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La fausse nouvelle de TVA et la panique islamophobe à l’extrême droite

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Déc 152017
 

De Montréal-Antifasciste

Le mardi 12 décembre, TVA Nouvelles rapportait que des travailleuses de la construction embauchées sur un chantier routier devant la mosquée Ahl-Ill Bait à Côtes-des-Neiges avaient été réassignées à distance de la mosquée en réponse à une requête formulée par la direction de la mosquée. TVA a initialement affirmé avoir obtenu copie du contrat de travail stipulant cette clause qui, si elle s’avérait, serait sexiste et illégale.

En moins de quelques heures de la diffusion de ce reportage, une vague d’indignation s’est répandue dans les médias sociaux. En moins de temps qu’il ne faut pour crier « fake news », plusieurs personnalités islamophobes et d’extrême droite ont dénoncé agressivement, non seulement la mosquée Ahl-Ill Bait, mais l’ensemble des musulmans ainsi que divers politiciens qui apparemment ne prenaient pas position assez rapidement, sans parler de la Fédération des femmes du Québec, qui a été accusée de garder le silence parce que sa nouvelle présidente, Gabrielle Bouchard, est une femme trans (et donc, veut-on nous faire croire, indifférente au sexisme).

Avant la fin de la journée, des faits contredisant le récit de TVA ont commencé à sortir. Le conseil exécutif de la mosquée ont expliqué qu’ils n’avaient jamais formulé une quelconque requête pour retiré les travailleuses du site. «Nous avions effectivement demandé l’accès au stationnement, sur l’heure du midi les vendredis, mais n’avons jamais demandé l’exclusion de personne. Cette requête, si elle existe, ne provient pas de notre organisation», a affirmé le porte-parole Moayed Altalibi par communiqué. Ceci a été confirmé par Serge Boileau, le président de la Commission des services électriques de Montréal (CSEM), qui gère le chantier, qui a d’ailleurs indiqué que la personne qui surveille le chantier pour la CSEM est une femme. «Elle est là depuis trois ou quatre semaines, et n’a pas été informée de quelque demande que ce soit, ni été importunée par quiconque.»

Malgré ces faits contredisant clairement les mensonges de TVA, les réseaux sociaux liés à l’extrême droite ont continué à répandre l’information fausse voulant que des femmes avaient été retirées du chantier à la demande de musulmans. En fait, le fait que le porte-parole de la mosquée insiste pour dire que la mosquée n’a aucun problème avec la présence des femmes a été cité comme preuve que les musulmans sont des menteurs à qui l’on ne peut faire confiance.

Ça n’est pas la première fois qu’un reportage malhonnête à propos des musulmans au Québec devient viral. Ça n’est pas la première fois que l’extrême droite se mobilise sur la base de fausses informations. Et ça n’est pas la première fois non plus qu’une nouvelle semble découler directement de la désinformation de l’extrême droite : les captures d’écran de Mark-Alexandre Perreault (qui semble être la source initiale de cette histoire) montrent que cet individu n’est pas un intervenant neutre et désintéressé dans cette histoire :

 

Suite au reportage de TVA, la madone d’extrême droite sur les médias sociaux, Josée Rivard, s’est dépêchée à mettre en ligne une vidéo où elle fustige la présidente de la FFQ, Gabrielle Bouchard, dans une invective transphobe, avant de tourner son fiel vers les musulmans qui seraient responsable d’avoir fait perdre une journée de travail à une travailleuse de la construction. À partir d’une vision faussée des relations ethniques au Québec, elle vocifère : « On a toujours reçu tout le monde, on n’a jamais eu de problèmes tout d’un coup il y a un gang de morons qui s’en viennent défaire toutes les affaires. »

Peu de temps après, deux femmes proches de La Meute, « Sue Elle » (aka Sue Charbonneau) et « Kat Baws » (aka « Kat Akaia »), ont lancé un appel à manifester devant la mosquée Ahl-Ill Bait dans l’intention explicite de perturber la prière du vendredi le 15 décembre. Sue Elle a été impliquée dans de nombreuses mobilisations racistes en 2017, participant à des manifestations organisées par CCCC, le Front patriotique du Québec, Storm Alliance et La Meute. En étroite collaboration avec des boneheads néonazis proche des Soldats d’Odin et d’Atalante, elle a aussi essayé d’organiser une manifestation contre les réfugié-e-e haïtien-e-s au Stade olympique le 6 août dernier, un événement que les organisateurs ont été forcés d’annuler en raison de la contre-mobilisation antiraciste.

Kat Baws est elle aussi proche de La Meute (son partenaire « Pat Wolf » occupe un poste officiel dans le Klan 16 – Montérégie) et de Storm Alliance, et étaient l’une des organisatrices de l’événement « Tous unis pour les démunis », une opération (ratée) de relations publiques menée à Montréal le 9 décembre dernier.

En plus de La Meute et de Storm Alliance, Baws est sympathisante de Atalante, l’organisation néofasciste basée à Québec, comme en fait foi son appréciation de nombreuses pages spécialisées dans l’identification et les attaques contre des antifascistes :

Storm Alliance que La Meute se sont dépêchées d’endosser l’appel à manifester devant la mosquée le 15 décembre. Pendant ce temps, sur la page Facebook de l’événement, l’idée a été poussée par Isabelle Roy (aka Seana Lee Roy), l’ancienne cheffe de Storm Alliance Montréal et coorganisatrice du flop Unis contre les démunis, et de nombreux autres se sont mis à proposer de chanter des hymnes de noël pour perturber la prière du vendredi, de distribuer du bacon ou des sandwiches au jambon, etc.

En même temps, mais parallèlement, l’Association des Travailleurs en Signalisation Routière du Québec a annoncé qu’elle aussi participerait à une manifestation vendredi devant la mosquée Ahl-Ill Bait. S’organisant par Twitter, l’ATSRQ a demandé à ses membres de quitter les lieux avant la manifestation de 13 h 30 (qui, selon eux, pourrait mal tourner). Plus tard, alors que de plus en plus de nouvelles et de reportages sortaient mercredi jetant un sérieux doute sur les allégations islamophobes de TVA, l’ATSRQ a finalement annulé ses plans jeudi matin. Cela dit, tout en insistant qu’elle agit seule et non en tant que membre d’un groupe, Marie-Josée Chevrier avait déjà lancé un appel public à soutenir la manifestation du syndicat, un appel endossé par de nombreux individus de divers réseaux, dont certains proches du Front patriotique du Québec. Au moment d’écrire ceci, tout indique que des gens vont se pointer sur place vendredi matin avant la plus grande manifestation raciste prévue en après-midi. il est utile de souligne que Chevrier, malgré son désaveu, est membre de certains groupes Facebook fort intéressants :

Il appert que La Meute, Storm Alliance et le Front patriotique du Québec organiseront la « sécurité » pour la manifestation de vendredi:

En même temps, de nombreux appels ont été lancés sur Facebook pour des actions plus sordides. Isabelle Lavigne (membre du groupe Facebook de Storm) a publié une vidéo où, tout en insistant qu’elle ne lance pas un appel à la violence, avertit l’exécutif de la mosquée qu’elle a obtenu leur adresse sur un site gouvernemental. Sébastien Cormier, dont les problèmes d’immigration de sa famille ont été exploités par Storm Alliance lors de la manifestation du 25 novembre à Québec, a lui aussi publié une vidéo pour se plaindre du fait que les Québécois ont été endoctrinés à l’islamophobie par le gouvernement, tout en mettant les musulmans en garde que s’ils continuent à faire des demandes « d’accommodements déraisonnables », les choses pourraient exploser. (On a l’impression que « Seb » ne sait pas vraiment dans quoi il s’est embarqué en acceptant l’appui de personnes qu’il semble lui-même percevoir comme des racistes.) La membre de La Meute, Patricia Celtique Gagnon a publiée une vidéo où elle lance un appel à manifester devant les mosquées à la grandeur du Québec ce vendredi, une proposition accueillie favorablement et relayée par d’autres individus dans les réseaux sociaux.

On a observé de nombreux appels à vandaliser et attaquer les mosquées, parmi un miasme de memes et de commentaires racistes :

Et tout cela n’est bien sûr que la pointe de l’iceberg.

La mobilisation d’extrême droite autour de cette histoire, même si elle est clairement appuyée sur de la désinformation, n’est pas complètement étonnante. Au Québec, un élément clé de l’organisation raciste au cours des dix dernières années a été le cadre des droits des femmes. Cela peut prendre une forme à la fois raciste et antisexiste, ou une forme carrément paternaliste sur le thème de « la protection de NOS femmes » et « au Québec, les femmes, c’est sacré ». Cela fait partie d’un phénomène plus large où, après des années d’agitation raciste par certains médias et politiciens, la grogne populaire (même autour de vrais enjeux) s’exprime de plus en plus fréquemment par des personnes blanches dans un discours islamophobe.

