Montréal Contre-information
Montréal Contre-information
Montréal Contre-information

Au-delà du campisme

 Commentaires fermés sur Au-delà du campisme
Juil 022024
 

De Mauvais Sang

Alors que le massacre insupportable à Gaza par Tsahal et ses milliers de morts continue et prend actuellement une tournure encore plus abjecte avec l’offensive sur Rafah, le climat actuel dans le milieu politique nous a poussé à écrire cet article pour redire quelques observations qui devraient être des évidences pour tout révolutionnaire anti-autoritaire : comme dans tout endroit existant sur cette planète, il existe en Israël comme en Palestine, nombre de personnes en lutte contre les différents pouvoirs qui les oppriment.

En Israël des manifestations s’enchaînent tous les week-ends depuis plusieurs mois pour réclamer un cessez-le-feu, et demander le départ de Benjamin Netanyahu et de son gouvernement, accusés de continuer une guerre inutile et meurtrière à Gaza pour se maintenir au pouvoir, tout en empêchant la libération des otages israéliens détenus par le Hamas par leur volonté de poursuivre aveuglément les combats.

Si les massacres qui se sont déroulés lors de l’attaque dirigée par le Hamas le 7 octobre dernier avaient choqué le pays et fait croire à une courte période d’union nationale, les contestations s’étaient rapidement élevées dès mi-octobre 2023 pour réclamer à l’État d’avoir pour priorité la libération des otages. Alors que le gouvernement israélien s’est entêté à poursuivre la guerre, occasionnant des dizaine de milliers de morts, ces manifestations en soirée se sont intensifiés jusqu’à faire descendre des dizaines de milliers de personnes dans la rue. Le 6 mai dernier, dans la manif’ la plus massive depuis des mois, des protestataires ont bloqué l’autoroute Ayalon, allumant des feux sur leur passages, et certains manifestants ont assailli l’entrée du Ministère de la Défense avant d’être repoussés par la police.
Ces manifestations viennent rappeler le mouvement de contestation qui avait provoqué des grèves massives et fait sortir plusieurs centaines de milliers de manifestants l’an dernier, et ce jusqu’en septembre 2023, contre la réforme de la justice. Il s’était élargi en partie à la contestation de la politique mené par le gouvernement israélien vis-à-vis des palestiniens, mais aussi à la montée de l’influence politique des mouvements d’extrême-droite sionistes ou religieux ultra-orthodoxes. Lors de certains de ces rassemblements, considérés comme faisant partie des plus massifs de l’histoire du pays, les participants étaient parvenus à plusieurs reprises à bloquer des autoroutes importantes, parfois dans plus de 150 endroits à travers Israël, des voies maritimes, et à un des moments culminants du mouvement en termes d’intensité, à s’approcher de la résidence de Netanyahu.

Aujourd’hui, les opposants à la réforme judiciaire, les familles des otages et les refuzniks, les jeunes israéliens qui refusent le service militaire obligatoire et sont pour ceci passibles de prison, se mêlent dans la rue. Le gouvernement, usant de la vieille et habituelle rhétorique nationaliste d’union sacrée, a dénoncé ces manifestations comme un « cadeau » fait par les israéliens au Hamas, tandis que la police a réprimé brutalement les rassemblements et arrêté plusieurs dizaines de personnes ces dernières semaines, dont des membres de familles d’otages, notamment pour « incitation à l’émeute ».
Solidarité aux interpellés de ces nuits là et à tous ceux qui luttent en Israël contre l’État, la répression policière et la militarisation.

Depuis qu’il a pris le pouvoir sur le mouvement nationaliste laïc du Fatah en 2007, le Hamas cherche à imposer sur Gaza, par l’application de la charia, son idéologie fondamentaliste religieuse et réprime durement toute contestation de son autorité sur ce territoire déjà éprouvé par le blocus israélien.
Cela n’empêche pourtant pas les gazaouis de se soulever contre le Hamas, sa mainmise sur les ressources économiques ou ses « comités moeurs » qui surveillent l’application des restrictions religieuses. Depuis une dizaine d’années, des manifestations et émeutes font irruption dans l’enclave palestinienne. Des manifestations de grande ampleur avaient eu lieu à plusieurs reprises dans la ville de Gaza en 2015 et en 2017 notamment pour protester contre les incessantes coupures d’électricité, dont le réseau et l’approvisionnement était partiellement contrôlé par le Hamas et le Fatah à l’époque. En 2019, les gazaouis avaient pris la rue en bloquant les routes et en enflammant des pneus pour protester contre les taxations imposées par le Hamas sur des produits de nécessité et contre les conditions de vie inhumaines, entre pauvreté, chômage, pénuries et enfermement, alors que les dirigeants du Hamas ne vivent pas à Gaza et que ses gradés profitent de positions très privilégiées par rapport au reste de la population. En juillet-août 2023, des protestations dans les villes de Gaza, de Rafah, de Khan Younès et dans les camps de réfugiés de Jabalyah et Nusseirat, ont réuni des milliers de palestiniens, après notamment de nombreux appels relayés par le compte Instagram anonyme « Virus Al Sakher » ou « Virus moqueur ». Les palestiniens manifestaient contre les conditions de vie atroces imposées par l’armée israélienne mais aussi contre le pouvoir local du Hamas, dont les partisans ont été la cible de jets de pierre et ont vu leurs drapeaux verts brûlés par les émeutiers. Les gazaouis chantaient notamment « Le peuple veut renverser le régime ».

Face à ces manifestations, le Hamas et sa police ont toujours répondu par une forte répression, en tabassant les émeutiers et en les mettant en prison, en tirant en l’air ou sur la foule. Le Hamas a constamment empêché la propagation des images et des appels sur les réseaux sociaux, même si nombre de témoignages nous sont parvenus et sont chaque jour partagés. Il a aussi, depuis sa prise de pouvoir, condamné à mort et/ou exécuté plusieurs palestiniens, et a beaucoup usé le motif de « collaboration avec Israël ». Le Hamas a en général cadenassé l’expression des désaccords dans l’enceinte de la bande de Gaza, avec une surveillance accrue des gazaouis matérialisé par : les Services de sécurité générale et de ses fichiers sur chaque individu où sont recensés ceux qui ont participé aux manifestations de 2023 ou ceux ayant jugé « immoral » ; un réseau d’informateurs étendu et un encouragement à la délation.

Solidarité avec tous ceux qui à Gaza, en plus de subir les assauts meurtriers répétés de Tsahal et le blocus israélien, descendent dans les rues contre l’autoritarisme militaire et religieux du Hamas.
Les faits rappelés ici montrent qu’en Israël ou en Palestine, des individus se sont toujours battus et se battent toujours contre ceux qui tentent de contrôler leurs vies, qu’ils soient des soldats et des politiques de l’État israélien ou des partisans du proto-État du Hamas (ou même avant, du Fatah). Ces révoltés semblent pour la gauche campiste ne pas exister, tant la volonté est grande d’assimiler tout ce monde à son gouvernement respectif pour maintenir intact son idéologie.

Depuis le 7 octobre, une partie de la gauche et des aires subversives françaises et internationales se vautrent dans un campisme des plus débilitant. Alors que la droite et l’extrême-droite soutiennent de manière obscène le gouvernement israélien, Tsahal, et leur « droit » à la riposte militaire et aux massacres, la gauche sous anti-impérialine, des bouteldjistes de Paroles d’Honneur à Solidaires en passant par les trotskystes, a répondu par un soutien, « critique » ou pas, à ceux qui sont supposés être « le camp des palestiniens », en l’occurrence le Hamas, présenté comme étant la « résistance palestinienne ». Enfin LFI, qui soigne sa période électorale, tire son épingle du jeu en se présentant comme le parti défenseur des opprimés, après avoir fait maintes fois preuve de positions ambiguës sur la Syrie de Bachar al-Assad ou sur le génocide des Ouighours par la Chine.

Hors des plateaux-télés, les occupations étudiantes se succèdent et certaines des revendications qui y sont portées nous interrogent : l’arrêt des poursuites contre les étudiants mobilisés ne nous pose absolument aucun souci, mais une autre revendication qui revient concerne l’arrêt des partenariats avec les universités israéliennes, notamment parce que celles-ci auraient des filières en lien avec l’armée israélienne. Assez cocasse de la part d’étudiants de Science Po, dont une grande partie constitue les futurs politiques, ambassadeurs, bureaucrates des cabinets ministériels, qui collaboreront bientôt avec leur État et leurs armées et tous ceux du monde, quand ils auront enfin fini de boycotter des triple-cheeses. Si cette revendication était obtenue, cela reviendrait à empêcher notamment tout échange universitaire pour les israéliens désirant se rendre en France, peu importe ce que ces israéliens pensent de leur gouvernement, qu’importe apparemment si ces derniers sont des refuzniks ou des émeutiers ayant combattu l’État israélien depuis le printemps dernier ou plus longtemps encore. Récemment, un appel a été lancé à Paris pour demander l’annulation de la venue des exposants israéliens lors d’un salon de l’industrie de l’armement à Paris (« Aucune arme israélienne à Eurosatory »). L’antimilitarisme serait-il devenu sélectif, en fonction du pays qui utilise-vend-achète les nouvelles technologies militaires qui serviront à tuer tous azimuts ? Y a-t-il maintenant les bons et les mauvais missiles ? A-t-on enterré l’internationalisme le plus élémentaire pour de bon ?

