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Pas de visage, pas de dossier : une défense des attaques contre les caméras des grands médias

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Sep 062017
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Durant la mobilisation anti-fasciste contre l’extrême-droite raciste à Québec Dimanche, une caméra de Global News a été détruite par des participant.es du black bloc[1. Vous n’êtes pas familier.ères avec la tactique du black bloc? Allez voir ‘What is a black bloc?’.]. Par la suite, un anti-raciste de la foule a été entendu demandant à son ami « Je comprends pourquoi attaquer les fascistes, et même la police qui les protège, mais les journalistes? »

Nous aimerions expliquer ce qui s’est passé, et les raisons qui en rendent la continuité nécessaire durant des manifestations où les gens enfreignent la loi.

Parfois, il est nécessaire d’aller contre ce que les gens « normaux » considèrent « acceptable », de briser la loi pour agir éthiquement. Ceuzes qui se masquent pour combattre la droite ont décidé, en prenant de grands risques personnels, d’utiliser tous les moyens nécessaires pour mettre un terme à l’organisation fasciste. Plusieurs d’entre nous croyons que l’entièreté du système doit être abolit, que les lois sont oppressives, ou que ceuzes qui font les lois sont responsables d’un problème sérieux et urgent, que ça soit la destruction de notre planète, les centaines de milliers de maisons saisies, l’impunité des meurtres commis par la police, etc.

Chaque photo prise de gens qui portent des masques ou qui commettent des gestes illégaux peut devenir une preuve pour la répression. La police utilise quotidiennement les vidéos des manifs trouvés sur les médias indépendants pour accuser des gens et les mettre en cage. Pour rendre les manifs plus sûres pour ceuzes qui se mettent à risque, nous devons faire en sorte que les manifs deviennent des zones sans caméra (au moins dans les sections de la manif où il y a des manifestant.es masqué.es).

D’abord, décourageons les gens de filmer ou de prendre des photos durant une manif, et expliquons pourquoi c’est problématique. Souvent, les gens prennent des photos sans y penser, et plus tard eux-mêmes et leurs ami.es se retrouvent à avoir des problèmes. D’autres gens qui filment sont des journalistes de grands médias ou des « bons citoyens » qui iront donner leur information à la police plus tard.

Le médias appartenant au mouvement sont l’exception de ces « zones sans caméras », puisqu’ils ont construit une relation de confiance avec les participant.es du black bloc en flouant les visages des personnes masquées et en ne filmant aucune action qui puisse être criminalisée.

L’existence des grands médias, elle, vise à de propager et de légitimer la vision du monde capitaliste. Ils donnent régulièrement leurs images à la police sans même attendre un ordre de la cour. Dimanche dernier, à Québec, un journaliste de CTV s’est vu demander de ne pas filmer les gens masqués, ce a quoi il a répondu qu’il avait le droit de le faire (et effectivement, selon les lois de l’État, il a le droit). Lorsqu’il a reçu un avertissement final que s’il continuait sa caméra allait être détruite, il s’est approché de la police pour nous pointer du doigt et a plus tard arraché le masque d’un.e camarade (ce qu’il a payé de quelques douleurs au visage).

Les grands médias ont toujours fait la promotion des intérêts de la classe qui la finance. Quiconque ayant déjà été soumis à leur couverture sait à quel point elle est biaisée. La stratégie qui vise à obtenir une attention positive de la part des médias de masse manque de vision – ces institutions ne seront jamais nos alliées, aussi longtemps que nous aurons le désir de challenger réellement les structures de pouvoir. Tout message que nous essayerons de communiquer à travers les médias de masse seront toujours reformulés pour assurer le maintient du libéralisme.

Ceuzes qui décident que nous devons nous battre le font déjà contre les fascistes et la police armée qui les protège – nous n’avons pas besoin d’un autre ennemi qui nous mets en danger. Même si les médias de masse se font avertir de ne pas filmer les gens masqués, ils continuent souvent à les filmer subtilement à distance, parce qu’ils n’ont aucun respect pour nos luttes. Dimanche dernier, plusieurs anti-fascistes sont venus équipés avec des fusils à eau remplis de peinture noire pour asperger les visages des fascistes. Ça pourrait être utile dans le futur d’utiliser des tactiques similaires pour obscurcir les lentilles des caméras des grands médias, ou même des bonnes vieilles cannettes de peinture.

Les manifs ont besoin d’être participatives. Chaque personne ayant une caméra en main devient un spectateur aliéné. Les gens sortent dans la rue pour changer les monde précisément parce qu’ils sont écoeuré.es de regarder le monde à la TV et de regarder à quel point les gens puissant le changent constamment pour pire.

Les manifestations de rue doivent être des espaces de participation, de création et de destruction, non pas des endroits pour les médias et des pièges à surveillance policière.

Trucs pour des blocs plus sûrs

La police de Québec a annoncé qu’elle fera des arrestations basée sur la vidéo surveillance. Même si nous ne voulons pas renforcer la paranoïa, parce qu’il s’agit peut-être d’une menace vide, on veut tout de même saisir l’opportunité pour rappeler quelques trucs importants lorsqu’on porte des masques.

Pourquoi porter un masque? Pour d’agir sans être immédiatement reconnu. Plus des gens portent des masques, plus il est difficile pour les autorités d’identifier ou d’isoler une partie de la foule. Vous pouvez porter un masque pour protéger votre identité, ou simplement pour protester contre la surveillance constante. Porter un masque lors de manifestations permet d’ouvrir un espace pour que des gens qui ne pourraient pas participer autrement à cause de leur statut légal ou d’immigration ou à cause de leur emploi puissent le faire. Il est mieux d’y aller avec des ami.es qui pourront surveiller vos arrières, être vigileant.es quant au positionnement de la police, et être attentif.ves aux environs pour trouver le meilleur moment pour se masquer et se démasquer.

Ne retirez pas votre masque avec négligence et évitez d’ouvrir partiellement votre déguisement. Assurez-vous de décider du bon moment pour devenir anonyme et quand ce sera le bon moment (et lieu) pour sortir de l’anonymat. Ne faites pas les choses à moitié. Si les flics peuvent trouver une photo de vous avec exactement les mêmes vêtements et souliers, avec un masque et sans masque, votre précieux déguisement n’aura servi à rien.