À propos de ces féministes instantané-e-s de l’extrême droite, on ne peut s’empêcher de constater le caractère sélectif de leur indignation. Qu’une femme perde une journée de travail en raison de contraintes sexistes, c’est effectivement quelque chose qui ne devrait jamais se produire. Mais une grande mobilisation contre un incident isolé, dans une société où une femme gagne encore en moyenne 88 cents pour chaque dollar que rapporte un homme (ce qui se traduit par 28 jours de travail non payé par année), ne porte clairement pas vraiment sur l’égalité de sexes.

L’exclusion des femmes de quelque domaine que ce soit est par définition une forme d’oppression et de sexisme à laquelle nous nous opposons fermement. Nous sommes toutefois bien trop familiers avec la manière par laquelle des nouvelles fabriquées de toutes pièces ou montées en épingles par des médias comme TVA deviennent soudainement quelque chose que « tout le monde sait bien » et qui tombent sous le « sens commun », même lorsque la nouvelle est contredite par les faits. Dans ce cas-ci comme dans de nombreux autres cas, ce sont des mensonges qui alimentent la panique antimusulmane.

Nous allons faire un suivi de cette histoire dans les prochains jours.

 

Les assauts de l’extrême gauche se multiplient au Québec: Philippe Teisceira-Lessard serait-il à blâmer?

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Déc 062017
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Des details croustillants révélés en primeur sur les modus operandi de l’extreme gauche, un usage abondant d’une grammaire simpliste, mots sortis tout droit du dictionnaire: il semblerait y avoir eu une forte recrudescence des articles signés Philippe Teisceira-Lessard dans la Presse au cours des derniers mois.

En date du 23 novembre 2017, Philippe Teisceira-Lessard aurait supposément publié un article décrivant des actions alléguées de « l’extrême-gauche » au soi-disant « Quebec ». Grâce a des interviews de nazis repentis (Maxime Fiset) et d’enquêteurs a la retraite du SCRS, le journaliste explore les bas-fonds de la mouvance « anarchiste » et nous gratifie d’une analyse pénétrante des motivations profondes présidant aux actions criminelles de la gauche.

Perplexes devant les conclusions subtiles et raffinées sur les idées des différents acteurs publiant des communiqués sur Montréal Contre-Information auxquelles est parvenu Philippe Teisceira-Lessard, nous avons décidé de mener notre propre enquête. Une source ayant requis l’anonymat nous a ainsi déclaré : « Philippe Teisceira-Lessard dispose visiblement d’informations privilégiées. Autrement, je ne vois vraiment pas comment il pourrait être à ce point au fait de leurs tactiques et de leurs intentions. Par exemple, comment a-t-il fait pour savoir qu’une source majeure d’inspiration pour eux se trouve dans les sites web djihadistes? »

Il y a eu une forte recrudescence des contributions journalistiques de M. Teisceira-Lessard. En 2017, plus de 54 articles auraient été signes de sa plume. En comparaison, en 2015, seulement 13 articles auraient été l’oeuvre du journaliste d’enquête. En épluchant attentivement ses articles de la période 2016-2017, nous avons démontré une frappante ressemblance entre leur style et celui des communiqués anonymes présentés sur Montréal Contre-info.

« Similaire à un blogue anarchiste »

Au cours de notre enquête, nous avons fait appel à différents experts en technologie oeuvrant avec des algorithmes dernier cri pouvant comparer la syntaxe et les schémas linguistiques des articles de Teisceira-Lessard et ceux de plusieurs posts sur Montréal Contre-info. Les résultats ont été pour le moins inquiétants.

Dans 99,2 % des comparaisons, autant Teisceira-Lessard et les contributeurs anonymes ont utilisé abondamment les structures de phrase suivantes : simple, composée et complexe. Tous les deux ont employé des verbes s’accordant avec des sujets, parfois liés par les conjonctions « et » ainsi que « ou ». Le plus étonnant, c’est qu’une clause indépendante était parfois liée à une clause dépendante par l’usage de la conjonction « parce que ».

Après des triangulations linguistiques répétées entre les contributions de Teisceira-Lessard à la Presse et les communiqués soumis à Montréal Contre-info, l’éminent chercheur en symbologie de l’extrême-gauche, Ian Lafrenière, a noté avec inquiétude que « ses articles sont nettement similaires au contenu d’un blogue anarchiste ». Nous soulignons ci-bas quelques exemples des similarités entre l’écriture de Teisceira-Lessard et ces communiqués anonymes :

« Un site baptisé Montréal Contre-information est devenu une plaque tournante de la mouvance et diffuse les communiqués de revendication de plusieurs attaques contre des personnes ou des biens. »

« Une vidéo diffusée sur la plateforme montre deux individus s’approchant de la voie ferrée et activant des extincteurs remplis de peinture. »

« Plusieurs yuppies décident de démontrer leur richesse autrement que par des BMW et des Mercedes. »

Ndlr : Dans les faits, les sites faisaient l’usage plus fréquent des formats composés–complexes que Teisceira-Lessard, qui semble ne pas vouloir obscurcir son oeuvre ou semer la confusion dans son public avec plus que deux clauses.

L’internet comme moyen de communication

Lapresse.com, mtlcounter-info.org, ISIS.net/recruitment. Tous les trois sont des sites web. Ils publient et distribuent des articles et des opinions éditoriales à un public large, qui ont accès à ces informations par l’internet.

De son propre aveu, la Presse utilise l’internet pour diffuser sa propagande depuis 1999, et tout récemment en 2015 s’est convertit à une modèle de distribution presqu’entièrement basée sur l’internet. On ne peut pas voir comme simple fruit du hasard que Montréal Contre-info choisit aussi de diffuser l’information principalement sur le Web, en conservant une petite base de distribution format papier.

Le ou les gestionnaires du site de la Presse n’ont pas répondu à nos courriels. Leur hébergeur, l’entreprise canadienne Namespro Solutions, n’a pas voulu révéler leur identité à notre expert en science de l’informatique, Daniel Lecavalier.

Un passé criminel

Teisceira-Lessard n’est pas étranger aux actes violentes de l’extrême gauche. En avril 2012 il a lui-même été arrêté et accusé d’entrée par effraction et de méfaits pour son « rôle essentiel » dans l’occupation et le saccage du bureau du ministre Line Beauchamp à Montréal.

En entrevue après les événements, Teisceira-Lessard a avoué sa participation. « Quand le policier a parlé de méfaits, de vols et d’entrée par effraction, j’étais sous le choc par ces mots-là qui sonnent fort [sic]. Ce n’est pas de petits chefs d’accusation », a-t-il dit, avec une pointe de fierté. Depuis, il semble que Teisceira-Lessard s’est fait discret en se repliant dans l’underground sombre de la blogosphère extrémiste.

Des victimes sans défense

Bien qu’il est techniquement vrai que l’idéologie de l’extrême droite a directement mené à l’assassinat de huit hommes musulmans, des attaques racistes constantes contre des mosquées, et une hausse des agressions contre les personnes racisées, nul ne peut ignorer l’impact des actions de l’extrême gauche. « On est aux prises avec une situation où l’extrême gauche fait autant partie du problème que l’extrême droite », indique Michel Juneau-Katsuya, expert en sécurité nationale et ex-agent de la SCRS.

Nous nous sommes entretenus avec plusieurs chargeuses frontales et caméras de surveillance, qui ont accepté de nous parler seulement sous couvert de l’anonymat. Dans un de leurs témoignages percutants, une vitrine de commerce a raconté la suivante :

« Ces gestes violents sont totalement inacceptables et n’ont pas leur place dans une société de droit… d’aucune façon je ne peux accepter que l’on s’attaque à ma famille, à leur sécurité et à leur sérénité. »

Notre enquête et notre analyse minutieuse mènent à une conclusion incontournable : si l’on ignore l’idéologie et le contenu, il y a beaucoup trop de similarités entre les articles signés Teisceira-Lessard et ceux qui apparaissent sur Montréal Contre-info pour accepter qu’ils auraient été écrit par différents auteurs. Nous avons contacté le SPVM pour demander un appui supplémentaire de 524 937,50 $ afin de poursuivre notre enquête, mais leur petite caisse a récemment été épuisé.

Nous avons essayé de contacter Teisceira-Lessard pour faire la lumière sur ces nouvelles allégations inquiétantes, mais il nous a répondu seulement « aucun commentaire », une expression qu’il a sans doute appris lorsqu’il était en prison.

Bilan de la contre-manifestation du 25 novembre à Québec

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Déc 032017
 

De Montréal-Antifasciste

La manifestation conjointe de La Meute et Storm Alliance le 25 novembre 2017 s’annonçait comme la plus grosse manifestation d’extrême droite au Québec depuis les années 1930. Ses organisateurs attendaient un millier de personnes pour dénoncer la commission publique contre le racisme systémique, ironiquement déjà annulée le 18 octobre dernier par le gouvernement libéral).[i] Au final, si quantitativement les deux groupes et leurs alliés des groupuscules nationalistes, des Three Percenters, de la Northern Guard et des boneheads des Soldats d’Odin et d’Atalante, tous ensemble, n’auront même pas réussi à atteindre la moitié de cet objectif (de 300 à 400 tout au plus), qualitativement et symboliquement, cette mobilisation aura peut-être marqué un jalon pour la dérive fasciste dans la province. Une dérive soutenue de plus en plus activement par les forces policières, et dont plusieurs acteurs politiques « mainstream » se font complices.