Pire encore, une partie de ceux que nous avons cités se baignent lamentablement dans un antisémitisme sous couvert d’antisionisme dans la plus pure tradition soviétique (ou sorialienne). On en viendrait presque à confondre certaines déclarations de gauche avec des saillies dieudonnistes, surtout quand d’aucuns, perdurant ainsi la longue tradition de l’antisémitisme de gauche, viennent accuser de « sionistes » ceux qui critiquent une rhétorique confusionniste ou antisémite de la part de leurs idoles gauchistes qui reprennent le vieux poncif des « juifs nouveaux nazis » ou du lobby sioniste qui contrôle le monde. Ou que d’autres viennent déballer leur nouvelle forme de négationnisme pervers en affirmant que le nazisme ne fut pas « nécessairement antisémite » (vu sur Twitter).

Nous rappelons ici à ces raclures que critiquer Israël, ses massacres, sa colonisation en Cisjordanie et sa politique générale envers les palestiniens est possible sans en appeler à la référence sensationnaliste aux nazis, qui avaient une spécificité assez essentielle : vouloir éradiquer les Juifs (ce qui ne les a pas empêché d’exterminer d’autres impurs et indésirables du IIIème Reich).

En faisant ceci, ces raclures ne rendent service ni aux gazaouis et aux initiatives de soutien, ni à la lutte contre l’antisémitisme.

De l’autre côté de l’échiquier politique, le RN, parti de racelards créé par d’anciens collabos et Waffen-SS, se sent maintenant de tenter de faire gober à tous qu’il est un parti protecteur pour les juifs, en déversant par la même occasion sa bile contre les immigrés maghrébins et arabes.

Quelle époque détestable mais qui ressemble finalement à toutes les autres : comme toujours, la gauche comme la droite nous donnent envie de gerber.

Les actes antisémites ont augmenté partout en flèches et, devant la banalisation, à gauche notamment, de discours, d’actions ouvertement antisémites ou flirtant avec, il nous semble plus que jamais nécessaire de marquer une rupture.

Par ces quelques observations, nous voulons rappeler que la stratégie qui consiste à amalgamer les individus aux États ou aux organisations qui les oppriment est une arnaque factuelle et conceptuelle la plus complète, la réalité ayant toujours contredit ces analyses, et qu’elle équivaut à donner absolution à ces mêmes États, tant ces derniers se frottent les mains en voyant leurs discours si proprement diffusés.
S’il doit sans doute être difficile de penser à autre chose qu’à sa survie quand on est sous les bombes comme les gazaouis le sont actuellement, s’il est sur qu’il est de plus en plus ardu en Israël, où le pouvoir politique mène une intense propagande de guerre et d’union sacrée, de résister aux sirènes nationalistes, nous savons qu’il existe toujours une potentialité pour la révolte là-bas, des deux côtés de la frontière. Il est une nécessité pour les révolutionnaires d’ici et de partout d’affirmer en solidarité que la défense d’un drapeau national n’a jamais émancipé personne dans ce bas-monde et que la bataille ne se mène pas entre nations, entre religions, entre « peuples » mais qu’elle se mène contre ceux qui nous exploitent et nous oppriment, qu’ils soient soldats, religieux, démocrates ou capitalistes !

Action syndicale au siège social de Renaud-Bray!

 Commentaires fermés sur Action syndicale au siège social de Renaud-Bray!
Juin 292024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La famille Renaud sont des trous de cul notoires de père en fils. Il sont les ennemis de la classe ouvrière et le seront toujours.

Leurs positions et propos anti-syndicaux briment les droits fondamentaux de nous, travailleurs et travailleuses, depuis trop longtemps.

Les affiches, c’est comme un syndicat : « C’est fâchant, parce qu’une fois que c’est arrivé, c’est bien difficile de s’en séparer. »

Maintenant, allez-vous commenter, ou ça aussi, c’est des affaires internes?

Un affront à l’un-e est toujours l’affaire de tou-tes. La classe ouvrière ne vous oubliera pas!

Contribution au débat sur la question du genre, des femmes et du capitalisme

 Commentaires fermés sur Contribution au débat sur la question du genre, des femmes et du capitalisme
Juin 182024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce texte se veut une contribution au débat sur la question du genre, des femmes et du capitalisme. Il a d’abord été envoyé au site de première ligne et il existe aussi une version papier disponible à la librairie l’Insoumise dans la section des brochures féministes. Bonne lecture !

Bonjour gens de Première Ligne,

j’ai bien aimé lire les différents textes du numéro 3 de votre revue collective. Je vous écris car je voudrais partager avec vous quelques-unes de mes réflexions concernant certains textes en particulier et j’espère que cette modeste contribution saura alimenter les discussions.

Je vais débuter avec le texte « Devenir lesbienne », car ce texte fait naître des questions essentielles qui seront abordées tout le long. C’est d’ailleurs là l’intérêt de ce texte et en quelque sorte sa réussite. Commençons par la question que se pose la personne qui a écrit le texte : que signifie « devenir une femme » ? Cette question qui semble anodine est pourtant au coeur de tout le débat sur la domination masculine, la subordination des femmes et la structure sociale du genre. Si nous voulons y répondre, il faut s’assurer de bien cerner la question.

À quoi se rapporte l’être ou le devenir de la femme ? « Être une femme – comme le dit le texte – n’a pas de signification positive : des aspects extérieurs, superficiels, peuvent êtres érigés en signifiants de l’existence féminine (corps, seins, sexe, maquillage, coupe de cheveux, habillement, voix, comportement). » Donc, ce qui définit les femmes en Femme c’est la rencontre de diverses assignations produites à partir d’éléments insignifiants et imposés de l’extérieur : ce qui en fait une construction sociale. Le texte « À qui profite la haine de nos corps ? » dans le même numéro est une très belle démonstration d’un point de vue subjectif de ce processus de construction de l’identité féminine. Mais la question demeure.

Le texte poursuit ainsi sa réponse : « Être une femme, c’est appartenir à une classe, prise et n’existant que dans un rapport d’exploitation avec une autre. » Autrement dit, les femmes ne naissent pas Femme, elles le deviennent mais ce « devenir » est un négatif, un problème que vivent toutes les femmes – définit ici comme classe – dans un rapport avec une altérité qui la définit comme subalterne. Il reste toutefois à définir cette altérité structurante qui construit l’identité Femme comme un outil de subordination. Et c’est là que ça se complique.

Poursuivons : « Devenir une femme est dénué de contenu positif, au-delà de la solidarité profonde ressentie envers la classe, envers toutes les femmes : transitionner, devenir transgenre, devenir transexuelle, c’est quitter la classe des hommes, et rejoindre volontairement la classe des femmes. » Est-ce à dire que l’origine de la subordination des femmes c’est la classe des hommes ? Dans ce cas, en se débarrassant des hommes, on élimine du même coup la source du problème qui concerne les femmes. Ça rejoint un peu le projet du SCUM imaginé par Valérie Solonas. Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce que pour se solidariser avec les femmes dans leurs luttes, les hommes doivent disparaître en passant à « l’étape suivante » et « rejoindre l’avant-garde de la classe, devenir lesbienne » ? C’est là une question très pertinente mais à laquelle il en manque une autre : qu’est-ce qu’être un homme ?

Si l’identité Femme est un construit social, celui de l’Homme l’est tout autant. C’est ce que confirme ce passage du texte : « l’élément perturbateur, dans mon existence de garçon, ne se trouvait pas au-dedans de moi-même, mais au-dehors : non pas dans ma subjectivité individuelle, expression de mon existence intérieure, mais dans mon existence extérieure, objective, dans mon existence sociale. » Être Homme c’est un peu « appartenir à une classe, prise et n’existant que dans un rapport d’exploitation avec une autre » – en occupant toutefois le pôle positif et dominant de ce rapport. Par conséquent, l’origine du problème pour les femmes – et aussi pour les hommes qui veulent se solidariser avec les femmes – ne se trouve pas chez les individus qui portent l’identité masculine mais dans le fait qu’il existe une identité, une domination masculine. Les identités de genre basées sur le mode binaire de l’Homme et de la Femme se construisent réciproquement comme un système d’assignation qui dépasse les individus et les détermine en même temps dans leur rôle respectif. Ce ne sont donc pas les hommes en particulier – porteur du phallus symbolique – qui fait la domination masculine mais plutôt la domination masculine qui conditionne et contraint un groupe d’individus possédant certaines caractéristiques – dont un pénis et une virilité – surdéterminées socialement à devenir ce que la société exige d’eux : être un Homme.

