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Chicoutimi : 40 repas distribués à la Marmite autogérée « La solidarité ne sera jamais confinée »

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Juil 062020
 

Du Collectif Emma Goldman

Saguenay, 5 juillet // Quarante repas ont été distribués aujourd’hui au centre-ville de Chicoutimi à l’occasion de la Marmite autogérée organisée par le Collectif anarchiste Emma Goldman. Le thème de l’événement était « la solidarité ne sera jamais confinée » pour souligner le rôle essentiel des réseaux d’entraide dans ce contexte difficile. Des sous-marins froids emballés étaient offerts en respectant la distanciation physique et les gens sur place ont pu prendre ou donner « au tas » [1] dans le marché gratuit. Bien sûr, les discussions et échanges de points de vue ont été plus que toute autre chose au cœur de l’événement.

Les grands oubliés et grandes oubliées de la pandémie ont été les personnes moins nanties et marginalisées. Ces personnes vivaient déjà des situations difficiles avec l’embourgeoisement du centre-ville. La hausse du coût des loyers, le harcèlement et la répression par les policiers et le désert alimentaire, de pair avec l’effritement du filet social et les politiques d’austérité, causaient déjà leur lot de misère dans le quartier. Aujourd’hui, dans l’ombre des commerces de la rue Racine qui chantent le déconfinement en pleine rue se trouvent bien du monde qui en arrachent et qui n’ont pas reçu d’aides supplémentaires pour faire face à tous ces tracas.

Des locataires nous ont encore une fois fait part du prix exorbitant qu’exigeait leur propriétaire (exemple 530$/mois pour un 1 et demi tout petit) et des réparations qui se faisaient attendre durant des semaines. Pour une très grande partie des moins nanti-e-s, le loyer prend la plus grande part de leur revenu. Nous avons bien vu avec la maison de chambre du 734 rue Racine l’an dernier que la ville tolère que les propriétaires de taudis continuent leur exploitation sans scrupule, même après un incendie avec des dégâts considérables (et un mort dans ce cas). La pandémie a accru la difficulté de payer des gens et a donné de nouvelles excuses aux propriétaires qui négligent le logis de leurs locataires. Par contre, seules les entreprises ont eu de l’aide.

La Marmite autogérée se veut une réponse autonome et libertaire aux besoins du quartier. Nous ne recevons aucun financement. Nous sommes des travailleurs et des travailleuses et des sans-emplois du quartier qui veulent favoriser l’entraide en offrant à tous et toutes, sans distinction, un repas nourrissant gratuit pour tous les appétits. Nous sommes critiques de la direction du mouvement communautaire et de ses bailleurs de fonds (étatique ou privé) à travers l’institutionnalisation et des pratiques s’apparentant à la charité chrétienne. Les mobilisations collectives par la base et l’éducation populaire sont essentielles pour retrouver la dignité, ainsi qu’une voix dans ce système. À travers la Marmite autogérée, nous voulons encourager le développement de réseaux d’entraide et la multiplication des initiatives autonomes de solidarité.

Collectif anarchiste Emma Goldman

 

[1] En référence à l’expression économique de Pierre Kropotkine dans « La conquête du pain ».

Sur l’insurrection aux États-Unis : une interview avec des anarchistes / abolitionnistes par RadioFragmata

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Juin 242020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Les banques engendrent les « braqueurs »,
les prisons créent les « terroristes »,
la solitude crée les « marginaux »,
les produits créent les « besoins »,
et les frontières créent les armées.

La propriété engendre toutes ces choses.
La violence engendre la violence.
Ne demandez pas. Ne cherchez pas à m’arrêter.
Il nous revient désormais de faire de la justice
l’acte ultime.
Tirons un poème de la vie.
Faisons d’elle une action.

-Katerina Gogou

L’interview suivante se destine à un lectorat international et révolutionnaire. Elle contient des questions se rapportant à l’insurrection contre la suprématie blanche qui se déroule actuellement aux Etats-Unis, posées par le projet radiophonique anarchiste grec RadioFragmata à des membres du RAM (Mouvement Abolitioniste Révolutionnaire) et à des anarchistes américains qui ont souhaité rester anonymes. Cette interview a vocation à faciliter la compréhension des circonstances et des évènements qui se trament aux États-Unis.

« Puisque je ne suis moi-même qu’un vieux garçon de la ferme, je n’ai jamais souffert de ce que l’on récolte ce que l’on avait semé; au contraire, cela m’a toujours rempli de joie ». Malcolm X

Que se passe-t-il actuellement aux Etats-Unis, et en quoi est-ce différent d’autres soulèvements ayant émergé en réponse aux violences policières, comme celui qui avait surgi à Ferguson en 2014 ? Et qu’en est-il du ressenti, à l’échelle de la rue ? Est-ce le même ?

Ce soulèvement se distingue principalement par son ampleur et le niveau de fureur qu’il déploie. D’autres moments, comme Ferguson ou les émeutes de Los Angeles en 1992, ont été significatifs et ont préparé le terrain pour cette situation; mais ce à quoi nous assistons aujourd’hui relève d’un mouvement radicalement différent, de plusieurs façons.

Dans la rue, les jeunes témoignent d’une connaissance profonde des politiques abolitionnistes. Ielles ont laissé de côté toute patience et tout espoir de réforme, ne se concentrant que sur l’action directe et immédiate. Cette fois-ci, il semblerait qu’on soit bien plus nombreux.ses à avoir conscience de l’impasse du réformisme. Le degré d’intensité est incroyablement révélateur. Jamais auparavant nous n’avions vu des gens incendier un commissariat, comme à Minneapolis, avant de contraindre les policiers à sauver leurs peaux en prenant la fuite, et ne rien lâcher alors même que l’armée était sommée d’intervenir. L’autre fait important, c’est que la majeure partie de la population a applaudi l’incendie du commissariat et que la peste du pacifisme a perdu sa mainmise sur la lutte. Cela a remodelé en profondeur le genre de dialogue auquel nous sommes habitué.es aux Etats-Unis. Que l’insurrection et les émeutes reçoivent le soutien de groupes et d’individus inattendus, cela nous paraît parfois carrément choquant ! Les prédateurs abonnés au « Ni … Ni … » sont, de fait, contraints à abandonner leur zone de confort et à choisir leur camp, à décider s’ils font partie des racistes, ou des anti-racistes.

L’intensité de la révolte qui a démarré cette fois à Minneapolis s’est depuis répandue comme une trainée de poudre à travers le pays. Le caractère massif de cette révolte généralisée, l’intensité de la résistance qui s’y déploie, et la disparition complète de la foi en les réformes ou en la patience vis-à-vis du system ne ressemblent à rien que j’ai pu observer de mon vivant.

Comment les anarchistes et/ou les anti-fascistes états-unien.nes font-ielles démonstration de solidarité dans le cadre de cette insurrection ? Et quelles suggestions addresseriez-vous aux anarchistes et/ou aux antifascistes de par le monde, pour qu’ielles puissent exprimer leur solidarité depuis là où ielles se trouvent ?

Les anarchistes et les antifascistes ont participé à ces rébellions depuis leur début. Voilà dèjà longtemps que le mouvement accorde une attention particulière aux questions liées à la police, à la prison et à leurs appendices; c’est donc un moment très spécial pour nous.

Mais nous nous devons d’être clair.es: le soulèvement n’a pas été initié par les anarchistes. La rébellion est portée par une jeunesse noire qui ne peut plus supporter d’être déshumanisée et assassinée. La violence contre les noir.es et la suprématie blanche forment la pierre angulaire de la vie politique, économique et sociale des Etats-Unis. Elles sont si profondément enracinées qu’elles rendent la réforme inconcevable. En tant qu’anarchistes, voilà longtemps que nous portons ce discours, et que nous combattons en vue de réduire en miettes cette situation; mais ne nous sommes que l’une des nombreuses tendances politiques qui ont donné corps à cette insurrection.

De par le monde, les principales recommandations que nous pouvons adresser aux anarchistes est de contribuer à intensifier la pression politique et économique sur les Etats-Unis, et de participer aux luttes locales de résistance vis-à-vis de la police. Ciblez tous les leviers qui accroissent la puissance des Etats-Unis et qui leur permettent de fonctionner, en généralisant et en renforçant le mécontentement qui est à l’origine du soulèvement; ciblez le racisme à votre échelle, la police, et tout autre appendice de la domination et de l’exploitation. Les Etats-Unis sont actuellement incroyablement faibles; et plus ils s’affaiblissent, plus la vie devient respirable pour nous, ici, et pour les gens de par le monde. En outre, tout acte de solidarité apporte de la force à ceux qui tiennent la rue. La solidarité n’est jamais plus forte que lors d’attaques communes, qui ne connaissent pas de frontières !

Comment expliquer que certaines personnes affirment soutenir la rébellion états-uniennes, avant de revenir sur leurs propos du fait de sa prétendue « violence » ?

Le concept de « non-violence », incarné par la pratique de Martin Luther King Jr., jouit d’un réel prestige aux Etats-Unis. Il est même célébré, retrospectivement, comme l’expression parfaite de l’activisme. Par extension, les mouvements de protestation sont également assimilés à des expressions d’activisme. Dès lors, toute protestation légitime et supposément « efficace » se doit de s’inscrire dans ces principes de protestation non-violente qui ont permis à eux seuls, selon l’historiographie en vigueur, de garantir l’accès aux droits civiques en Amérique. Dans les faits, la situation d’alors était bien plus complexe, et des insurrections fréquentes dans certaines des plus grandes villes du pays ont également joué un rôle crucial dans la décision prise par l’état d’introduire de nouvelles lois abolissant la ségrégation légale et formelle dans le sud des Etats-Unis (via les lois Jim Crow, et seulement pour instaurer dans un second temps de nouvelles méthodes d’oppression). Néanmoins, la doctrine officielle ne retient que le rôle des activistes non-violents dans cette séquence. Par ailleurs, ce discours postule que chaque mouvement de protestation doit viser à promouvoir une cause légaliste, et non pas une dynamique révolutionnaire. Parfois, c’est une rhétorique aux accents révolutionnaires qui est utilisée pour discuter des modifications de législation or la conquête d’autres réformes basiques: on peut ici penser au cas de Killer Mike du groupe Run The Jewels, dans lequel ce soutien affiché du parti démocrate et fils d’un officier de police utilise un langage trompeur pour dénoncer les manifestants qui ont participé aux attaques sur les bureaux de CNN et sur les forces de police. Sur le sol américain, toute action de rue violente ou véritablement révolutionnaire est généralement considérée illégitime, à cause de ces croyances très ancrées culturellement qui définissent ce à quoi doit ressembler une lutte légitime. C’est là une autre raison de considérer les évènements récents comme très inspirants: ils ont totalement rejeté cette logique et ce discours. La manière dont le soulèvement a pu se répandre dans des villes tellement diverses illustre l’insatisfaction que génère désormais partout ce discours historique. Une explication incomplète pourrait consister à montrer que les gens ont agi avant que des leaders officiels n’aient eu l’occasion de chercher à s’autoproclamer représentants du mouvement. La nature réellement organique du mouvement a fait sa force depuis le premier jour, et lui a permis de s’affranchir d’un cadre de protestation soigneusement orchestré par des activistes professionnels et des politicien.nes. Les gens sont conditionnés depuis l’enfance à chercher la foi dans le théâtre de la démocratie politicienne. La violence est la négation d’une telle foi. La violence est une démonstration d’auto-détermination, la démonstration d’une volonté d’aller chercher un monde qui soit au-delà du présent.

On nous apprend que nous avons des droits, mais ces droits sont des choix dont on peut nous priver, puisqu’ils sont institués par un contrat social maintenu par l’autorité. Les droits sont des options absurdes et trompeuses utilisées pour propager la peur qui fonde le socle de la paix sociale contemporaine. Vous avez vos droits, vos libertés, et si vous vous comportez conformément aux lois de la boîte qui contient ces choix, vous n’irez pas en prison. Les droits sont imaginaires, et d’ordinaire seulement crédités de la moindre validité par les personnes incluses et bénéficaires au sein d’une société stratifiée. Il est important de garder ce dernier point en tête lorsqu’on cherche à évaluer la parole d’un.e allié.e déclaré.e qui s’élève contre la violence ou l’auto-défense politique.

La violence et la révolte physique reconnaissent que le terrain de jeu est fondamentalement truqué. Elles démontrent un désir de s’en émanciper, un désir que ne saurait controler un système qui peut à tout moment priver des personnes de leurs droits. Les voix qu’on entend dénoncer la violence parlent le langage de la foi en la justice et en les politiques de ce même système qui est responsable d’avoir inspiré la violence révolutionnaire en premier lieu. Ces voix vous encourageront à supplier, à attendre, et à espérer.