Même si nous réussissons à nous échapper, la police peut utiliser des photos et des vidéos pour nous poursuivre plus tard. Il est mieux de couvrir vos cheveux, votre visage, vos bras, vos tatous et vos mains. Assurez-vous qu’il n’y ait pas de marques qui permettent d’identifier vos vêtements, vos souliers ou votre sac à dos. C’est une bonne idée de changer plusieurs morceaux de votre couche extérieure ou même vos souliers (par exemple, apportez un chandail léger, des pantalons ou un manteau de pluie que vous pouvez jeter). N’oubliez pas de couvrir, déguiser, ou jeter tout sac à dos ou sac que vous pourriez avoir amené. Les souliers peuvent être recouverts de chaussettes noires. Les gants en tissu sont préférables aux gants en plastique parce qu’ils ne transfèrent pas les empreintes. Si nous amenons tout matériel avec nous, nous le nettoyons à l’avance avec de l’alcool à friction pour enlever les empreintes. Et plus important encore, assurez-vous de ne as être filmé.es lorsque vous vous masquez et démasquez!

Pour lire plus à propos des enjeux de sécurité en manifestation, allez voir la page Guides Pratiques de MTL Contre-information.

Consignes pour les médias du mouvement

Être en solidarité :

  • ne commencez pas à filmer la manifestation avant qu’elle n’ait commencé à marcher pour au moins 20 minutes, pour laisser à tout le monde la chance de pouvoir se masquer.
  • ne filmez pas des gens qui sont en train de faire des actes criminalisés (comme briser des fenêtres, faire des graffitis, lancer des projectiles, construire des barricades, etc.) Ne filmez pas ceuzes qui attaquent eux-mêmes, mais plutôt leurs cibles.
  • si quelqu’un porte un masque, ne les filmez pas. Ils portent un masque pour une raison et vos films peuvent les identifier grâce aux autres vêtements qu’ils portent ou avec leurs caractéristiques faciales. La seule exception à cela concerne les gens avec qui vous avez construit une relation de confiance et qui vous demandent d’être présent.es parce qu’ils savent que vous êtes à leurs côtés.
  • Avant de publier des vidéos et des photos, flouez les visages. Allez voir ce tutoriel si vous ne savez pas comment faire.
  • Ne faites pas du live-stream. La police est capable d’enregistrer immédiatement votre matériel pour constituer des preuves. Si vous filmez quelque chose d’incriminant, vous ne pourrez pas le retirer au montage.

D’autres lectures à propos des anarchistes et des médias

Caught in the Web of Deception: Anarchists and the Media
“Cops, Pigs, Journalists”: To Inform, To Obey
The Reasons for a Hostility – About the Mass Media

Le camp de la rivière est là pour rester

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Sep 022017
 

De Camp de la Rivière

L’orage torrentiel d’hier soir nous amené à passer une soirée calme, à la lueur des chandelles, bercée par le crépitement des gouttes de pluie sur les toiles : certain.es jouaient au scrabble, d’autre se faisaient la lecture à voix haute. Aujourd’hui, malgré la grisaille qui ne démord pas, l’ambiance est énergique au Camp de la Rivière. Nous avons appris que Junex suspend ses travaux pour quatre mois, le temps que MMS ainsi que les conseils de bande de Gespeg, de Gesgapegiag et de Listuguj mènent des consultations publiques auprès des habitant.es des trois réserves, à propos du développement des hydrocarbures sur le territoire Mi’gmak non-cédé.

Il y a trois semaines, le blocage anonyme de la route d’accès aux sites Galt a considérablement déstabilisé la compagnie pétrolière, qui jusque là menait ses projets d’exploration en se faisant le moins possible remarquer, sans qu’il n’y ait eu de consultation publique préalable. Nous voulons souligner que cette nouvelle étape, annoncée aujourd’hui par les conseils de bande, n’aurait très probablement pas eut lieu sans les énormes efforts d’une multitude de personnes luttant sur le terrain : ceux et celles qui se sont mis en jeu lors du blocage, les autochtones et allochtones qui collaborent autour du camp de la rivière ainsi que les groupes écologistes qui luttent depuis des années en Gaspésie.

Le Camp de la Rivière est effervescent et installé pour rester. La suspension des travaux de Junex n’offre aucune garantie de l’arrêt définitif de ceux-ci, ni de la fin des projets d’exploitation d’hydrocarbures sur le territoire. Nous sommes donc déterminé.es à poursuivre la lutte. Le Camp de la Rivière est un lieu d’organisation, de partage d’informations et d’échange d’idées. La nécessité de ce genre d’espace, qui inspire et fait des vagues bien au-delà du campement en tant que tel, demeure cruciale. Nous désirons un débat public actif, se déroulant de façon horizontale, et c’est ce que nous continuerons à nourrir. La force des relations créées ou maintenues par la vie du campement est significative.

C’est dans cette perspective que nous réitérons l’appel à la semaine d’actions, qui sera lancée par la manifestation à Gaspé lundi le 4 septembre prochain. Venez marcher avec nous à 14h, après s’être régalé.es lors de l’épluchette de maïs ! Rejoignez-nous en tout temps au camp de la rivière, que ce soit pour un bref passage, le temps de discuter autour du feu ou pour un séjour prolongé. Nous vous invitons d’ailleurs à une journée d’ateliers de bannières et de cirque ainsi qu’à une soirée slam, demain, samedi le 2 septembre. Le soleil de fin d’été laisse place aux premières fraîcheurs automnales et nous sommes toujours là, enthousiastes et déterminé.es.

Réfugié.e.s bienvenu.e.s : déclaration de Jaggi Singh

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Août 312017
 

Bonsoir tout le monde – je suis de retour à Montréal après deux jours et une nuit dans la prison de la police de Québec. Merci à tout le monde pour votre solidarité et votre appui, en particulier aux gens qui sont venus à la Cour (tant à l’intérieur qu’à l’extérieur) et aux personnes – Arij, Emilie, Enrico, Rich – qui ont offert du support légal de diverses manières. Merci à toutes les personnes de Québec qui se sont mobilisées pour venir à la Cour (incluant un ancien camarade pendant la mobilisation contre le Sommet des Amériques en 2001 qui a témoigné pour moi) et aux personnes de Montréal qui travaillaient dans l’ombre (incluant les gens de Montréal Antifasciste qui ont écrit ce très utile communiqué).