Il y a cependant un autre problème avec cette approche. En effet, que faire quand cette « existence extérieure, objective » est la seule réalité qui nous permet de construire notre « subjectivité individuelle » ? Le dedans n’échappe pas si facilement au dehors. À partir de ce constat, il est légitime de se poser la question : suffit-il de « devenir une femme » pour déconstruire l’identité masculine et sa domination ? Que se passe-t-il avec notre conditionnement social et ses schèmes de pensées que nous avons acquis depuis l’enfance et qui sont les seules références que nous avons pour définir et juger de nos comportements ? Il n’est pas plus facile de se défaire de son identité masculine pour un homme qui a grandi avec que ce l’ait pour une femme de se sortir de son conditionnement de subalterne. Comme le dit si bien le texte « C’est bien beau la libération sexuelle, mais… comment ? » toujours dans le même numéro : « Il est difficile de vouloir sortir d’un cadre et de vouloir le déconstruire en même temps. » La raison de cette difficulté c’est que le cadre dominant de nos rapports sociaux est le seul dans lequel nous pouvons expérimenter concrètement nos désirs, le reste n’est que la marge de manoeuvre que nous parvenons à créer par la résistance, la révolte et la lutte.

En suivant la logique du texte « Devenir lesbienne » nous arrivons à une impasse : quitter la classe des hommes pour transitionner vers celle des femmes ne résout en rien la problématique de la domination masculine et de la subordination des femmes, car pour déconstruire la masculinité il faut déconstruire la féminité et vice versa. Tout au plus, c’est un acte individuel de contestation et de solidarité qui peut en vouloir bien d’autres mais qui en même temps produit son lot de confusion qui a pour résultat de favoriser – comme le fait remarquer le texte « Esquisse d’une analyse féministe marxiste contemporaine » que nous allons analyser plus loin – « un discours de plus en plus relatif au développement personnel plutôt qu’une réflexion sur le cis-hétéro-patriarcat en tant que structure d’oppression dépendante des opérations générales du système de production capitaliste. » En somme, il nous faut revoir le sens de la question d’un autre angle.

Qu’est-ce qui définit le « devenir de la femme » alors ? C’est la domination masculine. Mais qu’elle est le fondement social de cette domination ? Car – nous l’avons vu – il ne suffit pas de s’en prendre aux hommes pour détruire cette domination, il faut s’attaquer aux racines, à la structure des rapports sociaux. De la même façon qu’aucune révolution ne pourra abolir l’exploitation capitaliste en se débarrassant seulement de la classe capitaliste sans transformer les rapports de production sociale – la révolution russe l’a suffisamment démontré. Donc, pourquoi la société a-t-elle besoin de structurer hiérarchiquement les individus sous la forme d’identités genrées ? Voilà ce que je voulais dire plus haut quand je parlais de bien cerner la question qui concerne la domination masculine et la subordination des femmes si nous voulons y répondre adéquatement.

* * *

Mais de dire que la domination masculine est une construction sociale qui a pour but la subordination des femmes ne suffit pas à expliquer ce qui fonde cette domination/subordination spécifique mais ça permet au moins de sortir la question du vécu et de la responsabilité personnelle. En même temps, cette question ne se pose concrètement que dans le vécu quotidien des femmes au travers leurs luttes et ce n’est pas simple pour personne de franchir le seuil de la remise en question de ce vécu quotidien. Car la remise en question de ce que la société fait de nous a pour effet de nous projeter dans la problématique complexe du changement social qui doit nécessairement coïncider avec la transformation de nos vies, ce qui évidemment créer plus de confusion que de solutions.

C’est ce qu’exprime le texte « C’est bien beau la libération sexuelle, mais… comment ? » avec cette phrase en particulier : « comment garder la tête hors de l’eau assez longtemps pour savoir si mes attentes et mes désirs dans une relation sont vraiment miens ou s’il s’agit seulement de codes auxquels je pense devoir souscrire ? » Plus loin le texte dit : « C’est bien beau la libération sexuelle, mais à quel moment devient-elle seulement de l’hypersexualisation et une centralisation de la sexualité dans nos vies, dans nos relations et dans nos priorités? Il y a pour moi un conflit entre la libération/l’émancipation du cadre et la destruction du cadre en même temps, dans ce cas-ci la libération sexuelle (coucher avec qui on veut, fin du slutshaming, actions contraires aux attentes) et la déconstruction (polyamour, redonner de la valeur aux connexions humaines, anarchie relationnelle). Ce ne sont pas des concepts contradictoires, mais le désir d’opposition n’est pas nécessairement toujours compatible avec la remise en question. » Pour finalement avouer : « j’ai de la difficulté à savoir si mes désirs sexuels sont vraiment miens ou s’ils sont seulement une continuation des dynamiques d’oppression genrée que je subis et dont je suis témoin depuis toujours. »

Est-ce que « mes attentes et mes désirs dans une relation sont vraiment miens ou s’il s’agit seulement de codes auxquels je pense devoir souscrire (…) une continuation des dynamiques d’oppression genrée que je subis et dont je suis témoin depuis toujours ? » En fait, les deux réalités sont vraies ; ou plutôt, c’est la seule et même réalité. Aussi frustrante que cette réalité puisse être, nos « attentes » et nos « désirs » sont toujours déjà le produit codifié par la société que je fais mien à chaque instant et avec lequel je suis en contradiction lorsque je ne veux plus être ce que je suis, lorsque je veux sortir « des dynamiques d’oppression genrée ». La remise en question a toujours quelque chose de frustrant dans cette société mais cette frustration doit nourrir notre révolte et notre volonté de changement social, pas notre haine ni notre résignation. Pour reprendre la métaphore de la noyade : le seul moyen de garder la tête hors de l’eau restera toujours de nager ou plus concrètement de se battre contre la fatalité d’être perdu au milieu de l’océan capitaliste.

Là où la remise en question devient source de frustration c’est lorsqu’elle s’illusionne d’un changement individuel, « dans ce cas-ci la libération sexuelle » sans « destruction du cadre ». Car occulter l’aspect fondamentalement social et structurel de la « libération/émancipation du cadre » ne peut que nous condamner à une lutte contre nous-mêmes, contre ce que nous sommes devenu dans cette société sans comprendre au final pourquoi il n’y a pas de réel changement qui s’opère dans nos relations quotidiennes malgré tous les efforts fournis et les combats menés. On ne fait que s’adapter en expérimentant des alternatives qui ne mènent jamais bien loin du cadre dominant – comme le fruit qui tombe de l’arbre. Il n’y a pas de contradiction entre le concept de « libération du cadre » et celui de sa « destruction » parce qu’ils vont de paire : il ne peut y avoir d’émancipation de l’individu sans détruire ce qui encadre cette individu.

Dans l’encadrement capitaliste de la vie, c’est seulement dans l’espace de la lutte sociale que peut se créer le moment d’un écart, d’une remise en question des codes, cadres et autres assignations normatives ; c’est seulement dans la remise en question collective – celle des grèves générales, des insurrections et des révolution – que l’individu peut faire ses premiers pas expérimentaux, faire le saut dans l’aventure. En retour, c’est avec le blabla de ces luttes que nous sommes en mesure de définir théoriquement ces écarts. Cependant, il ne faut pas faire des idioties et croire que celleux qui se spécialisent dans la théorie ont la vérité au bout des doigts, car la vérité est dans les luttes pas dans le doigt qui pointe la lutte. À bas les chefs !

* * *

Après avoir établi le fondement social de la subordination des femmes et réciproquement de la domination masculine, il reste encore une question : pourquoi la société capitaliste a-t-elle besoin de cette subordination spécifique des femmes pour fonctionner ? Répondre à cette question va nous permettre de définir l’enjeu à partir duquel se déploie la structure du genre comme subordination des femmes d’un côté et domination masculine de l’autre.

Sans la poser clairement c’est à cette question que cherche à répondre le texte « Esquisse d’une analyse féministe marxiste contemporaine » et pour y répondre le texte commence par « un retour aux esquisses théoriques des féministes marxistes et matérialistes des années 1970 ». Selon le texte, ces féministes affirmaient que : « l’oppression cis-hétéro-patriarcale opère selon la conjonction d’un système idéologique familial et d’une structure sociale relative au ménage. Ce complexe idéologique et structurel lié au domicile et à la famille détermine les conditions sociales et matérielles des sujets genrés subissant le capitalisme. (…) L’idéologie familiale a produit la définition du domicile entendu comme un lieu privé, hors de l’espace public, c’est-à-dire le lieu du travail et des appareils étatiques. »

L’enjeu ici semble se trouver dans la famille comme idéologie structurante du « privé » opposé au « lieu du travail » et aux « appareils étatiques » comme « public ». Mais où commence le privé et où finit le public n’est jamais vraiment clair. Par exemple : « le lieu du travail » comme « espace public » n’est-il pas aussi « un lieu privé » qui appartient juridiquement à son ou ses propriétaires ? Inversement, la nationalisation ne prouve-t-elle pas que « le lieu de travail » est entièrement « public » ? Mais jusqu’à un certain point le domicile familial aussi peut être investi et encadré par l’État et ses lois – les variantes fascistes et staliniennes du totalitarisme ont amplement démontré à quoi peut être réduit la « vie privé » dans le capitalisme. Dans le fond, le « privé » c’est toujours le privé du « public », de l’État. Néanmoins, la séparation entre la famille et le lieu de travail recoupe bel et bien celle de la sphère féminine et de la sphère masculine d’activités légitimes naturalisées. Sauf que rien nous dit que « la définition du domicile entendu comme un lieu privé » est le fondement de la subordination des femmes, ce n’est peut être qu’un élément de sa structuration, qu’une des conditions de sa réalisation. Selon moi, bien qu’étant constitutive de la structure de subordination des femmes, le concept de « privé » et de « public » n’est pas suffisant pour expliquer le fondement de cette subordination.