Si cette année, à Montréal, le SPVM nous a habitué-e-s à servir de force de protection spéciale pour La Meute et d’autres groupuscules identitaires, jamais la complicité entre la police et les organisations d’extrême droite n’aura été aussi flagrante qu’à Québec ce samedi passé. Il n’est absolument pas exagéré de dire que le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) a brutalement réprimé les antifascistes -à coups de bâtons et de boucliers, de gaz-poivre et d’arrestations « préventives »- DANS LE BUT PRÉCIS de permettre aux identitaires et aux fascistes (dont certains étaient ouvertement armés) de répandre leur haine et leur racisme sans opposition dans la Capitale. En diabolisant par divers moyens les contre-manifestant-e-s antifascistes, le traitement médiatique pré- et post-manif aura lui aussi contribué à légitimer et normaliser le discours toxique des groupes identitaires.

Quant à la mobilisation antifasciste et antiraciste, force est de constater qu’il resteénormément de travail à faire pour faire comprendre l’urgence et le danger du glissement actuel vers l’extrême droite, les différents groupes militants impliqués n’ayant pas réussi à mobiliser plus de 250 personnes pour contrer les fachos sur la colline parlementaire.

Une faible mobilisation du côté antifasciste

Premier constat important : le Rassemblement populaire contre la manif de La Meute et Storm Alliance à Québec!, judicieusement et fort habilement organisé par les camarades du collectif antiraciste ad hoc CO25 de Québec, n’a attiré que quelques centaines de personnes, y compris celles qui avaient fait le voyage de Montréal et comptaient pour un peu moins de la moitié du groupe. Des camarades du Saguenay, d’Estrie et d’ailleurs en province s’étaient aussi déplacé-e-s, mais en nombres assez modestes.

Si plusieurs facteurs objectifs ont effectivement nui à la mobilisation (le temps de l’année, la température et le temps de marde, l’heure de départ extrêmement matinale des bus de Montréal, etc.), il nous faut considérer sérieusement un certain nombre de facteurs complémentaires.

Il n’est pas fortuit que les médias grand public aient publié une série d’articles diabolisant « l’extrême-gauche » dans les jours précédant immédiatement la manifestation. Ce traitement négatif des militant-e-s antifascistes assimilé-e-s à l’extrême gauche s’inscrit dans une tendance lourde qui s’est empiré justement à Québec, le 20 août dernier. Une image négative des antifascistes est cultivée depuis un certain temps dans le domaine public, qui repose en grande partie sur une compréhension biaisée de la violence politique et sur la fausse équivalence entre extrême gauche et extrême droite.

À ce chapitre, il est indéniable que les événements du 20 août dernier, et certains incidents en particulier, ont beaucoup nui à la réputation du mouvement antifasciste, même dans certains cercles a priori sympathiques à la cause. Par contre, tout ne peut pas s’expliquer par l’action des médias. Il est clair que nous avons collectivement énormément de difficulté à briser l’hégémonie d’un certain discours légaliste, pacifiste et agressivement non-violent, que l’on pourrait qualifier d’« extrême centriste ». Cette espèce de monopole idéologique, caractérisé par une rigidité pseudo-éthique autour d’un centre mou idéalisé, profite essentiellement à l’extrême droite qui, dans son offensive de légitimation, prend grand soin de collaborer avec la police et de projeter une image de loi et d’ordre, malgré la violence infiniment plus grande et plus sinistre que contient son programme.

Autrement dit, puisque les forces étatiques, l’extrême droite, les médias et même certains acteurs progressistes se liguent pour diaboliser les mouvements antiracistes et antifascistes radicaux, ces derniers ont une énorme pente à remonter en matière d’éducation populaire et de déconstruction des mythes centristes.

En même temps, force est de constater que le racisme jouit d’un seuil de tolérance très élevé au Québec, surtout à l’extérieur de Montréal. Rappelons que la fameuse commission publique contre le racisme systémique – laquelle ne représentait d’aucune façon une menace radicale à quoi que ce soit – a été fortement critiqué par les deux principaux partis d’opposition et ensuite abandonné par le parti libéral, qui pour des raisons bassement électoralistes lui a substitué le concept bidon d’un « Forum sur la valorisation de la diversité et la lutte contre la discrimination ». La même semaine, les libéraux ont passé une loi islamophobe, la Loi 62, présentement contesté dans les tribunaux pour son caractère inconstitutionnel. Systématiquement, les sondages menés au Québec confirment une forte sympathie pour des thèses anti-immigrants et islamophobes au sein de la population, surtout dans des communautés où il y a peu (ou pas) de musulman-e-s ou d’immigrant-e-s, mais qui sont saturés par l’influence des médias poubelles qui sèment la peur de l’autre. Dans un tel contexte, l’hostilité aux antifascistes ne puise pas uniquement dans un conservatisme anti-gauchiste, mais aussi dans la xénophobie qui rejette et méprise tout ce qui n’est pas « de souche ».

Par ailleurs, la structure même des médias sociaux, dont nous dépendons trop souvent dans notre organisation, favorisent la création de chambres d’échos où les utilisateurs et utilisatrices finissent inévitablement par n’interagir presque exclusivement qu’avec des personnes partageant leurs idées et valeurs. Ce phénomène n’est certainement pas étranger à l’isolement accru de l’extrême gauche et de ses idées. La chambre d’échos identitaire semble actuellement beaucoup plus grande et influente que la chambre d’échos antiraciste, et chaque jour elle semble incorporer plus de monde. Il nous faut donc trouver d’autres moyens, et NÉCESSAIREMENT sortir des médias sociaux pour aller directement à l’encontre des communautés et casser cette tendance, à défaut de quoi l’antifascisme radical est peut-être condamné à une marginalisation chronique. Cela implique également, par nécessité, d’organiser et d’agir dans les mêmes communautés, villes et quartiers où l’extrême droite cherche à recruter.

Un rassemblement antiraciste « dans le sens du monde »

Sur une note beaucoup plus positive, nous voulons saluer le travail exemplaire des camarades de CO25. Le rassemblement populaire, s’il a finalement attiré peu de monde, a tout de même été un franc succès sur le plan organisationnel. Le repas préparé collégialement par des membres de l’IWW, du Collectif de minuit et de Bouffe contre le fascisme a été apprécié de tout-e-s, les discours étaient pertinents et appropriés, la sécurité au point et la piñata, une sympathique conclusion. De manière générale, la coordination entre les villes a profité d’une nette amélioration de nos communications! Mais il est évident que les conditions étaient loin d’être idéales… c’est rendu que même pour un innocent pique nique organisé pour dénoncer le racisme, il faille s’attendre à se faire poivrer! Si le rassemblement populaire s’est bien déroulé, on ne peut pas dire autant de la suite des événements.

Un face-à-face plus déséquilibré que jamais… bref récit des événements

Les paramètres « populaires » du rassemblement ayant été clairement communiqués, les participant-e-s à la mobilisation qui voulaient essayer de bloquer physiquement le cortège d’extrême droite ont attendu un peu après midi pour tenter un déploiement.

Suivant le leadership improvisé d’un petit groupe de manifestant-e-s, environ 200 personnes ont (trop lentement) contourné quelques flics désorganisés pour prendre la rue en direction de René-Lévesque. L’antiémeute du SPVQ s’est grouillée le cul juste assez pour improviser un cordon précaire à l’intersection de René-Lévesque et Honoré Mercier, et compte tenu du manque de combativité (peut-être suivant une appréciation prudente des conditions objectives…), les forces antifascistes n’ont pas insisté pour briser la ligne d’anti-émeute et ont plutôt décidé d’occuper l’intersection aussi longtemps que cela serait possible. Le cortège de la Meute et de Storm Alliance se trouvait à ce moment à quelque 150 mètres, devant le Centre des congrès.

Presque immédiatement, les flics ont reçu l’ordre de mettre leur masque à gaz, ce qui présageait d’emblée l’usage d’irritants chimiques. Après une dizaine de minutes, l’antiémeute s’est mise à avancer sur les antiracistes et à les repousser de plus en plus violemment vers la fontaine de Tourny, aspergeant généreusement la première ligne de gaz poivre, LITTÉRALEMENT pour dégager la place et permettre aux racistes de se rendre devant l’Assemblée nationale tel que prévu. L’attachement des flics au droit de manifester DES RACISTES en était presque émouvant.

Les camarades ont résisté courageusement, autant qu’elles et ils ont pu, mais ont éventuellement été repoussé-e-s vers la fontaine. Des clôtures de métal ont été traînées dans le chemin des flics et une solide volée de balle de neige est partie dans la direction des flics et des identitaires. C’était toutefois peine perdue, la majorité des contre-manifestant-e-s s’étant déjà dispersée à ce moment. La rumeur d’une souricière imminente a semé d’autant plus la confusion dans nos rangs et un repli s’est opéré vers les plaines d’Abraham, où un caucus a été improvisé, suite à quoi une partie des irréductibles est repartie dans la direction opposée pour tenter de contourner la flicaille et confronter La Meute plus loin. Une tentative louable, mais qui s’est malheureusement soldée par un échec. Presque au  même moment, la police procédait à l’arrestation de 23 camarades.

