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Révolution tranquille, luttes étudiantes et réaction conservatrice

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Jan 312022
 

De Archives révolutionnaires

Guérilla académique dans les cégeps et les universités, décapitations et dynamitages de statues, sabotages et incendies pour dénoncer l’impunité d’un professeur accusé de racisme, pressions pour abolir un centre de recherche, émeutes entraînant l’annulation du défilé de la Saint-Jean-Baptiste pour plusieurs années. Ces différents événements ne se sont pas déroulés dans les dernières années sous l’impulsion d’un militantisme woke : ils ont plutôt été au cœur des tumultes ayant caractérisé la Révolution tranquille. La culture de l’annulation et le wokisme, hommes de paille des néoconservateurs, sont-ils réellement un phénomène nouveau, et surtout, une menace particulière à l’ordre social ? Afin de répondre à cette question, nous vous proposons un tour d’horizon historique des mouvements qui ont agité les universités et la société québécoise à la fin de la décennie 1960. Nous verrons que ces actions, bien que plus sulfureuses que celles d’aujourd’hui, n’ont pas renversé l’ordre établi. Ce retour sur l’histoire des mouvements étudiants nous permettra d’illustrer comment les actions actuelles des wokes, beaucoup moins véhémentes, sont maintenant montées en épingle par la droite afin de justifier ses politiques répressives, censées répondre à cet « ennemi intérieur ».

L’université doit changer : vers « le pouvoir étudiant »

Le manifeste Université ou fabrique de ronds-de-cuir, publié en février 1968 par une dizaine d’étudiant.es de l’Université de Montréal, dont Louise Harel et Roméo Bouchard, est au fondement d’un mouvement étudiant combatif qui marque les universités québécoises jusqu’à aujourd’hui. Ce manifeste constitue une violente charge contre l’université, l’enseignement et les professeur.es. Le texte décrit l’université comme « une usine où les notables se reproduisent en série », assujettie aux « mêmes patrons que la société » et dénonce « l’enseignement imbécile par des imbéciles », un « enseignement à transmission de recettes abrutissantes et nécessaires à l’étudiant pour qu’il prenne sa place dans un rouage du système ». Les professeur.es n’échappent pas à la critique, alors que le manifeste souligne la défiance de la nouvelle génération (née après la Deuxième Guerre mondiale) envers eux : « Autrefois les vieux disaient : « le professeur, c’est le meilleur ». Ils avaient un peu tort. Aujourd’hui les jeunes disent : « à bas les professeurs ». Ils ont raison. » Au-delà de la dénonciation, le manifeste propose de passer à l’action : « On ne s’attaque pas au pouvoir en le discutant. On fesse dedans. » S’inspirant explicitement des mouvements pour la liberté d’expression[1] sur les campus américains – notamment celui de l’Université Berkeley –, le manifeste suggère de mettre sur pied un « système mobile de guérilla académique » et appelle à la tenue de sit-ins, au recyclage des professeur.es par des cours de pédagogie, voire à l’expulsion de ceux-ci à l’aide de tomates et d’œufs pourris.

Cet appel à l’action sera mis en pratique dès le printemps 1968 par des mouvements qui touchent plusieurs départements de l’Université de Montréal (philosophie, sciences sociales et lettres notamment). Les revendications mises de l’avant par les étudiant.es concernent notamment « la participation réelle des étudiants à l’orientation académique et pédagogique », dénonçant une conception verticale de l’enseignement universitaire. Les tensions sont importantes au département de philosophie où, dès le printemps 1968, des enseignants se font interrompre dans leurs cours par des étudiant.es contestataires. À l’automne 1968, cette contestation qui touchait jusque-là principalement des départements de lettres et de sciences humaines à l’Université de Montréal s’élargit au réseau collégial et à d’autres universités.

Un important mouvement d’occupation essaime à partir du mois d’octobre 1968 dans les différentes institutions d’enseignement post-secondaire du Québec. Les occupant.es des cégeps exigent la gratuité scolaire, le pré-salaire étudiant, l’ouverture d’une seconde université francophone à Montréal et plus fondamentalement le « pouvoir étudiant » et l’autogestion des établissements. L’occupation de l’École des beaux-arts est un des symboles forts de ce mouvement. Les étudiant.es y prennent le contrôle de l’établissement, expulsent l’ensemble des enseignant.es et employé.es, excepté le responsable de la chaufferie, et occupent l’école durant plus d’un mois. Le lieu est renommé « La république des Beaux-Arts ». Les occupant.es remettent en question l’ensemble des traditions, érigeant un cimetière sur la rue Sherbrooke afin d’y enterrer les valeurs du passé. Ce désir de rupture avec la tradition se révèle à la fin de l’occupation lorsqu’un étudiant profane une momie exposée dans l’école en la brisant à coup de barre de fer. Un communiqué de l’Université libre des arts du quotidien (ULAQ) fait de cette profanation un symbole de la lutte contre une culture et une société pétrifiées et exige que la momie soit remise à l’Égypte.

Les étudiant.es ébranlent Sir-George-Williams, McGill et l’UQAM

En février 1969, un nouveau conflit éclate à l’Université Sir-George-Williams (aujourd’hui l’Université Concordia), cette fois en raison du racisme d’un professeur à l’égard d’étudiant.es noir.es et d’origine caribéenne. Face à l’inaction de l’administration dans ce cas de racisme, des étudiant.es caribéen.nes de l’université et des étudiant.es francophones ayant participé au mouvement d’octobre 1968 organisent une occupation du local informatique de Sir-George-Williams. Cette occupation dure deux semaines durant lesquelles plus de deux cents militant.es appuient les étudiant.es subissant le racisme de cet enseignant. En réponse à l’occupation, l’administration appelle l’escouade antiémeute pour déloger les étudiant.es qui se barricadent et lancent les fiches informatiques à partir des fenêtres du neuvième étage. L’occupation se conclut par un incendie et l’arrestation d’une centaine de personnes, dont certaines sont condamnées à purger des peines en prison. Plus largement, cet épisode témoigne du racisme systémique à l’œuvre dans les universités québécoises, dénoncé par les étudiant.es noir.es de Sir-George-Williams, mais aussi par les étudiant.es des cégeps et universités francophones venu.es en solidarité. Après cet événement, l’administration de l’université revoit le traitement des plaintes de racisme, crée un bureau de l’ombudsman et intègre des membres étudiant.es au processus décisionnel de l’université.

Un mois plus tard, c’est l’Université McGill qui se retrouve au cœur de la tourmente. Une coalition de groupes étudiants, indépendantistes et socialistes décide d’organiser une manifestation le 28 mars 1969 afin d’exiger que McGill devienne une université francophone et populaire : la fameuse « Opération McGill ». Les organisateurs et organisatrices de la manifestation déclinent leurs revendications en sept points. Si la question linguistique et la question des frais de scolarité sont présentes dans ces demandes, les militant.es critiquent aussi l’orientation de la recherche à McGill en exigeant l’abolition du centre d’études canadiennes-françaises et la redirection des fonds de recherche vers les « intérêts nationaux ». Dans l’espace public, certains journalistes conservateurs s’évertuent à dénoncer un « nouveau dogmatisme » ainsi qu’un « terrorisme intellectuel ». De son côté, Wilder Penfield, chercheur à McGill, compare Stanley Gray, un des organisateurs de la manifestation, à Hitler et brandit la menace d’une « fin de la civilisation ». Alors que la panique et la peur d’une irrépressible violence s’emparent de plusieurs personnalités publiques, la manifestation, bien que la plus importante au Québec depuis la Seconde Guerre mondiale, se déroule sans accrocs majeurs. Quelques vitrines volent en éclats et des feux de poubelles sont allumés sur Sainte-Catherine à la suite de la dispersion de la manifestation, toutefois la bataille rangée attendue par les conservateurs n’entraîne pas, comme ils le craignaient, la fin de la civilisation.