Mais ceci dit, voyons plus loin. « Auparavant, (…) les sujets féminins travaillaient dans, sur, et autour de leur maison, et ce travail était rythmé selon la cadence du sujet féminin exerçant la tâche en concordance avec les besoins de leur famille et de leur communauté. (…) L’arrivée des structures de production capitalistes change la régulation du rythme de travail : la force de travail des travailleur.euses est achetée par un patron et régulée selon les besoins de la production et du marché. Cela pose un problème pour les parents-travaill.eur.euse.s qui doivent composer avec les besoins familiaux dans ce nouveau rythme de travail. »

Ce qui rend ce passage sur la division sexuelle du travail intéressant c’est le problème que pose « l’arrivée des structures de production capitalistes » non seulement pour « les parents-travaill.eur.euse.s » mais aussi pour l’ensemble de la société. En fait, ce qui « pose un problème » du côté du prolétariat ce n’est pas le « nouveau rythme de travail » mais la séparation d’avec les moyens de subvenir à ses besoins essentiels – ce qui l’oblige à se soumettre au « nouveau rythme de travail » qu’impose le Capital – et du côté du Capital c’est la force de travail elle-même : il faut la reproduire car elle doit toujours être disponible en surpopulation sur le marché du travail pour être acheté à rabais par des capitalistes afin de mettre en mouvement les moyens de production qu’ils possèdent et qui ont pour seule utilité de produire du profit. C’est là tout l’enjeu du salaire de savoir quelle part de la valeur produite par le travail revient à la reproduction directe de la force de travail, le reste devenant de la plus-value. Mais c’est là aussi tout l’enjeu de la lutte de classes car le travail existe dans la mesure où le Capital s’efforce d’un côté d’augmenter la population ouvrière mais en même temps n’existe pas dans la mesure où le capital s’efforce de l’autre côté à diminuer la partie nécessaire du travail – le salaire – de cette population qui devient de trop. Et c’est à partir de là enfin que la question des femmes est devenu un problème qui se pose et un enjeu qui s’impose, car si « la division sexuée du travail s’est fixée en concordance avec les structures de production capitalistes » c’est parce que « les besoins familiaux » sont devenus un problème dans un monde où la force de travail est « régulée selon les besoins de la production et du marché ».

Ce n’est pas tout ! Si la question des femmes en est venue à se poser comme un problème dans la société capitaliste c’est aussi parce que la mobilisation impersonnelle de la force de travail globale par les capitalistes entre en contradiction avec le besoin essentiel de mobiliser une part importante de cette force de travail dans le seul but de produire et reproduire une classe d’individus qui ne possèdent que leur force de travail et qui – en vertu de cette qualité – doivent toujours être disponibles à se vendre contre un salaire. Pour la classe capitaliste, le travail ne possède qu’une qualité celle de produire de la valeur. Tout le travail de reproduction à domicile n’a donc aucune valeur pour le Capital et c’est pourquoi il est invisible pour la société. Sauf que cette uniformisation du travail sous sa forme abstraite de production de valeur fait en sorte que la division sexuelle du travail ne va plus de soi, qu’elle est constamment remise en cause par cette uniformisation. Et bien sûr, ce sont les femmes qui doivent supporter cette contradiction en étant à la fois exclues de la sphère productive afin de se vouer aux « tâches de reproduction » et à la fois contraintes au salariat comme les hommes ; ce sont elles qui subissent le double travail. Mais encore là, la question demeure : pourquoi ce sont les femmes qui doivent être assignées aux « tâches de reproduction ».

La réponse proposée par le texte selon le point de vue des « féministes matérialistes et marxistes des années 1970 » n’en est malheureusement pas une : « En vertu de l’idéologie familiale, les sujets féminins ont été relégués à la sphère du domicile pendant que les sujets masculins travaillaient. » Mais cette idéologie elle vient d’où, elle est l’idéologie de quoi au juste ? De la famille ? Mais nous ne sommes pas plus avancé. Qu’est-ce qui rattache les femmes à la famille, quelle nécessité ? Et ça n’apporte pas grand chose à la réponse de rajouter qu’« historiquement, les tâches de production ont donc été attribuées aux « hommes », et les tâches de reproduction aux « femmes »». Mais pourquoi en est-il ainsi historiquement ? Plus loin le texte poursuit : « l’idéologie familiale établie, renouvelle et détermine les conditions de possibilité de l’identité genrée. Le système famille-ménage et la division sexuée du travail qui en découle fondent les thèmes qui façonnent l’identité genrée des sujets : les sujets genrés sont le reflet des sphères qu’ils occupent. » En gros : « la production de sujets genrés » est une production qui a pour usine la famille. Tout part de la famille – « l’idéologie familiale », « la structure sociale relative au ménage », « la production de sujets genrés », etc. – mais rien n’est vraiment dit sur cette famille à part qu’elle est « entendu comme un lieu privé ».

En revanche, rien est plus vrai dans la société capitaliste que de dire que « les sujets genrés sont le reflet des sphères qu’ils occupent » mais encore faut-il expliquer pourquoi chacun et chacune occupe une sphère plutôt qu’une autre. Pour ça, il faut découvrir la fonction qui détermine la sphère occupée et par la même occasion détermine le statut du sujet ; même l’idéologie est redevable de la fonction qui la nécessite et la produit comme telle. Quelle est donc la fonction de la famille ?

Jusqu’à maintenant nous avons vu que le fondement de « l’inégalité entre les sujets masculins et féminins » ne se trouve pas « au sein de la sphère privée » mais nous avons également remarqué que la famille n’en reste pas moins la sphère que doit occuper les femmes, le lieu de leur aliénation contrairement aux hommes pour qui c’est le lieu de travail – car quand ils y sont c’est simplement pour y travailler donc ils y sont mais sans y être car ce qu’ils y font ne leur appartient pas, d’où leur aliénation. Mais concernant le fondement de « l’inégalité entre les sujets masculins et féminins » qui ne se trouve pas « au sein de la sphère privée » le texte en arrive à des conclusions semblable : « La différenciation genrée opérée par la démarcation entre la sphère publique et la sphère privée ne semble plus être une bonne figure d’analyse pour comprendre l’oppression genrée d’aujourd’hui. »

Maintenant voyons ce que le texte propose d’autre : « Ce qui produit l’inégalité et la différence genré se situe donc au sein de l’économique : plus précisément, c’est la démarcation entre la sphère du travail directement médié par le marché (DMM) qui se caractérise par un travail produisant de la valeur (…) et la sphère du travail indirectement médié par le marché (IMM) qui quant à elle est constituée d’un travail considéré comme produisant de la non-valeur. » Les femmes sont reléguées « à la sphère du domicile pendant que les sujets masculins travaillaient » parce que le travail des femmes est « considéré comme produisant de la non-valeur », comme étant « indirectement médié par le marché ». Mais comme le dit le texte lui-même : « Alors pourquoi les sujets féminins sont-ils ancrés dans un travail indirectement médié et distinct du marché ? » Est-ce parce que « les sujets féminins sont avant tout mères, et doivent reproduire et entretenir la force de travail future » ? Eureka ! Là nous avons une réponse qui fait sens car elle implique directement, spécifiquement les femmes.

En partant de l’idée que l’action d’avoir des enfants n’aura jamais le même contenu pour les femmes que pour les hommes, il est possible de saisir concrètement par où passe la fonction spécifique des femmes dans la société capitaliste : par le corps. Qui n’a pas déjà entendu dire que le corps des femmes ne leur appartient pas ? C’est parce qu’il est défini par une altérité structurante qui construit sa subordination. Il en est de même pour les hommes. Le corps c’est ce qui agit et peut donc être contraint au travail et celui des hommes est orienté vers une seul dimension : être une force de travail dont le corps – et l’esprit qui va avec – sera façonné par son « lieu de travail », par le « nouveau rythme de travail » qu’impose le mode de production capitaliste. Si les hommes ne doivent pas pleurer c’est peut être parce que la société capitaliste n’a que faire de leurs sentiments, c’est seulement leur savoir-faire, leur virilité au travail qui l’intéresse.

Pour les femmes, la mise en fonction du corps passe par sa capacité à enfanter et par sa disponibilité à l’accouplement. C’est d’ailleurs là tout l’enjeu qui pousse la société capitaliste à s’investir autant dans la propagande nataliste et dans la violence misogyne afin d’orienter la vie des femmes vers une seule dimension : faire des enfants. La famille est essentiellement le lieu où se déploie l’encadrement et le contrôle de cette capacité et de tous les dispositifs relié à la croissance et au développement du produit vivant. C’est finalement pour ça que la famille « établie, renouvelle et détermine les conditions de possibilité de l’identité genrée ».