Les activistes, les liberals et les prétendu.es allié.es qui applaudissent depuis les gradins sont prompt.es à dénoncer la violence parce qu’ielles ont foi en les options que le théâtre politique actuel leur présente en guise de changement. Ielles souhaitent se réapproprier les pouvoirs existants, plutôt que les démolir. Dans certains cas, ielles connaissent également la peur, et plutôt que de reconnaître humblement leur peur d’être puni.es pour des prises de risque courageuses et pour leur résistance, ils se terrent lâchement derrière diverses critiques de la violence.

En même temps, on peut se demander pourquoi on nous apprend tant sur Martin Luther King et sur Gandhi, et si peu sur d’autres figures historiques des mêmes espaces-temps comme Malcolm X ou Bhagat Singh. La droite, les puissants, ou les méthodes systématiques et calculées d’auto-préservation de la société capitaliste dénonceront toujours la violence révolutionnaire et l’insurrection, tout simplement parce que ce type de résistance leur fait peur, parce que ce type de résistance menace leur statut et le système qui le maintient.

La violence est un sujet neutre. Deux personnes peuvent avoir un pistolet à la main, et les situations n’en seraient pas moins complètement différentes. Une personne (Patrick Crusius) peut tenir un pistolet afin d’assassiner des migrants et des personnes de couleur au hasard à El Paso, au Texas, tandis qu’une autre personne (Chrystul Kizer) peut tenir un pistolet pour tuer l’homme qui les avait violé.es et en avait fait le commerce.

On pourrait affirmer que nous parlons de George Floyd seulement parce qu’il a eu la chance d’avoir son lynchage enregistré et capturé à l’écran. Toutefois, ce n’est pas la raison pour laquelle nous parlons encore de George Floyd. Des personnes sont torturées et assassinées chaque jour, aux Etats-Unis. Et bien souvent, ces scènes sont filmées. La véritable raison qui explique que l’on parle encore de George Floyd après sa mort tient à ce que cet incident particulier a déclenché une révolte généralisée pleine de ce que j’appellerais un type positif de violence, et que la police n’a pas su contrôler.

L’épidémie de coronavirus a-t-elle joué un rôle dans l’insurrection en cours ?

Il est clair que le coronavirus a joué un rôle dans cette rébellion. Il y a beaucoup de facteurs importants, dans cette question. La débâcle économique a laissé des millions de personnes sans emploi. Nous sommes des millions à ne plus avoir de boulot, ici aux Etats-Unis. Mais avoir un travail ne suffit pas pour autant à échapper à la pauvreté. Le taux de chômage ne reflète pas adéquatement le pourcentage de personnes qui doivent lutter pour survivre; celles et ceux qui travaillent sans pour autant pouvoir s’acquitter de leurs frais quotidiens sont comptabilisé.es comme des travailleur.euses. On fait face à un niveau de précarité énorme. Rajoutez à cela un peuple entier coincé chez soi, et sur les nerfs, en particulier en ce qui concerne la jeunesse.

Le ratio de mort.es chez les américain.es noir.es est trois fois supérieur au même ratio pour les américain.es blanc.hes, en raison de problèmes systématiques d’accès à des soins de qualité. Dans les communautés pauvres, le manque de tests a été considérable, mais cela était intentionnel. Les gens ont un accès limité aux services de soins en règle générale, et l’assistance médicale de qualité est réservée à des communautés plus prospères. Les habitant.es des quartiers populaires ont continué à se rendre au travail et à emprunter les transports publics tout au long de l’épidémie, pour subvenir à leurs besoins. Cela a encouragé une propagation encore aggravée du virus, notamment au sein des communautés marginalisées.

La quarantaine a également mis en relief les lignes de fracture et les privilèges qui sous-tendent notre société. Les riches ont pu s’extirper des villes les plus denses et s’isoler dans le confort. Les travailleur.euses ont perdu leurs emplois et se sont fait offrir des miettes par le gouvernement alors même que d’énormes compagnies et leurs patrons se voyaient adresser des fonds de renflouement sans commune mesure dans l’Histoire. L’échantillon le plus fortuné de la population a vu son capital s’accroître de plus de 500 milliards de dollars, alors que le reste d’entre nous demeurions chez nous à nous creuser la tête à propos de la semaine à venir, de la prochaine facture, ou du prochain repas.

Les personnes pauvres, noires et non-blanches, les peuples natifs et toutes les catégories de population exclues des Etats-Unis ont particulièrement souffert du virus. Il n’était plus question de se mentir à propos du poids de la survie de chacun.e alors même que l’Etat confinait des populations opprimées dans des prisons et des centres de rétention infectés – autant de zones de mort acceptable habitées par les personnes dont le capitalisme peut se passer. En outre, les travailleur.euses jugé.es « essentiel.les » au maintien du bon fonctionnement de la société en temps d’épidémie constituaient précisément les pôles les plus exploités de la séquence précédente (les infirmie.res, les travailleur.euses agricoles, les épicier.es, et ainsi de suite). Cela a facilité une prise de conscience populaire quand à la logique absurde du capitalisme, et a poussé les gens à se poser des questions inouïes jusque lors pour nombre d’américain.es. Plutôt que des augmentations de salaire ou des garanties de sécurité, ces travailleur.euses n’ont reçu que l’approbation condescendante des riches et des puissant.es qui les peignaient en « héro.ïne.s » – alors qu’il va de soi que cette reconnaissance mesquine est franchement insultante pour qui met en danger sa propre vie et la santé de ses proches. Les yeux des gens se sont ouvert, à tel point qu’aucun des mensonges du prétendu rêve américain n’a pu masquer le cauchemar qui constitue le quotidien de la plupart des américain.es.

Quand l’administration Trump est également devenue consciente que les populations non-blanches et prolétaires étaient beaucoup plus affectées par le coronavirus que son électorat presque exclusivement blanc, elle s’est empressée de mettre son appareil médiatique derrière un appel ouvertement raciste à réouvrir l’économie. Pour citer Trump lui même: « let the virus wash through », « que le virus déferle et purifie ».

En raison de ces causes systémiques et structurelles, la communauté noire a été l’une des plus touchées par le coronavirus dans le pays. Et par dessus le marché, quand l’Etat a demandé aux gens de pratiquer la distanciation sociale la police a immédiatement commencé à terroriser les communautés noires pour non-respect de ces consignes. Alors même que le pays était à l’arrêt, la police a trouvé le moyen de continuer à tuer à la même fréquence qu’au cours de ces dernières années. Et avec le confinement, les gens ne manquaient pas de temps pour visionner des vidéos d’assassinats policiers ou de scènes de torture dans les rues, alors même que ces scènes se déroulaient.

Le coronavirus est ainsi devenu la formule qui a fait du pays un baril de poudre.

La question raciale est-elle la seule problématique qui nourrit cette révolte ?

L’insurrection répond avant tout aux ravages du suprématisme blanc et des systèmes policier et carcéral (le documentaire 13th apporte un éclairage de qualité sur ce sujet-ci). Le meurtre odieux de jeunes noirs constitue la norme, aux Etats-Unis: et les gens en ont enfin eu assez.

La classe joue également un rôle fondamentale dans ce soulèvement, comme c’est le cas partout dans les sociétés capitalistes. Toutefois, ce soulèvement a totalement été initié par le prolétariat noir, qui ne partage pas les caractéristiques du mouvement activiste américain, lequel regroupe surtout des personnes issues d’origines bourgeoises qui envisagent la politique comme un hobby plutôt que comme une lutte indispensable. Malgré cette réalité, le soulèvement a été à ses origines relativement ouvert à quiconque souhaitait y participer et agissait sans peur d’être jugé par la moralité raciste du status quo.

On ne devrait pas non plus être surpris.es de ce que les gens rendent désormais la monnaie de sa pièce au système au place au moment même où le taux de chômage est propulsé à un niveau que nous n’avions pas connu depuis la Grande Dépression. Si le mouvement conserve cette férocité et cette fluidité prolétariennes, l’hypothèse d’un changement révolutionnaire est plus crédible qu’elle ne l’a jamais été de notre vivant.

Quelles sont les origines du suprématisme blanc aux Etats-Unis ?

Les origines du suprématisme blanc aux Etats-Unis correspondent aux origines du pays lui-même. Les Etats-Unis ont explicitement été fondés en tant que projet de la suprématie blanche. Bâtis sur les dos des peuples africains réduits en esclavage et sur le génocide des peuples indigènes, les Etats-Unis se sont positionné en pays-modèle pour le pouvoir des blancs. Dans d’anciens textes de lois, il était stipulé qu’une personne noire ne représentait que les trois-cinquièmes d’une personne humaine, et les noir.es ont été considéré.es comme de la marchandise jusqu’en 1865 – après quoi le gouvernement fit tout ce qui était en son pouvoir afin de garantir que les piliers de l’esclavage demeurent intacts, en transposant le processus de la plantation vers le complexe carcéral-industriel.

Toutefois ce processus avait démarré plus tôt encore, avec les premières expansions européennes de par le monde. Les Etats-Unis sont de fait un projet qui découle de la pensée et des politiques européennes. Ces deux continents sont historiquement empêtrés dans des régimes raciaux extrêmes, des massacres de masse et des génocides. De surcroit, le statut du pouvoir économique et politique qui se maintient sur ces deux continents a pour corollaire le coût du colonialisme historique qui a fini par définir la carte du monde contemporain, avec son 1er et son tiers mondes.

Que signifie s’opposer au suprématisme blanc ? Trouve-t-on des éléments de « racisme inversé » dans ce combat ?

Pour commencer, le « racisme inversé » n’existe pas. C’est même un oxymore.

Le racisme ne désigne pas simplement le fait de discriminer, mais bien un système d’oppression. Puisqu’il n’existe pas de système d’oppression fondé sur la race auquel des blanc.hes seraient asujetti.es, ielles ne peuvent pas être les victimes du racisme.

« Blanc.he », aux Etats-Unis, dénote un segment de la popluation qui jouit d’avantages préexistants en tant que tel. Ainsi, bien que de nombreuses personnes blanches souffrent de la pauvreté aux Etats-Unis, il n’en est pas moins vrai qu’il y a des avantages inhérents à être blanc.he. Un exemple éloquent de cela serait la capacité à sortir faire un footing nocturne sans qu’on ne soit accusé.e de fuir une scène de crime.

A travers l’Histoire, la classe dominante a déterminé un niveau calculé de souffrance à déléguer à ses inférieur.es présumée.s. La notion de « sauvage », l’infériorité des populations non-gentilles ou aux peaux foncées établies par les conquêtes européennes fondent la matrice des choix de populations destinées à souffrir de par le monde jusqu’aujourd’hui. Les tactiques et la sémantique utilisées par les groupes dominants/opprimants ont été modernisées et adaptées, mais le socle en demeure le même. « Blanc.he » signifie être inclus.e, jouir d’une meilleure place dans les gradins, inconditionnellement.

Bien que les noir.es américain.es ont 250% de chances en plus d’être tué.es par la police (si l’on se fie aux chiffres officiels; le véritable écart est probablement encore plus grand, et fluctue selon les régions et les niveaux de diversité), de nombreux.ses victimes de ces meutres sont issu.es du prolétariat blanc. La classe dirigeante n’épargne pas la population blanche marginalisée, et apporter une critique du suprématisme blanc ne suppose pas de nier la réalité des personnes blanches qui souffrent dans le système capitaliste. Mais il essentiel de reconnaître qu’un mépris de la blanchité dénote une frustration vis-à-vis de la race qui a été choisie par ce système en tant que race incluse et défendue. Les personnes blanches sont incluses et défendues, au détriment de, et contre, les populations non-blanches prétendument inférieures. Alors que les oublieux ou les racistes crient au « racisme inversé », d’autres ont reconnu dans ces mêmes gestes de frustration à l’envers du suprématisme blanc un mépris logique.

Il existe des groupes Noirs séparatistes, mais leurs appels à la séparation dérivent du désespoir d’échapper à la misère impitoyable qui découle non pas d’une société hétérogène en tant que telle, mais d’une société hétérogène stratifiée selon des critères de race et d’ethnicité. Un tel appel désespéré en faveur d’un pouvoir noir par la ségrégation ne peut venir que de l’expérience empirique d’une société hétérogène qui a désigné une seule race pour régner sans partage.

Malgré des disparités locales, et en dépit des proclamations mensongères de droits civiques, les Etats-Unis demeurent ancrés dans un modèle de ségrégation brutale. Que les lignes de fractures soient raciales ou de classe, le pays donne à voir l’un des exemples de ségrégation de proximité les plus intenses au monde. Prenons l’exemple de New York City, où certaines des zones les plus pauvres du pays côtoient des quartiers parmi les plus riches au monde, séparés par la bête policière et son système judiciaire. Dans de nombreuses communautés non-blanches, les interactions quotidiennes avec des personnes blanches se limitent à voir la police blanche envahir le quartier afin de mieux y maintenir le niveau de pauvreté. En aucun cas ne voulons-nous invisibiliser les souffrances du prolétariat blanc; mais l’écart entre ces deux situations est tel qu’il devrait suffire à coudre les lèvres racistes qui s’exclament que « toutes les vies comptent ». On compte deux millions et demi de prisonniers aux Etats-Unis, dont de nombreux innocents, de nombreux pauvres, et de nombreux blancs. Nous n’oublions d’aucune manière le prolétariat blanc, mais dans un pays qui compte environ 13% de noir.es dans sa population civile et 40% de noir.es dans sa population carcérale, les efforts de manipulation psychologique qu’on retrouve derrière les dénonciations d’un prétendu « racisme inversé » ou du fameux « all lives matter » sont systématiquement invalidés par les chiffres.