La critique de l’enseignement et du contenu des cours se poursuit à l’automne 1969 au moment de la fondation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Le département de philosophie est, lors de la première année d’existence de l’université, un lieu de conflit entre les étudiant.es gauchistes, de nouveaux enseignants modernisateurs et un vieux corps professoral jésuite et thomiste issu du Collège Sainte-Marie. Les étudiant.es du module de philosophie multiplient les coups d’éclat contre les vieux professeurs dans ce qu’un des acteurs appellera postérieurement une « guerre civile lettrée » : perturbations de cours, grandes affiches murales dénonciatrices et « procès populaires » des professeurs réactionnaires sont à l’ordre du jour. L’assemblée du module de philosophie, à laquelle participent les étudiant.es, adopte une réforme du programme qui intègre les contenus critiques désirés par les étudiant.es et abolit les examens et les travaux comme forme d’évaluation. Cette première année agitée au département de philosophie de l’UQAM se conclut avec le non-renouvellement du contrat de plusieurs professeurs, dont neuf issus de la tradition thomiste, et par la mise sous tutelle du module par l’université qui tente d’en reprendre le contrôle.

« Annuler la Saint-Jean »

En parallèle de ces importants remous dans les universités, l’effervescence de la contestation touche de larges pans de la société québécoise qui s’attaquent aux reliques du passé. Les événements entourant la fête de la Saint-Jean-Baptiste des 24 juin 1968 et 1969 sont emblématiques d’une « culture de l’annulation » portée par une jeunesse désirant dynamiter la fédération canadienne, mais aussi la tradition d’inféodation canadienne-française héritée de la « grande noirceur ». La Société Saint-Jean-Baptiste invite, en 1968, Pierre Elliot Trudeau à assister à son défilé à Montréal, rituel annuel du clérico-nationalisme avec lequel la jeunesse est en rupture. Le soir du défilé, une importante émeute éclate et la police réprime violemment les contestataires. Cette soirée a reçu, a posteriori, le nom de « lundi de la matraque ».

Toutefois, la défiance à l’égard du défilé de la Saint-Jean-Baptiste va connaître une nouvelle escalade en 1969. Les militant.es étudiant.es, socialistes et indépendantistes ayant organisé l’Opération McGill, réuni.es au sein du Mouvement syndical et politique (MSP) et du Front de libération populaire (FLP), appellent à la perturbation pour une seconde année consécutive du défilé de la Saint-Jean-Baptiste. Pour les jeunes contestataires, le défilé de la Saint-Jean est un rituel traditionaliste et bourgeois qui met en scène la soumission du peuple à l’élite. Ceux-ci suivent donc, lors d’une marche de perturbation bruyante, les chars allégoriques avant de terminer leur journée en décapitant le monument de Jean le Baptiste et en se servant de sa tête comme ballon de football[2]. À la suite de cette deuxième émeute consécutive, le défilé de la Saint-Jean-Baptiste de Montréal est annulé pour une vingtaine d’années, avant d’être réhabilité de manière régulière au début des années 1990.

« Moment 68 » : un héritage en péril

Depuis 2020, les cégeps et universités ont à nouveau défrayé la chronique. La polémique qui a touché une chargée de cours à l’Université d’Ottawa a enflammé l’opinion de droite, qui dit craindre une menace historique à la liberté académique. À la suite de cette affaire, les chroniqueurs et journalistes néoconservateurs cherchent à exposer l’ampleur de la menace qui pèserait sur les universités québécoises en publiant une série d’articles à ce propos. On y parle d’étudiant.es qui auraient laissé des tracts sur le bureau d’une enseignante, qui auraient fait circuler une pétition auprès de leurs collègues ou ayant exprimé leur opinion critique sur les réseaux sociaux. Le tour d’horizon historique que nous avons effectué nous indique toutefois que les mouvements actuels sont bien moins agités que ceux de la Révolution tranquille, et que la peur et la panique actuelles soi-disant causées par les actions étudiantes sont surtout une excuse de la droite conservatrice pour vilipender toute forme de contestation étudiante, dans le but (à terme) de pouvoir empêcher l’organisation politique étudiante. Peu importe ce que l’on pense des actions associées au wokisme, force est de constater que le mouvement n’est pas un véritable danger pour la société bourgeoise, dont les représentant.es montent en épingle la menace afin de servir leur propre agenda politique.

Le gouvernement réactionnaire de la CAQ a néanmoins profité de ces polémiques pour tenir une commission sur « la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire ». Les conclusions de la commission, dévoilées le 14 décembre 2021, sont à sens unique : les seul.es bénéficiaires de la liberté académique sont les enseignant.es, chargé.es de cours, chercheur.es et auxiliaires de recherche et d’enseignement. Les étudiant.es y ont pour seule liberté celle d’apprendre, c’est-à-dire choisir leurs cours et leur programme et participer aux échanges en classe. Le rapport Cloutier représente un recul majeur dans le projet de démocratisation de l’enseignement supérieur qui avait notamment pour objectif de donner plus de pouvoir aux étudiant.es dans l’orientation du contenu des cours et de l’enseignement. Cette conception asymétrique de la liberté académique réhabilite ainsi la tradition paternaliste et autoritaire de l’université où l’étudiant.e est considéré.e comme une cruche à remplir, conception archaïque de la pédagogie que l’on pensait éteinte avec le duplessisme. En effet, même si les projets de réformes portés par les étudiant.es des années 1960 n’étaient pas nécessairement révolutionnaires, ils tendaient vers un enseignement et une gestion moins autoritaire, que la droite politique actuelle tente d’effacer, soi-disant en réponse à la menace woke qu’elle construit de toute pièce.

Plus fondamentalement, un projet de loi issu de ces recommandations risque d’accomplir le programme réactionnaire d’enterrer l’héritage contestataire du « moment 68 ». En effet, puisque les grèves étudiantes ne sont ni légales ni illégales au Québec, l’adoption d’une loi qui imposerait des sanctions aux perturbations de l’enseignement aurait pour conséquence d’interdire de facto les grèves étudiantes. Ainsi, au-delà des polémiques entre étudiant.es et professeur.es, c’est la possibilité même de contester le pouvoir à partir de l’université qui est menacée. On ne s’étonne pas qu’un Mathieu Bock-Côté se fasse le porte-étendard de ce programme, lui qui dénonce les « techniques pédagogiques débiles » héritées des années 1960 et plus généralement les mouvements féministes, homosexuels, étudiants et antiracistes qui auraient participé au basculement de notre civilisation. Il est toutefois plus décevant de voir des syndicats (FNEEQ-CSN et FQPPU) et des enseignant.es se revendiquant de l’héritage subversif de la Révolution tranquille se faire les porte-voix de ce discours réactionnaire. Il semble que pour plusieurs, la contestation ne soit acceptable qu’au passé et que la jeunesse actuelle doive être privée de son droit à la contestation, notamment son droit acquis au débrayage.

Si le mouvement étudiant des années 1960 n’a pas achevé son programme révolutionnaire de renversement de l’institution scolaire, il a tout de même apporté certains gains objectifs (droit de grève, droit de regard sur l’élaboration des programmes d’étude et sur les plans de cours) aux étudiant.es. Alors que le mouvement woke est beaucoup moins subversif et dangereux (notamment parce qu’il a généralement des visées réformistes plutôt que de transformations structurelles, donc révolutionnaires), il est évident qu’il est monté en épingle par la droite réactionnaire afin qu’elle puisse « réagir » à cette menace et supprimer les acquis des années 1960. Le meilleur moyen de résister à cette attaque de la droite est certainement de ne pas faire son jeu (qui oppose wokisme et droite bien-pensante), mais de renouer avec un programme radical de remise en question de l’école, de l’ordre établi et de la société capitaliste, afin de nous offrir collectivement un horizon révolutionnaire et de vraies possibilités de rapport de force avec l’État. Si le wokisme sert de faire-valoir à la droite, déjouons le plan de celle-ci et répondons-lui par un programme révolutionnaire qui viendra ébranler ses fondements.

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Pour en savoir plus sur l’histoire des luttes étudiantes au Québec, et plus largement sur la subversion populaire des années 1960, nous vous suggérons les quelques titres suivants :

Nous vous recommandons finalement l’écoute du film Neuvième étage (Mina Shum, 2015, 81 minutes), disponible sur le site de l’ONF.


[1] À l’époque, ces mouvements pour la liberté d’expression ont pour objectif de permettre aux étudiant.es d’exprimer un discours critique sur leurs campus. Dernièrement, le néoconservatisme a réussi à inverser le sens de ce concept, comme il l’a fait avec la laïcité, pour en faire un mouvement contre l’expression critique des étudiant.es en milieu universitaire.