Le cortège d’extrême droite a ainsi pu revenir à son point de départ pratiquement sans opposition, toujours sous forte escorte policière.

La police et les médias ont plus tard rapporté que 21 autres personnes avaient été arrêtées « préventivement » en marge du rassemblement, peu après midi. Celles-ci sont accusé-e-s de complot dans le but de former un attroupement illégal et de port d’un déguisement dans un dessein criminel. La police a pourtant elle-même admis qu’aucun acte criminel n’avait été commis. Minority Report much? Certains camarades ont des accusations supplémentaires. 

La Meute, Storm Alliance, Atalante; même combat! La police au service des fascistes!

Le caractère historique de la mobilisation du 25 novembre, à notre avis, concerne la convergence ouverte et assumée de pratiquement tout ce que le Québec comporte de forces d’extrême droite. La Meute, et dans une moindre mesure Storm Alliance, par soucis de soigner leur image, avait jusque-là essayé de conserver une distance respectable avec des groupes ouvertement fascistes et suprémacistes comme Atalante et la Fédération des Québécois de souche. Cette fois-ci, ils n’ont pas hésité à les inviter cordialement à leur petit party dans la Capitale. Et aujourd’hui, sur la page Facebook Atalante Québec, les commentaires élogieux se comptent par dizaines de la part de membres affiché-e-s de la Meute, des SA, de Soldiers of Odin, etc[ii]. Voilà qui est très éloquent.

Soyons clairs : les militant-e-s d’Atalante sont des suprémacistes blancs, néofascistes purs et durs. Il n’y a aucune place à l’ambigüité ; ce groupe a été fondé en 2016 par des boneheads du milieu « Quebec Stompers », proche de Légitime Violence, un groupe musical avec des paroles édifiantes tels, « Ces petits gauchistes efféminés qui se permettent de nous critiquer n’oseront jamais nous affronter. On va tous les poignarder », et pour être plus clair encore, «Déroulons les barbelés, préparons le Zyklon B!», en référence au gaz utilisé dans les camps de concentration de l’Allemagne nazie. Atalante entretient des liens amicaux avec la scène de musique fasciste « Rock Against Communism », ainsi qu’avec le mouvement néofasciste Italien Casa Pound et, ici au Québec avec la Fédération des Québécois de souche et les cathos traditionalistes de la Société St- Pie X.

On a aussi constaté le présence des pseudo-miliciens des Three Percenters (III%), lesquels ont été aperçus à la manif munis de gants tactiques renforcés, de bâtons télescopiques et vraisemblablement de gaz poivre et d’autres armes dissimulées. Ce groupe est plus récemment établi au Québec; il s’agit d’une organisation basée surtout aux états unis mais avec des sections au Canada anglais, qui rassemble des conspirationnistes et des survivalistes derrière une paranoïa antimusulman et « antimondialiste ». Quelques jours à peine après leur sortie de samedi à Québec, plusieurs membres des « threepers » font partie du ramassis de salopards qui ont annoncé leur intention de faire une manifestation en faveur des armes à feu à l’école Polytechnique de l’Université de Montréal le 2 décembre 2017, soit quatre jours avant la commémoration annuelle de la tuerie de 1989 où 14 femmes ont été assassinées par l’antiféministe Marc Lépine.

On est d’ailleurs en droit de se demander pourquoi ces derniers n’ont pas été arrêtés à Québec (ou à tout le moins pourquoi leurs armes n’ont pas été confisquées) alors que la police a arrêté 21 contre-manifestant-e-s antifascistes sur une base strictement préventive, soulignant dans leur rapport aux médias avoir trouvé des armes dans les effets de certain-e-s militant-e-s… Et pourquoi les boneheads d’Atalante et des Soldats d’Odin ont pu se réunir et longuement s’exciter l’identité sur les remparts de l’esplanade sans être le moins du monde embêtés par la police… alors que l’anti-émeute s’acharnait à tours de bras sur les antifascistes à quelques mètres de là.

Ne serait-ce que la disposition physique des policiers dans l’espace suggère une complicité et une belle symbiose. Pendant toute la durée de l’événement, les policiers qui escortaient le cortège d’extrême droite faisaient dos aux manifestant-e-s identitaires et face aux militant-e-s antiracistes. Le SPVQ nous avait déjà un peu fait le coup le 20 août en communiquant aux organisateurs de La Meute des renseignements privilégié au sujet des militant-e-s de Montréal, extirpés de manière douteuse à un chauffeur d’autobus, les aidant ainsi à faire leur manif. Mais là, franchement, la complicité crevait les yeux!

Pas étonnant que les identitaires eurent applaudi chaudement les flics à la fin de leur manif…

Des médias complices…

Comme on pouvait s’y attendre, le traitement médiatique de ces événements laisse à nouveau fort à désirer, présentant encore généralement les antifas comme les méchants habituels, alors que nous étions objectivement les seul-e-s à subir de la violence! La plupart des médias ont repris sans poser de question les points de presse du SPVQ mettant par exemple l’accent sur les armes saisies et l’utilisation bien commode du mot « complot ». Nous avons également remarqué une différence importante entre les traitements de la manif produits par la presse anglophone et la presse francophone. La première n’a pas hésité, notamment, à qualifier la manif de la Meute et SA d’extrême droite, alors que la presse franco jouait d’euphémismes et tournait autour du pot… quand les journalistes ne confondaient pas carrément les différents groupes et leurs positions respectives (une journaliste de TVA a même dit que les gens d’Atalante étaient des antifas venu-e-s manifester contre La Meute!).Xavier Camus a produit un excellent billet sur le bien curieux traitement médiatique entourant les événements du 25 novembre.

Seule la CBC a cru bon relever que la police avait fait le sale travail pour les groupes d’extrême droite. Houssein Ben-Ameur, à notre connaissance, dans une chronique judicieusement intitulée À bas le fascisme!, a été le seul chroniqueur à remettre les pendules à l’heure sans se sentir obliger d’écorcher à la fois les racistes et les antiracistes.

Comme d’habitude, c’est du côté des médias indépendants qu’il faut se tourner pour avoir un point de vue un peu plus fidèle à ce qu’ont vécu et ressenti les militant-e-s antiracistes et antifascistes sur le terrain. La vidéo de MADOC est à ce titre exemplaire.

Dur bilan

Au final, il est difficile de conclure au succès du camp antifasciste et antiraciste. Il est certain qu’une mobilisation modeste vaut mieux que pas de mobilisation du tout, et que nous avons en dépit de toute l’adversité réussi à exprimer une opposition claire à la venue de ces groupes racistes à Québec. Si samedi ne fut pas une victoire pour nous, ça aurait été bien pire s’il n’y avait eu aucune opposition. Il est aussi vrai que sans l’action de la police collabo, même cette modeste mobilisation aurait sans doute considérablement perturbé l’adversaire. Mais ça ne suffira pas. Pour endiguer la dérive fasciste, il nous faudra redoubler d’effort, autant sur le plan de la mobilisation que sur celui de l’information et de l’éducation. De plus, il nous faudra trouver de nouveaux moyens d’intervention, de nouvelles pistes pour mobiliser et sortir des rangs de la gauche convaincue pour aller rencontrer et échanger avec de nouveaux et nouvelles camarades.

Le principal point positif qui ressort de cette mobilisation est le resserrement des liens entre les militant-e-s antiracistes et antifascistes de Montréal et de Québec, et aussi d’ailleurs dans la province. Il va sans dire que nous avons le devoir de bâtir sur cette nouvelle base des réseaux toujours plus solides et efficaces.

Quelques réflexions en vrac :

  • La complicité de la police est un problème qui n’est pas près de disparaître. Le fait que le nouveau chef de la sécurité de La Meute soit lui-même un ancien policier de carrière (de la région de Québec) ne devrait pas nous étonner. Il devient de plus en plus difficile d’ignorer le fait que ces groupes identitaires doivent très certainement compter dans leurs rangs des membres des forces de police, et possiblement du système de justice. Des recherches plus soutenues doivent être menées à cet égard.
  • La convergence des forces d’extrême droite observée le 25 novembre peut paraître inquiétante, mais elle n’est pas sans comporter certains avantages. Le masque tombe : certaines prétentions des chefs de La Meute perdent en crédibilité, et les allégeances racistes sont de plus en plus évidentes. Il nous faut insister sur ces liens et ces allégeances.
  • Il faut mieux nous entraîner aux déploiements tactiques. Certaines décisions prises dans le vif de l’action se sont avérées assez discutables. Notamment, avant de crier à l’encerclement imminent, il est important d’en être tout à fait certain, parce qu’une telle alerte a toujours automatiquement un effet démobilisateur et il est évidemment malheureux que nos cortèges se démembrent parce que de mauvais câlls ont été lancés. Dans le même ordre d’idée, il serait important qu’une meilleure communication, ou éventuellement un transfert de compétences, s’opère entre les militant-e-s ayant plus d’expérience et les plus nouveaux et nouvelles. Ceci présente évidemment des défis en matière de sécurité auxquels il faut aussi réfléchir avec sérieux.