Ce qu’on appelle à tort « racisme inversé » est en réalité une frustration légitime à l’égard d’un segment de la population qui détient le pouvoir en vertu de la souffrance d’un autre groupe. Rien n’empêche d’être blanc.he et de mépriser ce que signifie la blanchité dans le monde actuel.

Dans des situations émeutières antérieures, comme à Los Angeles en 1992, on avait pu voir des personnes blanches être attaquées simplement parce qu’elles étaient blanches. Bien qu’elles furent minoritaires et entourées d’évènements autrement plus inspirants, ces attaques constituaient une issue regrettable à une situation explosive. De tels faits n’ont pas été observés dans le soulèvement actuel. Ce dernier a été remarquablement hétérogène depuis le premier jour dans toutes ses modalités d’expressions, et malgré le fait qu’il ait rassemblé des millions de personnes il n’a donné lieu à aucune occurrence sérieuse de violence interraciale. Au contraire, et malgré des désaccords individuels portant sur la stratégie, les tactiques ou les cadres de référence politique, on a pu observer un sens phénoménal d’unité parmi les militant.es – du moins jusqu’à ce que les faux leaders ne s’en mêlent. Les objections sérieuses aux pillages et à la violence ont émané quasi-exclusivement de personnes qui n’avaient pas été dans la rue, et parfois d’une frange des manifestant.es pacifiques qui remplissent désormais les rues, épris d’un discours propagé par les médias qui prétend définir le caractère d’un mouvement de protestation « légitime ». Parmi ces manifestant.es pacifiques, nombre font désormais les frais d’une violence policière généralisée, et on peut espérer que nombre se radicalisent en réaction à ces attaques. Ainsi, le système fait d’une certaine manière le travail de pédagogie qui s’impose vis-à-vis de ces personnes plus pacifiques qui rejoignent désormais les manifestations.

* De nombreuses personnes, en Europe, semblent en certaines occasions fétichiser tout ce qui ressemble de près ou de loin au Black Panther Party des origines, et particulièrement via la diffusion d’images présentant le New Black Panther Party prenant la pose en armes afin de proclamer leur solidarité vis-à-vis des luttes de la population noire. Il est important de bien noter que le New Black Panther Party n’a rien à voir avec l’ancien Black Panther Party, ni avec la Black Liberation Army. Il a été rejeté par presque tou.tes les survivant.es du Black Panther Party des origines et de la Black Liberation Army, y compris celles et ceux qui sont encore incarcéré.es pour leurs actions. Le New Black Panther Party est une organisation vicieusement autoritaire, antisémite, ségrégationniste, et homophobe. Ses membres arborent des armes qui ont toutes été achetées légalement aux Etats-Unis.

Comment les anarchistes américains trouvent-ils de la solidarité auprès de personnes qui ne sont pas formellement anarchistes elles-même ?

Nous ne sommes pas assez nombreux.ses pour fonctionner de manière autarcique. Par ailleurs, la sincérité de la rage et la passion pour liberté qui découlent de l’expérience peuvent peser bien plus lourd que la prétendue « lumière » dérivée de la compréhension théorique. En outre, nous vivons dans une société intensément hétérogène, et nous devons faire l’effort de nous émanciper de la pensée insulaire qui caractérise l’organisation anarchiste classique.

Aux Etats-Unis, il nous est nécessaire de nous adapter aux circonstances et de nous forcer à nous concentrer sur des éléments plus profonds de tension et de mécontentement qui outrepassent les identités politiques superficielles.

La solidarité, nous la trouvons en nous dressant horizontalement au côté de l’expérience du mécontentement. Quand la résistance s’embrase dans les rues, nous cherchons à en faire partie. Les anarchistes américains cherchent une solidarité qui s’organise autour d’un ennemi commun et de frustrations communes. Peut-être que celles et ceux aux côtés de qui nous cherchons à combattre ne récitent pas la même rhétorique ou ne se réclament pas de la même idéologie; mais notre priorité, c’est de tendre la main aux personnes qui partagent notre fureur vis-à-vis de ce système, et qui agissent en conséquence.

 

Les pillages sont-ils perçus comme des actes révolutionnaires ? Vous-même, les défendez-vous politiquement ? Que pensez-vous des prises de positions libérales quant à la question éthique qui sous-tend ces pillages ?

Je n’ai aucun problème avec les pillages; et je n’ai aucun respect pour la « moralité » qui constitue le socle de la société capitaliste. Prendre position contre les pillages implique d’être en paix avec le status quo, lequel permet de se procurer des produits de manière « appropriée ».

Permettez-moi cette analogie: les New-Yorkais.es fortuné.es ont pillé les magasins de la ville entière afin d’être préparé.es au confinement et à la quarantaine à l’approche de l’épidémie de coronavirus. En règle générale, on ne trouvait plus les biens requis pour pouvoir endurer la quarantaine que de manière aléatoire dans les petites boutiques des quartiers les plus pauvres. La plupart des prolétaires sont incapables d’acheter en gros, puisqu’ielles vivent en permanence dans l’attente du prochain salaire et que la notion d’investissement, même à très court terme, est hors de question au vu de leur situation financière.

Les magasins new-yorkais ont été vidés de leurs stocks de papier toilette, de désinfectant, d’équipement de protection personnelle, de nourriture, et de tout ce que les riches ont pu se procurer. Les riches ont pillé les magasins en toute légalité, et ils ont accaparé la sécurité. Ils l’ont fait selon leurs règles propres: ces mêmes règles qui définissent le pouvoir d’achat dans le capitalisme. Les règles qui calculent et qui délèguent la souffrance.

Le pillage est un acte qui défie ces règles. C’est un acte qui révèle leur fragilité, alors que la police et le système judiciaire existent pour les maintenir et les faire appliquer.

Aucun des produits que l’on pourrait mettre au crédit du capitalisme mondial ne pèse bien lourd quand on le compare avec la souffrance quotidienne dont les racines remontent à l’esclavage institutionnalisé. Dénoncer les pillages dans le contexte d’une insurrection sociale, c’est louer la notion de l’achat telle que l’a définie la moralité putride de la classe dirigeante.

Dans le contexte d’un soulèvement social, le pillage menace dans la plupart des cas la réification de l’achat « sacré », brisant en profondeur les barrières qu’on nous a conditionné à nous représenter entre la pauvreté et la vie. Toutefois, les pillages et la violence sociale d’une insurrection ne sont pas toujours irréprochables. A Minneapolis par exemple, on a pu voir incendier des petits commerces qui n’étaient clairement pas des cibles aussi prioritaires que d’autres. Comme l’a écrit Alfredo Bonanno, l’insurrection est « un coup de patte de tigre, qui déchire et ne distingue rien. Il est évident qu’une minorité organisée n’est pas le peuple insurgé. Alors, elle distingue. Il est nécessaire qu’elle distingue ».

Pour moi, prendre position contre les pillages (particulièrement si ceux-ci ciblent des grandes enseignes et des biens de consommation exclusifs), c’est défendre le concept d’achat. C’est une voix qui émane d’une position de privilège – le privilège de n’être pas désespéré. Elle émane également d’une position soucieuse du jugement des inclus.es et des profiteur.euses de cette société.

Les pillages peuvent être beaux et tristes, tout à la fois. J’entends également les préoccupations de certain.es quant à la part matérialiste de certaines formes de pillage, mais je ne pense pas que cela suffise à désamorcer les implications révolutionnaires plus larges de cet acte. Cela m’attriste de voir un petit commerce appartenant à une famille en galère être aspiré dans le vortex rageur qu’est une émeute, mais je prends plaisir à voir des personnes pauvres afficher les symboles esthétiques des riches et faire leur course chez Wal-Mart sans portefeuille.

En tant qu’anarchiste, je dispose d’une voix qui a un champ limité dans le monde de la politique, et je refuse d’envisager ne serait-ce qu’une seconde de l’utiliser à dénoncer un soulèvement parce qu’il générerait des pillages.

Il existe de nombreuses voix, à droite et dans les sphères du pouvoir, qui croient en la sacralité de l’achat et qui utilisent une telle croyance pour démoniser, diviser et fragiliser une insurrection. Il existe des voix grassement rémunérées préservées par notre société afin de soutenir cette même normalité génocidaire contre laquelle les insurgé.es d’aujourd’hui s’élèvent. Si vous utilisez votre voix pour fragiliser ou salir des gestes de rébellion ou d’autodétermination, vous ne pouvez en aucun cas affirmer sincèrement être complice d’un soulèvement. Les puissant.es qui protègent le status quo vont utiliser leur appareil médiatique pour diaboliser ou diviser l’insurrection – quiconque prétend participer à l’insurrection ne devrait en aucun cas faire de telles choses.

Si le pillage vous pose un problème moral, il est peut-être urgent que vous interrogiez votre propre affirmation de soutien à un soulèvement qui s’oppose au suprématisme blanc, au capitalisme, et à l’état; parce que vous défendez une logique qui récompense le pillage institutionnel, la domination et l’exploitation, et qui entend punir ou se prévenir contre tout effort de vengeance ou d’auto-préservation émanant des classes populaires.

Dès 1965, une défense éloquente des pillages dans le contexte d’un soulèvement noir avait été énoncée par les situationnistes. Elle demeure d’une actualité intacte:

 » Le pillage du quartier de Watts fût la matérialisation la plus directe de ce principe déformé: « à chacun selon ses faux besoins » – des besoins déterminés et produits par le système économique auquel s’oppose justement l’acte de piller en tant que tel. Mais dès lors que l’abondance tant vantée est prise pour argent comptant et saisie directement plutôt que d’être poursuivie sans relâche dans la course de hamsters du travail aliéné et des besoins sociaux en hausse permanente, les désirs réels commencent à s’exprimer dans le cadre d’une célébration festive, d’une affirmation de soi joueuse, de la frénésie destructrice.

Le pillage est une réaction naturelle à la société artificielle et inhumaine de l’abondance des marchandises. Cette réaction déconstruit la valeur de la marchandise en tant que tel, et expose du même coup ce que les marchandises supposent en dernier recours: l’armée, la police et les autres détachements du monopole étatique de la violence armée. Qu’est-ce qu’un policier ? Rien d’autre qu’un serviteur actif des marchandises, un homme totalement soumis aux marchandises, dont l’emploi consiste à garantir qu’un produit donné du travail humain ne reste qu’une marchandise, dotée de la propriété magique de devoir être achetée, plutôt que de n’être qu’un simple frigidaire ou un simple fusil – un objet passif, inanimé, asujetti à quiconque vient s’en servir. En faisant fi de l’humiliation d’être asujetti à la police, les noir.es rejettent du même l’humiliation qui les asujettit à la marchandise ».

– L’Internationale Situationniste, « Le Déclin et la Chute de l’Economie Spectaculaire Marchande », 1965.

Pourquoi entend-on tellement de théories complotistes portant sur cette mobilisation, ainsi que la dénonciation récurrente de prétendues « agitateurs extérieurs » ?

Les Etats-Unis sont un pays étrange. La prévalence des théories complotistes y est alarmante. Des gens qui sont en outre bien souvent en faveur du status quo croient dur comme fer à des théories vraiment impensables, ici. On peut y voir un indicateur du déclin brutal des Etats-Unis en tant que puissance. La population est désormais si phénoménalement mal-informée qu’elle ignore bien souvent les faits les plus basiques. On y trouve par exemple un nombre considérable (et en pleine croissance) de personnes qui pensent que le réchauffement climatique est un mythe, que les antifascistes sont financé.es par George Soros, et que la Terre est plate.

Par ailleurs, les gens sont tellement aliénés par leur rapport obsessif à leurs appareils électroniques qu’ielles ont du mal croire sincèrement en une quelconque réalité. Dès qu’il se produit quelque chose, iells sont pléthores à crier au trucage. L’Etat comprend bien comment profiter de cette situation. Des manifestations ont eu lieu dans plus de 150 villes; et pourtant, le gouvernement a pu prétendre que des agitateurs extérieurs ont été à l’origine des révoltes partout, bien que cela soit complètement incohérent. C’est la ligne de conduite historique de l’Etat face aux mouvements de libération afro-américains. Il y a un fondement raciste, là-dedans: l’Etat veut faire croire que la communauté noire est incapable d’accomplir quoi que ce soit sans l’assistance des blanc.hes. D’autre part, accuser des éléments « étrangers » permet à l’Etat de contester la légitimité d’un mouvement.