Ce que nous n’avons fait jusqu’ici c’est de décrire la structure de genre comme subordination des femmes et domination des hommes sans jamais l’expliquer, mais maintenant nous sommes en mesure de le faire en répondant à la question que nous avons posé plus haut : pourquoi la société capitaliste a-t-elle besoin de la subordination spécifique des femmes pour fonctionner ? Parce que le procès de production capitaliste considéré dans sa reproduction ne produit pas seulement marchandise ni seulement plus-value mais produit et éternise avant tout le rapport social entre capitaliste et prolétaire et pour ce faire doit s’assurer de produire une masse de prolétaires suffisante pour rentabiliser sa production de marchandises par une part plus grande de plus-value sur le travail. Cette production de prolétaires ne peut toutefois se contenter de remplacer la main d’oeuvre existante qui s’épuise et se brise assez rapidement à cause des conditions d’exploitation qui n’ont jamais eu pour but d’améliorer la santé ni de nourrir sainement ses victimes, elle se doit aussi de l’augmenter sans cesse au même rythme qu’augmente la composition organique du Capital. De par leur position dans le procès de reproduction des conditions générales d’exploitation, les femmes ont donc pour fonction de regénérer et d’augmenter la principale force productive de la société : les travailleurs sans lesquels il n’y a pas de surtravail, et c’est parce que la reproduction de la force de travail est une condition essentielles à la valorisation du Capital que le travail invisible et gratuit qu’exécute les femmes dans la consommation ouvrière apparaît à son tour comme la reproduction non pas directement du Capital mais de certaines conditions qui seuls le mettent en état d’être du Capital.

Mais cela ne veut pas dire que la lutte contre le capitalisme est prioritaire et celle contre la domination masculine et la subordination des femmes est secondaire, bien au contraire : sans abolition de la structure de genres il ne peut y avoir d’abolition de la société capitaliste. C’est un peu à ce genre de questionnement que nous laisse la conclusion du texte : « la lutte actuelle se doit d’exiger un dépassement du capitalisme, qui, n’étant pas nécessairement la cause directe de l’oppression genrée, perpétue tout de même structurellement une oppression matérielle et réelle ». Bien que le capitalisme n’ait pas inventé « l’oppression genrée » – il n’as pas plus inventé la lutte de classes d’ailleurs – il est quand même « la cause directe de l’oppression genrée » dans la vie de tous les jours car il est tout ce qui se fait dans la société actuelle : le capitalisme est une phase historique de l’exploitation. Autrement dit, le monde qu’il faut changer est entièrement produit par la totalité du processus capitaliste. Il n’y a pas d’histoire parallèle entre les différentes oppressions, il n’y a que des oppressions – et les luttes qu’elles font naître – qui forme l’histoire du capitalisme.

Northvolt : l’arbre-empoisonné tombera

 Commentaires fermés sur Northvolt : l’arbre-empoisonné tombera
Mai 152024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Que la hache,
frappe à la racine, l’arbre-empoisonné tombera

Le dimanche 5 mai, cinq engins incendiaires ont été placés sur le site de construction du projet Northvolt au Québec. Cette action a été menée dans le but d’endommager les machines et de réduire la capacité du projet à se poursuivre. Malheureusement, ces engins n’ont pas pris feu. S’il y a une chose à retenir, c’est que lors du choix des matériaux, il faut tenir compte de la façon dont les conditions météorologiques (humidité élevée ou pluie) peuvent réduire les chances qu’un appareil s’enflamme. Plus la minuterie est longue, plus l’appareil est exposé aux facteurs environnementaux, ce qui réduit les chances de réussite.

Pourquoi chercher à attaquer et endommager de la propriété? Alors que Northvolt, une société transnationale, se présente comme le leader de la transition verte, elle en est en fait la pierre tombale. Les véhicules électriques que la compagnie planifie équipper avec ces batteries sont une fausse solution à la destruction environementale causée par la société industrielle; dans les faits, cette expension de l’industrie automobile ne fait que permettre aux effets dévastateurs de la production de voitures et des infrastructures qui soutiennent le transport en véhicules motorisés de perdurer. Avec ce projet, l’appétit insatiable du Canada pour les ressources naturelles ne fera que croître. L’exploitation minière du Lithium, étape essentielle dans le processus de production des batteries au Lithium Ion soit-disant « vertes » de Northvolt, empoisonne déjà des écosystèmes entiers et les communautés humaines qui les peuplent. Le lithium est déjà extrait de territoires autochtones non cédés ici au « Québec », avec de multiples mines supposées commencées leurs opérations dans les prochaines années. Avec ce type de mégaprojet, les lacs, les forêts et les zones humides disparaîtront sous de nouvelles routes et les mines à ciel ouvert. Les Premières Nations perdront l’accès à leurs territoires traditionels et avec cette perte, la possibilité de pratiquer et de maintenir leurs modes de vie ancestraux et les relations qui les attachent à la terre. Elles seront surveillées et harcelées par les travailleurs et les services de sécurité. Les animaux de ces territoires mourront ou devront migrer ailleurs au fur et à mesure que leurs habitats seront détruits.

A-t’on remarquer le calme anormale qui reigne aux alentours du chantier de Northvolt depuis qu’ils ont coupés la majoritée des arbres et détruit les zones humides? Un sinistre silence de mort.

Le Capitalisme et l’État se liguent, injectant massivement des fonds publiques dans les projets de corporations privées qui ne ferront qu’empirer la crise écologique à l’échelle mondiale. C’est pourquoi nous devont agir, et plus souvent qu’autrement sans tenir compte des loies imposées sur ces terres par les gouvernements. L’État québecois a déjà abandonné ses propres régulations environementales et ferme les yeux alors que Northvolt contrevient à nombre de loies et codes. C’est bien évidement parce que le gouvernement de Legault (comme tout autre gouvernement coloniale) a politiquement intérêt à ce que le projet ait de l’avant. Heureusement, le futur reste à écrire. Nous avons des choix à faire. Nous pouvons toujours agir! Nous ne devons pas nous laisser guider par d’injustes loies, mais par l’amour que nous et d’autres portons encore pour les êtres vivants, pour la terre et l’eau et par notre désir de nous battre pour un monde meilleur, à travers la lutte contre les structures coloniales. Armée de nos convictions, faisons nôtre la nuit et prenons les risques nécessaires pour combattre pour un future ou la vie est possible.

Feu de pneus pour la Palestine

 Commentaires fermés sur Feu de pneus pour la Palestine
Mai 022024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Dans la nuit du 29 avril, les anarchistes ont fait un feu de pneu sur les voies ferrées à Saint-Henri. L’action a été effectuée pour perturber le trafic de train momentanément en solidarité avec la Palestine et le 1er mai anticapitaliste. Nous espérons que cette action inspire les autres à perturber l’économie et le flux de capital à travers le monde.

De la rivière à la mer, la Palestine sera libre!

Locataires en crisse contre les Airbnb

 Commentaires fermés sur Locataires en crisse contre les Airbnb
Avr 252024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La colère des locataires a encore frappé !

En vue de la journée des locataires, on a décidé de prendre le relais de l’appel à la création d’oeuvres collaboratives sur des Airbnb, parce qu’on en a marre de passer devant des logements qui, au lieu de loger nos voisin.ne.s, servent avant tout à enrichir des ostis de proprios à marde. On ne fermera plus jamais les yeux sur ces nouvelles constructions qui servent uniquement à des locations de courtes durées, alors qu’on peine à se trouver un toit.

Selon la plateforme, l’immeuble qu’on a re-décoré appartiendrait à l’hôte Airbnb « Carli » qui dit habiter à Vancouver, et utilise le même numéro de license pour 24 logements. Néanmoins, au-delà des enjeux légaux, cette situation met en lumière la mainmise persistante d’une minorité sur nos logements et nos quartiers (historiquement) populaires, privant ainsi les locataires de leur droit fondamental à la ville.

Fuck Airbnb, fuck les proprios pis vive la décoration alternative !

Nouveau sabotage contre Northvolt – Aucun capitaliste n’est à l’abri

 Commentaires fermés sur Nouveau sabotage contre Northvolt – Aucun capitaliste n’est à l’abri
Mar 082024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Cette semaine marquait le retour des oiseaux migrateurs en Montérégie et le début de la nidification pour plusieurs espèces. Le chantier Northvolt est désormais engagé dans une course contre la montre afin de remblayer un maximum de milieux humides d’ici le 10 mars avant d’être empêché par la réglementation fédérale protégeant les oiseaux migrateurs. Si les travaux de déboisement sont terminés du côté de Saint-Basile-le-Grand (8700 arbres abattus) des travaux similaires s’amorcent désormais dans la partie Est du terrain appartenant à McMasterville. C’est dans cette section que se trouve le dernier boisé encore intact, peut-être préservé de la coupe en raison des actions répétées de spiking qui y ont eu lieu.

Afin de freiner le saccage des milieux naturels, des militant·es se sont attaqués à la carrière Mont-St-Hilaire du groupe Michaudville, responsable jusqu’à maintenant du remblayage de plus d’une dizaine d’hectares de zones marécageuses essentielles à la survie d’espèces vulnérables comme le petit blongios, la tortue molle à épines et la chauve-souris rousse. En raison de l’artificialisation des sols et de l’étalement urbain, il ne reste plus, aujourd’hui, que 5% de milieux humides dans ce bassin versant. Non seulement ce projet industriel n’aidera en rien à la décarbonisation de notre économie (comme le prétendent nos ministres), mais il se fera, en plus, aux dépends de la biodiversité locale. Rappelons que la crise écologique n’est pas seulement une crise climatique, mais aussi une crise de la biodiversité toute aussi menaçante. C’est grâce à nos relations avec d’autres espèces si nous vivons, mangeons et respirons. Nous sommes entièrement dépendent·es de ces écosystèmes.