 

[i] Et aussi comme feuille de vigne en appui à « Seb », un homme québécois dont la femme (une « immigrante potentielle légitime ») à de la misère à immigrer au Canada

[ii]              Rappelons d’ailleurs que Dave Tregget, le boss de Storm Alliance, était lui-même président des Soldats d’Odin il y a à peine un an et ne se cachait pas d’être en bons termes avec les stompers et Atalante. Tregget a passé les derniers mois à nier être raciste sur toute les tribunes, mais qui ose encore le croire quand lui et ses chummys sautent dans le même lit qu’Atalante à la première occasion? Tregget est un menteur et un manipulateur, et il serait temps que les médias s’en rendent compte.

Les Gunnies et l’Extrême Droite

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Déc 022017
 

De Montréal-Antifasciste

Le texte suivant est le message intégral d’un tract que des antifascistes avaient compté distribuer lors d’une contre-manifestation ciblant un groupe de personnes qui avaient planifié un rassemblement pro-armes à la Place du 6 décembre ce samedi 2 décembre. Ce rassemblement a maintenant été déplacé hors de Montréal, et la contre-manifestation prévue est donc annulée. Nous trouvons encore pertinent de distribuer ce texte, qui explique les liens du rassemblement – et des “gunnies” – avec l’extrême droite Québécoise. Un texte plus approfondi à ce sujet suivra.

Aujourd’hui, des gens s’identifiant comme les “gunnies” avaient planifié un rassemblement au site mémorial pour les victimes de la tuerie au collège Polytechnique en 1989, durant laquelle 14 femmes ont été assassinées par Marc Lépine, un tireur antiféministe.

Nous sommes ici pour partager notre solidarité et notre colère par rapport à cette provocation misogyne.

Dans la dernière année, nous avons été témoin.es d’une montée dégoutante de crimes haineux et de mobilisations d’extrême droite à travers le Québec. Ceci fut déclenché notamment par la tuerie du 29 janvier au Centre culturel Islamique de Ste-Foy. La vague d’activité actuelle de l’extrême droite a beau mettre le focus sur les Musulmans, elle demeure hostile à tout ce qui peut servir de menace à la société Québécoise “traditionnelle” de leur imaginaire – une société composée de Catholiques blanc.hes, francophones, et hétérosexuel.les, les hommes “protégeant” les femmes et déterminant les règles du jeu.

Le rassemblement des soi-disant “gunnies” fut organisé par le collectif Tous contre un registre québécois des armes à feu, et spécifiquement par des officiaux du Parti conservateur, Guy Morin et Jessie McNicoll. Il n’est pas du tout surprenant que McNicoll et Morin, ensemble avec plusieurs personnes ayant indiqué leur intérêt à assister à l’événement, appuient également plusieurs groupes d’extrême droite, comme Storm Alliance, La Meute, et les Three Percenters.

Les Three Percenters forment un groupe auquel plusieurs personnes comptant participer à ce rassemblement, incluant Guy Morin, sont associées. La milice du III%, comme on les appelle souvent, sont un groupe paramilitaire, fondé en 2008 aux États-Unis, qui promet une résistance armée contre tout effort pour enfreindre à la possession d’armes à feu. Or, leur agenda politique concerne beaucoup plus qu’une position pro-armes. Aux États-Unis, les Three Percenters ont été impliqués activement dans des patrouilles illégitimes le long de la frontière avec le Mexique, bloquant des autobus remplis d’immigrant.es déjà détenu.es et organisant des rassemblements anti-refugié.es. Des membres de la milice du III% ont manifesté devant des mosquées, et ont été impliqués dans plusieurs actes violents, incluant un incident, en novembre 2015, lorsqu’un sympathisant du groupe a tiré sur cinq personnes à un rassemblement Black Lives Matter à Minneapolis. Au Canada, des membres de la milice du III% ont entrepris une surveillance de mosquées et tentent d’intimider les contre-manifestants à leurs rassemblements anti-musulmans et anti-immigrants.

Il existe un chevauchement clair entre le collectif Tous contre un registre québécois des armes à feu, les Three Percenter, et autres groupes d’extrême droite, incluant Storm Alliance et La Meute. Plusieurs membres de la milice du III% armés de matraques et affichant les symboles du groupe ont été identifiés comme membres du détail de sécurité pour la récente manifestation raciste organisée par ces deux groupes le 25 novembre à Québec. De plus, avant la descente de l’événement Facebook pour le rassemblement “gunny” du 2 décembre, plusieurs membres de Storm Alliance et de La Meute avaient indiqué leur intérêt à y participer. En même temps, un des « gunnies », Martin Leger, qui a fait une vidéo insultante accusant les victimes du massacre de Lépine d’être des « polypleurniches », est un ancien membre de la scène néo-nazie des Québec Stompers dont le groupe Atalante est issu (qui étaient également présents le 25 novembre).

Le fait de planifier un rassemblement “gunny” au site mémorial des victimes de Polytechnique s’agit d’une provocation antiféministe évidente. Alors que des groupes comme Storm Alliance et La Meute prétendent favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes, ils dénigrent systématiquement le féminisme pour avoir “ruiné” des femmes au Québec, ou comme étant partie d’une conspiration de gauche visant à affaiblir la nation québécoise. Ces groupes racistes s’intéressent majoritairement à positionner les hommes blancs Québécois comme protecteurs des femmes blanches contre la “menace” qu’ils croient posée par “d’autres” hommes. Et pourtant, depuis le 6 décembre 1989, plus de 1500 femmes et filles ont été assassinées au Québec, généralement par des hommes blancs, et plus souvent que rarement par des hommes dans leur propre entourage. Le racisme et la misogynie démontrés par Storm Alliance, La Meute, et les Three Percenters ne saura protéger personne – au contraire, ils mèneront tout simplement à une violence accrue envers les femmes, incluant spécialement les femmes issues de communautés ciblées par ces groupes.

Nous sommes déterminé-e-s à résister par tous les moyens nécessaires à la montée de l’extrême droite et à son programme identitaire raciste, sexiste, homophobe et transphobe.

Montréal Antifasciste: Uni.es contre le racisme, le patriarcat et le colonialisme

Martin Leger, de bonehead à armurier…

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Déc 012017
 

De Dure Réalité

Avez-vous ce fameux vidéo, mis en ligne par le propriétaire d’Armurerie Leger, Martin Leger, dans le cadre de la mobilisation pour une manifestation pro-armes qui devait se tenir devant le mémorial aux victimes de la tuerie de Polytechnique à Montréal? On a appris, depuis, que le rassemblement était annulé et remplacé par un rendez-vous dans une cabane à sucre de Neuville, mais la vidéo est restée assez longtemps en ligne pour que Le Journal de Montréal ait le temps de la sauvegarder. Cette technique de provocation, digne de Donald Trump, a atteint son objectif de faire parler de la cause des opposants au registre des armes à feu, mais pourrait bien s’être retournée contre eux également.

Qui est donc Martin Leger?

Ce qui est le plus intéressant dans cette vidéo de Martin Leger, ce n’est pas tant la mysoginie dont il fait preuve en méprisant d’une telle façon le meurtre de 14 femmes simplement parce qu’elles étaient des femmes, ou encore son utilisation répétée du terme graine pour décrire un peu tout le monde. Non, c’est plutôt Martin Leger lui-même. Parce qu’avant d’être un espèce de douchebag pro-armes, propriétaire d’une armurerie, Leger était mieux connu sous le pseudonyme de Cad Stomper. En effet, Leger était membre de la bande de boneheads appelée Québec Stompers, qui sont mieux connus aujourd’hui pour être à l’origine du groupuscule néo-fasciste Atalante Québec.

Bien que Martin Leger soit resté dans la bande pendant plusieurs années, il semble s’en être dissocié à l’aube de l’ouverture de son magasin d’armes. Était-ce parce que ses amis avaient trop une mauvaise réputation pour un homme d’affaire digne? Était-ce parce qu’il ne voulait pas être lié au trafic d’armes et de stupéfiants mené par des membres de la bande et pour lequel Raphaël Lévesque, le chanteur du groupe Légitime Violence, a été en prison? Était-ce parce qu’il ne voulait pas être lié aux attaques violentes de la bande comme celle de l’AgitéE lors de la veillée du jour de l’an 2007 et pour laquelle Yan Barras, un autre membre des Québec Stompers, a été envoyé en prison pour avoir poignardé six personnes? L’histoire ne le dit pas, par contre, Légitime Violence, groupe de musique lié à la bande, a tout de même pris le temps d’écrire une chanson pour Cad Stomper, leur ancien camarade, qu’ils ont intitulé Sale traître.