A l’issue des deux guerres mondiales, le FBI a mené des campagnes de terreur sans merci visant à éradiquer la gauche, les anarchistes, et tout ceux qui s’opposaient à l’ordre établi. Les générations suivantes ont donc été massivement apolitiques, avec un spectre politique bipolaire qui allait du parti démocrate au parti républicain. Les périodes de renouveau politique sont apparues de manière sporadique au cours de cette séquence, avec le mouvement anti-guerre dans les années 60, les groupuscules de lutte armée dans les années 70, le mouvement anti-mondialisation dans les années 90, et ainsi de suite: mais la plupart des américain.es ne sont pas éduqué.es à la politique comme on peut l’être dans le reste du monde. En règle générale, on nous apprend à nous positionner parmi différentes nuances de droite, avec une marge de manoeuvre sur le plan culturel, où l’on retrouve une frange « libérale » ou progressiste et une frange conservatrice. Pour l’essentiel, les gens se laissent aspirer par des discours politiques livrés clés-en-main et qui ne remettent pas en question grand chose. Dans cette perspective, on ne peut pas vraiment s’étonner de la fascination que suscitent les thèses complotistes, lesquelles participent malheureusement à maintenir les individu.es dans des situations d’isolation et de distraction, trop occupé.es à observer les arbres qui cachent la forêt.

En Europe, ce genre de manifestations émeutières ont souvent lieu dans des contextes marqués par des grèves massives. Existe-t-il des syndicats assez puissants en ce moment pour déclencher de telles grèves ?

Les syndicats américains ont généralement été dévoyés par une mentalité de droite qui leur a fait perdre toute ressemblance avec les organisations radicales qu’ils ont été. Bien sûr, des grèves sauvages dans le secteur des transports pourrait sérieusement fragiliser le pouvoir en place; mais il ne faut pas oublier que le pays était déjà dans une sorte de veille assez irréelle du fait de la quarantaine. Très peu d’employé.es se rendaient sur leurs lieux de travail, et n’était mobilisée que les segments essentiels de l’infrastructure nationale.

On a bien pu assister à des gestes de solidarité, à l’image de ces chauffeur.euses de bus qui ont refusé tout net de conduire les manifestant.es arrêté.es en prison. Mais dans l’ensemble, il faut avoir à l’esprit que les syndicats et les grèves sauvages sont des phénomènes isolés aux Etats-Unis. Dans une économie de consommation où la plupart des industries ont été automatisées, les quelques tâches manuelles restantes sont généralement effectuées par les immigré.es les plus violemment exploité.es; et dans le cas où elles seraient encore effectuées par des travailleur.euses syndiqué.es, elles seraient sûrement en passe de se voir délocaliser vers un pays dans lequel le coût du travail est plus bas. En revanche, il s’est passé une chose remarquable dans la séquence qui a précédé cette insurrection: une grève massive et coordonnée des loyers, en réponse à l’explosion du nombre de chômeur.euses, au cours de laquelle se sont développés des réseaux d’aide mutuelle gigantesques à travers tout le pays. Dans le paysage économique complexe des Etats-Unis, les grèves se construisent plus efficacement au niveau social et interpersonnel que par l’action syndicale bureaucratique.

Les déclarations de Trump qui annoncent la requalification policière des groupes anti-fascistes et anarchistes en tant qu’organisations « terroristes » vont-elles générer une aggravation de la répression ? De quelles formes de soutien pourriez-vous avoir besoin dès aujourd’hui ou dans un futur proche ?

Il est probable que la menace de définir les antifas et les anarchistes comme des terroristes s’accompagne d’un durcissement de la répression. De bien des manières, c’est un aveu de faiblesse politique, et de désespoir. Trump, Barr et toute leur clique de clowns ne s’imaginent pas sincèrement que les anarchistes seraient les seul.es responsables de ces révoltes. Mais ils ne vont pas déclarer: « nous avons assassiné et détruit les communautés afro-américaines depuis des décennies, et elles se sont justement soulevées contre l’injustice ». Dès lors, il leur faut un bouc émissaire.

L’Etat et les médias cherchent désespérément à reprendre le contrôle sur la production du récit du soulèvement, et à en détourner le sens afin de jouer sur l’opinion. Mais il s’avère très difficile de « récupérer » une insurrection décentralisée, spontanée et organique sans mettre en scène un épouvantail imaginaire qu’on pourrait charger de tous les maux. Cette réaction ne nous étonne pas outre mesure; d’ailleurs, ce n’est pas la première fois que les anarchistes sont élevés au rang d’ennemis prioritaires, dans ce pays.

Il est dès lors très probable que le mouvement soit pris pour cible. Mais nous n’avons pas peur, et personne n’est surpris. Nous avons tous.tes pris conscience de ce que les Etats-Unis sont faibles, et ne tiennent que par la terreur d’Etat. L’emprise d’un régime s’amoindrit quand les gens cessent de le craindre. La plus grande solidarité que nous pourrions demander consisterait à ce que les attaques contre les Etats-Unis ne cessent nulle part. Continuez à attaquer, jusqu’à ce que cet empire en lambeaux ne soit plus qu’un mauvais souvenir.

On sait avec certitude que plus de dix mille arrestations ont déjà eu lieu. On sait également que sont actuellement déployés non seulement les forces de police locales, mais aussi des agent.es du FBI, de l’ICE (Service des Douanes et de l’Immigration) et d’autres agences étatiques; et que tou.tes participent à la surveillance, à la traque et aux interrogatoires des manifestant.es interpellé.es. Certaines personnes sont d’ores et déjà sous le coup de longues peines de prison ferme pour avoir balancé des cocktails molotovs mal préparés: ielles ont été inculpé.es pour tentative d’homicide. Même avant que tout cela ne commence, on avait déjà vu un camarade prendre plus de dix ans de taule pour avoir lancé un cocktail dysfonctionnel sur un bâtiment fédéral.

La réaction de Trump qui se targue de restaurer « la loi et l’ordre » annonce une campagne de répression étatique contre-révolutionnaire aussi inouïe dans ses proportions que l’insurrection qui a embrasé les rues américaines. Malheureusement, les médias et les activistes sociaux-démocrates ont participé à cette campagne de désinformation ciblant les anarchistes et les antifascistes, en prétendant par exemple que la violence avait été le fait de provocateurs.rices blanc.hes. Parmi les choses les plus répugnantes qu’on a pu observer depuis l’apparition des groupes réformistes qui cherchent à s’accaparer la situation, on peut notamment citer les cas d’activistes dénonçant des émeutier.es présumé.es sur les réseaux sociaux ou allant même jusqu’à restreindre physiquement des « casseur.euses » pour les remettre à la police.

Plutôt que de voir de la solidarité dans les actes des anarchistes et des antifascistes qui participent de manière décentralisée aux émeutes, de nombreuses voix s’élèvent pour remettre en question la légitimité des affrontements avec la police en évoquant « l’opportunisme politique des agitateur.rices blanc.hes ». Parmi elles, on entend notamment les défenseur.euses privilégié.es du politiquement correct, ainsi que les « leaders » sociaux-démocrates afro-américains qui cherchent à s’attirer les faveurs de la majorité blanche. Non seulement ces accusations absurdes font écho à d’autres thèses complotistes émanant de ces groupes sociaux, mais de surcroît il est évident que les anarchistes et les antifascistes ont joué un rôle considérablement moindre dans ce front de résistance violente par rapport à d’autres populations non-blanches et prolétaires politisées de manière plus informelle mais qui ne pouvaient plus composer avec la misère quotidenne qu’on trouve aux Etats-Unis. En tant qu’anarchistes, nous rejetons en revanche tout discours nous accusant d’avoir tenté de faire de la « récupération » vis-à-vis des luttes afro-américaines. Nous serons systématiquement les complices de toute insurrection visant à mettre à mal le suprématisme blanc, plutôt que des « allié.es » qui « font leur part » bien au chaud devant leurs écrans ou dans les isoloirs.

Il se passe tellement de choses, ces jours-ci, et cela donne si peu l’impression que cela va s’arrêter, qu’il serait aisé de se laisser submerger par ce trop-plein d’information. Nous avons donc choisi d’inclure, avec ce texte, une liste de caisses de soutien, de groupes d’anti-répression, et de médias fiables racontant l’insurrection au jour le jour.

 

Bail Funds – Compilation de caisses de soutien pour les inculpé.es et de groupes d’entraide créés dans le cadre de l’insurrection actuelle.

Abolition Media Worldwide

Revolutionary Abolitionist Movement (RAM)

NYC Anarchist Black Cross

It’s Going Down

Retour sur le 1er mai 2020 : Rebâtir autre chose

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Mai 072020
 

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De la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC)

Le 1er mai dernier, comme chaque année depuis plus d’un siècle, c’était la Journée internationale des travailleuses et travailleurs. Malgré le confinement, plusieurs personnes ont pris action pour redécorer la ville. La situation peut sembler sombre, mais il y a quand même quelques points positifs malgré tout.

L’air de nos villes est plus pur qu’il ne l’a été depuis au moins un siècle. La consommation pétrolière ralentit en même temps que la production de gaz à effet de serre. Pour beaucoup de gens, le confinement forcé est un moment de revoir notre relation malsaine avec le travail dans cette société capitaliste hyperperformante et hyperproductive.

Nous nous définissons par le travail. Une des première question qu’on pose à quelqu’unE qu’on rencontre est « qu’est-ce tu fais dans’vie ? ». La droite a martelé pendant des décennies que les gens qui ne travaillaient pas étaient des parasites. Est-ce que, du jour au lendemain, toutes ces personnes confinées sont soudainement devenues des parasites ? Ou bien est-ce que la vie humaine, la vraie vie, est plus qu’une somme de « métros-boulots-dodos » ?

Nous saluons les personnes qui aident leur prochainE, qui combattent le virus, directement ou indirectement. Combien de personnes qui, hier seulement, étaient méprisées, se trouvent maintenant en première ligne. Parlons du milieu de la santé par exemple. La crise actuelle accentue le caractère essentiel du travail des infimières et des infirmiers et des préposéEs aux bénéficiaires. Les médias les rangent dans la catégorie des anges. Mais la reconnaissance de l’opionion publique ne suffit pas, il faut que cette reconnaissance s’étende de manière effective dans leurs conditions de travail. Combien sont-ielles à faire du temps supplémentaire obligatoire, à travailler parfois 16h par jour et à recommencer ce manège infernal le lendemain? La fatigue s’accumule, les risques augmentent. Tout ça pue l’exploitation. Et pour couronner le tout, le système les  baillonne lorsqu’ielles veulent dénoncer.

Au beau milieu de tout ça, des milliers de personnes sans internet, sans contact, sans support. Sans-abris, prisonnières, sans statut, sans oublier les personnes qui ont de la difficulté à rester confinées chez elles à cause des conditions d’insalubrité de leur logement. Toutes les personnes coincées entre deux frontières, ici ou ailleurs. Toutes des témoins anonymes, parce que personne ne les écoute, personne ne les voit. Grève des loyers, grève de la faim …

Tout ce chaos, simplement parce qu’une poignée de riches imbéciles tenaient mordicus à prendre leurs vacances au loin, à faire des croisières, à brûler le peu qui nous reste d’écosystème. Le bateau coule, et ce sont toujours les mêmes qui écopent. La crise n’est pas finie qu’on parle déjà de reconstruire : des aéroports, des pipelines, des bateaux. Et bien nous on dit : Basta ! S’il faut reconstruire, soit, mais nous travaillerons à rebâtir autre chose. Que le monde capitaliste brûle, nous serons l’étincelle!

Nous vous posons donc la question. Dans les prochains mois, est-ce que vous travaillerez vous aussi à bâtir des solutions nouvelles ? Ou bien est-ce que vous allez travailler à maintenir le vieux problème en vie ? 

Merci à ceux et celles qui ont fait vivre ce premier mai. 

Les photos soumises sont disponibles à https://clac-montreal.net/node/750

 

La crise intérieure

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Mai 062020
 

De La Mauvaise Herbe

Introduction : une vue par la fenêtre

Les rues sont vides avec le retour du printemps. Le dude dans son VUS fait des U-turn sur un feu rouge à l’intersection. Une game de football se joue au milieu d’une rue passante à 4 heures de l’après-midi. La police passe 15 minutes plus tard, mais les joueurs-ses se sont déjà dispersé-e-s. Une majorité s’est cloîtrée en dedans.

La ville se remplit aussi. Lorsque je sors marcher le matin tôt ou tard le soir je rencontre des mouffettes et des ratons laveurs. Elles se promènent au milieu des rues. Les outardes se posent sur les berges habituellement bondées d’humain-e-s du fleuve, et transitent par les plans d’eau des parcs vides. La ligne d’horizon de l’autoroute est calme, peu de chars s’y promènent. La tranquillité prend place. Les oiseaux nidifient un peu partout. Les premières fleurs et les mauvaises herbes poussent et personne n’en fait l’entretient paysager. C’est beau. L’espace et la vie reprennent leurs droits innés le temps d’une pause.