Bien que je me sois représenté moi-même à la Cour, j’ai été très bien appuyé d’autres manières, ce qui m’a permis de me concentrer sur la tâche la plus urgente, qui était d’être relâché avec le moins de conditions possibles. Merci également à tous ceux et toutes celles qui ont envoyé un message d’appui ; ces messages comptent beaucoup pour moi.

Cet épisode entier est ridicule, drôle et troublant à la fois, mais aussi une distraction face à la problématique réelle: la confrontation collective et l’opposition à la montée de l’extrême-droite raciste et anti-immigrant-e-s au Québec et ailleurs.

L’accusation criminelle d’avoir emprunté l’identité de l’ancien ailier-gauche des Nordiques nommé au Temple de la Renommée, Michel Goulet, est particulièrement ridicule. L’accusation n’est pas que l’on suppose que je refusais de m’identifier, mais que les policiers (et la Couronne) pensent sérieusement que je faisais à semblant d’être le grand joueur Goulet. Quand j’étais plus jeune, je faisais effectivement à semblant d’être Goulet, avec mon bâton Titan signé, mais je n’ai jamais cru que ça allait devenir un jour une accusation criminelle sérieuse.

D’autres aspects de cette cause s’ajoutent à la farce: être arrêté et menotté dans un restaurant de Montréal et conduit à Québec sur la force d’un mandat d’arrestation, emprisonné une nuit durant, paradé menotté devant les médias, l’objection de la Couronne à ma libération conditionnelle. Ça inclut la déclaration de la Couronne que je constituerais une menace pour la ville de Québec, la tentative de me garder détenu jusqu’au procès, et le fait d’insister sur des conditions de libération qui m’auraient banni de Québec et forcé à fournir des empreintes digitales.

[J’ai déjà gagné une cause où il a été établi que des empreintes digitales ne peuvent pas être requises dans le cas d’accusations sommaires, incluant toutes les causes aux Cours municipales de Montréal et de Québec, et ce précédent légal peut dorénavant être appliqué plus largement. Pour plus de détails au sujet des empreintes digitales, voir ici ou ici.]

Normalement, les policiers auraient simplement envoyé par la poste une « promesse à comparaitre » au sujet des accusations relativement mineures, et je me serais simplement présenté en Cour à la date prévue, sans en faire toute une histoire. Au lieu de cela, dans les suites du maire de Québec qui me déclare un « crétin » et affirme qu’il me déteste, et des racistes d’extrême-droite qui se mobilisent pour me faire arrêter, les policiers de Québec, un juge de la Cour municipale (qui a signé le mandat d’arrêt) et les procureurs de la Couronne furent tous complices de la manufacture d’un spectacle légal sans aucune proportion avec les charges relativement mineures et peu sérieuses auxquelles je dois faire face. (Pour le contexte, voici ma réponse de la semaine dernière au maire de Québec).

La principale preuve utilisée contre moi lors de l’audience sur la remise en liberté a été l’entrevue que j’ai donnée le 21 août à LCN, le lendemain des manifestations à Québec … Pour les flics et la Couronne, cette vidéo devait prouver que je suis une personne dangereuse.

Depuis une semaine et demi, nous avons vu le maire de Québec, les procureurs de la Couronne, certains médias de masse, ainsi que les policiers, répéter les lignes racistes et mensongères de l’extrême-droite au sujet de ma personne et de mon rôle dans les manifestations (« gang à Singh », « chef de manifestations violentes », etc.). Ils sont l’expression normalisée, en veston-cravate, des skinheads racistes, comme ce type (écoutez à partir de 1:35).

Dans l’ensemble, les actions des autorités légales de Québec, de la police et du maire sont troublantes et dangereuses, et ne font que réaffirmer l’importance de l’organisation autonome et populaire contre le racisme et le fascisme.

Somme toute, j’ai été en mesure de récupérer beaucoup de sommeil (la seule chose à faire en détention, et je suis capable de dormir n’importe où), de me rappeler du support à l’extérieur, et de m’engager à nouveau à organiser, avec tant de gens parmi vous, la lutte contre l’extrême-droite raciste et anti-immigrant-e-s, à Montréal, à Québec et partout ailleurs. Continuons de nous organiser!

Ouvrez les frontières! Réfugié-e-s bienvenu-e-s!
— Jaggi Singh
#JeSuisMichelGoulet #NousSommesMichelGoulet

Déclaration d’appui à Jaggi Singh, arrêté à Montréal pour avoir « supposé la personne » de Michel Goulet à Québec

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Août 312017
 

De Montreal-Antifasciste

Montréal, le 29 août 2017 — Ce matin, le militant montréalais Jaggi Singh a été arrêté et accusé d’avoir résisté à son arrestation et assumé l’identité d’une tierce personne après s’être identifié en blague auprès de la police de Québec comme Michel Goulet, un ancien joueur des Nordiques. Il sera transféré à Québec, où il devra comparaître en cour municipale demain à 9 h.

Cette arrestation survient dans le contexte d’une campagne haineuse menée par l’extrême droite contre la personne de Jaggi, dont une pétition mise de l’avant par le groupe raciste La Meute exigeant son arrestation. Cette campagne de salissage a été reprise par des politiciens de droite et certains journalistes au cours de la dernière semaine.

Plus particulièrement, ces accusations découlent de la participation de Jaggi à la manifestation antiraciste qui a eu lieu à Québec le 20 août dernier, où il a été brièvement détenu. Ce jour-là, près d’un millier de personnes sont descendues dans les rues de Québec pour dénoncer une manifestation anti-immigration organisée par le groupe d’extrême droite La Meute. Jaggi a passé l’entièreté de la contre-manifestation à parler dans un mégaphone, à faire jouer de la musique et à jouer avec des enfants devant la ligne de police. À un certain point, la police l’a placé en état d’arrestation, mais l’a relâché une demi-heure plus tard. Jaggi a émis une déclaration publique suite à son arrestation.