Tout ça pose quand même plusieurs questions… Quel rôle a pu jouer l’armurier d’aujourd’hui dans les activités illicites de la bande de skinheads fascistes? A-t-il participé au trafic d’armes et de drogue? Était-il présent lors des attaques menées par ses ex-frères? Comment, malgré ce passé sulfureux, a-t-il pu en venir à être titulaire ne serait-ce que d’un permis de possession d’armes? Comment a-t-il pu ouvrir une armurerie? Rassurant pour la sécurité publique, n’est-ce pas? Bien qu’il semble avoir trahi ses anciens comparses, Martin Leger n’a pas l’air d’avoir renié leurs idées d’extrême droite pour autant si on se fie à la vidéo…

En conclusion, il est important de souligner que l’équipe de Dure Réalité n’est pas contre la possession d’armes. Nous ne désirons pas non plus que l’État, sa police et ses militaires soient les seuls à être armés, c’est certain. Par contre, nous nous rangeons à 100% dans le camp féministe et nous ne supportons pas que des tarés libertariens viennent glorifier une tuerie misogyne pour faire valoir leur point. Il demeure primordial pour nous de souligner le caractère antiféministe de l’attentat fomenté par Marc Lépine. Nous en profitons pour vous inviter à participer à l’épluchette de jambon qui aura lieu devant le commerce de Martin Leger le 2 décembre prochain.

On vous laisse avec une chanson d’un groupe mythique de la scène Punk québécoise qui fêtera prochainement le 25e anniversaire de la sortie de l’album Advienne que pourri!. Voici Les Pines du groupe Les Bons à Rien :

Visite nocturne chez Jean-Yves Lavoie, président de Junex

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Nov 272017
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La nuit du 16 novembre, nous sommes allé.es visiter la banlieue de Québec, plus exactement le 1205 rue Impériale, afin de laisser un message à l’intention de M. Jean-Yves Lavoie. Pour ceux et celles qui ne seraient pas familier.es avec lui, M. Lavoie est le président de Junex, une compagnie qui génère son profit (ou, à tout le moins, qui essaie) en exploitant le territoire du soit-disant “Québec”, entre autres à travers des projets de fracturation en “Gaspésie”.

Nous avons décidé de joindre nos efforts à la puissante lutte en cours, laquelle se mène sur plusieurs fronts, souhaitant rendre le rêve de M. Lavoie impossible. En d’autres mots, plutôt que de laisser l’industrie extractiviste coloniale et des compagnies comme Junex continuer à menacer la terre et l’eau de la Gaspésie ou de n’importe quelle région de l’Île de la Tortue, nous avons choisi d’entendre l’appel des Mi’kmaq et des autres protecteur.rices de l’eau et de la terre. Nous ferons ce qui est nécessaire afin d’empêcher les compagnies comme Junex de mener à terme leurs plans destructeurs.

C’est dans cet esprit, et avec notre propre objectif de démantèlement de l’industrie pétrolière et gazière au “Québec”, que nous avons brisé les fenêtre de ses voitures, sans oublier d’en percer les pneus. Nous avons aussi recouvert sa maison de peinture.

Nous lui avons également laisser un message vocal, que vous pouvez écouter ici. Son rêve de devenir riche en détruisant le territoire ne réalisera pas. Les efforts collectifs de protection de la terre – les blocages, camps de support, manifestations, campagnes d’éducation – ainsi que toutes les initiatives autonomes menées par une multitude de groupes autochtones et allochtones seront bien plus puissantes que le travail que M. Lavoie et Junex peuvent accomplir en une vie.

Québécois contre le Québec!

Décolonisons l’Île de la Tortue !

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Nov 272017
 

Soumission anonyme à MTL Countre-info

OLYMPIA-UNIST’OT’EN-GASPÉSIE-SECWEPEMCUL’ECW
DÉCOLONISONS L’ÎLE DE LA TORTUE

Depuis dix jours, un campement bloque le chemin de fer qui mène hors du port d’Olympia, empêchant des agents de soutènement utilisés dans le processus de fracturation hydraulique d’être envoyés au Dakota du Nord et au Wyoming. En plus de faire obstacle au capitalisme et à la destruction environnementale, le blocage a créé une ouverture qui nous permet d’interagir les un.es avec les autres de façon nouvelle et libérée. Nous nous sommes fait de nombreux.ses nouveaux.elles ami.es, avons approfondi des relations existantes et expérimenté la joie de partager nos vies sans nous soucier du profit.

Nous voulons transmettre nos salutations et exprimer notre solidarité avec la résistance autochtone à l’expansion capitaliste, à travers l’Île de la Tortue. Des terres des tribus Nisqually et Squaxin aux rives de la Wedzin Kwah en territoire Unist’ot’en, en passant par les murs des Tiny House Warriors du territoire Secwepemc et par les luttes Mi’kmaq sur la péninsule de Gaspésie, nous souhaitons reconnaître et honorer ceux et celles à qui sont les territoires où nous luttons présentement, ainsi que ceux et celles qui se battent à nos côtés contre la méga-machine industrielle, ici comme ailleurs. Notre bataille contre les agents de soutènement en est aussi une contre les oléoducs de LNG, Keystone Oil et plusieurs autres. Plus largement, la lutte contre l’industrie extractiviste est une lutte contre la colonisation.

Une requête faite selon la loi d’accès à l’information a révélé que le blocage de chemin de fer de l’année dernière, qui a duré une semaine, a fait perdre deux opérations de fracturation au géant du pétrole Halliburton et qu’en retour, Halliburton a rompu ses liens avec le port d’Olympia. Bien que nous ne souhaitions pas voir le port d’Olympia opérer une transition vers une sorte de capitalisme éco-blanchi et « progressiste » – polissant à peine la gigantesque merde de la colonisation – nous célébrons l’ampleur du chaos ainsi que les impacts sur Halliburton. Parfois, il semble qu’aucune attaque sur le capitalisme ou l’État ne puisse jamais être assez forte pour causer de réels dommages, mais des moments comme celui-ci nous rappellent que la machine de mort est plus vulnérable qu’on ne pourrait le penser.

Salutations chaleureuses à tous ceux et celles qui cherchent les failles dans l’armure du léviathan,
Pour la liberté totale,
quelques invité.es sur la pointe sud de la mer des Salish

 

Maxime Fiset et son centre de « prévention de la radicalisation » ne nous représentent pas!

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Nov 272017
 

De Montreal-Antifasciste

En tant que militantes et militants antifascistes et antiracistes actifs, dans certains cas, depuis des dizaines d’années dans les luttes contre l’extrême droite à Montréal, à Québec et ailleurs au Québec et au Canada, nous tenons à nous dissocier de la façon la plus claire possible des positions et propos tenus dans les médias ces derniers temps par Maxime Fiset, porte-parole du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV), notamment dans l’article paru aujourd’hui dans La Presse sous le titre Les assauts de l’extrême gauche se multiplient au Québec.

Nous connaissons bien le goût des médias grand public pour les récits simplistes ainsi que leur affection particulière pour les spécialistes patentés (toujours les mêmes) appelés en renfort pour cautionner ces récits biaisés. Mais la cause que nous défendons est trop importante pour que nous laissions aux médias et à leurs soi-disant experts le loisir d’en fausser le sens au nom d’une doctrine simpliste et contre-productive qui n’est pas et n’a jamais été la nôtre.

Il convient d’abord de rappeler que monsieur Fiset était lui-même toujours actif dans les réseaux fascistes, notamment comme membre fondateur de la Fédération des Québécois de souche et comme modérateur local du forum suprémaciste Stormfront, quand certains et certaines d’entre nous se battaient littéralement contre ses petits amis néonazis dans les rues de la métropole ou subissaient des attaques au couteau dans la capitale.

Bien que nous n’ayons a priori aucune raison de douter de l’authenticité de son retournement idéologique, vous comprendrez le malaise que certain-e-s d’entre nous éprouvent de le voir aujourd’hui sur toutes les tribunes s’exprimer en leur nom.

Si monsieur Fiset était autrefois décidément néonazi, le discours qu’il porte aujourd’hui est davantage « extrême centriste » que de gauche. Il s’imagine au-dessus de la mêlée et suppose une symétrie entre l’extrême droite et l’extrême gauche et, ainsi, relativise la violence et le danger que représente réellement la première par rapport à la seconde. Par définition, ce discours ne correspond aucunement aux positions politiques d’un très large pan de l’opposition antiraciste et antifasciste, laquelle est historiquement et jusqu’à ce jour communiste, anarchiste et explicitement radicale.

La gauche dans la ligne de mire des antiracistes d’État

Cette contradiction ne devrait surprendre personne, car Fiset n’a jamais caché le fait qu’il agit en tant que représentant d’un organisme parapolicier, le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV). Cet organisme a été mis sur pied par le gouvernement en 2015 dans le but de contrer la « radicalisation » de quelques jeunes musulman-e-s dans certains cégeps montréalais.