Mes ami-e-s qui travaillent dans le système de santé sont déprimés. Certains voient leur clientèle en CHSLD se laisser mourir d’ennui quand ce n’est pas du virus. Les truckers, travailleurs agricoles et préposées aux bénéficiaires sont soudainement vus comme des « personnes importantes ». Tout le monde capote un peu sur l’effondrement économique et l’incertitude. Le besoin de socialiser et d’avoir des contacts humains chaleureux ronge chaque jour un peu plus.

La vie telle que structurée par le capital perd son sens. D’une part le mantra infantilisant et insignifiant du « tout va bien aller / on va revenir à la normale ». De l’autre l’évidence que le « normal » d’après ne sera pas plus intéressant que celui d’avant. Les optimistes espèrent une réorganisation égalitaire de la société et les pessimistes s’effacent le long des murs. Les autoritaires jubilent.

Bref, pour une première fois depuis 2012, j’ai l’impression que le pays entier partage mon expérience de déconnexion d’avec le réel qui a suivi la grève étudiante. Je m’en réjouis parfois. C’est bien lugubre de tirer plaisir d’un trauma infligé à autrui. Dans le chaos émotionnel qui a suivi cette expérience, j’ai appris à guérir des blessures quotidiennes. La situation actuelle me ramène à ces considérations pratico-pratique. Appeler les ami-e-s régulièrement pour prendre des nouvelles et s’assurer que tout le monde a de l’espace pour lâcher un peu de vapeur. Écrire chaque jour. M’occuper des chats. Travailler à des projets significatifs. La nature invisible et hasardeuse de la crise ramène à l’essentiel : les émotions, les situations difficiles, les engagements, le care mutuel. En même temps cette intangibilité de la peur et de la maladie pousse à essayer de comprendre comment c’est arrivé.

Chercher une réponse absolue ou transcendante est absurde : la maladie n’est pas une question. Ce que je propose à qui lira ce texte est une analyse, sur le vif, des paramètres dans lesquels « nous », le nous du vécu COVID, avons un pouvoir d’action sur la pandémie et la suite des choses. Je n’y traite pas particulièrement de la maladie. L’argument proposé est que la crise actuelle est politique, non-exceptionnelle. Le texte s’articule entre l’intérieur, le pouvoir d’action que chacun-e possède, et l’extérieur, les circonstances. Premièrement une analyse des conditions d’émergence de la pandémie. Puis définition du Biopouvoir comme moteur de la logique sécuritaire. Ensuite un survol des conséquences évidentes de la crise. Finalement, je propose mes opinions contre les lectures « transcendantes » ou absolues de la situation.

L’extérieur : la nature et ses jeux de hasard.

Les études scientifiques sur les origines de la supposée crise du COVID-19 sont assez unanimes. La dégradation des écosystèmes par l’humanité et leur interconnexion génère ponctuellement des pandémies. C’est au sein de cette matrice qui fragilise l’écologie de la planète, interconnectée et débalancée, que l’anthropocène1 et le capital imposent leur nature, celle d’une crise économique récurrente. Transposée à la vie en son ensemble, elle en accroît l’instabilité de jour en jour.

Ces études ne datent pas d’hier. Dès 2008, des scientifiques comme Kato Jones ont étudié jusqu’à 335 maladies importantes et dangereuses du 20ème siècle. 60% au moins se sont transmises aux humains à partir de populations animales.2

« these zoonotic diseases are linked to environmental change and human behaviour. The disruption of pristine forests driven by logging, mining, road building through remote places, rapid urbanisation and population growth is bringing people into closer contact with animal species they may never have been near before […]. »3

Des résumés d’articles scientifiques des années 2010 à 2015 font la synthèse du phénomène bien connu des valeurs de la biodiversité et de la santé environnementale comme barrière contre la propagation.

« A critical example is a developing model of infectious disease that shows that most epidemics — AIDS, Ebola, West Nile, SARS, Lyme disease and hundreds more that have occurred over the last several decades — don’t just happen. They are a result of things people do to nature. […] Teams of veterinarians and conservation biologists are in the midst of a global effort with medical doctors and epidemiologists to understand the “ecology of disease.” »4

Un organisme infectieux, sorti de son contexte dans lequel il joue un rôle balancé, devient un facteur de débalancement. Boucar Diouf, scientifique à ses heures, expliquait l’utilité des virus sur les ondes de Radio-Canada ; « Un virus c’est un ancêtre — on les retrouve beaucoup en milieu océanique. 10% de l’ADN humain vient des virus […] Dans le milieu marin, quand les ressources sont limitées, les virus s’attaquent à l’espèce qui est dominante qui s’approprie toutes les ressources »5. Des biologistes affiliés à l’Université de Montpellier faisaient récemment paraître des articles de vulgarisation sur le sujet, « Les hasards variables des émergences virales ». Parmi les facteurs d’émergence et de propagation des virus,

« On peut citer l’urbanisation, l’élevage intensif, la forte mobilité (en particulier de la main d’œuvre industrielle) et la dégradation des infrastructures de santé. […] Toutefois, à mesure que les politiques de santé publique et l’immunité des populations feront refluer l’épidémie, le rôle du hasard redeviendra clé. Ainsi, le temps avant l’extinction certaine de l’épidémie peut fluctuer énormément, mettant en jeu de nombreux processus, tel que l’hétérogénéité des populations »6

Cette hétérogénéité joue dans un premier temps un rôle protecteur : plus les virus rencontrent des hôtes potentiels différents (comme dans un écosystème diversifié), moins ils sont susceptibles de se développer.

« En règle générale, l’hétérogénéité, quelle que soit sa source (des hôtes, des réseaux de contacts, des infections), joue contre le risque d’émergence.

Dans ce cadre deux facteurs liés à la transmission sont déterminants. Ces facteurs jouent sur la propagation. Le premier est la variabilité du temps de génération, c’est-à-dire le temps moyen entre le début d’une infection et le début des infections secondaires qu’elle engendre. Plus ce temps de génération est variable, plus la probabilité d’extinction est élevée. »7

Par la suite, une fois le virus implanté dans une population hôte,

« L’hétérogénéité des contacts, que ce soit pour le transport international ou entre les individus a tendance à accélérer la propagation. Le terme de « contact » est utilisé ici de manière relativement opérationnelle et abstraite. On désigne ainsi toute voie de transmission du virus d’un hôte à un autre. Les variations du nombre de ces contacts entre personnes peuvent avoir plusieurs origines : distance parcourue dans la journée, nombre de personnes rencontrées, comportement (s’embrasser, serrer la main), biologique… »8

Plusieurs organismes de recherche, comme les Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), en France, penchent eux aussi sur cette piste pour expliquer l’origine de la crise actuelle. L’élevage intensif ou encore le braconnage9 sont montrés du doigt. Le H1N1 était originaire de méga-fermes d’élevage et le COVID pourrait l’être. Sur la liste des accusés figurent les tests laboratoires sur des animaux, l’agriculture de masse, les chauves-souris et le trafic de pangolins braconnés10. Quoi qu’il en soit, l’origine exacte de cette transmission a peu d’importance, à partir du moment où l’on comprend les dynamiques de propagation des maladies dans les écosystèmes.

Interconnexions : une « crise » du biopouvoir.

En quoi cette crise est elle différente? Le virus est moins dévastateur que la malaria, la variole, la polio, le choléra, la tuberculose, la syphilis, la grippe espagnole, la scarlatine, la rougeole, la peste noire et bubonique. Pour aucune de ces pandémies, qui ont parfois duré sur plus d’un siècle et décimé jusqu’à 30 ou 50% de la population européenne, n’avait-on « fermé l’économie ». La raison est plutôt simple : personne ne contrôlait la société et l’économie. Les classes sociales, autonomes, ont continué à fonctionner et à s’adapter. Tout le monde a fait, dans le chaos, ce qui semblait raisonnable.

Si d’un point de vue environnemental la crise était prévisible et que son taux de mortalité est relativement bas, pourquoi la réaction est-elle forte? C’est du côté de la gestion des risques qu’il faut chercher la réponse, dans la culture de la sécurité. Dans la peur intime de mourir et les réponses sociétales qui y sont données.

La « gestion du risque » des maladies n’existait pas avant le 20ème siècle. C’est une forme de pouvoir, le biopouvoir, qui date de la fin du 19ème. Les amateur-trice-s de Foucault se référeront à ses écrits pour définir le concept et ses liens avec le contrôle, les asiles et les prisons à partir du 18ème siècle11. Foucault décrit le biopouvoir comme celui de faire vivre et de laisser mourir qui apparaît avec l’État moderne. Le concept tire ses racines des liens longtemps négligés entre les substances, l’environnement, le savoir et les corps. Avant l’État moderne, contrôler les détails de la mort n’était pas une priorité : prier adéquatement pour son salut était un enjeu beaucoup plus criant. Les choses changent dès le 18ème.

Un objet de définition intéressant de la notion serait sans-doute deux des crises biopolitiques qui ont accompagné la formation des états européens modernes, soit la colonisation des Amériques et la chasse aux sorcières. Alors que les peuples autochtones vivaient l’extermination via la guerre bactériologique et physique, dans le but de les déraciner de leurs écosystèmes et de les rendre exploitables, les européens ont opéré un pillage systématique de la pharmacopée autochtone, dont la quinine12 pour se prémunir des maladies du « nouveau-monde ». Ces nouveaux outils de traitement des fièvres ont pavé la voie à l’apparition de la médecine contemporaine. Tout comme l’a fait le massacre des guérisseuses de « l’Europe » ancienne, sorcières, sages femmes, ramancheux et autres magiciens13. Les deux phénomènes sont contemporains. Sans la colonisation des savoirs autochtone, l’apparition des composantes de synthèse n’aurait pas été possible. 14 Pas de réduction du risque en médecine contemporaine, médecine qui a imposé son autorité en partenariat avec l’État et l’Église.

Le triomphe de cette logique rend possible la standardisation des corps biologiques. Le désir n’est pas nouveau, mais les motivations changent. Au lieu de massacrer au nom du salut des âmes, comme au Moyen-âge et au début de l’époque moderne, le pouvoir standardise les corps au nom d’idéologies scientifiques. Par exemple, lors de la crise du VIH/SIDA, les corps des personnes LGBTQ et des diversités avaient violemment étés projetés sur la scène comme boucs-émissaires des politiques publiques. Les corps des travailleuses du sexe ont longtemps été stigmatisés dans la transmission de la syphilis au lieu de parler du système des bordels, des classes sociales et du rôle colonial des armées. Les ouvrier-ère-s ont été pointés du doigt dans les crises de tuberculose car ils-elles subissaient les conditions de l’industrialisation. La diversité est sacrifiée par la modernité triomphante. Cette dernière préfère laisser mourir les corps qu’elle ne contrôle pas au lieu de tuer les corps dissidents. Quoique ce ne soit pas mutuellement exclusif. C’est là le cœur du pouvoir des filets sociaux.

Le rapport moderne au biopouvoir, celui de faire vivre et laisser mourir, règne maintenant. En opposition aux conceptions antiques du pouvoir de laisser vivre et faire mourir.

Gouverner, normaliser, réprimer.

Dès le 1er avril, et ce n’était pas une blague, plusieurs médias titrent que le « monde est confronté à sa pire crise depuis 1945 ».15 N’en déplaise aux millions de morts parfaitement évitables que l’économie, la guerre, les inégalités, les changements climatiques, la famine, la pollution, etc. causent chaque année. « We keep hearing that this is a war. Is it really? What helps to give the current crisis its wartime feel is the apparent absence of normal political argument ».16 L’argument : l’état manifeste encore une fois sa nature, celle du Léviathan 17.

« In a democracy we tend to think of politics as a contest between different parties for our support. We focus on the who and the what of political life: who is after our votes, what they are offering us, who stands to benefit. We see elections as the way to settle these arguments. But the bigger questions in any democracy are always about the how: how will governments exercise the extraordinary powers we give them? And how will we respond when they do? […]

As Hobbes knew, to exercise political rule is to have the power of life and death over citizens. The only reason we would possibly give anyone that power is because we believe it is the price we pay for our collective safety. But it also means that we are entrusting life-and-death decisions to people we cannot ultimately control. » 18

Dans ce contexte il existe un seul et grand risque : que les sujets décident de ne pas coopérer. Soit la coopération est forcée, soit la politique s’écroule sur elle-même. Pour rendre le dilemme acceptable les gouvernements maquillent leurs impératifs sous un vernis de « gros bon sens » paternaliste : Legault et ses ministres se comportent en « mononcles » bienveillants, qui ne toléreront pas la dissidence des corps et des esprits. « Enweye chez vous! »

« Under a lockdown, democracies reveal what they have in common with other political regimes: here too politics is ultimately about power and order. […]. It is not that democracies are nicer, kinder, gentler places. They may try to be, but in the end that doesn’t last. »19

En ce sens la réponse au COVID des démocraties s’accorde lentement avec celles des régimes autoritaires. Et la réaction de la population ne diffère pas : Legault bénéficie d’un taux d’approbation Nord-Coréen, de plus de 90%, malgré sa gestion douteuse.20 On vit une quarantaine à deux vitesse où les travailleur-se-s sont traité-e-s comme des soldats envoyés au front pendant que les classes dominantes se paient le luxe du télétravail.