[2] Les monuments et statues symbolisent le poids du passé sur le présent et ont été régulièrement la cible des contestataires, notamment des militant.es du Front de libération du Québec (FLQ), qui vandalisent et dynamitent une dizaine de statues et monuments durant la décennie 1960.

De la nécessité d’une (bonne) traduction

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Jan 302022
 

De Infokiosques

Quelques pistes sur comment s’y prendre pour que la traduction simultanée fonctionne bien et que les personnes « à qui l’on traduit » puissent comprendre et prendre part à la conversation.

En s’organisant sur le terrain entre personnes en galère, que ce soit dans la lutte squat ou dans la lutte et l’autodéfense contre l’Etat et ses multiples frontières, physiques ou administratives, on se retrouve souvent dans des groupes aux langues multiples, et il n’est pas rare qu’il y ait des groupes qui n’ont pas de langue en commun. C’est là qu’entre en jeu lx traducteur.ice.

La traduction est censée être (quand elle est bien exécutée) un outil qui permet la communication entre groupes linguistiques qui ne pourraient communiquer (ou alors difficilement) sans. Dans ce sens, quand on veut étendre sa solidarité par delà les lignes de démarcation nationales, linguistiques et culturelles, c’est un outil indispensable, et un point de départ pour une compréhension mutuelle qui pourra se traduire en actions communes. …

lire le texte complet sur Infokiosques.net

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Métaux BlackRock sur le respirateur artificiel, la classe politique à la rescousse !

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Jan 252022
 

Du Collectif Emma Goldman

Le projet de 1.1 milliard de la multinationale Métaux BlackRock à plus que jamais du plomb dans l’aile. Après avoir mis un coup d’arrêt en 2019 au déboisement du terrain où l’usine est censée être construite à Grande-Anse, retardé le début des travaux sur le site (travaux qui n’ont toujours pas commencé), voilà que nous avons appris le 23 décembre dernier que la multinationale a dû se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) puisqu’elle n’est pas capable de rembourser ses pourvoyeurs. En plus d’avoir fait faux bond à ses créanciers, quelques membres de la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord doivent aujourd’hui déchanter face à la situation de Métaux BlackRock.

En 2019, lors de l’arrêt des travaux, Sandra Rossignol, alors directrice générale de la Chambre, déclarait : « Ils mettent vraiment toutes les chances de leur côté pour éviter les dépassements de coûts parce qu’ils savent que la construction hivernale, ça coûte cher. La Chambre croit que c’est une bonne décision. On connaît bien l’équipe de Métaux BlackRock. On a confiance en ses capacités de mener à terme le projet. » (1). J’imagine que depuis le temps, la confiance a dû s’effriter…

Cependant, il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour la bourgeoisie locale puisque la majorité du temps, quand des projets destructeurs sombrent, il y a toujours les gouvernements pour venir les sauver et y injecter des deniers publics. Comme le rapporte La Presse : « Depuis 2018, la société Métaux BlackRock a sollicité sans succès 150 investisseurs institutionnels, incluant le Fonds de solidarité FTQ et la caisse de retraite Teachers. Elle a aussi pris contact avec une cinquantaine de gestionnaires de fortunes familiales et une dizaine de fonds de capitaux européens. (…) Au fil des ans, BlackRock a recueilli environ 67 millions US en actions pour un total de 149 millions d’actions. » (2). Visiblement, les investisseurs ne se poussent pas au portillon et l’argent amassé est une maigre somme face au milliard nécessaire. Malgré tout, le gouvernement québécois, via Investissement Québec, souhaite racheter 100% de Métaux BlackRock avec la société Orion Resource Partners.

Chibougamau et Saguenay veulent le projet dans leur cour

Devant les difficultés rencontrées par Métaux BlackRock, les divers paliers de gouvernements y vont de leur grain de sel afin de redonner un petit boost, voire une deuxième vie à ce projet destructeur. Andrée Laforest, la ministre caquiste des Affaires municipales et de l’Habitation, y va de sa petite tape dans le dos afin d’encourager la multinationale à ne pas lâcher : « Dans la foulée des informations sorties récemment concernant le projet de Métaux BlackRock, je tenais, à titre de ministre responsable de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, à réitérer mon appui au projet dans sa forme actuelle, tel qu’approuvé par le décret. Ce projet est très important pour notre région et le Québec. » (3). De son côté, Jean Rainville, l’ancien président-directeur général PDG de BlackRock, est en beau fusil et veut saborder le processus de restructuration, croyant qu’Investissement Québec et la société Orion profite de la situation pour évincer tout le monde et prendre le contrôle de la multinationale (4).

Au Saguenay-Lac-St-Jean, les mairesses de Chibougamau-Chapais et de Saguenay font des courbettes pour avoir le projet dans leur cour. Manon Cyr croit qu’une des solutions serait de construire la fonderie près de Chibougamau : « Le projet prévoit que l’on devra transporter le minerai sur des centaines de kilomètres avant de le transformer véritablement. Pourquoi ne pourrions-nous pas le transformer plus près de la mine? […] J’ai toujours eu de la misère à comprendre comment on pouvait justifier sur le plan environnemental et financier le fait de déplacer autant de minerais sur une longue distance avant de le transformer de façon adéquate » (5). Malgré sa petite fibre écologiste, la mairesse ne semble pas comprendre que le problème ne réside pas dans le transport des matériaux.

Que l’usine soit à Chibougamau ou à Grande-Anse, les matériaux devront faire des centaines de kilomètres par train dans les deux cas, soit pour acheminer le produit brut à La Baie pour le transformer près du terminal ou amener le produit fini jusqu’au port où il pourra être transbordé sur des bateaux et envoyé à l’international. Le problème environnemental se trouve dans le projet même : creuser une mine à ciel ouvert, construire une usine qui sera la deuxième plus polluante au Québec et transporter les matériaux d’abord par train et ensuite dans des bateaux qui devront utiliser le fjord comme autoroute.

La Chambre de commerce de Chibougamau-Chapais (CCCC) abonde bien évidemment dans le même sens que la mairesse Cyr. Le président de la CCCC, Sébastien Valdal, emploi lui aussi le langage visant à justifier en douce ce projet sous un couvert de capitalisme vert : « Considérant que le potentiel du camp minier de Chibougamau-Chapais démontre un potentiel de fer-titane-vanadium, nous croyons que développer une expertise locale serait un apport important au développement économique de la région et un positionnement essentiel dans la course à l’électrification des transports et au développement d’une économie plus verte » (6). 

L’électrification des transports, on parle ici de la voiture solo et ce n’est pas avec les automobiles électriques que l’on va rendre l’économie plus verte. Ces dernières demandent, tout comme l’auto à essence, la multiplication d’immenses infrastructures (des boulevards, des autoroutes, de nouvelles rues et artères de contournements, etc.) et l’exploitation infinie de ressources pour fabriquer sans cesse de nouveaux modèles. À la place, nous devons miser sur le transport en commun et les moyens alternatifs de se déplacer ainsi que de mettre en commun le plus possible nos autos afin d’en maximiser l’usage. Après tout, les voitures passent la majorité du temps à l’arrêt dans des stationnements. 

Du côté de Saguenay, la nouvelle mairesse, Julie Dufour, a réitéré par communiqué son « soutien entier au projet dans sa forme actuelle ». Elle enchaîne avec : « Les études réalisées par Métaux BlackRock ont démontré que la zone industrialo-portuaire de Grande-Anse était le meilleur site pour établir l’usine. C’est aussi ce qui a été présenté au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et qui a obtenu tous les permis et autorisations auprès du gouvernement du Québec. Nous nous sommes également engagés à un congé de taxes dégressifs sur 10 ans pour la mise en opération du projet. » (7). 

Cela fait suite à la sortie de Gérald Savard, préfet de la MRC du Fjord-du-Saguenay, qui a déclaré dans les médias soutenir le projet tout en interpellant le Premier ministre du Québec pour qu’il s’assure que le projet voit bien le jour à Grande-Anse.