Fiset a déjà expliqué que le CPRMV comporte quatre axes de recherche : la droite, la gauche, les religieux/euses, ainsi que des individus qui se radicalisent autour de leur propre vendetta. Il n’y a donc aucune place à l’ambiguïté : la gauche (et à plus forte raison l’extrême gauche) ne fait pas partie des alliés du CPRMV, mais de ses cibles.

Le CPRMV définit la « radicalisation » seulement par rapport aux gestes violents qui menacent la « vie en commun » dans la société.  Une formule dont l’interprétation dépend nécessairement des critères idéologiques de celui ou celle qui l’applique. Cette perspective omet totalement la violence et la militarisation des États, comme si ces derniers étaient idéologiquement neutres ou nécessairement au centre de l’échiquier politique. De plus, le CPRMV inclut dans son domaine de recherche des groupes qui ne rentrent pas dans cette catégorie déjà assez floue, mais qui pourraient toutefois servir d’« incubateur » à des individus ou des tendances qui pourraient se radicaliser à l’avenir. Il s’agit donc d’un domaine de recherche extrêmement vaste.

Les entités comme le CPRMV sont des éléments caractéristiques du paysage lorsqu’on s’engage dans la lutte antifasciste. L’antifascisme n’est pas une bataille simple entre deux adversaires, soit nous contre les nazillons. C’est une lutte à trois, dans laquelle il nous faut nous battre non seulement contre l’extrême droite mais aussi contre des organismes étatiques et paraétatiques qui sont tout aussi hostiles (sinon plus) à la gauche radicale qu’à la droite radicale. Le plus souvent, ces entités étatiques et paraétatiques bénéficient de relations privilégiées avec les médias et d’autres organes de l’État, ainsi que d’un financement généreux qui leur permet de prendre énormément de place dans le débat public sur l’extrême droite.

En tant qu’antifascistes radicaux ayant des racines historiques dans la gauche révolutionnaire, les activités de ces antifascistes d’État nous confrontent à des défis et des risques. Compte tenu des ressources dont ils disposent, ces groupes produisent souvent des renseignements au sujet de l’extrême droite qui nous sont utiles. Des groupes comme l’Anti-Defamation League et le Southern Poverty Law Center aux États-Unis, par exemple, sont encore parmi les principales sources d’information sur les individus et les organisations d’extrême droite. Même lorsque des personnes plus proches de nous produisent des reportages sur nos adversaires d’extrême droite, elles s’appuient souvent (mais pas toujours) sur des dossiers produits par ces entités paraétatiques. Mais par contre, nous voulons éviter de renforcer le profil de tels groupes, car il est fort probable qu’un jour ou l’autre ils utiliseront leur position non seulement pour saper nos efforts, mais aussi pour faciliter la répression visant les antifascistes radicaux et leurs allié-e-s.

La forme que ce travail répressif prend peut varier, et tous les sales coups ne sont pas égaux, bien sûr. Faire des amalgames entre l’extrême gauche et l’extrême droite, mettre sur un pied d’égalité la violence oppressive et la violence CONTRE l’oppression, demander d’élargir les pouvoirs répressifs de l’État – tout cela fait partie de la fonction normale des antifascistes d’État, même des groupes qui peuvent par ailleurs se trouver de notre bord dans certaines campagnes. Et même aussi des personnes bien intentionnées qui peuvent par ailleurs faire du bon travail dans certains cas.

Mais ces groupes peuvent aussi prendre parti plus activement contre nous. L’exemple le plus connu concerne l’Anti-Defamation League (ADL) qui, dans les années 1980, est allée jusqu’à monter une véritable opération d’espionnage, en collusion avec le régime d’apartheid d’Afrique du Sud, pour recueillir des renseignements sur des dizaines d’organisations d’extrême gauche et anti-impérialistes. Dans certains cas, les espions de l’ADL sont même allés jusqu’à encourager et à créer des liens entre des néonazis et des organisations propalestiniennes pour pouvoir ensuite dénoncer à grands cris « l’antisémitisme » de ces dernières. Le scandale a éclaté lorsque le voile a été levé sur cette opération en 1993, et après plusieurs années en cour, l’ADL a été obligée de payer des centaines de milliers de dollars à des personnes qu’elle avait ciblées. Impossible de dire si l’ADL s’est à nouveau abaissée à ce genre d’opération clandestine depuis cet épisode peu glorieux.

Plus près de nous, une soi-disant « Ligue antifasciste mondiale » (LAM) était active à Montréal dans les années 1990. Issue de la lutte de rue contre des boneheads néonazis, et suite à des pressions policières, la « ligue » s’est principalement impliquée dans la collecte (et le partage avec la police) de renseignements et spécialisée dans les déclarations aux médias. L’une de ses principales priorités était de critiquer les autres forces antifascistes, notamment le Centre canadien sur le racisme et les préjugés. En 1993, tandis qu’étaient organisées les plus grandes manifestations antifascistes à Montréal depuis des années contre la venue du Heritage Front néonazi de Toronto et de représentants du Front National français, la LAM a surtout agi pour saboter les mobilisations militantes! Finalement, elle est allée jusqu’à dénoncer publiquement des anarchistes de la revue Démanarchie à la police et dans les médias suite aux émeutes de la Saint-Jean à Québec en 1996. Il a été révélé par la suite que la LAM avait partagé pendant des années des renseignements sur la gauche avec la police.

On note avec amusement que la LAM avait toujours travaillé en étroite collaboration avec Yves Claudé, alias Yves Alix, un « chercheur » qui s’est lui-même promené de la gauche à l’extrême droite au fil des ans. On ne sait toujours pas pour qui Claudé travaille réellement, puisqu’il « fait de la recherche » et prend des photos d’amis et d’ennemis où qu’il aille. Son récent « exposé » sur les antiracistes dans les pages de l’Aut’journal n’est vraiment rien de plus qu’une mise à jour surréaliste du genre de désinformation qu’il produisait déjà il y a vingt ans.

Si les dérives de la LAM et de l’ADL montrent jusqu’où peut aller l’antifascisme d’État, il est clair  que des opérations aussi grossières nuisent à sa fonction primaire, qui est justement de prévenir la radicalisation et de gérer la crise idéologique dans laquelle le capitalisme se trouve. La modalité préférée des organismes de l’antifascisme d’État est de jouer au nice cop, de se faire inviter dans nos espaces, d’avoir une place dans nos réseaux, de s’exprimer en tant qu’« allié critique », tout ça pour mieux nous comprendre et, éventuellement, nous cibler et nous déstabiliser plus efficacement le moment venu. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre les agissements et les propos de M. Fiset et du CPRMV.

Maxime Fiset et le CPMVR nuisent activement à la lutte antifasciste

Jusqu’à tout récemment, l’omniprésence de M. Fiset n’était pour nous qu’un irritant de plus dans le paysage sociopolitique et médiatique. Or, dans une récente entrevue accordée au journal communautaire Droit de parole, il a dépassé les limites de la décence élémentaire en nommant expressément un groupe actif du milieu antifasciste de Montréal dans des termes hostiles et condescendants qui, en plus de semer la discorde, donne du grain à moudre à la police et au militant-e-s d’extrême droite et expose d’autant plus nos camarades à la répression et aux représailles.

Avant cela, M. Fiset s’était épanché sur toutes les tribunes, le 20 août dernier, pour déclarer La Meute victorieuse d’un face à face tendu à Québec où cette dernière était restée confinée dans un stationnement sous-terrain pendant cinq heures, assiégée par des centaines d’antiracistes et d’antifascistes. Par quelle contorsion logique en arrive-t-il à considérer que La Meute est sortie victorieuse de cette humiliante situation? En concluant qu’un groupe d’antifascistes qui avaient renversé des poubelles, lancé des chaises de parterre et d’autres projectiles dans la direction de la police et agressé physiquement une poignée d’individus identifiés au mouvement ultranationaliste ont de facto « perdu la bataille des relations publiques », délégitimé l’ensemble de la mobilisation antiraciste et par voie de conséquence, légitimé le discours raciste de La Meute! (Il a d’ailleurs récidivé tout récemment en disant à Al Jazeera que l’extrême-droite jouissait actuellement au Québec d’une « légitimité accrue », confirmant du coup sa propre prophétie, et encore dans l’article de La Presse du 23 novembre intitulé Les assauts de l’extrême gauche se multiplient au Québec -véritable opération de diabolisation de l’extrême gauche curieusement lancée par l’establishment libéral à 48 h d’une manifestation d’extrême droite à Québec- où Fiset compare carrément le site de propagande anarchiste Mtl Counter-Info à un « blogue djihadiste ».) Tout ce raisonnement est évidemment fallacieux et indique un différend majeur entre la posture politique de M. Fiset et celle de la majorité du mouvement antifasciste militant.

Nommément, M. Fiset s’attache dogmatiquement à ce qu’on appelle la « non-violence », tandis que le mouvement antifasciste international, de ses débuts dans les années 1920 jusqu’à aujourd’hui, adhère à une diversité de tactiques incluant (mais sans s’y limiter) le recours à la violence contre les courants organisés d’extrême droite, fascistes et ultranationalistes. L’objectif de ces mouvements étant de bloquer la dérive fasciste par tous les moyens nécessaires. (À ce titre, nous ne saurions que recommander à M. Fiset la lecture de Antifa : The Anti-Fascist Handbook, qui participerait sans doute à combler certaines lacunes importantes dans son analyse.)

