de flics nous entourant sur les trottoirs. En ce moment, la nécessité stratégique la plus urgente consiste probablement à empêcher le contrôle de notre itinéraire par des lignes de flics bloquant les intersections comme bon leur semble.
La cohésion du bloc et sa capacité d’organisation résultante laissait également à désirer. Des douzaines de personnes étaient en full bloc, et une cinquantaine de plus étaient au moins masquées, mais nous étions trop souvent dispersé.e.s dans la foule. Le 18, le manque de cohésion a rendu la coordination informelle en temps réel entre les groupes affinitaires plus difficile, et les actions du bloc ont majoritairement échoué à s’appuyer entre elles afin de créer un tout plus grand que la somme des parties. Par exemple, à plusieurs occasions, des lignes de police ont récolté un jet de deux ou trois projectiles – pas assez pour faire flancher un flic derrière son armure. Une pluie de trente roches, d’un autre côté, pourrait réalistement provoquer leur retrait, ouvrant potentiellement un espace pour que la manif se dirige vers un terrain plus favorable. Que le bloc soit capable de se concevoir en tant qu’unité cohésive et agisse comme une seule force serait à même de rendre possible un tel genre de coordination.
Il nous faut également trouver de meilleures façons de parer l’utilisation des gaz lacrymogènes, qui, pour la troisième manif nocturne de suite, ont réussi à disperser la foule.
Nous sommes ravi.e.s de voir apparaître des manifs anarchistes combatives indépendantes des mobilisations étudiantes et qui puissent exister en dehors des moments prévus pour le combat de rue, comme les manifs du 1er mai ou bien du 15 mars. Quand les manifestations combatives peuvent seulement se produire dans le cadre de vastes luttes réformistes, elles sont conçues comme utiles seulement parce que les émeutes renforcent le rapport de force avec l’État, augmentant les chances que celui-ci cède aux demandes du mouvement (contre l’austérité, la violence policière, etc). Les manifs combatives sans revendications mettent une analyse anarchiste du pouvoir en pratique : en refusant de concevoir nos luttes en termes de revendications et de demandes, nous refusons les miettes que nous offre l’État, nous refusons ses tentatives de réaffirmer son contrôle et sa légitimité et nous apprenons à créer notre propre puissance, qu’il leur est ensuite beaucoup plus difficile de nous enlever. Développer notre puissance, développer une lutte anarchiste autonome dans cette ville, engager le conflit avec l’autorité en dehors des horaires, lieux et narratifs préétablis – voilà des buts ayant une valeur intrinsèque.
Les nombreuses manifs-action pendant les grèves nous ont habitué.e.s à utiliser des groupes de quelques centaines de manifestant.e.s pour permettre des blocages et des occupations. L’utilisation de la manifestation combative ouvre une nouvelle possibilité d’action directe avec une capacité de frapper directement des cibles urbaines autrement difficilement attaquables (infrastructures de transport, postes de police, etc…) ou de défendre des territoires libérés (ZAD, squats, etc). Prendre l’habitude d’appeler à des manifestations comme celles des dernières semaines permet aux anarchistes de s’autonomiser des mouvements sociaux réformistes. Il est nécessaire d’appeler ces manifs pour ponctuer le fil des jours avec cette rage destructrice, que ça soit pour donner une force à des événements anarchistes ou en réponse directe à des attaques contre nos luttes.
Plus de ressources réfutant la thèse des agents provocateurs :
In defense of the Black Bloc: disproving the accusations against those who wear masks
Photos des undercover soupçoné.e.s :