Comme si ce n’était pas assez, Marc Bouchard, chef par intérim de l’Équipe du renouveau démocratique (ERD) et conseiller désigné du parti, a lui aussi lancé son appui par voie de communiqué en suppliant les membres du conseil de ville « de tout mettre en oeuvre pour que ce projet de 1,1 milliard de dollars puisse voir le jour et que son usine de transformation soit érigée sur le site de Port Saguenay » (8). 

Mais à part l’endroit où devrait avoir lieu le projet, le consensus est total chez la classe politique locale. C’est le capitalisme extractivisme version turbo qu’ils et elles aimeraient instaurer au Saguenay-Lac-St-Jean sur le Nitassinan.

L’État, un pilier dans l’économie extractiviste 

Les différents paliers de gouvernements jouent un rôle majeur dans l’extractivisme et ils viennent en aide aux multinationales de diverses manières. D’abord en les finançant directement via des prêts d’argent ou en construisant, avec l’aide des deniers publics, des infrastructures pour les compagnies privées. Au Québec, cela se traduit, entre autres, par la construction de routes, de lignes hydroélectriques, d’aqueducs (branchement des usines à l’eau de la ville), etc. (9).

L’État vient aussi en aide aux multinationales en mettant en place des lois qui font la part belle à l’extractivisme. Voter des lois  ou en enlever, de manière à favoriser le plus possible les compagnies extractivistes. L’État vient aussi en aide aux multinationales en mettant en place des lois qui font la part belle à l’extractivisme. Voter des lois  ou en enlever, de manière à favoriser le plus possible les compagnies extractivistes. Ainsi, le Canada est le pays où le plus de minières sont enregistrées puisque la loi canadienne leur est très favorable (10). En s’établissant au pays de l’unifolié, les minières savent qu’elles ne seront pas importunées par la justice et elles auront le champ libre pour exploiter les territoires (très majoritairement du Sud) et les populations qui y vivent. Ensuite, une fois les ressources pillées, c’est bien souvent le gouvernement qui doit payer pour nettoyer et décontaminer les sites exploités. Au Québec, ce genre de scénario se compte par milliers (11). Finalement, comme c’est le cas pour Métaux BlackRock, quand les multinationales sombrent et n’arrivent pas à mener à termes leur projet, il y a toujours le gouvernement pour venir injecter de l’argent public pour les financer ou les racheter et éviter, pendant un temps, le naufrage.

Cependant, que ce soit Métaux BlackRock ou une compagnie de façade appartenant au gouvernement du Québec, nous serons toujours là pour nous opposer à ce projet. Plusieurs actions ont déjà eu lieu : blocage d’une voie ferrée à Chicoutimi, peinture lancée sur les bureaux de BlackRock, action à Grande-Anse, des conférences, etc. Notre monde ne réside pas dans la destruction engendrée par ce projet écocide.

Pour une décroissance libertaire 

Tant qu’il y aura un arbre à raser, une rivière à harnacher, une montagne à raser pour le minerai, les multinationales, alliées des gouvernements, seront présentes pour en tirer d’importants bénéfices. Bien sûr, elles  »créeront »  en échange quelques emplois dans des régions qui connaissent des taux chômages importants depuis de nombreuses années et qui sont le produit d’un développement basée sur la mono-industrie. Mais que valent ces emplois dans un environnement saccagé et  invivable?  Mais surtout qu’allons-nous faire quand la multinationale aura plié bagage une fois le sol épuisé et les millions amassés? Si nous persistons dans cette voie,  nous retournerons à la case départ.

La seule alternative : décider maintenant de briser ce cycle de misère et d’exploitation et construire  une économie basée sur la satisfaction de nos véritables besoins et la pérennité des ressources. Face aux grands projets inutiles que veulent mettre de l’avant gouvernements et multinationales, nous devons non seulement résister, mais créer nos propres alternatives à ce système autodestructeur. Nous ne pouvons plus accepter les miettes de pain que la grande entreprise est disposée à nous offrir pour  »assurer »  pendant un temps notre  »bien-être ». Car ne nous leurrons pas, la seule chose de durable dans leur système c’est la misère et la désolation qu’il engendre. Une décroissance libertaire, c’est-à-dire non pas l’arrêt du développement de nouvelles technologies qui facilitent et améliorent nos vies, mais l’arrêt de la fabrication de marchandises inutiles (12) qui alimentent cette société consumériste et qui nécessitent de plus en plus de ressources bien souvent exploitées dans les pays du Sud. Une société horizontale et égalitaire basée sur nos besoins réels et construite en complicité avec les Premières Nations.


1. Radio-Canada: Métaux BlackRock retarde le début de ses travaux à La Baie

2. André Dubuc, La Presse: Investissement Québec propose d’acheter Métaux BlackRock

3. Solveig Beaupuy, Le Quotidien: Andrée Laforest soutient toujours le projet de Métaux BlackRock

4. Gilles Munger, Radio-Canada: BlackRock: l’ancien PDG tente de bloquer le processus de restructuration

5. Isabelle Tremblay, Le Quotidien: Métaux BlackRock: Manon Cyr propose un complexe intégré à Chibougamau

6. Isabelle Tremblay et Marc-Antoine Côté, Le Quotidien: Métaux BlackRock: la communauté d’affaires de Chibougamau ne veut pas d’une usine à La Baie

7. Vicky Boutin et Myriam Gauthier, Radio-Canada: L’usine de BlackRock doit être à Saguenay, réitèrent Julie Dufour et la MRC du Fjord

8. Idem

9. Radio-Canada: Plan Nord : Québec construit une route vers les monts Otish

10. Sarah R. Champagne, Le Devoir: Minières canadiennes à l’étranger: la création d’un poste d’ombudsman se fait toujours attendre

11. Alexandre Shields, Le Devoir: L’héritage toxique des minières explose

12. Le cellulaire est un bon exemple. Le téléphone portable est utile pour nos vies, mais nous n’avons pas besoin d’en sortir des dizaines de nouveaux modèles à chaque année.  En plus de cela, ils sont énergivores en métaux rares et demandent beaucoup de ressources et d’infrastructures. Dans une décroissance libertaire, le but n’est pas de faire disparaître les cellulaires et de ne plus en produire, mais d’arrêter de fabriquer à l’infini des modèles qui sont extrêmement similaires d’année en année et qui servent simplement à vendre de la marchandise et à faire des profits pour des compagnies privées milliardaires.

S’initier à l’action non-pacifique vu depuis l’intérieur

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Jan 252022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Nous sommes un groupe de jeunes militant.es, nous ne militons que depuis quelques années. Ayant participé à différentes organisations écologistes, nous avons, de cette expérience, réalisé les limites de ces organisations dans l’efficacité de nos luttes. Dans les derniers mois, nous avons donc décidé vouloir chercher à affaiblir économiquement les entreprises fossiles par nos actions. Ceci a donc impliqué plus de questionnements, de préparation, de réflexions et d’idées. C’est de ces choses que nous aimerions parler dans ce texte.

Au départ, la plupart d’entre nous sommes arrivé.es à un constat. La lutte écologiste est dans une embûche. Nous répétons des actions d’une même intensité (que l’on soit 20 000 ou 500 000 dans les rues) pour une cause qui devient radicalement plus urgente. Nous nous plaignons du manque d’écoute du gouvernement, mais nous choissisons de rester dans une position passive, toujours dans une position de demande alors que nous avons déjà accumulé toutes les preuves pour déchanter. Souhaitant être lucides tant sur l’efficacité de nos méthodes que sur le peu de marge de manoeuvre qu’il nous reste, nous avons senti la nécessité d’en faire plus et de faire mieux. Ces réflexions ont également émergées à la suite de lectures telles que « Comment saboter un pipeline » d’Andreas Malm; de lectures sur l’historique du mouvement d’Earth First : « À bas l’empire vive le printemps ! » et de lectures sur les réflexions des ZAD ainsi que des groupes écologistes actuels.

Certain.es nous diront que cette réflexion aurait dû nous venir bien avant. Peut-être ont-iels raison. Il en reste qu’il est absurde de demander à un.e militant.e de passer de l’inaction à l’action la plus radicale. Chaque militant.e accumulera ses expériences qui lae mènera à une réflexion sur l’efficacité de ses actions. Chacun.e de nous pourra ensuite évaluer ce qu’iel peut faire en fonction de ses désirs et ses capacités.