« Rendu là, ce ne sont pas des anges gardiens, c’est de la chair à canon. Mais bon, quand on se compare à des pays qui font pires, on se console… de ne pas avoir encore totalement démoli notre service public. (Je dis encore, parce que surveillez bien les mesures d’austérité qui s’en viennent. « La crise nous a coûté cher. Il faut maintenant se serrer la ceinture », déclarera peut-être bientôt Legault, réélu majoritaire à vie.) […]. » 21

Un tour d’horizon rapide des mesures locales et à l’international permet de mieux comprendre que l’enjeu, partout autour du monde, est le même.

Dans la surveillance maniaque des parcs de la ville par le SPVQ22, l’explosion des cas de délation23, l’utilisation du Big Data24 dans la surveillance25, les appareils individuels et la surveillance publique26, les enjeux de sondages de gouvernance27, la suspension des droits collectifs, l’état d’urgence déclaré, les répressions policières qui ont suivi, il s’agit de maintenir cette capacité à gouverner.

Les hiérarchies s’appliquent à la gouvernance. Plus les corps sont non-conformes à l’idéal dominant, plus ils sont marginalisés. Les prisons sont des lieux négligés et le système carcéral impose de doubles peines aux corps criminalisés, majoritairement autochtones, racisés ou vieillissants.28 Le droit à l’avortement est réduit29. Les descentes policières (sans mandats) ciblent les punks, étudiants30 et autres marginaux habituels. Les itinérants sont touchés de façon disproportionnée. Le directeur de la santé publique a même déclaré que  « la monogamie est préférable ces temps-ci »… mentalité où le foyer doit correspondre à la famille traditionnelle. Une analyse a circulé sur les médias sociaux :

« Au Québec, les rassemblements de «deux ou plus» sont illégaux, mais le foyer fait exception à cette règle. Ainsi, les personnes qui vivent avec leur famille peuvent passer autant de temps qu’elles le souhaitent avec elle, mais les personnes qui choisissent de voir en personne des membres de leur famille, des partenaires, des amis ou des proches avec une approche de réduction des risques peuvent être criminalisées. […]

Les queers sont des précurseur·e·s en matière de réduction des risques. En raison de l’histoire du VIH et du sida, les queers savent comment vivre et aimer dans des moments comme celui-ci. Les queers savent qu’il faut réduire les risques tout en respectant nos cultures, nos joies et nos amours. » 31

Ce rôle accru de l’état policier ne va pas sans une certaine inquiétude, même auprès des secteurs de la société civile habituellement dociles.

« Des experts en criminologie et en droit n’adhèrent pas à la croyance populaire voulant que les citoyens se sentiront plus en sécurité si la police a le pouvoir d’imposer de lourdes amendes […] Ils soutiennent plutôt que les directives des autorités de la santé publique ne sont pas claires, et que la manière dont elles sont appliquées est contre-productive — en plus de faire oublier l’échec de l’État à mieux se préparer à cette grande pandémie. Par ailleurs, les lourdes amendes affectent de manière disproportionnée les plus démunis, les personnes racisées et les communautés marginalisées — qui peuvent en plus être victimes d’abus de pouvoir des policiers, voire de profilage. » 32

Big news. Aux États-Unis la mortalité sévit en plus grande proportion dans les communautés racisées. 33 Les prisons sont aussi un espace de vulnérabilité, et de nombreuses émeutes y éclatent durant la pandémie, de même que des initiatives réclamant un traitement sanitaire adéquat.34 Les mouvements sociaux réclamant une plus grande égalité et une gouvernance transparente sont victimes de la pandémie. Au Chili comme en Algérie, des mouvements sociaux forts et résilients ont été matés sous prétexte de l’état d’urgence ou de catastrophe.35 En France, au moins une ZAD est expulsée et brûlée par les autorités.36 L’espace autogéré défendait une réserve d’eau douce, une ferme bio (qui a elle aussi été incendiée par les autorités) et une zone de préservation naturelle contre la construction d’un port de plaisance pour les bourgeois.

Au-delà d’une attitude répressive globalisée, 2 axes majeurs se démarquent. Le premier est l’utilisation systématique du Big data. Dès le début de la pandémie, la Chine a mis à profit son expertise dans les technologies de surveillance pour collecter des informations sur ses citoyens et les organiser en banques de données (température corporelle prise à distance, mise en relation avec le nom de l’individu, sa famille et leurs déplacements, etc.). Ceci rend la traque des corps potentiellement déviants extrêmement efficace et dissipe toute illusion de vie privée.37 Ces technologies sont utilisées partout dans le monde, de Hong Kong38 à la Corée du Sud au Japon en passant par l’union Européenne39. Notamment, les connexions Bluetooth des appareils portables servent à traquer les données corporelles, sociales et géographiques. Les firmes de technologies

« […] are the long-term beneficiaries of this crisis; not just smaller firms like Zoom, but also the big players such as Google, Apple, Facebook and Paypal, and not just American companies, but also Chinese. […] We could also potentially see more government use of surveillance […] This is nothing new, it only compounds and accelerates forces that have been at play for many years. Moving forward, it will affect not just our ability to hide from the camera, but also determine our socio-political rights. […]
Digital technology makes it possible to create subtle police states whereby state control is not as obvious as it might have been as citizens might voluntarily offer private data in hope the state can provide security. »40

Ce besoin de sécurité passe d’ores et déjà par le secteur privé : de plus en plus de compagnies sont responsable du développement technologique des états.41

Le second est un usage généralisé de l’armée et de la police. Certains régimes sont moins subtils que d’autres. L’Inde donne les pleins pouvoirs aux corps de police. De nombreux articles déplorent la crise des droits humains que cette répression engendre auprès des populations de travailleurs migrants du « Sud global » et des personnes précaires en général42, notamment en Afrique du Sud, Rwanda, Zimbabwe et aux Philippines, des états autoritaires. En Israël la situation est bien sûr prétexte à un apartheid durci.43 Elle engendre de sérieuses crises du pouvoir dans des régimes comme celui du Kenya. Le président y a même eu à s’excuser44; un enfant a été abattu par balle, plusieurs blessés graves… Ces situations engendrent rapidement un état « d’ingouvernabilité ».45 Par exemple, en Côte d’Ivoire, des manifestants ont détruit un centre de tests du COVID de peur que ce dernier ne serve à exposer les malades.46

Là où l’État a une confiance absolue en sa capacité de gérer, le COVID n’existe pas; la glorieuse république Nord Coréenne est le seul pays non-affecté.47 Blague à part, ce n’est qu’un exemple de comment le traitement de la « crise » fait miroir au pouvoir. Si ce dernier est déconnecté d’avec la réalité, la COVID n’a pas cours. Inversement, là où l’État est en faillite, des autorités « illégitimes » organisent les mesures de confinement. Dès le mois de mars, plusieurs gangs armés au Brésil ont pris sur eux d’imposer un couvre-feu en envoyant des menaces dans les boîtes aux lettres des Favelas.48

Les cas de la Suède et de la Belgique, qui font bande à part, montrent bien qu’une démocratie libérale peut choisir de ne pas réprimer outre mesure. La Belgique est une « démocratie en échec », avec 9 gouvernements provinciaux et un gouvernement central dysfonctionnel. Le système de santé y est en bon état. Le pays a très bien géré la crise par rapport à ses voisins, en faisant appel au flegme et à l’autodiscipline de la population.

« It also allowed people some time outdoors, which appears to have been more successful than in some countries which imposed a full lockdown. This could be partly because allowing people to go out and exercise or walk responsibly is not only good for their health, but also gives them the chance to let off some steam, enabling them to stick to the other restrictions with greater ease. » 49

En Suède le gouvernement a choisi de ne pas imposer de confinement complet et fait confiance à son système de santé, aux expert-e-s de santé publique et au bon sens de la population.50 La stratégie impose un stress considérable sur le système de santé et le pays connaît son lot de difficultés et de mortalité, mais rien de dramatiquement différent d’ailleurs. Sa gestion de la crise est toutefois durement critiquée à l’international, dans une rhétorique de normalisation de la répression de la part des autres états51.

La crise et l’écologie dominante

Tôt dans cette histoire (début avril), on constate : les observatoires d’émission des GES52 annoncent la plus grande diminution dans la pollution atmosphérique depuis la deuxième guerre mondiale. De l’ordre de 5%. La première depuis celle de la crise financière de 2008 (de 1.4%).53 En février 2020, ceci semblait encore impensable : le frein d’urgence de la machine capitaliste peut être tiré volontairement. Il serait alors assez facile de penser que cette crise du COVID, aux origines environnementales, recevra un traitement spécialement axé sur les défis écologiques.

Les partisan-e-s d’une réforme institutionnelle & verte des modes de production en profitent pour faire valoir leurs points de vue. 54 Si les autorités traitaient la crise environnementale avec le même sérieux les changements climatiques seraient vite maîtrisés. Le discours environnementaliste fait son chemin dans les médias avec le COVID. Des scientifiques et des environnementalistes répondent avec l’autorité habituelle. « La crise actuelle est l’occasion d’adopter une approche interdisciplinaire des enjeux de santé publique, affirme Hélène Carabin ».55 Diverses initiatives et organisations de « monitoring » de ces menaces potentielles se sont mises en place.56 Les autorités cherchent des solutions positives :

« Cela veut dire aussi repenser notre consommation alimentaire, ce qui ne pourra se faire qu’en réduisant les inégalités économiques afin d’assurer aux plus pauvres l’accès à une alimentation saine. Les services de santé publique y gagneront, car ils ne feront plus face à l’explosion des maladies non communicables, comme le diabète et l’obésité. Les résistances seront fortes de la part des grands groupes de l’agro-industrie, de la distribution et des transports. Mais notre santé et celle de la planète doivent passer avant la santé des marchés financiers »57

On fait la chasse aux défauts du capitalisme dans les médias habituellement complaisants-mais-critiques :

« Certaines éclosions ont vraiment été liées à une plus grande intensité de la chasse illégale, notamment pour la viande de singe » […]. Pourquoi les gens vendent des animaux sauvages dans les marchés, demande-t-elle ? Parce qu’il y a 800 millions de personnes qui vivent de l’insécurité alimentaire dans le monde. Cette réalité n’est pas la nôtre, mais nous touche quand même, dit Mme Aenishaenslin, qui estime que la pandémie actuelle doit être l’occasion de réfléchir à « notre responsabilité collective ». 58

Tsé, parce-que chasser des animaux sauvages pour vivre c’est ce que les pauvres désemparés font. Mais seulement pour se sortir des affres du marché-financier-méchant. Cette vision terriblement condescendante, coloniale et raciste du monde préside à l’analyse environnementale de la présente crise, qu’elle soit de gauche ou de droite. Cette vision de l’écologie dominante sabote toute chance de passer à une autre logique après la crise.

L’écologie dominante reproduit les inégalités et les oppressions : les corps migrants, marginalisés, criminalisés, racisés, etc., ne font pas partie des priorités face aux enjeux environnementaux. Les médias regorgent d’appels écolos-nationalistes à la consommation responsable et locale. Pendant ce temps la chasse à l’oie du printemps et la pêche au saumon du début de l’été se voient grandement compromises sur les territoires traditionnels non-cédés d’Amérique du Nord. La construction du Pipeline Coastal Gaslink se continue sur les territoires Unist’ot’en, Gidimt’en & Lihkts’amisyu, en dépit des actions politiques précédant la pandémie. Partout en Amérique du Nord, les populations autochtones sont d’ailleurs plus à risque de souffrir de la pandémie.59 Les migrant-e-s irrégulier-ère-s qui fuient les États-Unis, notamment par le chemin Roxam au Québec, sont renvoyés au Sud sans considération. Des travailleur-se-s saisonniers « étrangers » dont l’agriculture « locale » dépend, environ 16 000 risquent de manquer à l’appel ou d’être surexploité-e-s au Québec. Ces enjeux de colonisation et de déplacement des populations ne sont pas traités comme faisant partie de la crise environnementale par les autorités « vertes ». Le gouvernement annonce pourtant une aide financière de 100$ par semaine en plus des prestations fédérales pour convaincre les blancs au chômage d’aller faire du 60h semaine aux champs. La bonne blague, j’ai hâte de voir ça. La réalité c’est que les médecins spécialistes vont « prêter main forte » dans les CHSLD à 211$ de l’heure pendant que les marginalisé-e-s vont être mis-e-s de côté.