Bien qu’il ait été la seule personne arrêtée ce jour-là, Jaggi n’était pas l’organisateur de la contre-manifestation du 20 août et n’y occupait aucun rôle officiel de leadership.

Qu’à cela ne tienne, l’extrême droite au Québec considère Jaggi comme le chef d’un gigantesque complot ourdi par les antifascistes, le gouvernement fédéral et de nébuleuses élites mondialistes. Dans les médias sociaux, des fascistes et théoriciens du complot partagent des mèmes où Jaggi devient un personnage plus grand que nature, une espèce de grand manipulateur qui tire les ficelles d’absolument tout ce que fait l’extrême gauche à Montréal. Dans cet ordre d’idée tordu, il est accusé d’être le grand responsable de la contre-manifestation du 20 août, où La Meute a subi l’humiliation d’être confinée à un garage sous-terrain pendant plusieurs heures, ainsi que de tous les incidents violents qui ont eu lieu ce jour-là. Une pétition en ligne demandant que Jaggi soit arrêté et accusé de différents délits a été lancée et diffusée par des membres de l’extrême droite, dont certains membres de La Meute, du Front patriotique du Québec, de Storm Alliance et du Mouvement républicain du Québec.

Que l’extrême droite blâme une personne de couleur pour l’ensemble de l’opposition qu’elle rencontre n’a rien de surprenant. Toutefois, la situation a été exacerbée quelques jours à peine après la déconfiture de La Meute, lorsque le maire de Québec, Régis Labaume, a publiquement blâmé « la gang de Singh » et a affirmé aux médias qu’il déteste Jaggi Singh, pour ensuite le déclarer persona non grata dans la capitale provinciale. Le Journal de Montréal a enchaîné avec une chronique assassine sous la plume de Richard Martineau, intitulée « Jaggi Singh Superstar ». L’ancien ministre péquiste Bernard Drainville a ensuite invité Jaggi à son émission de radio pour exiger de lui qu’il condamne la violence qui s’est produite à Québec le 20 août. Drainville s’est théâtralement offusqué lorsque Jaggi a expliqué qu’il n’était qu’un participant à la contre-manifestation et n’était pas en position de formuler une condamnation générale.

C’est le contexte toxique dans lequel Jaggi a été arrêté ce matin. Ça n’est pas la première fois que des politiciens, des journalistes et des militants d’extrême droite collaborent pour développer un récit sensationnel qui entraîne de graves conséquences dans la vie des individus. C’est un scénario qui s’est répété à maintes reprises depuis la crise des accommodements raisonnables et n’a fait que s’intensifier sous l’effet des médias sociaux, en particulier dans le contexte actuel du passage de réfugiés au Canada. Même si Jaggi Singh n’est qu’une seule personne, et d’aucune façon le chef de qui que ce soit, il est important de condamner cette diabolisation pour ce qu’elle est et a toujours été, soit un moyen de nuire aux mouvements sociaux et aux personnes opprimées que ces mouvements soutiennent.

Nous demandons aux allié-e-s progressistes, aux antifascistes et à tous ceux et toutes celles qui ont à cœur les libertés civiles, de soutenir Jaggi et toutes les autres personnes qui seraient ciblées dans la foulée de la contre-manifestation du 20 août et harcelées par l’extrême droite de façon générale. Une manière de montrer votre appui est de vous présenter à la cour municipale de Québec demain matin à 9 h. Du covoiturage est organisé à partir de Montréal.

-30-

alerta-mtl@antifa.zone

Mise en contexte et compte rendu des actions contre La Meute à Québec le 20 août

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Août 312017
 

Le groupe islamophobe et anti-immigration La Meute est accueilli par des antifascistes et confiné dans un stationnement sous-terrain pendant cinq heures

De Montreal-Antifasciste

Montréal /Québec, 25 août, 2017 — Des antiracistes et antifascistes de partout au Québec ont réussi à perturber un rassemblement du groupe xénophobe, anti-immigration et violemment islamophobe La Meute, à Québec, le 20 août. Pendant plus de cinq heures, les xénophobes de La Meute ont dû se terrer dans un garage sous-terrain, tandis que des centaines de militant-e-s antiracistes se rassemblaient à l’extérieur du bâtiment où ils et elles s’étaient réuni-e-s, un énorme édifice gouvernemental situé derrière l’Assemblée nationale. Après quelques affrontements avec la police de Québec et altercations entre antifascistes et sympathisants de La Meute (y compris un « bonehead » friand de saluts hitlériens), la police a finalement dégagé la place pour permettre à La Meute de sortir de son trou et de marcher en silence autour du parlement pendant quelques minutes, ses membres visiblement ébranlés par le confinement prolongé, considérablement réduits en nombre et encadrés par une forte protection policière.

Mise en contexte

[Aller directement au compte-rendu d’action]

Voilà maintenant plus d’une décennie que l’atmosphère politique et sociale du Québec est de plus en plus contaminée par un discours xénophobe colporté par des idéologues conservateurs, des médias mainstream sensationnalistes, des émissions de « radio-poubelles », des chroniqueurs de droite et des politiciens populistes. Il y a dix ans, ce discours toxique a mené à une crise nationale autour de la question des « accommodements raisonnables » et ensuite, en 2013, à une « charte des valeurs » grossièrement islamophobe proposée par le Parti québécois (PQ). Fondé à la fin des années 1960, le PQ était initialement une coalition de nationalistes de droite et de gauche qui partageaient l’objectif de réaliser l’indépendance du Québec. Il a organisé et perdu deux référendums sur cette question en 1980 et 1995 (Jacques Parizeau, alors premier ministre du Québec, a d’ailleurs mis cette dernière défaite sur le compte de « l’argent et le vote ethnique ») pour ensuite graduellement devenir un parti néo-libéral ordinaire. Son aile gauche a été de plus en plus marginalisée au fil du temps tandis que le parti effectuait un virage identitaire dans l’espoir d’attirer une base électorale xénophobe.