Nous avons donc commencé à réfléchir sur ce qui serait à notre portée et aurait une certaine efficacité. La première barrière évidente qui se dresse est celle de la loi. Nous estimons qu’à l’heure actuelle, chacun.e doit réfléchir à sa capacité et à sa volonté à transgresser les lois en vue d’une action impactante. Accepter de prendre des risques légaux demande du temps, c’est un processus psychologique qui n’est pas à négliger, être à l’aise avec les actions qui s’en suivent d’autant plus. Cette prise de risques peut remettre en cause certaines de nos aspirations et nous remettre en face de nos privilèges et de ce que ceux-ci peuvent impliquer comme responsabilités. Nous invitons donc toute personne ayant une volonté d’intensifier son militantisme à réfléchir aux risques légaux qu’elle est prête à prendre. Ultimement, nous y voyons une nécessité afin d’avoir un plus grand impact. Il s’agit de faire un juste équilibre entre le risque pris et l’impact envisagé. Nous ne cherchons toutefois pas à nous faire arrêter « pour se faire arrêter » ou dans une optique de désobéissance civile devant public. Nous ne voulons plus être dans une position de demande aux dirigeant.es, mais dans une optique d’affaiblissement économique direct en vue du forçage d’une prohibition des énergies fossiles.

La deuxième barrière qui se dresse est celle de la préparation. Nous n’avons pas été préparé.es pour faire ce type d’action et l’information reste (avec raison) cachée. Nous avons dû creuser différentes sources par nous-mêmes afin d’apprendre certaines techniques, afin d’avoir une bonne protection légale, afin de communiquer entre nous de manière sécurisée. Toute cette préparation demande plus de temps. Toutefois, si nous souhaitons intensifier notre lutte, il nous faut sortir des sentiers battus et tenter d’apprendre du mieux que nous pouvons par nous-mêmes. Au travers de ce processus, il va y avoir des essais ainsi que des erreurs et nous ne serons pas tous.tes des militant.es parfait.es du jour au lendemain. Ce manque de préparation et de connaissances ne doit pas être un frein à l’intensification de nos actions, il nous demande seulement de nous libérer du temps afin d’apprendre par nous-mêmes et de partager nos connaissances.

La troisième barrière qui se dresse est celle de notre (in)expérience liée à notre âge et notre réseau de connaissances. Nous faisons partie d’une nouvelle génération de militant.es qui, essentiellement, n’a pas connu les grandes dates des luttes militantes du « Québec ». Cette inexpérience nous amène à avoir moins de pratique, mais aussi moins de connaissances sur les structures et les manières de faire militantes (le dit « savoir militant »). Cette inexpérience peut également susciter la méfiance de camarades militant.es plus âgé.es nous percevant comme naïf.ves ou inaptes à militer en vue d’une augmentation des moyens de pression. Cette méfiance a ses raisons d’être, mais il en reste que nous aurions plus à gagner en nous unissant autant que possible et en partageant des savoirs qui ont été effacés avec la dissolution de l’ASSÉ et l’épuisement militant. Nous ne mettons toutefois pas de côté la nécessité de s’organiser en groupe affinitaire pour bâtir la confiance et être plus sécuritaire.

Finalement, la quatrième barrière qui se dresse, que l’on sent à l’intérieur de nous peut-être sans se partager, est une barrière émotionnelle. Abaisser ses craintes face aux actions que l’on fait ; faire face aux confrontations avec la police et aux techniques d’intimidation de celle-ci (nous reconnaissons par le fait même que, pour certaines personnes, confronter la police n’est pas une question de choix); développer le courage nécessaire pour se faire confiance dans les nouveaux chemins que l’on emprunte au-delà de l’approbation sociale : toutes ces choses demandent un travail émotionnel qui prend du temps d’autant plus que l’on peut porter en nous l’image du parfait révolutionnaire qui n’a peur de rien, qui confronte la police sans gêne, peut-être même avec le sourire et que l’on croit que cela n’est qu’une question de nature. Alors que nous, dans nos vies, nous souhaitons prendre soin les uns des autres, favoriser la compréhension des points de vue et faire émerger la bienveillance, notre travail à l’extérieur nous demande de nous raffermir, de faire face à nos peurs, d’exprimer notre colère et de prendre notre place légitime même si cela demande de se confronter à l’ordre du monde. Ce travail sur notre nature et sur nos émotions doit être vu non comme une barrière, mais comme une invitation à développer des cercles de partage pour faire ce travail ensemble plutôt que seul.e. Il faut voir qu’ultimement, le développement de ses qualités va nous permettre de vivre une vie qui se rapproche de nos idéaux et nous permettre d’être plus heureux.ses.

En repoussant le plus possible ces barrières, nous avons donc préparé minutieusement notre action. Celle-ci visait à nuire à des stations à essence en vue de les rendre inopérables pour quelques jours. En cours de chemin, nous avons eu nos difficultés. Un endroit était finalement surveillé et un autre a été fermé quelques semaines avant notre action, rendant celle-ci inutile. Nous avons toutefois acquis une expérience de terrain par laquelle nous avons affronté nos peurs et retenu des leçons de nos erreurs. Il est donc nécessaire de se mettre à l’action, même si nous ne sommes pas des militant.es parfait.es, même si nous ne connaissons pas tout. L’important, c’est de s’organiser du mieux possible, mais surtout, de passer à l’action puisqu’essentiellement, ce qui finit par nous retenir, ce sont nos propres peurs ou notre manque de temps.

En conclusion, nous croyons en la nécessité de faire évoluer la lutte vers une pluralité d’actions directes. Nous voulons, par ce texte, témoigner qu’il n’est pas nécessaire de tout connaitre, qu’il est normal qu’il y ait plusieurs barrières qui se dressent sur ce chemin et que nous pouvons, tous.tes par nous mêmes, acquérir le savoir et les réflexions nécessaires à cette fin. Les luttes écologiques sont à l’agenda pour les prochaines années. Ce sont des luttes que nous n’avons pas le choix de gagner. Nous aimerions que les prochaines personnes qui vont s’organiser dans le contexte de la crise écologique ne prennent pas le cheminement pacifique type. Nous souhaitons également faire un appel aux militant.es de générations précédentes à nous partager leurs savoirs afin d’avancer ensemble. Nous ne mettons toutefois pas de côté l’impact qu’a eu la répression chez certain.es de nos ami.es. Nous reconnaissons le courage des personnes qui participent ou ont participé dans toutes les formes de tâches des luttes passées et présentes.

L’Histoire Nous Regarde

Contre le deuxième couvre-feu aussi

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Jan 212022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce que vous avez peut-être manqué

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, le gouvernement du Québec a imposé deux couvre-feux à sa population. Le premier a été annoncé le 6 janvier 2021 et est entré en vigueur le 9 janvier ; il a duré, avec diverses modifications et assouplissements, jusqu’au 28 mai 2021. Le second couvre-feu a été annoncé le 30 décembre 2021 et est entré en vigueur le lendemain, à la veille du jour de l’an. Un peu plus d’une semaine plus tard, le 7 janvier 2022, une contribution anonyme intitulée « Le couvre-feu fait-il l’unanimité ? » dont l’intégralité figure ci-dessous, est apparue sur ce site :

Depuis le 31 décembre 2021, un couvre-feu est imposé entre 22h et 5h au Québec.

Je suis fermement en désaccord avec cette mesure oppressive et je suis certain.e que beaucoup d’entre vous le sont aussi. Cependant, il n’y a eu aucun article critiquant le couvre-feu depuis qu’il a été réinstauré. J’aimerais que nous soyons plus nombreux.ses à nous opposer à cette mesure.

Nous avons assisté à une augmentation importante des mesures autoritaires dans la province. La santé publique a été utilisée comme un prétexte pour accroître le pouvoir de l’État.

Unissons-nous et combattons l’État policier !