Comme l’écrit Peter Gelderloos dans son livre incontournable Comment la non-violence protège l’État :

« Nous pensons que les tactiques devraient être choisies en fonction de chaque situation particulière, et non pas déduites à partir d’un code moral préconçu. Nous tendons également à penser que les moyens se reflètent dans les fins, et nous ne voudrions pas agir d’une façon qui conduirait invariablement à la dictature ou à quelqu’autre forme de société qui ne respecte pas la vie et la liberté. Ainsi, nous serons plus judicieusement décrits comme défenseurs d’un activisme révolutionnaire ou militant, que comme défenseurs de la violence. »

En tant qu’antifascistes et antiracistes, nous ne sommes ni pour, ni contre la violence intrinsèquement. Par contre, nous soutenons l’action directe et des stratégies d’actions diversifiées. Nous sommes politiquement « radicaux » (au sens premier du terme, c’est-à-dire que nous désirons nous attaquer à la racine –radix– des problèmes), nous ne nous en cachons pas, et croyons que la violence est parfois nécessaire contre l’extrême droite et la dérive fasciste. Mais n’admettant pas l’autorité de l’État, nous sommes aussi contre la répression policière d’un État qui met par ailleurs en place des conditions socio-économiques favorables à l’émergence de l’extrême-droite et qui protège ensuite le« droit » de celle-ci de parader dans les rues et de diffuser ses idées toxiques.

Cette position « radicale », à la fois contre l’extrême droite et contre l’État, nous inscrit d’emblée en faux contre M. Fiset, son centre, et la vision libérale moralisante qu’ils défendent. Ainsi, nous n’avons jamais entendu M. Fiset s’exprimer sur les violences et dérives policières à Québec ou à Montréal. Nous ne l’avons jamais entendu dénoncer les excès de violence physique, économique et symbolique de l’État et de son bras armé qui cultivent le terreau où germe l’extrême droite.

Le pacifisme moralisateur de personnages comme M. Fiset s’inscrit dans une forme d’hégémonie idéologique servant l’État et sa répression plutôt que de soutenir les mouvements sociaux. Nous croyons au contraire que la montée de l’extrême droite et la répression policière contre toute forme de contestation nécessitent une résistance tout aussi forte.

Plusieurs tactiques doivent travailler de concert, dans des stratégies communes, au moment opportun. Il y aura certes des débordements qui peuvent être critiqués, ce que nous ne nous sommes pas privés de faire (y compris à Québec le 20 août 2017). Toutefois, ce n’est pas la violence en tant que telle qui doit alors être critiquée, mais son utilisation peu productive ou peu stratégique dans des circonstances données, le cas échéant.

Pour conclure, nous n’acceptons pas que monsieur Fiset s’exprime en notre nom dans les médias, ni d’ailleurs au nom de l’ensemble des antiracistes ou de la cause antiraciste. En tant que spécialiste patenté de l’extrême droite, Maxime Fiset fait pour nous figure d’imposteur. Il ne représente que lui-même et son centre, lequel n’est en fin de compte qu’un porte-voix au service de l’État libéral que nous combattons en même temps que la peste brune et l’extrême-droite.

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Appel à une semaine d’action des Comités de défense et de décolonisation des territoires

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Nov 192017
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Bloquer l’économie extractiviste

Soutenir le Camp de la rivière

Des 24 au 26 novembre prochains, le parti libéral se réunira dans la ville de Québec. Ces farouches partisans de l’économie extractiviste viennent de faire adopter une nouvelle réglementation sur l’exploitation des hydrocarbures qui menace plus que jamais l’eau, la terre et tout ce qui y vit. Leur détermination à favoriser les pétrolières et les minières malgré les désaccords de plus en plus bruyants, démontre que seul un rapport de force conséquent peut interrompre leurs activités. C’est en ce sens que les Comités de défense et de décolonisation des territoires appelons à une semaine d’actions du 24 novembre au 2 décembre pour se rencontrer de nouveau dans la lutte, maintenir la pression et s’attaquer à l’infrastructure de l’économie de la mort.

Depuis que le camp de la Rivière s’est érigé en Gaspésie, au pied de la route menant aux puits de la pétrolière Junex, la ligne est claire : d’un côté, ceux et celles désirant protéger les territoires et de l’autre, ceux voulant les soumettre à une logique d’exploitation. Malgré les menaces d’injonction, un renouveau dans le mouvement de résistance a été généré par les discussions, les rencontres et l’appel à la formation de comité de soutien. La proposition de lier lutte écologiste et décoloniale fait son chemin et engendre de nouvelles possibilités. Tout autant qu’elle adresse des questions brûlantes. Ce qui se passe en Gaspésie, inspire les résistances sur tous les territoires, en plus de nous enseigner le mépris envers les institutions coloniales.

C’est qu’il faut se souvenir qu’une entente temporaire pour l’arrêt des travaux avait été conclue en août dernier sous la pression du conseil traditionnel Mi’kmaq entre les conseils de bande de la région et les pétrolières. Pourtant, Petrolia a reçu l’aval de ces mêmes conseils pour débuter des tests sismiques à proximité d’aires protégés. L’ensemble des institutions coloniales s’allie pour poursuivre leurs œuvres destructrices.

Ainsi, l’annonce de la fin du projet Énergie Est ne fut qu’un court répit pour ceux et celles désirant protéger les territoires. Plus que jamais nous devons miser sur nos propres forces, forger nos liens de solidarité et passer à l’action. C’est pourquoi nous appelons à sortir de nouveau avant que la neige ne vienne voiler les ravages des pétrolières. Sortir, et par tous les moyens nécessaire, ré-habiter les mondes.

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Le retour du RASH

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Nov 162017
 

De Liaisons

Le RASH fait son retour à Québec après près d’une décénie d’abscence. Nous souhaitons souligner l’initiative de ceux et celles qui ont fait en sorte que ce retour soit possible en partageant leurs réflexions sur ce que devrait être l’antifascisme aujourd’hui à Québec.

Au RASH Québec nous pensons que l’antifascisme tel qu’on le connait dans notre ville doit être revu. Actuellement, il n’est pas apte à combattre la montée de l’extrême-droite que l’on peut voir partout, avec des groupes comme la Meute, Storm Alliance et, plus proche de nous, Atalante Québec. L’antifascisme se doit d’être révolutionnaire et ne doit pas seulement se résumer à combattre l’extrême-droite en lui-même. L’extrême-droite prend plusieurs formes et nous devons toutes les combattre.

L’antifascisme doit s’inscrire dans une lutte des classes anticapitaliste; à chaque fois ou presque dans l’histoire où nous avons pu voir la montée de l’extrême-droite, une classe dirigeante, les capitalistes, s’est enrichie tandis que la classe ouvrière a saigné encore plus. À ces moments critiques, la gauche antifasciste a toujours combattu les organisations au pouvoir par le biais d’actions directes, de manifestations, etc., mais n’a toujours presque rien fait pour venir en aide directement à la classe ouvrière, laissant le chemin libre aux groupes d’extrême-droite et créant un terreau fertile à leurs idées.

Nous devons oublier les idées préconçues que nous avons de la classe ouvrière et arrêter d’avoir des préjugés comme ceux qui voudraient qu’ils et elles écoutent tous et toutes Radio x. Quand bien même ils/elles les écouteraient, cela ne fait pas de facto d’elles et eux des êtres sans intelligence et cela ne nous empechera pas d’aller à leur rencontre. En ces temps troubles, nous devons et devrons être présent.e.s pour ces gens et les éduquer ( et qui sait aussi apprendre d’elles et eux, sur les raisons de leurs/nos malheurs, et les aider du mieux que nous pouvons à trouver des solutions), sinon d’autres le feront à notre place. D’ailleurs, nous devons nous aussi les laisser nous éduquer et arrêter de prétendre que nous sommes les seul.e.s à posséder le savoir vrai.

L’antifascisme doit aussi combattre une autre chose… nos propres camarades. D’abord, en commençant par les agresseurs sexuels pour rendre nos espaces descends pour toutes et tous. Aussi, nous devons nous lever, confronter et éduquer nos camarades qui font des jokes de goulags, qui vénèrent presque Staline ou Mao, etc., de tels discours n’ont pas leur place dans les milieux antifascistes et vont à l’encontre de l’idée d’un antifascisme révolutionnaire. La classe ouvrière n’a que faire de ces discours déconnectés de la réalité et qui nous empêchent d’aller chercher plus d’allié.es dans celle-ci et dans les différentes communautés.

Finalement, il nous faut investir les communautés que nous disons défendre, aller à leur rencontre, discuter avec eux, les inviter pour une bière ou une quelconque activité, les inviter dans la lutte et ne pas parler à leur place.

Agitez – Éduquez – Organisez-vous

161% redskin

RASH Québec