Ce virage identitaire n’a pas été suffisant pour plusieurs personnes d’extrême-droite qui, ces dernières années, se sont regroupées dans un ensemble de groupuscules à la rhétorique anti-immigration et anti-islam et au programme politique ambigüe et confus, faisant de plus en plus écho au fascisme historique sur la forme et le fond.

En janvier dernier, l’attentat perpétré par Alexandre Bissonnette au Centre culturel islamique de Québec, qui a fait six morts et dix-neuf blessés graves, a constitué un tournant pour ce milieu. De façon perverse, l’extrême-droite a profité de ce massacre pour s’affirmer davantage et prendre l’offensive. Ces groupes incluent une branche québécoise de la formation d’inspiration néo-nazie les Soldats d’Odin, les néo-fascistes de la Fédération des Québécois de souche, la plus récente Storm Alliance, et les populistes de La Meute.

Fondée par d’anciens militaires, La Meute est extrêmement régimentée et autoritaire. Ses dirigeants dictent une multitude de consignes à la base, incluant une ligne vestimentaire, l’interdiction stricte de parler aux médias et même ce que les figures officielles du groupe peuvent « aimer » sur Facebook. Des personnes qui ont quitté La Meute s’inquiétaient d’une ligne politique extrêmement centralisée malgré l’apparence d’une structure décentralisée, ce qui rappelle la structure des milices fascistes classiques. Le leadership et le service de sécurité de La Meute ont même adopté des chemises noires comme uniforme ces derniers mois. Ils ont publiquement déclaré qu’ils étaient prêts à assurer la sécurité pour tout événement de droite, n’importe où au Québec, qui serait visé par des militant-e-s antiracistes. La « Garde » de La Meute a ainsi assuré la sécurité lors de l’intervention de sommités islamophobes locales comme Djemila Benhabib et Mathieu Bock-Côté et à une conférence pathétique organisée par le groupe nationaliste d’extrême-droite Mouvement républicain du Québec. Ou encore, lors de la tournée nationale du vlogueur inspirée de l’Alt-Right et enthousiaste de La Meute, André « Stu Pitt » Pitre.

Bien que La Meute ne cesse de répéter qu’elle n’est ni raciste ni opposée à l’immigration, des milliers de commentaires racistes ont été postés par ses membres sur leur page Facebook publique ainsi qu’au sein de groupes Facebook « secrets ». Récemment, un de ses lieutenants a d’ailleurs été aperçu lors du rassemblement de Charlottesville, en Virginie, les 11 et 12 août 2017, en train de donner l’accolade au nationaliste blanc disgracié Chris Cantwell (ce lieutenant était Shawn Beauvais-MacDonald; il aurait soi-disant été suspendu de l’organisation, ce qui n’a pas empêché Robert Proulx [Proule sur Facebook], qui se présente comme le « responsable de la sécurité » de La Meute « d’aimer » par la suite son post des « 14 words » néo-nazis sur Facebook; de plus, Beauvais-MacDonal est toujours listé comme membre du Clan 06 de Montréal, et nous avons la preuve photographique qu’il a participé à la manifestation de La Meute qui a eu lieu à Québec le 20 août 2017).

Ce haut placé récemment « suspendu » de La Meute, Shawn Beauvais-MacDonald, adhère au fameux credo suprémaciste blanc des « 14 words ».

Le 4 mars 2017, des centaines de membres de La Meute ont marché aux côtés d’autres groupes racistes d’extrême-droite dans le cadre d’une journée nationale d’action contre la motion 103 condamnant l’islamophobie et présentée au parlement fédéral par le député libéral Iqra Khalid. À Montréal, leur manifestation a eu lieu sous protection policière et en dépit d’une forte mobilisation antifasciste. Cela faisait des décennies qu’un groupe d’extrême-droite n’avait pas réussi à manifester de la sorte dans une ville pourtant connue pour son militantisme de gauche.

Un peu plus de contexte : La ville de Québec est le lieu d’une mobilisation néo-nazie assez active depuis des années; cette mobilisation s’appuie sur une équipe de « boneheads » qui font partie du mouvement Rock Against Communism (RAC) et qui ont créé une milice fasciste nommée Atalante. Celle-ci est responsable d’un déploiement de bannières, le 19 août dernier, afin d’intimider les réfugié-e-s accueilli-e-s au State olympique de Montréal (les bannières faisaient en autres référence à la « rémigration »). Enfin, l’Atalante a également créé un club de combat identitaire à Québec.

La bullshit anti-réfugiés de La Meute

Bien que La Meute ne cesse de répéter qu’elle n’est pas contre l’immigration ni contre les réfugié-e-s, cette question était au cœur de la mobilisation du groupe à Québec le 20 août 2017.

En raison de la situation politique américaine— notamment la perspective que le président Trump remette en question le statut des réfugié-e-s haïtien-ne-s accueilli-e-s après le séisme qui a frappé Haïti en 2010—et de l’Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs, il y a eu une nette augmentation de demandes de statut de réfugié sur la base d’un passage irrégulier de la frontière canadienne (comme les demandes d’asile faites à la frontière sont immédiatement refusées en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, les personnes traversent la frontière de façon irrégulière pour pouvoir faire leur demande au Canada). Les gouvernements québécois et canadien ont réagi à cette augmentation en fournissant des hébergements temporaires (en accommodant le Stade olympique de Montréal et en montant un camp de tentes près de la ville frontalière de Lacolle).

Les groupes d’extrême-droite, dont La Meute, se sont rués sur cet enjeu comme des mouches sur un tas de fumier. Une forte mobilisation antifasciste a permis de contrer un rassemblement organisé par Storm Alliance à la frontière canado-américaine le 1er juillet 2017 et de faire échouer une manifestation contre l’immigration au State olympique de Montréal le 6 août 2017. Cependant, les dirigeants de Storm Alliance ont promis de mener d’autres actions à la frontière dans les prochaines semaines tandis que La Meute a réussi à marcher dans les rues de Québec le 20 août. Bizarrement pour un groupe dont la base est fortement nationaliste québécoise, la manifestation de La Meute était menée par un drapeau canadien et s’est présentée comme une expression d’appui envers la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Leur raisonnement est que les personnes qui font des demandes d’asile sont « illégales » et que la police devrait faire respecter la loi et défendre les frontières. Ce raisonnement ne tient pas la route puisque les personnes en situation irrégulière qui veulent faire une demande d’asile se livrent à la GRC dès qu’elles franchissent la frontière afin que leur demande soit traitée par l’Agence des services frontaliers du Canada. La façon dont ces personnes entrent au Canada et sont prises en charge n’a rien d’illégal ou de clandestin.