Depuis cet appel, il n’y a eu aucun autre message sur MTL Contre-info au sujet de ce second couvre-feu, ni aucune résistance anarchiste visible et organisée. La « résistance » qu’on a pu voir à Montréal – c’est-à-dire les dizaines de personnes qui ont défié le couvre-feu et se sont rassemblées devant les bureaux de Legault à Montréal le soir du 1er janvier, ainsi qu’une manifestation de jour bien plus importante le 8 janvier – n’est pas du ressort de MTL Contre-info. Ces événements (les organisateurs, les personnes qui se sont présentées, la signalisation, etc.) n’étaient ni anarchistes ni anti-autoritaires. Ils semblent plutôt s’inscrire dans les tendances politiques dominantes qui s’opposent non seulement au couvre-feu au Québec, mais aussi aux mesures de mitigation de la pandémie quelles qu’elles soient, dans toutes les provinces du Canada et ailleurs dans le monde (notamment aux États-Unis, en Australie et en Chine). En termes clairs, je veux dire que les personnes qui ont manifesté étaient en grande partie des anti-vax, des nationalistes et des timbrés. On y reviendra plus tard. 

Le jeudi 13 janvier 2022, le gouvernement a annoncé dans une énième conférence de presse que le couvre-feu prendrait fin le lundi 17 janvier. Je sais pertinemment qu’il y avait des initiatives de brassage pour s’opposer au couvre-feu de façon proprement anarchiste, mais elles ne seront évidemment pas mises à exécution, à présent. Il semble que ce deuxième couvre-feu se sera déroulé sans intervention anarchiste (publique). C’est un contraste avec la période du premier couvre-feu au début 2021, quand il y a eu au moins trois manifestations à Montréal – le 16 janvier, le 18 avril et le 22 avril 2021 – organisées sur le thème de l’opposition aux « solutions policières à la crise sanitaire ». De plus, au moins quelques anarchistes ont participé à la manifestation informelle, qui s’est transformée en une émeute montréalaise classique le soir du 11 avril 2021, date à laquelle le couvre-feu en « zones rouges » (qui avait été assoupli le 17 mars) a été renforcé. À part ça, quelques articles ont été publiés sur MTL Contre-info, dont l’essai très clair « Contre le couvre-feu » du 10 janvier 2021.

Le deuxième couvre-feu

J’ai tendance à penser qu’une des raisons pour lesquelles « il n’y a pas eu de messages critiquant le couvre-feu depuis qu’il a été rétabli », c’est qu’il n’y a rien de nouveau à en dire.

Il y a le fait qu’il est moins odieux de deux heures par rapport à celui de janvier dernier. Ce détail a son utilité pour les défenseurs du gouvernement, mais pas pour nous.

Et puis nous avons été très peu avertis de l’imminence d’un couvre-feu – moins que l’année dernière, en fait. 

Dans « Les anarchistes de Barcelone à marée basse » (After the Crest pt. #3), il est écrit : 

le gauchisme et la vision rationaliste qui en découle nous entraînent à voir le monde de manière irréaliste. Cela génère de fausses attentes et de faux critères pour évaluer nos luttes. Le nœud du problème est que nous ne sommes pas la valeur abstraite que le capital et la gauche voient en nous : nous sommes des êtres vivants avec nos propres rythmes autonomes qui se heurtent constamment aux stratégies managériales et à la mécanique sociale.
    […]
    l’obligation gauchiste de produire du mouvement nous prive de l’hiver. Tous les gens en lutte ont besoin d’un temps pour affronter leur désespoir, panser leurs plaies et se replier sur les liens réconfortants de l’amitié. Ne se rendant pas compte de cette nécessité animale, bien des anarchistes s’épuisent à essayer de maintenir un rythme constant, ou alors ils confondent ralentissement et affaiblissement, et laissent aller leurs acquis. Mais l’hiver peut être un moment important pour se retrancher, poursuivre les projets qui nous soutiennent (et apprendre à les reconnaître), pour tester la force de nouvelles relations et sonder la profondeur de notre communauté de lutte.

Je cite ces extraits car on ne saurait trop insister sur le fait que c’est le mois de janvier à Montréal, c’est-à-dire que l’hiver n’est pas qu’une métaphore. Mais surtout, la critique implicite du billet initial sur MTL Contre-info me semble révélatrice de cette même « obligation gauchiste de produire du mouvement », indépendamment de son utilité ou des circonstances plus larges. Il est évident que, dans une certaine mesure, le couvre-feu a diminué notre capacité à nous rabattre sur nos amis ou à tester de nouvelles relations car il devient plus difficile de se rencontrer. Mais ce couvre-feu, vraiment, n’est qu’une infime partie du plus grand ensemble de restrictions sur les rassemblements et la vie sociale normale.

Le couvre-feu s’est également avéré relativement facile à défier, pour ceux qui veulent bien essayer. Je connais personnellement beaucoup de personnes qui l’ont régulièrement bravé l’an dernier, et un peu aussi cette fois-ci, en traversant la ville en voiture ou en serpentant dans les ruelles de leur propre quartier, généralement pour aller et venir de chez des amis ou entre divers lieux de rencontre à l’extérieur – parce que bien sûr, il n’y a pas vraiment d’autre endroit où aller. Ce genre d’activité est loin d’être réservée aux anarchistes, mais nous avons beaucoup moins de chances d’être arrêté.e.s par la police en allant d’un point A à un point B après le couvre-feu que, disons, des adolescent.e.s de Montréal-Nord ou des juif.ve.s orthodoxes d’Outremont.

Il pourrait être intéressant d’organiser une contestation collective plus importante, mais bien sûr, comme dans le cas du 11 avril 2021 ou de la manifestation des anti-vax près du Stade olympique le 1er mai, il faudrait alors s’associer à des gens dont la vision de l’éthique et de la réalité de base se situe bien au-delà de ce que la plupart des anarchistes nord-américain.e.s jugeraient acceptable. Peut-être que si le gouvernement n’avait pas, de façon prévisible, annulé le couvre-feu relativement rapidement, nous en serions à nouveau là, et il y aurait des choses à dire sur le partage de l’espace avec de telles personnes. Mais de manière réaliste, cela n’arriverait qu’au printemps, comme l’an dernier. Il est peu probable que cela se produise maintenant – bien que tout soit possible, et il est clair que le gouvernement continuera (probablement) à imposer un couvre-feu à chaque nouvelle vague de covid.

On ne peut pas satisfaire tout le monde

Depuis le début de la pandémie, il existe un courant d’anarchistes qui rejettent en bloc toutes les mesures visant à atténuer la propagation du covid – pas juste celles qui donnent les coudées franches à la police, mais tout, y compris les vaccins. Le projet Nevermore est l’exemple le plus marquant de ce courant dans le contexte canadien. Personnellement, je suis d’accord avec les vaccins et beaucoup d’autres mesures qui me semblent sensées, et je ne vois pas de différence effective entre ces anarchistes (qui, dans de nombreux cas, sont des personnes impliquées dans nos scènes depuis des années) et le courant principal de la droite anti-vax. J’ai personnellement aidé à organiser une manifestation contre le couvre-feu le 18 avril 2021, parce que je sentais qu’il était nécessaire, à ce moment-là, de créer un nouveau pôle autour duquel rallier une résistance au couvre-feu autre que celle des anti-vax. Je ne pense pas que ça ait été une réussite spectaculaire, mais je ne regrette pas d’avoir essayé.

L’autre jour, j’ai pu avoir un accès privilégié à un groupe Signal composé de plus de 30 anarchistes et autres radicaux, où l’on discutait de certains événements du printemps 2021, notamment du 11 avril et de la manifestation du 18 avril. Une personne y affirmait :

De jeunes anarchistes et gauchistes ont organisé une deuxième manifestation contre le couvre-feu se distinguant de celle qui avait eu lieu plusieurs nuits auparavant et dont ils ont reconnu tardivement qu’il s’agissait des habituels bobards de droite sur la libre-entreprise et qu’elle n’avait vraisemblablement rien à voir avec les « jeunes Noir.e.s ». On a donc eu une « vraie » manifestation anarchiste contre le couvre-feu. Quelques jours plus tard [en fait, plus d’un mois plus tard], le gouvernement a de toute façon annulé le couvre-feu et les anarchistes et autres gauchistes sont retournés dormir, retrouver « leur » vie.

Ce commentaire (un peu épuré pour des raisons de lisibilité) n’a suscité aucune réaction de la part des autres participant.e.s.