En début de semaine, une centaine d’engins cloutés ont été répandus sur le chemin menant à la carrière afin de cibler les camions transportant la terre et le gravier servant au remblayage. Dans les dernières semaines, ce sont au-delà de cent allers-retours qui s’y sont produits quotidiennement avec un passage de camion aux 3 minutes. Toute action qui perturbe la circulation et entrave l’unique voie d’accès à la carrière cause des pertes financières affectant la rentabilité du projet. Chaque heure de travail perdue est une victoire pour les opposants à Northvolt.

Le projet Northvolt ne sera jamais écologique. Avec la filière batterie, le gouvernement caquiste profite du dérèglement du climat pour faire des affaires. Tandis que l’État injecte aujourd’hui des milliards de dollars pour sauver l’industrie automobile, ces investissements nous obligent à assurer, pour les décennies à venir, la croissance d’un secteur économique tout aussi destructeur que l’économie fossile. L’électrification massive des transports et le tout-à-l’auto nécessitent la multiplication des mines dans les pays du Sud et sur le territoire des Premières Nations. Partout, les terres agricoles, les cours d’eau et les populations qui en dépendant seront empoisonnés par des rejets toxiques. Des forêts entières seront jetées à terre, des montagnes éventrées. La crise écologique est insoluble dans le capitalisme : notre unique voie de sortie passera par l’entraide, la création de communautés résilientes et la décroissance.

Aux entreprises qui collaborent avec Northvolt : personne n’est à l’abri!

Attaquons Northvolt, toujours, partout

 Commentaires fermés sur Attaquons Northvolt, toujours, partout
Fév 282024
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Des anarchistes ont encore attaqué la machine de destruction capitaliste sur le site de Northvolt. Des pics d’acier ont été mis en place sur les différents chemins utilisés par la machinerie. En plus, de nouveaux clous ont été mis dans des arbres, cette fois sans les identifier, pour maximiser le potentiel de destruction sur la machinerie écocidaire. Les personnes ayant fait l’action n’ont pas peur de se faire prendre. Même si c’était le cas, elles demanderaient d’être jugées par leurs pairs. Par les tortues molles à épines, les petits blongios et les chevaliers cuivrés. Par toutes les espèces qui meurent parce que la destruction de la planète, c’est payant en crisse.

En effet, pour maintenir la croissance économique capitaliste, ça prend des bungalows de banlieue pitoyables de plus en plus grands et des chars de plus en plus gros. Pendant ce temps, on se ferme les les yeux et on se laisse bercer par les comptines des capitalistes qui prétendent que les chars électriques réduisent les émissions de gaz à effet de serre. Sous le prétexte hypocrite de la protection de l’environnement, L’État et ses amis des industries tentent un sauvetage désespéré de l’industrie automobile. Pour qu’elle survive après 2035, le moment où le fédéral interdira la vente de chars au gaz, ils remplacent les chars au gaz par des chars électriques. Les gouvernements s’arrangent alors pour réduire le prix des chars électriques, par des subventions directes et indirectes, pour qu’ils restent accessibles à la classe moyenne. Bref, la filière batterie, c’est le pillage des fonds verts par les gouvernements pour financer la croissance économique, pour permettre à l’industrie automobile de survivre aux changements climatiques qu’elle a causés. Le développement de la filière batterie, c’est pour qu’on continue de vivre dans des villes bruyantes, désagréables, dangereuses, où les centres-villes ont été transformés en autoroutes et en stationnements. Les anarchistes ne veulent rien savoir de leur monde, et c’est pour ca qu’iels tenaient à crisser une pelletée de sable supplémentaire dans ses engrenages.

Et il faut se rappeller que le char électrique, ce n’est qu’en ville qu’il peut prétendre être vert. Tout autour, ce sont les mines, toujours sur des terres autochtones, partout dans le monde. C’est la raffinerie toxique de Rouyn-Noranda. Ce sont les extensions de ports le long du fleuve Saint-Laurent. De l’Afrique à l’Amérique du sud, ce sont les exécutions contre les syndicalistes et les défeuseur·euse·s de la nature effectués au nom des minières canadiennes. À défendre la nature ici, on ne risque pas la mort. Se servir de nos privilèges pour défendre les plus vulnérables, ça veut dire agir ici. C’est un problème causé par les blancs, et il est grand temps qu’on prenne nos responsabilités.

C’était un moment triste pour faire une action. Sur le site de Northvolt, il reste à peine quelques arbres, dont ceux qui étaient identifiés comme ayant été la cible de cloutage la dernière fois. C’est donc dire que l’action directe fonctionne. En effet, ces clous ont probablement fait plus pour la protection de la biodiversité que la COP15, et toute la ribambelle d’autres COP. On voit clairement en action les mécanismes de compensation ridicules pour la biodiversité: d’un côté, on déboise massivement, alors que dans 4-5-6 ans, ou quand on aura le temps, on plantera une monoculture d’épinette noire sur 20 hectares, une armée de petits arbres en rangées qui seront coupés – de quoi faire du papier toilette à peine assez solide pour qu’on puisse se torcher avec, ne vous demandez pas pourquoi vos doigts passent en travers. D’un côté on remblaie les milieux humides, alors que dans 4-5-6 ans, ou quand on aura le temps, on creusera un trou dans un spot de sable pour y mettre deux-trois poissons et algues, pour se donner une tape dans le dos. On créera un étang à un autre endroit pour les animaux déjà emportés. Des animaux morts dans une flaque d’eau, c’est au mieux une soupe, ça ne pourra jamais compenser un écosystème vivant. Et ça, c’est s’il y a effectivement compensation, parce que c’est la première chose qui sera coupée si la rentabilité est menacée.

La lutte contre Northvolt ne fait que commencer. Il reste encore 2 ans avant la mise en service de l’usine. Les marges de profits ne seront pas extravagantes. Les coûts en sécurité, en relations publiques, en gestion de crise commencent déjà à s’accumuler. Déjà, l’image de la compagnie est fortement entachée, et il y a fort à parier que les investisseur·euse·s déchantent. Il reste encore 2 ans pour lutter et l’ennemi est vulnérable. On entre encore sur le terrain comme dans une passoire: on ne peut pas protéger plus d’un kilomètre carré avec quelques clôtures rouillées ainsi qu’un garde de sécu immobile qui joue à 2048 et qui fait dodo dans son auto. Les sous-traitant·e·s risquent de reconsidérer leurs relations étant donné les dangers encourus. Il ne faut pas les laisser aller. Le site de Northvolt avait été saccagé pour l’usine de CIL, mais la nature a repris ses droits. Continuons le combat jusqu’à ce que la vie revienne.

Réflexions anarchistes sur la grève en milieu scolaire

 Commentaires fermés sur Réflexions anarchistes sur la grève en milieu scolaire
Déc 292023
 

De l’Organisation révolutionnaire anarchiste

Trop souvent les professionnel·les de l’enseignement sont méprisé·es, déconsidéré·es, pris·es pour acquis·es par l’État québécois et son ministère de l’Éducation. Le travail éducatif, comme les autres emplois du soin et de la reproduction sociale, a une position particulière dans le système capitaliste. C’est un travail dévalorisé parce qu’il ne participe pas directement à la création de profits. Le travail éducatif est aussi une bonne illustration du patriarcat dans la société contemporaine: il est dévalorisé parce qu’il est considéré comme un « féminin ». En même temps, la profession est instrumentalisée et détournée par l’État pour assurer la reproduction du système tel qu’il fonctionne aujourd’hui. Cette exploitation du travail, surtout des personnes femmes, doit cesser : nous espérons que la lutte syndicale actuelle offrira des possibilités de libération pour ces traveilleur·euse·s. 

Nous proposons ici quelques réflexions afin d’élargir ces possibilités libératrices de la résistance du milieu scolaire dans la grève actuelle. Nous considérons qu’il n’est pas suffisant de revendiquer de meilleures conditions de travail pour les travailleur·euses : nous croyons nécessaire de chambouler le système scolaire dans son entièreté en reconnaissant l’autonomie de toutes les personnes qui y participent. En plus des revendications salariales, les conditions des classes, particulièrement concernant le nombre d’élèves par classe, le soutien à l’enseignement et le budget pour le matériel scolaire, doivent rester à l’avant-plan des demandes des regroupements des travailleur·euses. D’autant plus que celles-ci ne  concernent pas qu’elleux, mais aussi les élèves. À notre sens, c’est cette relation entre les travailleur·euses de l’enseignement et les personnes avec lesquelles illes travaillent qui permet de redonner aux luttes syndicales des perspectives révolutionnaires. 

Les revendications syndicales actuelles effacent certains enjeux centraux au fonctionnement de la classe et de l’école. Le mouvement anarchiste nous a laissé en héritage plusieurs pistes d’analyse pertinentes provenant de pédagogues et d’écoles ayant des projets de libération commune au personnel des écoles et aux élèves. Ces expériences nous amènent à souligner deux autres problèmes dépassant les conditions salariales et le sous-financement du système : les fonctionnements prescrits par un État de plus en plus incompétent et méconnaissant des conditions d’enseignement ; le recours constant à l’autorité qui passe de l’État, aux directions, aux enseignant·e·s et, enfin, aux élèves.