Par conséquent, toute la prémisse de la manifestation du 20 août à Québec était clairement une imposture visant à dissimuler le programme xénophobe et le racisme flagrant de La Meute.

Compte-rendu des actions

Après avoir appris que La Meute planifiait d’organiser un rassemblement et une manifestation à Québec, des militant-e-s antiracistes et antifascistes de Québec, Montréal et d’autres régions se sont dépêché-e-s d’organiser une contre-manifestation en moins de deux semaines.

Les organisateurs et organisatrices de Québec ont appelé à la tenue d’une manifestation populaire pacifique, tandis que le nouveau réseau Montréal Antifasciste et ses allié-e-s ont mobilisé les forces antifascistes dans le respect implicite d’une diversité de tactiques. Trois autobus ont été loués pour transporter les manifestant-e-s de Montréal, et plusieurs autres militant-e-s se sont rendu-e-s à Québec par leurs propres moyens. En tout, Montréal a mobilisé entre 150 et 200 personnes à Québec.

La Meute avait indiqué qu’elle n’annoncerait le point de rendez-vous sur sa page Facebook « secrète » que 24 heures avant le rassemblement. Comme des rumeurs ont circulé voulant qu’ils essaieraient de marcher de l’Hôtel de ville jusqu’à l’Assemblée nationale, le lieu de rendez-vous de la contre-manifestation a été fixé à la Place d’Youville, un square public situé grosso modo entre ces deux points.

Le vrai point de rendez-vous de La Meute a toutefois fait l’objet d’une fuite : ses membres allaient se rassembler dans le garage sous-terrain de l’édifice gouvernemental situé derrière l’Assemblée nationale pour en sortir en glorieuse formation le temps venu.

Ce scénario, en fin de compte, n’allait jamais se réaliser.

Les chef et les membres de La Meute sont confinés dans un garage sous-terrain, Québec, 20 août 2017.

Ce choix de point de ralliement était évidemment une idée farfelue, une idée que les antifascistes en provenance de Montréal allaient se dépêcher de tourner à leur avantage stratégique. Plutôt que de débarquer à la Place D’Youville comme prévu, elles et ils se sont préparé-e-s à un déploiement rapide exactement à l’emplacement où La Meute avait prévu de se réunir. À 12 h 30 précises, les antiracistes et antifascistes ont débarqué et pris d’assaut la porte de garage de l’édifice, prenant tout le monde par surprise, y compris la police de Québec, qui a dû se déployer à l’arrache-pied pour tenter tant bien que mal d’endiguer l’avancée des manifestant-e-s (non sans rappeler un sketch de Benny Hill). C’était trop peu trop tard, puisque le terrain était déjà occupé et la porte du garage complètement bloquée par les antifascistes.

La plus grande contre-manifestation ne devait pas quitter la Place d’Youville avant 13 h, cependant, et l’objectif de bloquer tous les points d’accès à ce gigantesque édifice posait un défi colossal, d’autant plus que le repérage avait été minimal avant l’arrivée des autobus. Deux scénarios se dessinaient alors : 1) garder cette position relativement forte et attendre l’arrivée des renforts du plus gros contingent de contre-manifestant-e-s avant de redéployer une partie des militant-e-s antifascistes de l’autre côté de l’édifice pour empêcher les membres de La Meute de s’y rassembler, ou 2) se redéployer immédiatement, coupant ainsi en deux le groupe de quelques 150 personnes et rendant les deux groupes plus vulnérables aux tactiques policières. Le premier de ces deux scénarios a été privilégié, ce qui s’est avéré une erreur tactique.

Plusieurs appels ont été lancés aux camarades de l’organisation locale de Québec pour qu’ils et elles envoient du monde en renfort pour soutenir le blocage et entamer un blocage de l’autre côté du building. Malheureusement, le changement de plan des autobus en provenance de Montréal ayant été décidé seulement une heure avant, les camarades de Québec étaient très réticents à modifier leurs propres plans, de peur d’exposer les contre-manifestant-e-s à des risques imprévus, ce qui est tout à fait compréhensible. Il est également possible que l’urgence de la situation, à ce moment, n’ait pas été bien communiquée, mais tout porte à croire que le principal problème ait été une différence fondamentale quant aux objectifs de l’action entre l’organisation de Montréal et celle de Québec. (Sur ce point, il nous parait nécessaire de préciser, pour ceux et celles qui en douteraient, que le changement de plan n’a été décidé et mis en œuvre qu’APRÈS avoir vérifié et validé auprès des camarades de Québec que c’était correct de le faire. L’idée ici n’est pas de distribuer le blâme, mais de constater qu’il y a eu un manque de coordination quant aux orientations stratégiques et aux objectifs respectifs des deux côtés de la mobilisation.) De plus, la manifestation n’a quitté la Place D’Youville (qui se trouve à sept minutes de marche) qu’à 13 h 30, soit une heure après le début du blocage, et plutôt que de venir directement en renfort ou de se déployer de l’autre côté du bâtiment, s’est rendue devant l’Assemblée nationale, ce qui, de notre point de vue, ne servait à rien puisque La Meute était effectivement confinée au garage sous-terrain. Les deux douzaines de manifestant-e-s qui sont venues d’avance en renfort au blocage n’ont pas suffi à gonfler nos rangs de manière considérable.

Ce manque de coordination s’est avéré une erreur stratégique importante, puisqu’entre 12 h 30 et 13 h, les membres de La Meute ont été capables de se rassembler par grappes en passant par le côté non bloqué de l’entrée principale, à quelques mètres à peine du blocage et de la ligne d’anti-émeute. C’est de cette manière qu’ils ont pu constituer un groupe de 200 à 300 personnes.