C’est peut-être déplacé, mais je ressens le besoin de remettre un peu les pendules à l’heure. Personnellement, je suis toujours partant.e pour une bonne vieille émeute montréalaise – à peine cohérente politiquement et à laquelle participe un large éventail de la société. Et je déteste Rebel News, qui étaient présents le soir du 11 avril 2021, et ont un peu brassé à Montréal dans les jours précédant l’événement. L’un n’empêche pas l’autre. Il est possible d’avoir apprécié l’émeute du 11 avril (ou d’y avoir participé) tout en critiquant ses limites et son absence de but. Il n’est pas nécessaire d’embarquer à la suite des journalistes et des politiciens qui, pour les besoins de leurs propres agendas, ont déformé cet événement en le présentant comme une affaire d’hurluberlus anti-vax.

Il se trouve qu’on avait planifié la manifestation du 18 avril avant que le 11 avril ne se produise. Mais même si ça n’avait pas été le cas, je pense qu’il aurait été légitime – et tout à fait dans la lignée des efforts faits par les anarchistes au fil des ans pour maintenir une culture de combat de rue vivante et dynamique dans cette ville – d’organiser une opportunité collective pour affronter la police et/ou peut-être défier le couvre-feu (s’il durait jusque là) en cohérence avec nos idées et nos façons de faire. En d’autres termes, pas de Rebel News, pas de drapeaux nationaux, pas de prédicateurs chrétiens, et pas de dénonciations stupides et multiples des masques et des vaccins. Mais combattre la police ? Avec plaisir, merci !

Pour moi, il est tout à fait valable de critiquer les anarchistes d’ici de ne pas être parvenu.e.s à répondre à la pandémie de manière plus holistique, en développant notamment des pratiques plus approfondies de soutien mutuel – bien que je me demande où cette critique est censée aller et comment elle est peut être utile. Le vrai problème, c’est que nos mouvements ne sont juste pas aussi puissants qu’on voudrait, et nous n’avons pas réussi, tout au long de la pandémie, à développer des stratégies ou des pratiques qui pourraient nous aider à construire le type de pouvoir dont on a besoin pour réaliser nos objectifs à court ou long terme. Dans une large mesure, il s’agit d’un échec à surmonter l’isolement. La compréhension de base des faits, qu’il s’agisse des vaccins ou des caractéristiques démographiques des émeutiers, varie manifestement d’un silo d’information en ligne à l’autre. Il n’y a sans doute rien de bon dans tout ça. 

J’aimerais qu’on s’améliore, car il y a bien des chances que la pandémie et l’état d’exception qu’elle a engendré soient loin d’être terminés.

Appel à contribution du journal « État Policier » dans le cadre de la 26e Journée Internationale Contre la Brutalité Policière

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Jan 162022
 

Du COBP

Ici comme ailleurs dans le monde, la Police joue un rôle déterminant en réprimant les luttes anticoloniales, autochtones, environnemental, immigration, etc. La lutte et résistance des premières nations autochtones à travers la planète seront toujours présentes au front pour contrer les intérêts capitalistes et seront appuyés par des mouvements et de liens de solidarité internationales.

Le thème de l’année 2022 sera : « La police c’est colon en criss » – « shutdown the colonial police ».

Voir l’appel svp : https://cobp.resist.ca/fr/node/23061

Nous faisons donc appel à vous pour l’écriture de textes, de dessins, de bd, de photos, de poèmes ou toutes autres idées pour le journal « État Policier » de cette 26e édition de la JICBP. Vous pouvez aussi nous envoyer vos textes ou des liens existants déjà publiés.

Les textes pour le journal devront contenir un maximum de 2 pages et peuvent être écrits en français, en anglais ou en espagnol. Les auteurs-E-s qui tiennent à ce que leurs textes soient traduits doivent nous le mentionner dans un délai raisonnable afin qu’on puisse trouver des gens pour la traduction.

Aussi, nous vous invitons à nous envoyer des images pour accompagner votre texte, si vous le désirez. Les images ne seront pas comptabilisées dans les deux pages.

La date de tombée finale pour le contenu du journal papier est le 1er février 2022.

Veuillez soumettre vos textes et autres contributions à l’adresse suivante :
cobp@riseup.net

Solidairement
COBP

Le couvre-feu fait-il l’unanimité ?

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Jan 072022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Depuis le 31 décembre 2021, un couvre-feu est imposé entre 22h et 5h au Québec.

Je suis fermement en désaccord avec cette mesure oppressive et je suis certain.e que beaucoup d’entre vous le sont aussi. Cependant, il n’y a eu aucun article critiquant le couvre-feu depuis qu’il a été réinstauré. J’aimerais que nous soyons plus nombreux.ses à nous opposer à cette mesure.

Nous avons assisté à une augmentation importante des mesures autoritaires dans la province. La santé publique a été utilisée comme un prétexte pour accroître le pouvoir de l’État.

Unissons-nous et combattons l’État policier !

Prison de Bristol (UK) : Toby Shone explique son affaire

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Jan 052022
 

De Act for Freedom Now!, traduction de Attaque

Je m’appelle Toby Shone et je suis un anarchiste, emprisonné à la prison de Bristol, qui a été enlevé par la police anti-terroriste sous la menace des armes, dans le cadre de l’opération Adream, au Royaume-Uni. Cette opération répressive avait pour cible le collectif 325, un groupe anarchiste de critique et de pratique, ainsi que le site internet 325.nostate.net. L’opération Adream est une attaque de l’État britannique, en collaboration avec ses partenaires européens, contre des groupes d’action directe anarchistes, des projets de contre-information, des initiatives de solidarité avec les prisonnier.e.s et la nouvelle critique anarchiste de la singularité technologique et de la quatrième et cinquième révolutions industrielles. Lors de l’opération Adream, la législation antiterroriste a été utilisée contre le mouvement anarchiste pour la première fois au Royaume-Uni.

J’ai été pris en otage par le régime le 18 novembre 2020, après une course-poursuite avec des flics de l’unité d’intervention spéciale, au fin fond de la forêt de Dean, qui se trouve à la frontière avec le sud du Pays de Galles, à une heure de route au nord de Bristol. Au même moment, des descentes coordonnées ont eu lieu à cinq endroits différents dans la forêt de Dean, contre des projets de vie collective, des lieux de rencontre et un box de stockage. J’ai été emmené, sous surveillance armée, dans un poste de police du coin, où j’ai été détenu au secret et interrogé à de très nombreuses reprises. J’ai refusé de parler pendant les interrogatoires et je n’ai pas coopéré avec les assassins en uniforme.

J’ai été accusé de quatre chefs d’accusation en vertu de la loi antiterroriste. Une accusation selon la Section 2 de cette loi : diffusion de publications terroristes, en tant qu’administrateur présumé du site 325.nostate.net. Deux accusations selon la Section 58 : possession d’informations utiles à des fins de terrorisme. Il s’agit de deux vidéos. L’une d’elles montrait comment assembler une charge explosive artisanale. L’autre montrait comment incendier une antenne relais de téléphone mobile. J’ai été accusé selon la Section 15 : financement du terrorisme, en relation avec des portefeuilles de crypto-monnaie hébergés sur 325.nostate.net pour soutenir des prisonnier.e.s et des publications anarchistes. J’ai récusé toutes les accusations.

Pendant les interrogatoires, j’ai aussi été accusé d’être membre de la FAI/FRI, la Fédération anarchiste informelle/Front révolutionnaire international. J’ai été accusé d’avoir écrit cinq communiqués et d’avoir mené plusieurs actions dans le secteur de Bristol, revendiquées par des cellules de la FAI, de l’Earth Liberation Front ou de l’Animal Liberation Front. Ces actions comprenaient une attaque incendiaire contre un poste de police, l’incendie d’une antenne relais de téléphonie mobile et la libération d’animaux.

Bristol est un secteur du Royaume-Uni où, au cours des deux dernières décennies, il y a eu d’innombrables sabotages et actions directes anarchistes, des actions qui restent irrésolues pour la police, malgré des enquêtes qui ont coûté plusieurs millions de livres et des chasses aux sorcières médiatiques contre les anarchistes de la ville.