Au regard de ces problèmes, nous considérons que la résistance doit commencer dans chaque classe par la collaboration des élèves et des enseignant·e·s et dans chaque école en résistant à l’ingérence de l’État et en créant des structures plus autonomes.

Le rôle de reproduction de l’école actuelle

Les programmes actuels sont, à notre sens, beaucoup trop prescriptifs et restrictifs. Ils assument que les élèves se développent à un rythme régulier et similaire pour toustes. Or, comme il est possible d’observer facilement dans les classes, ce n’est pas du tout le cas. Les atteintes à remplir de ces programmes imposent un stress continu sur tout le système. Le personnel enseignant surchargé n’arrive pas à transmettre et à évaluer tous les éléments du programme ; les élèves se sentent peu à peu de plus en plus incompétent·e·s ou ne sont pas assez stimul·é·s par l’école. 

En plus de ce stress, ces programmes restreignent la liberté des enseignant·e·s et des élèves dans les apprentissages. Ensemble, ces derniers·ères devraient être en mesure de choisir un cheminement adapté à leurs besoins et à leurs intérêts en reconnaissant leur expertise commune (celle des enseignant·e·s sur l’éducation et celle des élèves sur leur connaissance d’elle-eux-mêmes). Cela vient nécessairement avec une redéfinition des critères de réussite et d’une définition subjective de la réussite.  

Sans cela, nous considérons que l’école ne se voit qu’attribuer la fonction centrale de la reproduction des systèmes oppressifs de la société. Les curriculums structurent l’école autour de pratiques qui servent à classer les élèves selon leur atteinte de la «réussite». Il faut se questionner sur ce que cette réussite sous-entend comme objectifs. À notre sens, elle soutient surtout le système de travail actuel. En évaluant les élèves et en les mettant en compétition, l’école détermine qui aura accès aux emplois les plus valorisés et les plus payés plus tard. Ainsi, on assure une restriction à l’accès à la richesse aux élèves les plus performant·es (encore provenant majoritairement des classes priviligées). Du même coup, on justifie la perpétuité de la misère des classes opprimées. Les élèves intériorisent par coups d’échec et de dévalorisation qu’illes seraient moins méritant·e·s en raison de leur manque de performance scolaire aux tests standardisés et aux évaluations arbitraires. Dès le plus jeune âge, on leur inculque la notion de dominance et de soumission à un système classiste et capitaliste. 

Le système québécois à trois vitesses (avec les écoles publiques, privées et les programmes spécialisés) ne fait qu’accentuer les écarts entre les élèves. On ajoute à cela le manque de personnel spécialisé dans les écoles, le manque de ressources matérielles et le trop grand nombre d’élèves : aucune chance que l’école publique puisse réellement remplir son mandat d’éducation. Les élèves n’ont pas non plus la chance d’atteindre leur potentiel. Un potentiel qui ne serait pas défini par un État pour répondre aux besoins du marché, mais par ses intérêts et ses besoins. Pensons ici comme alternatives les pédagogies par projet qui centrent l’élève dans des processus qui lui permettent de participer activement à sa communauté. À travers ces projets, les apprentissages se réalisent selon les besoins qui surviennent, et non selon des impositions externes que l’élève ne comprend pas.  

Les systèmes d’oppression dans le système scolaire 

Dans un autre ordre d’idées, il faut s’intéresser à la question des élèves en difficulté d’apprentissage et en situation de handicap. Les syndicats revendiquent actuellement un meilleur équilibre du « nombre de cas » dans les classes. Pourtant, cette mesure n’est pas une solution suffisante pour aider autant le personnel enseignant que les élèves. Nous soutenons que la situation de handicap n’est pas un problème individuel, mais un problème créé par le système en place qui assume que les élèves doivent s’adapter à la « norme ». à des critères de réussite abstraits et arbitraires. Malgré le projet d’inclusion que le gouvernement tente de mettre en place depuis quelques années, le fonctionnement des classes et les curriculums n’ont pas reflété de changements permettant que ce projet se concrétise. À la place, le système fait porter la responsabilité au personnel enseignant et aux élèves sans leur donner le réel pouvoir de changer les choses. Nous proposons de décentraliser l’image de l’élève modèle porté par la vision des curriculums en passant par une réappropriation des attentes et des curriculums par le milieu scolaire. Créons plus de chemin de réussites, plus de parcours d’apprentissage selon les besoins réels des élèves et des personnes enseignantes. La prise de décision sur les apprentissages devrait se faire le plus proche possible des élèves. 

Il nous apparait aussi essentiel de ne pas garder sous silence quels savoirs et quelles transmissions de savoir sont priorisées par l’État dans les curriculums. En valorisant la transmission des savoirs dominants, l’école reste un projet colonial et raciste. En s’appuyant toujours sur l’autorité présumée de l’adulte pour transmettre les savoirs, l’école soutient indirectement, et parfois même directement, les différents discours oppressifs : raciste, sexiste, queerphobe et capacitiste. En effet, au lieu de donner les outils aux élèves pour analyser les réalités sociales et réfléchir par elleux-mêmes, on primerose de leur présenter les savoirs déjà prémâchés en faisant référence à l’autorité de la personne experte. Cela les empêche d’entrer dans des discussions constructives où illes se sentiraient aptes à remettre en question des « faits établis ». Illes apprendraient à chercher à comprendre plusieurs analyses possibles selon des postures sociales diverses, pas seulement la perspective des hommes blancs cis hétérosexuels qui continuent à prédominer à l’université et dans nos gouvernements. Les élèves doivent être vus comme des personnes capables de produire du savoir aussi, non seulement de le recevoir. Cela est d’autant plus le cas des élèves vivant différentes formes d’oppression qui devraient en mesure d’être entendu.e dans un système où leur communauté est parfois sous-représentée. 

Nous soutenons toutes les approches de plus en plus populaires qui redonnent aux  élèves du pouvoir dans leur apprentissage et qui les invitent à penser par elleux-mêmes. Or, quiconque souhaite voir une possibilité de changement social dans le projet scolaire verra ses espoirs mitigés par l’expérience et la brutalité des exigences de l’État qui priorise l’atteinte de compétences servant le système au bienêtre des élèves.  

L’autorité : une violence partagée 

 Comme nous venons de le montrer, l’État joue un rôle dans l’instrumentalisation de l’école. L’État impose des curriculums, des examens ministériels, des processus de prise de décision hiérarchiques. Ces mesures restreignent grandement la liberté des enseignant·es à faire des choix pédagogiques et structurels qui pourraient modifier le système. Les personnes enseignantes doivent aussi faire subir les décisions de l’État à leurs élèves, limitant ainsi leur liberté dans leurs apprentissages. Le fonctionnement du haut vers le bas repose sur le recours constant à l’autorité enseignante, soutenu par les méthodes managériales des directions. En plus, en refusant de financer convenablement l’école publique, l’État met le personnel du milieu dans des situations de plus en plus difficiles, ce qui les contraint à assoir une autorité toujours plus grande pour que le système survive. 

D’autant plus, l’État vient de passer, en pleine mobilisation syndicale, la loi 23 qui lui octroie encore plus de pouvoir sur le système scolaire. Nous devons reconnaitre que les personnes professionnelles de l’enseignement ne sont que très peu consultées par l’État quand il est temps de prendre des décisions structurelles sur le système. Et quand elles le sont, il est rare qu’elles soient réellement écoutées. C’est une autorité illégitime que se donne l’État alors que le gouvernement n’a pas du tout les connaissances du terrain. En plus, en priorisant la recherche universitaire pour la prise de décision, cela restreint encore la construction du savoir à une classe privilégiée sans considérer toutes les démarches et les analyses qui sont faites dans les classes par le personnel et les élèves. Ces personnes sont à même de choisir ce qu’illes ont besoin et ce qui les aide à réussir, pas les personnes au pouvoir de plus en plus éloignées des écoles. 

Il faut aussi souligner les conséquences de l’autorité sur les élèves. L’autorité est souvent utilisée comme moyen de conserver le contrôle d’une classe en vue de transmettre du savoir. Cela a tendance à enlever aux élèves leur confiance dans leur capacité à faire des choix sur le long terme. Les élèves veulent apprendre, mais, quand les apprentissages sont toujours imposés par le haut, illes perdent leur motivation intrinsèque. Il est normal que les élèves questionnent l’autorité et veuillent avoir une prise de parole. En associant toujours cette résistance à de l’indiscipline et en y proposant plus d’autorité comme solution, cela ne fait qu’habituer les élèves à prioriser une personne « supérieure » à elleux pour prendre des décisions. Cela ne leur apprend pas l’autonomie ni à résister aux injustices de la société. Nous soutenons que cela ne fait que les préparer à respecter l’autorité de l’État et de leur patronat.  

En ce sens, il est nécessaire que les luttes enseignantes et les luttes des élèves se rejoignent. Il nous faut nommer les ennemis communs : l’État et son système scolaire. Nous proposons aux enseignant·e·s de résister à l’autorité de l’État sur leur travail et de résister à l’autorité éducative que l’école essaie de leur faire imposer aux élèves.