Relance verte ou pas de l’économie, la rupture entre le monde et ses habitant-e-s, dépossédé-e-s et aliéné-e-s par les conditions matérielles de leur existence, ne changera pas. De façon concertée, écolos corrompus, patrons, syndicats, la crew habituelle, préparent l’oppression de demain :

« Une quinzaine d’acteurs socio-économiques aux horizons divers (et parfois divergents) ont ainsi choisi de parler d’une même voix pour «nourrir la réflexion du gouvernement». On y retrouve Conseil du Patronat, FTQ, Fondation David Suzuki, urbanistes, écologistes, économistes, militants de l’habitation et de l’économie sociale, etc. […]
«Une alliance pour une économie verte, un développement durable et des mesures inclusives qui vont servir au plus grand nombre possible», décrit Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat ». […]
Pour peu, on croirait que le Conseil du patronat (et les autres signataires) viennent d’embrasser le programme intégral de Québec Solidaire. » 60

La droite propose, sans surprise, d’égorger des pauvres et la planète pour créer de la richesse après la crise.

« Les gouvernements vont chercher à stabiliser leurs économies nationales et à équilibrer leurs budgets respectifs en renforçant certains secteurs économiques dits « stratégiques » [Via] un plan de sauvetage de l’industrie pétrolière et gazière canadienne, ainsi qu’un projet de règlement qui permettrait d’éliminer les évaluations environnementales exigées pour les forages d’exploration pétrolière et gazière à l’est de Terre-Neuve. » 61

De façon tout aussi prévisible, la gauche demande d’inclure dans la marche triomphante du progrès un plus grand nombre. Notamment l’IRIS se positionne contre une démondialisation qui « signifie revenir à une forme de capitalisme néo-national, autoritaire et protectionniste ».62 L’IRIS prêche plutôt pour une reprise axée sur « la création, […] d’espaces et d’institutions alternatives décentralisées. Ces institutions pourront redonner aux communautés, au niveau local de la municipalité et dans les régions dévitalisées de la périphérie, les conditions de leur autonomie et de leur autogouvernement politique et économique ». Une pure fiction, basée sur une relecture du municipalisme libertaire de Bookchin.63 Quelles institutions décentralisées autonomes? Les municipalités noyautées par des familles riches locales, ou bien la section locale de l’UPA qui défend les gros agriculteurs? La crise provoque un repli sur soi chez certains gauchistes, c’en est pathétique.

Le repli sur le communautaire et une pratique de santé locale et forte semble se dégager dans les idées valorisées pour « l’après ».64 L’accent est mis sur l’autosuffisance en médicaments et équipements, l’arrêt de la mobilité des travailleur-se-s du système de santé et d’une utilisation accrue des technologies de dépistage.65 Pendant ce temps, et parfois dans des conditions extrêmes, les travailleur-se-s doivent gérer les cadavres, les traumas et les ratés. Plus les inégalités sont pesantes, plus l’écart de traitement s’accentue. On voit l’effet de cette disparité dans les CHSLD du Québec. Dans les morgues temporaires de New-York, les chômeurs-ses gèrent les matières fécales et le sang des cadavres parfois non-identifiés que le système public recrache.66

Une crise intérieure : deuil et biopolitique radicale?

« « Angoisses, dépressions, insomnies, troubles cognitifs, ça, on va en avoir », prédit le psychiatre Serge Hefez ».67 Une analyse plus pertinente pour aborder le sujet de l’après COVID est probablement celle du deuil. Elle apparaît relativement tôt dans la crise, dans des cercles qui n’ont rien de radicaux.68 La perte de la normalité, de la sécurité, de l’anticipation d’un futur, etc., sont identifiés par une légion de psys et de professionnels de la santé mentale.

Les étapes du deuil (déni : ça va bien aller, colère : pourquoi?!?!?, négociation : si je respecte la distanciation sociale ce sera correct, tristesse : shit c’est dur, résilience : ok, ça va faire mal. Et après?)69 assomment le temps de se faire passer les mesures gouvernementales. Tout comme elles neutralisent les mouvements sociaux après une vague de répression policière.

Les réponses fonctionnelles résident dans le laisser-aller, la compassion, la capacité à nommer et partager ses émotions, la rage et l’entraide. La particularité de la crise actuelle est que ce deuil semble maintenant quasi-planétaire. Heureusement une majorité d’humain-e-s gardera la tête sur les épaules et se concentrera sur la résilience à travers une pratique de stabilisation du quotidien.70 Comment ces stabilisations se transféreront dans le monde « d’après » est selon moi l’enjeu majeur.

C’est dans cette veine que plusieurs soi-disant radicaux vont se servir de ce prétexte, de ces sentiments et traumas, pour appeler à leur version de la révolution. Un certain « Monologue du virus » a beaucoup circulé à l’international, pseudo-écolo, pseudo oppositionnel avec le « système », parlant des virus au « nous »… Quelques points sont bien sûr parlants, qui dénoncent la destruction des mondes au profit du monde homogène, un classique discours de gauche -et de droite- radicale. Ce monologue reste une tirade moralisatrice s’adressant à un « vous » creux et vide.

« Vous ne vous prépareriez pas à mourir comme des mouches abandonnées dans l’eau de votre civilisation sucrée. Si vous n’aviez rendu vos milieux si vides, si transparents, si abstraits, croyez bien que je ne me déplacerais pas à la vitesse d’un aéronef. Je ne viens qu’exécuter la sanction que vous avez depuis longtemps prononcée contre vous-mêmes. » 71

Couplé à quelques dénonciations de l’impérialisme britannique et à des appels contre l’autoritarisme, le texte prétend éveiller à un dilemme criant entre « l’économie ou la vie », à une éthique du care mutuel contre la peur totalitaire. Le capitalisme s’accommode très bien des injonctions au care. L’opposition entre la nécessité de vivre et la destruction du monde ne date pas d’hier. À chaque tournant de l’histoire quelques révolutionnaires se réveillent un bon matin avec la vision « nouvelle » de vivre dans l’horreur d’une grande boucherie planétaire.

De l’autre côté de la radicalité, les néo-nazis et extrémistes-de-droite-écolos profitent de la situation pour grossir leurs rangs. Ces groupes sont à l’œuvre pour blâmer la crise sur le dos de la diversité humaine, du sentiment d’inclusion et d’une « régénération » de la nature :

« Self-righteously deeming it some sort of divine intervention, they imply that the massive loss of life and our collective grief over those lost lives are somehow worth it for the sake of the planet, or even necessary. This pandemic has helped to facilitate the development and worsening of trauma and grief in entire communities, and rhetoric that frames this as a blessing for those who deserve to live here and a penalty for those seen as unworthy is not only deeply insensitive, but dangerous. »72

Dans un délire où « les plus forts » s’adaptent, les fascistes présentent une multitude de lectures de la crise justifiant la répression, la démonstration de force et le repli sur une supposée communauté organique. 73 En choisissant une rhétorique mythique où les problèmes du colonialisme et de la destruction de la nature seraient réglés par un retour au terroir et à la localité, une porte est ouverte pour l’engouffrement de l’extrême droite vers le pouvoir. Ce nanan est repris à travers un grand nombre d’instances. Des délires naissent où une alliance entre Hydro-Québec et les fermes bio pourraient rendre la province indépendante en nourriture74. J’ai l’impression d’entendre une soutane qui prêche le retour à la terre des braves cultivateurs subventionnés par des bâtisseurs de barrages génocidaires d’autochtones avec une assemblée de libéraux qui applaudissent. Ça donne froid dans le dos.

Ces réponses mystiques à la non-question du COVID se nourrissent d’un sentiment bien réel. Des expériences traumatiques naissent un sens du recommencement. Le deuil crée une expérience collective qui change le monde pour en faire un « nous », diffus et complexe, comme celui qui suit l’histoire avec grand H. Le fascisme s’est enraciné dans le « nous » des tranchées d’après 1918, auprès des soldats laissés pour compte. Ils se sont réfugiés dans une interprétation politique de la masculinité et de la démonstration de force.

Partout où « nous » (le nous de l’expérience commune du COVID) irons, « nous » pourrons parler et ouvrir des espaces de vulnérabilité. La vulnérabilité partagée est le terreau fertile de la guérison et de la solidarité. Mais sa contrepartie est tout aussi vraie : les personnes qui vivront ce deuil comme une réclusion sur leurs pires sentiments, des relations abusives, des « powertrips », retourneront les projeter sur le monde. Avec un « nous » bien différent : celui des vertueux qui sont restés à la maison, qui ont lavé leur bout de trottoir, qui ont dénoncé leurs voisin-e-s. Qui ont eu raison. Dans cette logique, le pouvoir d’action demeure dans la capacité à se mobiliser sur les réseaux relationnels, familiaux, d’ami-e-s… mais surtout pour soi-même, afin de garder les idées claires. Et sans tomber dans le prosélytisme politique. Personne ne guérit d’un trauma en recevant de la propagande anarchiste par la tête. Mais la capacité d’entraide et d’écoute demeure salvatrice. À ce niveau, se détacher de ce « nous » constitue également une preuve de santé mentale. Le dialogue n’est pas une fusion avec les idées des voisin-e-s, c’est justement le processus d’échange dans la différence qui permet de guérir.

Les petits événements de l’oppression et de la terreur quotidienne, qui constituent les « races », les genres et les classes sociales, risquent d’être effacés au profit des idéologies et de leurs dogmes. C’est pourquoi la production d’un discours critique, individuel, axé sur l’analyse des enjeux de pouvoir quotidiens demeure essentielle. Plusieurs au sein de la gauche parlent de garder les critiques pour « après » afin de favoriser la cohésion sociale, de tout donner maintenant dans une éthique de la coopération communautaire. C’est une grave erreur. En plus de laisser le champ libre à la droite et aux prophètes du terroir, se retirer de la critique c’est contribuer à isoler chaque jour un peu plus ceux et celles qui sont exclu-e-s par leur différence. Chaque expression reposant sur les expériences personnelles, le vécu et la capacité à en guérir peut contribuer à lier des réalités. Effacer les oppressions et marginaliser les dissidences ne peut aider à surmonter les crises. De la même façon un appel à l’action aveugle est aliénant : si tu te claques un burn-out pour prouver que ton éthique est meilleure que celle du voisin, la seule gagnante c’est la gestionnaire de programme de l’organisme communautaire ou le flic du quartier. Ils-elles ont vu leur charge de travail diminuer. Les petites mains de l’oppression ne sont pas moins toxiques parce-que-pandémie.

Malgré les dangers d’une dérape plusieurs réactions sont encourageantes, enracinées dans le concret. Par exemple, en avril, près de 1/3 des ménages locataires américains n’ont pas payé leur loyer.75 Plusieurs scénarios de déconfinement vont exiger une sortie de la zone de confort pour la population privilégiée et une solidarité obligée, de même qu’une révision des habitudes.76 L’école à temps partiel, le télétravail, la priorisation des activités essentielles, une plus grande dépendance aux réseaux d’entraide… Sans être une bonne nouvelle en soit, le changement fera réfléchir et contribuera à relativiser la dépendance sociale envers le salariat, une condition du capitalisme.

L’interconnexion des écosystèmes fait apparaître des virus. Le réchauffement climatique est même en train de réveiller, dans le permafrost de toutes les régions gelées du globe, des bactéries et virus vieux de centaines de milliers d’années, dont nos anticorps ont oublié les recettes depuis belle lurette.77 D’un point de vue écosystémique, il n’y a pas d’avant ou d’après COVID, seulement un continuum de hasards qui se poursuit. La mystique et les grandes interprétations n’ont aucune réponse à apporter à ça. De même les appels à l’action extrême ou à la solidarité sans questionnement ne sont que les cris d’idéologues planifiant gagner du pouvoir. Dans ce contexte, le sable dans l’engrenage est de mise pour ceux et celles qui croient encore en la nécessité de faire dérailler l’écocide avant d’en mourir sans espoir de léguer un monde aux générations à venir.

Sans but précis, sans idéologie, sans « nous », en restant alerte face aux dangers bien réels d’une dérive totalitaire ou fasciste, il faut rendre la crise à ce qu’elle est, c’est-à-dire un dérapage de la logique de sécurité. Le biopouvoir moderne a permis une dépossession de la médecine populaire, un déracinement des remèdes ancrés dans l’écosystème. Remplacés par la logique de gestion des risques, ces derniers se sont multipliés. Devant l’ingérable, le Léviathan court maintenant un risque de faillite. Pour l’enrayer, il dit : laves-toi les mains, restes chez toi pis ferme ta gueule. L’hygiène n’a pas besoin d’un diplôme en médecine, tout comme les remèdes populaires. Ce ne sont pas les sorcières qui ont inventé les pandémies, ce sont les États. Et le silence est une arme quand bien utilisé.

Notes

1. Selon le Merriam-Webster : the period of time during which human activities have had an environmental impact on the Earth regarded as constituting a distinct geological age Most scientists agree that humans have had a hand in warming Earth’s climate since the industrial revolution—some even argue that we are living in a new geological epoch, dubbed the Anthropocene.