Dans les espaces collectifs et les lieux de rencontre perquisitionnés au cours de l’opération Adream, les flics ont saisi des centaines d’exemplaires du numéro 12 de la revue 325, des dizaines de brochures, de livres, d’autocollants, d’affiches et de tracts anarchistes, des ordinateurs portables, des téléphones mobiles, des imprimantes, des disques durs, des caméras, des brouilleurs de fréquences radio, des GPS, des fumigènes, des bombes sonores et lumineuses, des répliques d’armes à feu et de l’argent liquide. Parmi les preuves produites contre moi, il y avait de nombreuses publications anarchistes, dont le n° 12 de la revue 325, qui traite de la quatrième et cinquième révolution industrielle, la brochure Incendiary Dialogues, de Gustavo Rodríguez, Gabriel Pombo da Silva et Alfredo Cospito, publié par Black International Editions. Il y a aussi le texte « Qu’est-ce que l’anarchisme » d’Alfredo Bonnano, le bulletin Dark Nights, le petit livre « Anarchy, civil or subversive? », édité par 325 et Dark Matter publications, un tract en solidarité avec les prisonniers anarchistes Alfredo Cospito et Nicola Gai, un tract contre les confinements liés au Covid-19 intitulé « Affronter la peur – combattre le futur », ainsi que de nombreux autres textes et publications en solidarité avec des prisonniers anarchistes et des organisations révolutionnaires telles que la CCF, Conspiration des Cellules de Feu.

Après être passé devant la chambre d’instruction de Westminster, j’ai été placé en détention provisoire à la prison de Wandsworth, à Londres, sous un régime de détention antiterroriste. A la prison, pendant dix jours on ne m’a pas permis de passer des coups de fil et j’ai eu des restrictions similaires pour mon courrier. On m’a empêché de voir mes avocats pendant six semaines. Vingt-trois heures et demie par jour d’isolement, avec parfois jusqu’à 48 heures sans pouvoir quitter la cellule, à part pour aller chercher mes repas. Pas de promenade pendant les 3 premières semaines et ensuite j’ai été autorisé à sortir en promenade seulement une fois tous les quinze jours, pendant 35 minutes. Pas de salle de sport, pas de bibliothèque, pas d’activité éducatives, pas d’activités du tout. J’ai été gardé dans une cellule qui ressemble à un cachot, sans lumière naturelle, et soumis à des bruits de chantier assourdissants quand j’ai été placé, sur décision de l’unité antiterroriste, à côté d’une nouvelle section de la prison, en construction. Mes lettres, mes appels téléphoniques et mes liens ont tous été soumis à une surveillance et à une censure systématiques, avec des entraves constantes à la possibilité de communiquer avec mes avocats et d’avoir accès à mon courrier et à mes livres. Je n’ai pas reçu le dossier d’enquête dans sont intégralité avant des très nombreux mois.

L’opération Adream est un montage, qui met ensemble des éléments disparates et sans lien entre eux, quelque chose de typique des opérations répressives de l’Europe méridionale, qui s’est répandu sur tout le continent. Cette forme de répression est aujourd’hui utilisée par la police britannique. L’opération Adream essaye de présenter la Conspiration des Cellules de Feu comme une continuation de l’organisation révolutionnaire marxiste-léniniste, pratiquant la lutte armée, 17-Novembre. Il s’agit d’un fantasme important aux fins de la répression, dans cette opération, car au Royaume-Uni la 17-Novembre est sur la liste des groupes terroristes. Plus important encore, l’opération Adream a essayé de présenter les différents groupes, projets d’édition et initiatives anarchistes de soutien aux prisonnier.e.s comme une série de plaques tournantes organisationnelles ayant pour but la mise en œuvre et la glorification du terrorisme.

Cette opération a été autorisée par le directeur du parquet national [d’Angleterre et Pays de Galles ; NdAtt.] Max Hill. L’enquête a révélé la participation, au moins, de flics néerlandais et allemands, ainsi que la main cachée des services de renseignement et il était évident que cette opération avait une dimension internationale, fondée sur des précédentes vagues répressives en Espagne, en Italie et en Grèce. Au cours de mes interrogatoires, par exemple, on m’a posé une liste des questions écrite à l’avance et même les enquêteurs ne semblaient pas comprendre pourquoi on me les posait, car toute cette opération n’était rien d’autre qu’un théâtre de marionnettes guidé par d’autres personnes, pour atteindre un objectif politique. À ce propos, je ne peux que citer l’anarchiste assassiné Bartolomeo Vanzetti, qui a fait remarquer : « Plus ils sont en hauts, plus ils sont idiots ». Cela est bien sûr approprié, car le 6 octobre 2021, au tribunal de Bristol, j’ai été déclaré non coupable. Cependant, j’ai été condamné pour possession et vente de substances stupéfiantes de classe A et B : les médicaments psychédéliques LSD, DMT, psilocybine, MDMA et marijuana, toutes saisies dans des espaces collectifs. J’ai été condamné à 3 ans et 9 mois.

Je me me bat aussi contre une Ordonnance de prévention de la criminalité organisée [Serious Organised Crime Prevention Order, SCPO, une mesure de contrôle préventif ; NdAtt.], demandée par la police antiterroriste et le parquet. Cette ordonnance me placerait, à ma sortie de prison, sous une forme d’assignation à résidence pendant une période pouvant aller jusqu’à 5 ans, avec, si je ne la respecte pas, une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans. L’ordonnance prévoit le contrôle et la surveillance de mes déplacements quotidiens, de mes contacts avec d’autres personnes, de ma résidence, de l’utilisation de mon argent et de mes appareils électroniques, de mes voyages à l’étranger, etc. Cela exige que je fournisse aux flics des informations précises sur tous mes ami.e.s, contacts et proches et ce n’est rien d’autre qu’un moyen de surveiller et de criminaliser mes amitiés et mon milieu de vie. Mon procès pour cette demande de surveillance est prévu pour le 15 janvier [les compas d’Act for freedom now! précisent que cette audience est prévue pour le 11 février ; NdAtt.], au plus tôt, et l’enquête à mon encontre continue, tout comme l’opération Adream visant le collectif 325.

Je tiens à remercier tou.te.s ceux/celles qui m’ont soutenu. Mon cœur est ouvert et fort et je suis déterminé. J’envoie à vous tou.te.s une énorme accolade et un sourire.

[Ce texte est la transcription d’un enregistrement audio fait avec Toby ; NdAtt.]

Pour lui écrire :

Toby Shone
prison number : A7645EP
HMP Bristol
19 Cambridge Road, Bishopston
Bristol
BS7 8PS (Royaume-Uni)

Tract #shutdowncanada pour les manifs

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Déc 182021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

8.5 x 11″ | PDF

Ce tract contient de l’information sur les infrastructures de transport au Canada, les infrastructures vulnérables aux engorgements par province, et les 20 endroits au plus haut taux d’engorgement. Nous avons préparé ce tract pour qu’il soit distribué lors de manifs, dans l’espoir de propager les actions au delà de ces événements.

Les points faibles de l’économie extractiviste canadienne

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Nov 242021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

« Les personnes attentives peuvent facilement identifier plusieurs de ces goulots d’étranglement critiques à travers le Canada. Ils ont plusieurs caractéristiques communes :

  • ils présentent une valeur immédiate et significative pour les entreprises et les gouvernements ;
  • ils concentrent des ressources précieuses ou des fonctions économiques essentielles ;
  • ils sont situés à l’intersection de systèmes de transport connexes, ce qui permet aux manifestants d’utiliser efficacement leurs maigres ressources ;
  • la plupart sont éloignés des principales ressources et forces de sécurité nationale, ce qui complique le déploiement et le maintien de ces forces ;
  • La plupart sont proches de communautés des Premières Nations qui seraient probablement neutres, sinon des partisans actifs des insurgés, et qui fourniraient des refuges et un soutien logistique aux principaux participants ;
  • tous sont des actifs de premier plan dont l’interruption attirerait (pour les gouvernements) une attention politique et médiatique nationale et internationale gênante ; et
  • tous sont vulnérables (c’est-à-dire que la valeur est multipliée par la facilité de perturbation).”
    Canada and the First Nations: Cooperation or Conflict?

Pour plus d’informations sur les points faibles, consultez :

L’infrastructure de transport au Canada

Goulots d’étranglement des infrastructures vulnérables par province

Les 20 pires bouchons de circulation au Canada