Une lutte syndicale porteuse de changements sociaux 

À la lumière de cette analyse, il semble aujourd’hui risible que l’école québécoise se donne comme objectif de favoriser le « vivre ensemble » alors qu’elle abat toute sa violence sur le dos de ses élèves et des personnes y travaillant. Les mauvaises conditions de travail ont des impacts de plus en plus importants sur le bienêtre de toute la communauté scolaire. Le racisme et le capacitisme restent des problèmes largement gardés sous silence dans les écoles, et la situation actuelle ne fait que les empirer. Les comportements des enfants racisé·es continuent d’être de plus en plus policés et punis ; les élèves en situation de handicap ont de moins en moins de ressources pour atteindre leur potentiel. L’école actuelle ne fait qu’assurer l’individualisme de survie dans la jungle capitaliste.

Et les personnes enseignantes sont en première place du spectacle des conséquences de ce système sur les enfants et leur famille n’arrivant pas à répondre à leurs besoins. Les inégalités sociales ont des impacts réels sur les conditions de travail des écoles. Devant ces problèmes systémiques, le personnel éducatif doit s’unir à toutes les luttes qui veulent remettre de l’avant le prendre soin collectif, le partage des ressources selon les besoins de toustes et la destruction des systèmes  d’oppression. 

On dit souvent que le travail éducatif fait partie des différents emplois du soin. Le soin collectif et l’aide mutuelle sont parmi nos meilleurs outils de résistance au système capitaliste qui veut nous séparer avec l’individualisme et la consommation. Dans nos classes, on voit cette résistance qui s’opère en recherchant à promouvoir le travail d’équipe et l’entraide dans l’apprentissage. Dans les écoles, on voit des communautés de parents et d’élèves plus larges se former pour accompagner le personnel sur les lignes de piquetage. Ainsi, les communautés des écoles et autour des écoles doivent se solidariser. Par exemple, nous proposons de ne pas limiter les revendications sur l’indexation des salaires à l’inflation aux personnes syndiquées, mais pour toustes parce que cela est aussi pour le bien de nos élèves.   

Autogestion et libération pour toustes

Les problèmes que nous venons de souligner ne seront pas résolus par l’intervention de l’État, surtout pas devant le mépris qu’il utilise sur les tables de négociation. Nous pensons que le changement doit passer par la mobilisation du personnel enseignant en collaboration avec les élèves. Pour que cela soit possible, nous devons changer l’école pour que les élèves puissent prendre la parole et revendiquer pour elleux-mêmes leurs conditions d’étude. Les syndicats représentent les travailleur·euses; qui représente les élèves? Si les enseignant·es se réclament une indépendance en réponse au paternaliste de l’État, illes ne peuvent en bonne conscience que refuser les mêmes outils pour les élèves. Peu importe ce qu’on essaie de nous faire croire sur l’incapacité des élèves à faire des choix engageants quant à leurs existences, nous devons rejeter ce discours qui engendre des conséquences violentes sur les élèves. Il faut reconnaitre aux élèves leur liberté pour qu’illes aient un réel pouvoir sur leur éducation.

Les élèves devraient pouvoir s’organiser pour présenter des revendications en dehors du regard autoritaire des adultes et de l’État. De cette façon, nous rejetons l’autoritarisme comme seule manière de faire fonctionner une classe, une école, une société. Sans le contrôle imposé de l’État, nous pourrons explorer  de nouvelles avenues pour vivre ensemble à l’école, et plus largement dans la société. 

L’école devrait être un milieu qui favorise la construction d’une communauté qui prend des décisions collectives en considérant l’autonomie des enfants et des travailleur·euses. Un milieu antioppressif qui combat activement les outils qui soutiennent le système en permettant une remise en question constante des discours sociaux racistes, capacitistes, sexistes  et queerphobes. Pour que cela soit possible, la parole de toustes se doit d’être considérée en développant de nouvelles structures réellement démocratiques à l’école et avec les communautés qui l’entourent. Nous rejetons l’idée que l’école soit mise à part de la sphère politique et de ses décisions : les élèves doivent être considéré·es comme des sujets politiques actifs, en reconnaissant les différents besoins et prises de parole.

En ce sens, chaque école devrait mener sa propre lutte selon des demandes conjointes et uniques au contexte des traveilleur·euses et des élèves. Revendiquons l’autodétermination de chaque milieu par rapport à l’État. Redonnons le pouvoir aux communautés de travailler ensemble pour assurer la libération de toustes à travers une éducation populaire. Une éducation qui appartient aux communautés pour les communautés en vue de construire un monde meilleur.

Ça brasse partout!

 Commentaires fermés sur Ça brasse partout!
Déc 162023
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

Tract distribué lors des différentes manifestations de l’automne 2023

C’est l’fun de vous voir manifester! On écrit ce document parce que les politiques des gouvernements nous forcent à marcher souvent pour dénoncer les injustices et plein de mouvements s’activent. Ça brasse pas mal dans plein de secteur de la société; ça faisait longtemps qu’on avait pas vu autant de manifs aussi populeuses, des grèves, des blocages et des actions directes aussi fréquentes. C’est une opportunité exceptionnelle de rejoindre des luttes conviviales et combatives, si vous avez le temps et l’énergie. C’est non seulement plus d’opportunités de faire du trouble à Legault et à Trudeau, mais une manière de créer des liens entre les luttes, de s’informer, de créer des solidarités et de trouver des gens qui nous ressemblent. C’est pour ça qu’on vous présente d’autres luttes qui se passent entre autres à Montréal.

La CLAC est un collectif anti-autoritaire réuni sur la base de la lutte contre toute les oppressions et dominations.

Autre collectif intéressant : l’ORA est une nouvelle Organisation Révolutionnaire Anarchiste ouverte et publique à Montréal.

Attaques contre les locataires

L’agenda de la CAQ n’est pas compliqué: on prend aux pauvres pour donner aux riches. En terme de logement, ça veut dire de s’attaquer aux dernières mesures qui permettent de garder quelques espaces pas trop cher pour nous. Une de ces attaques est le projet de loi 31, qui vise entre autres ầ empêcher la cession de bail, une pratique qui permet de garder le loyer au même prix entre deux locataires. Bien que les propriétaires n’ont pas le droit d’augmenter le loyer de plus qu’un taux déterminé par la régie du logement, les cessions de bail sont la seule façon d’empêcher les hausses excessives qui se produisent lors d’un changement de locataire.

Le FLIP (Front de Lutte pour une Immobilier Populaire) organise plusieurs événements pour lutter contre ce projet de loi, dont une grande manif le samedi 2 décembre à midi au métro Parc!

Le SLAM (Syndicat de Locataires Autonomes de Montréal) a une approche anarcho-syndicaliste du droit au logement.

Génocide à Gaza

La bande de Gaza, depuis le milieu des années 2000, faisait l’objet d’un blocus économique, empêchant l’importation de plusieurs biens essentiels et empêchant les gens de sortir du territoire, et même d’aller pêcher dans la mer. Plusieurs expert·e·s ont qualifié Gaza de prison à ciel ouvert et ce longtemps avant l’attaque du 7 octobre. Les attaques Israëliennes sur les populations civiles de Gaza ne sont pas une guerre: Gaza ne possède pas d’armée à proprement parler. C’est pourquoi le terme de génocide est plus approprié pour la situation. De très nombreuses manifs se produisent en solidarité avec les gazaouis. Voix Juives Indépendantes, et Palestiniens et Juifs Unis organisent des manifestations pour que cessent le génocide.

Destruction environnementale

Pendant ce temps, les gouvernements coupent dans le transport en commun et visent à continuer le tout-à-l’auto, au dépend de la survie de la planète. En tête de liste des choix douteux du gouvernement, l’investissement de 7 milliards de dollars dans une usine de batteries au lithium qui désire s’implanter à McMasterville, au dépens de l’écosystème local, au profit des minières canadiennes, et aux dépens d’un plan de transport raisonnable. Dans le mouvement écolo, Rage Climatique lutte contre ce projet d’usine.

Lutte contre la transphobie et l’homophobie

L’extrême droite s’en prend désormais de plus en plus droits des enfants et personnes trans-, queer et non-binaires en tentant d’empêcher l’éducation sexuelle inclusive, comme celle effectuée par des personnes trans. Heureusement, ces attaques ne sont pas sans réponses grâce aux efforts incessant du P!nk Bloc Montréal.

Attaques contre les travailleur·euse·s

Les conventions collectives pour le secteur public arrivaient à échéance le 31 mars 2023, au même moment où continuait la mauvaise foi du gouvernement Legault. Une fermeture à discuter des conditions de travail ou à offrir des augmentations qui s’approche de l’inflation a amené des votes de grève historique dans les nombreux syndicats, avec des votes de grève atteignant parfois 100%. Plusieurs journées de  grèves sont prévues dans les prochaines semaines.

Donc ça va très mal, mais au moins on résiste! Pour avoir plus d’informations sur tout les événements organisés dans le cadre de ces différents mouvements, consultez le calendrier de Résistance Montréal au https://www.resistancemontreal.org/calendrier