Pendant cette période de flottement, l’initiative a été prise de distribuer des t-shirts noirs aux personnes réunies autour du garage en leur demandant s’ils et elles voulaient se masquer. Les 50 masques ont été distribués en quelques minutes.

Lorsqu’un important sous-groupe de la contre-manifestation s’est enfin dirigé vers l’emplacement du blocage, le black bloc a mené un contingent d’environ 250 personnes autour du bâtiment pour tenter de bloquer l’entrée principale, à la fois pour empêcher d’autres membres de La Meute d’y entrer et compléter le siège en empêchant leur manifestation d’en sortir. Environ la moitié de la contre-manifestation est restée pour bloquer la porte de garage.

Toutefois, aussitôt que le contingent est arrivé de l’autre côté, une altercation a éclaté entre des antifascistes et des sympathisants de La Meute, ce qui a immédiatement entraîné l’intervention de la police anti-émeute à coups de matraques et de projectiles lacrymogènes. Cette situation a vite dégénérée, puisque des membres du bloc étaient venu-e-s préparé-e-s à défendre les manifestant-e-s contre l’intervention des flics avec des feux d’artifice, des fumigènes et d’autres projectiles.

Suite à ce déploiement raté, les manifestant-e-s ont cherché un plan B pendant quelques minutes, et une altercation s’est produite entre des membres du bloc et des journalistes du réseau Global TV. Leur caméra s’est ramassée en pièces sur le pavé. (Cet incident n’est pas resté sans conséquence, puisque le traitement médiatique des événements de la journée a été encore plus agressif que d’habitude. La complicité des médias capitalistes avec la police et l’appareil répressif de l’État ne doit pas être sous-estimée. Les médias ont souvent livré sans poser de questions des images à la police comme preuves pour faire condamner des antifascistes. C’est pourquoi nous sommes nombreux et nombreuses à croire qu’il est tout à fait légitime de chasser les journalistes et de s’en prendre à leur matériel lorsqu’ils refusent d’arrêter de nous filmer.)

Il a alors été décidé de se diriger sur Grande Allée, une avenue touristique où s’alignent les bars et restaurants, pour revenir plus loin vers l’édifice où La Meute était terrée et tenter à nouveau d’en bloquer l’accès. Une benne à ordures a été poussée jusqu’à l’avant du cortège. Jusque-là, le contingent plus large de contre-manifestant-e-s suivait toujours le black bloc. Des chaises ont alors été ramassées sur les terrasses dans une tentative précipitée de construire une barricade à l’intersection d’une petite rue transversale avec le contenu de la benne à ordure. Des projectiles ont aussi été lancés dans la direction d’une poignée des flics de quartier qui étaient un peu plus loin. À notre avis, ceci a été une erreur tactique, puisqu’il n’y avait rien à gagner à ce moment précis. Rétrospectivement, nous croyons que la benne à ordure aurait dû être gardée pour plus tard et non pas utilisée à cette intersection, où elle ne servait aucun objectif puisque les flics en chemise à manches courtes ne présentaient pas une menace immédiate. De plus, le résultat net de cette poussée chaotique a été d’effaroucher le contingent plus large de contre manifestant-e-s, qui est resté paralysé pendant plusieurs minutes sans trop savoir comment interpréter ce pétage de coche. Ça a aussi nui au black bloc, parce qu’il n’était plus capable de mobiliser la masse critique qui l’avait suivi jusque-là. À ce moment, nous avons aussi raté l’occasion de revenir vers la cible en traversant le parc. Pour la petite histoire, en marge de tout ce chaos, un photojournaliste du Soleil s’est fait planter dans l’asphalte après avoir cru bon essayer d’enlever le masque d’un camarade. Il a découvert très vite que c’était, en fait, une très mauvaise idée.

Après une longue et irritante période d’hésitation, le bloc s’est dirigé vers les Plaines d’Abraham, un choix saugrenu plus tard expliqué par le manque de connaissance du terrain par les camarades qui étaient à l’avant du cortège. Après être revenu-e-s sur Grande Allée, des camarades ont aperçu au loin un petit groupe de personnes portant des drapeaux du Québec et du Mouvement de libération nationale du Québec (MLNQ). Certain-e-s se sont précipité-e-s à leur suite en direction de la Porte Saint-Louis et du Vieux Québec. Dans des vidéos publiées par un média alternatif, on peut voir qu’un membre de ce groupe, un homme dans la cinquantaine, s’est fait frapper par des antifascistes après avoir tenté de repousser ses poursuivants avec un bâton. Cette agression, à notre avis, était démesurée, compte tenu que nous n’avions aucune raison de croire que cet individu était un fasciste ou un nazi.

Suite à cet incident, le contingent s’est regroupé avec une certaine difficulté et a contourné le parlement pour rejoindre l’autre moitié de la contre-manifestation, qui était restée devant la porte de garage pour maintenir le blocage. Ce groupe avait maintenu sa position en scandant des slogans, en chantant, en dansant, en chassant les droitistes et en trollant les chefs et les gorilles de La Meute lorsque ceux-ci osaient sortir la tête de leur trou.

Un peu plus tard, le militant antiraciste Jaggi Singh, qui avait animé la foule réunie à l’aide d’un mégaphone et d’un système de son portable, s’est fait violemment arrêter par la police anti-émeute après avoir refusé un ordre de dispersion. Il a été détenu provisoirement et relâcher une demi-heure plus tard dans Limoilou.

Ensuite, comme la foule s’était peu à peu étiolée, la police a déclaré la manifestation illégale et finalement lancé une opération de dispersion pour dégager l’entrée du garage. Ils ont poussé tout le monde sur René-Lévesque en faisant un usage abondant de poivre de Cayenne, après quoi la contre-manifestation s’est graduellement défaite, alors que les Montréalais-e-s regagnaient les autobus. Un renseignement crucial a plus tard été porté à notre attention. Il s’avère que la police de Québec a harcelé l’un des chauffeurs d’autobus pendant plusieurs heures en lui posant des questions sur les manifestant-e-s et leurs plans. Il est plus que probable que le chauffeur ait révélé que les autobus devaient repartir vers 17 h 30, et que cette information ait ensuite été relayée aux chefs de La Meute, qui ont décidé d’attendre que la tempête passe plutôt qu’annuler leur manifestation. Il faut dire que la police et la Meute ont été de véritables BFF tout au long de la journée.

Vers 18 h, alors que les autobus quittaient la ville pour retourner à Montréal, La Meute est finalement sortie de son trou. À partir des photos et vidéos accessibles sur Internet, il est clair que ses membres étaient secoués par l’épreuve, épuisés par l’attente dans un garage mal ventilé et considérablement réduits en nombre. Manifestement, ses chefs étaient extrêmement irrités par la situation. Ils ont marché pendant environ une demi-heure, en silence, sous forte escorte policière, avec la face longue et l’air misérable.

Retombées immédiates

Comme d’autres l’ont souligné avec raison, La Meute n’a pu prétendre que ce fiasco complet fut une réussite que dans la mesure où les médias affirment que c’en est une. Et bien sûr, c’est ce que les médias ont fait avec une ardeur hors du commun. Les chefs de La Meute ont spinné toute l’affaire comme un choc entre la loi et l’ordre, de leur côté, et le chaos, du nôtre. Et les médias ont avalé goulument ce scénario pour en faire l’histoire officielle.

Soyons clairs: malgré deux ou trois incidents exagérément violents et quelques erreurs tactiques de notre côté, cet affrontement à Québec est un échec cuisant pour La Meute et une réussite pour les antifascistes de manière générale.

Les commentateurs libéraux et les médias semblent irrémédiablement pris dans la logique circulaire des relations publiques. Allo!? Les antifascistes ne se battent pas contre l’extrême droite et la dérive fascisante pour gagner des points de popularité! Nous le faisons car nous croyons qu’il ne faut laisser aucune plateforme aux discours haineux. Point. Ça ne sera pas toujours joli, des erreurs seront commises, des leçons apprises et appliquées. Mais nous pouvons garantir ceci : la lutte contre le fascisme ne pourra jamais être strictement non-violente. C’est tout simplement du délire de prétendre le contraire, et le plus tôt nous reconnaîtrons cette réalité, le plus tôt nous pourrons construire un mouvement plus large d’autodéfense antifasciste. Quiconque considère valide l’argument voulant que quelques incidents violents isolés délégitiment la cause antiraciste tout entière (un argument spécieux répété ad nauseam par les analystes libéraux et les perroquets des médias) n’a manifestement pas encore saisi toute l’importance et la profondeur de cette cause.

Les groupes comme La Meute prétendent qu’ils ne sont pas violents mais ils adhèrent tous à divers degrés à un point de vue suprémaciste blanc, lequel est fondamentalement violent. Un très grand nombre de membres de La Meute flirtent avec des groupes ouvertement fascistes et expriment TOUT LE TEMPS des sentiments racistes en ligne. Ses chefs mettent de l’avant un discours xénophobe, et spécifiquement islamophobe, ce qui est extrêmement violent dans une ville où il y a à peine sept mois, un fanatique d’extrême droite a assassiné six musulmans pour le seul motif qu’ils priaient dans l’intimité d’une mosquée.

Voilà pourquoi, nous devons les empêcher de grossir et de prendre de la place dans nos communautés et dans nos villes. Par tous les moyens nécessaires. Est-ce que cela signifie que chacun des gestes posés de notre côté sont parfaits? Bien sûr que non. Nous devons TOUJOURS faire notre autocritique et reconnaître nos propres erreurs.

Quelques leçons

  • Il nous faut mieux définir nos objectifs. Il semble que la mobilisation du côté montréalais et celle du côté de Québec aient eu des objectifs différents. Il nous faut mieux communiquer nos intentions respectives à l’avenir, puisqu’il est absolument certain que nous devrons nous coordonner entre régions très bientôt. Aussi, au sein du milieu antifasciste radical, entre groupes d’affinité, nous devons mieux définir des objectifs spécifiques pour des actions spécifiques.
  • Il nous faut mieux définir nos ennemis. La Meute n’est pas une organisation nazie. Il est un peu gênant que certain-e-s de notre côté soient incapables de faire la différence entre un groupe populiste vaguement d’extrême droite et sans programme politique clair, comme La Meute, et des groupuscules carrément néofascistes comme Atalante ou la Fédération des Québécois de souche. Bien sûr, ils sont tous nos ennemis idéologiques, mais si nous espérons les battre, il est nécessaire que nous les reconnaissions pour ce qu’ils sont vraiment.
  • Par conséquent, il nous faut mieux choisir les cibles de violence physique. Très peu de gens versent une larme pour le « bonehead » néonazi qui se fait réarranger le portrait. Mais ça n’est pas si simple pour mononque Gérard de Saint-Georges, qui est un peu raciste sur les bords mais ne ferait pas de mal à une mouche. Certes, il faut faire en sorte que les racistes ne se sentent pas en sécurité (et après dimanche, on peut au moins cocher cette case là…), mais ne surchargeons pas d’avantage un système de santé déjà en difficulté.
  • Il existe une séparation de longue date entre les cultures organisationnelles de Montréal et de Québec, une différence culturelle qui refait sporadiquement surface. La communauté militante de Montréal est traditionnellement plus militante à la fois dans le ton et dans la pratique, y compris dans son approche de l’organisation antifasciste. Notre position est que l’autodéfense populaire et militante doit être développée partout où l’extrême droite prend de la vitesse. De l’autre côté, il y a certains aspects des réalités des autres régions que les militant-e-s de Montréal doivent apprendre à mieux comprendre et à respecter davantage. Peut-être que le renforcement et le transfert des capacités entre les différentes régions pourrait être davantage priorisés, et d’une manière mutuellement respectueuse des différences (ce qui est parfois difficile).
  • Il nous faut combattre et déconstruire le récit libéral voulant que toutes les formes de violence sont également répréhensibles. C’est une illusion complaisante, ignorante et anhistorique. À chaque occasion, il nous faut aussi contester les récits insignifiants que construisent les médias au sujet de la lutte antifasciste, parce que tant et aussi longtemps que nous les laisserons faire, ces récits favorables à l’ennemi seront leur modèle par défaut.

¡No pasarán!

— Des antifascistes de Montréal