Pour le Larousse : Anthropocène désigne l’ère géologique actuelle qui se caractérise par des signes visibles de l’influence de l’être humain sur son environnement, notamment sur le climat et la biosphère. L’idée d’ère anthropocène est accréditée par certains scientifiques mais rejetée par d’autres.

2. John Vidal, « Destruction of habitat and loss of biodiversity are creating the perfect conditions for diseases like COVID-19 to emerge », Ensia, 17 mars 2020.

3. Idem.

4. Jim Robins, Ecology of Disease, New-York Times, 22 Juillet 2012.

5. Entrevue du 26 mars 2020, COVID-19 : à quoi servent les virus.

6. Samuel Alizon, Les hasards variables des émergences virales », La recherche, 23 mars 2020

7. Idem.

8. Idem.

9. Ahmed Kouaou, « La crise sanitaire est liée aux actions humaines, selon un écologiste », entrevue avec Serge Morand, sur Radio-Canada, 29 mars 2020.

10. Violet Law, « Coronavirus origin: Few leads, many theories in hunt for source », Aljazeera, 8 avril 2020

11. Notamment, Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical, Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, L’Archéologie du savoir, Histoire de la folie à l’Âge Classique et Surveiller et punir.

12. La quinquina, « (Cinchona officinalis) est un arbuste ou un petit arbre à feuillage persistant (ou sempervirent) de la famille des Rubiacées, originaire de l’Équateur. Il est exploité pour son écorce dont on tire la quinine, fébrifuge et antipaludéen naturel. », wikipedia, 2020-04-09

13. Barbara Ehrenreich and Deirdre English, Witches, Midwives, and Nurses, A History of Women Healers, 1973, The Feminist Press

14. Samir Boumediene, La colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du « Nouveau Monde » (1492-1750), Vaulx-en-Velin, Éditions des Mondes à faire, 2016

15. Agence France-Presse, relayée dans La Presse, 1 avril 2020.

16. David Runciman, « Coronavirus has not suspended politics – it has revealed the nature of power », The Guardian, 27 mars 2020

17. Le monstre Mythologique capable d’écraser tous les autres, représentant l’État selon Hobbes. Il représente la violence collective de l’État, qui empêche chaque « homme d’être un loup pour l’homme », dans un régime de peur de la répression centralisée.

18. David Runciman, « Coronavirus has not suspended politics – it has revealed the nature of power », The Guardian, 27 mars 2020

19. David Runciman, « Coronavirus has not suspended politics – it has revealed the nature of power », The Guardian, 27 mars 2020

20. Rapahëlle Corbeil, « Consensus sur la réponse québécoise à la crise : où est passé notre esprit critique? », Ricochet média, 24 mars.

21. Idem.

22. « Surveillance accrue au Mont Wright », Journal de Québec

23. Sylvia Galipeau, « Attention : Délation », La Presse, 1er avril 2020

24. Compilation des données de cellulaires, des réseaux sociaux, de géolocalisation, etc.

25. K. Benessaieh, T. Peloquin, « Traquer la pandémique grace aux cellulaires », La Presse, 31 mars 2020

26. « L’intelligence artificielle pour prédire les complications du coronavirus », Agence France Presse, 30 mars 2020.

27. « Sondage: les Canadiens dociles, mais irrités par les récalcitrants », La presse canadienne, 31 mars 2020

28. Pamela Palmater, « COVID-19 pandemic plan needed for Canada jails and prisons », APTN news, 23 mars 2020

29. Louis Gagné, « La crise sanitaire menace l’accès à l’avortement au Canada, selon des organismes », Radio-Canada, 31 mars 2020

30. Descentes policières sans mandats au Fatal, dans le quartier St-Henri à Montréal, notamment.

31. Traduction libre d’un texte lancé sur les médias sociaux par Clementine Morrigan, 08 avril 2020.

32. Guisepe Valiante, « Le nouveau rôle des policiers inquiète des experts », La presse, 15 avril.

33. Violet Law, « Coronavirus is disproportionately killing African Americans », Jihan Abdalla Aljazeera, 09 avril 2020, « Detroit especially vulnerable to COVID-19 due to poverty, health », Aljazeera, 03 avril 2020, Ivan Couronne, « La COVID-19 semble frapper démesurément les Noirs aux États-Unis », La presse, 07 avril 2020

34. En colombie, en Italie, en Argentine… au Québec/Canada, de nombreuses grèves de la faim sont entamées par des détenu-e-s, notamment dans les centres de détention des migrants, et de nombreuses lettres et demandes sont faites dans les prisons régulières pour que les autorités y prennent des mesures sanitaires adéquates. Lisa Marie-Gervais et Anabelle Caillou, « Coronavirus : des migrants détenus en grève de la faim », Le Devoir, 26 mars 2020.

35. Nicole Kramm, « The price of protesting in Chile », Aljazeera 25 mars 2020, Rami Allahoum, « Coronavirus tests Algeria’s protest movement », Aljazeera, 14 mars 2020.

36. Laurie Debove, « La ZAD de la Dune expulsée et brûlée en plein confinement, ses habitants rejetés dehors sans protection sanitaire », La relève, 09 avril 2020.

37. Shawn Yuan, « How China is using AI and big data to fight the coronavirus », Aljazeera, 1er mars 2020

38. Elisabeth Beattie, «We’re watching you: COVID-19 surveillance raises privacy fears », Aljazeera 03 avril 2020

39. News Agencies, « Bluetooth app to trace virus victims’ close contacts », 1er avril 2020.

40. Zaheena Rasheed,« Our lives after the coronavirus pandemic », Aljazeera News, 26 mars 2020.

41. Tracey Lindeman, Governments turn to tech in coronavirus fight – but at what cost?, Aljazeera News, 08 avril.

42. Kunal Puroith, « India COVID-19 lockdown means no food or work for rural poor », Aljazeera, 03 avril 2020

43. Reuthers News Agency, « Israel to use ‘anti-terror’ technology to counter coronavirus », 15 mars 2020

44. News Agencies, « Kenyan president apologises for police violence during curfew », 1er avril 2020, Duncan Moore, « Fury in Kenya over police brutality amid coronavirus curfew », Aljazeera 02 avril 2020.

45. Karsten Noko, « The problem with army enforced lockdowns in the time of COVID-19 : How do communities who feel targeted by state security believe that soldiers are now coming out to protect them? », Aljazeera, 02 avril 2020

46. Nicolas Haque, « As COVID-19 cases rise in Ivory Coast, Abidjan residents attack testing centre they say may expose them to the virus », Aljazeera, 08 avril 2020.

47. News Agencies, North Korea insists it is free of coronavirus, 02 avril 2020

48. Kairvy Grewal, « Brazilian gangsters impose curfew as President Bolsonaro calls coronavirus a ‘little flu’ : Threatening messages are being circulated in the slums of Rio de Janeiro by gangsters saying they will ‘teach people to respect’ an 8 pm shutdown », Daily Mail, 25 mars 2020.

49. Khaled Diab « How a ‘failed state’ managed to contain a coronavirus outbreak », Aljazeera, 14 avril 2020

50. Paul Rhys, « Military protocol in Swedish hospitals prepare for worst outbreak : The guidelines are helped by the Swedish welfare state. Paid sick leave and childcare help people to stay away from work », Aljazeera, 20 mars 2020

51. Reuters News Agency « Sweden’s liberal virus strategy questioned as death toll mounts », 06 avril 2020.

52. Gaz à Effets de Serre.

53. Global Carbon Project, cité dans Reuther News, « Virus could cause biggest emissions drop since World War II, But analysts warn this positive change could be short-lived if no structural changes occur ». 03 avril 2020.

54. Par exemple, 350.org, Fast Company, etc., prêchent pour une réponse collective rapide et décisive dès le mois de février 2020.

55. Jean-Thomas Léveillé, « Quand l’humain est l’artisan de son propre malheur », La presse, 22 mars 2020.

56. Ex. : EcoHealt ou Center for Infection and Immunity, au sein des universités américaines.

57. Ahmed Kouaou, « La crise sanitaire est liée aux actions humaines, selon un écologiste », entrevue avec Serge Morand, sur Radio-Canada, 29 mars 2020.

58. Jean-Thomas Léveillé, « Quand l’humain est l’artisan de son propre malheur », La presse, 22 mars 2020.

59. Jillian Kestler-D’Amours, Indigenous ‘at much greater risk’ amid coronavirus pandemic, Aljazeera, 20 Mar 2020

60. François Bourque, « On est pas obligés de jouer en culotte courte », Le Soleil, 15 avril 2020.

61. Emanuel Gay, Raphaël Langevin, « Quel retour à la normale souhaitons-nous? », IRIS 29 mars 2020

62. Éric Martin, « Comment réussir la démondialisation », IRIS, 07 avril 2020.

63. Idem. Pour Bookchin, lire notamment The Ecology of Freedom: The Emergence and Dissolution of Hierarchy, 1982

64. Geneviève McCready, Isabelle Forgues, « Lettre ouverte au premier ministre François Legault […] », 07 avril 2020

65. Zaheena Rasheed,« Our lives after the coronavirus pandemic », Aljazeera News, 26 mars 2020.

66. Arun Venugopal, « Dispatch From A Coronavirus Morgue Truck Worker: « They Write A Check For Your First Day, In Case You Don’t Come Back » », Gothamist, 16 avril 2020

67. Aurélie Mayembo, « Le coronavirus, nid à angoisse », Agence France Presse, 19 mars 2020.

68. Scott Berinato, « That Discomfort You’re Feeling is Grief », Harvard Business Review, 23 mars 2020

69. Idem.

70. Amelia Nierenberg, « The Quarantine Diaries : Around the world, the history of our present moment is taking shape in journal entries and drawings. », New York Times, 30 mars 2020. La chronique présente les journaux artistiques de collaborateur-trice-s du Times, qui gèrent à leur façon les douleurs engendrées par la réclusion sociale, les deuils de proches décédé-e-s, et met l’accent sur la capacité humaine à passer au travers de crises autrement plus graves que celle-ci.

71. Anonyme, « Monologue du Virus », Lundimatin, 21 mars 2020

72. Sherronda J Brown, « Humans are not the virus », Wear Your Voice Magazine, 27 mars 2020.

73. Idem.

74. Jean-Martin Fortier, « Et si Hydro-Québec et les petites fermes s’alliaient pour nourrir le Québec à l’année? », La Presse, 7 avril 2020

75. Will Parker, « No rent was paid in April by nearly a third of American renters, Wall Street Journal, 8 avril 2020

76. Romain Schué, « Quels sont les scénarios de déconfinement envisagés au Québec?, Radio Canada, 8 avril 2020

77. Jasmin Fox-Skelly, « There are diseases hidden in ice, and they are waking-up », BBC Earth, 2017.

 

La ville redécorée pour le 1er mai

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Mai 022020
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC)

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Bannière déployée à Rouyn-Noranda

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Vu ce matin sur l’A20 au niveau de L’Isle-Verte, entre Trois-Pistoles et Rivière-du-Loup.
1er Mai: soutien aux travailleur.euses sous-payé.es – Hier méprisé.es, aujourd’hui en 1ère ligne!
Partagé par le IWW Montréal. Le IWW a rassemblé plusieurs photos de bannières sur leur page Facebook.

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Action du groupe Pas de logement, pas de quarantaine pour le 1er mai. Devant les bureaux de la Régie.

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Bannière de J.S.P.P. (Jeunesse socialiste pour le pouvoir populaire) pour le 1er mai

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Communiqué du comité rouge du 1er mai


Autres actions:
Les bureaux de la CORPIQ inondés pour le 1er mai

 

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Action de visibilité tiré de la page Facebook suivante.

 

Les bureaux de la CORPIQ inondés pour le 1er mai

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Mai 012020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La pandémie met en lumière l’hostilité que réserve la CORPIQ (Corporation des propriétaires immobiliers du Québec) envers les locataires. Lorsque des dizaines de milliers de gens de plus en plus précaires peinent à joindre les deux bouts, la CORPIQ exerce des pressions sur la Régie du logement pour qu’elle reprenne les audiences d’expulsion, elle encourage les proprios à exiger les loyers comme à l’habitude et cherche à miner la crédibilité des appels à une grève des loyers internationale. La CORPIQ défend la classe qui profite de notre besoin essentiel d’avoir un toit et fait en sorte que plusieurs personnes soient privé-e-s d’un logement stable et sécuritaire.

L’hostilité est réciproque. La nuit pluvieuse du 29 avril, pour célébrer le premier mai, nous avons visité les bureaux de la CORPIQ à Ville St-Laurent. Nous avons d’abord mis la caméra de surveillance hors-service. Nous avons ensuite brisé une vitre et nous avons inséré l’extrémité d’un boyeau d’arrosage dans leur bureau. Nous avons attaché l’autre bout au robinet extérieur du bâtiment et avons ouvert son débit pour causer une inondation.* Bonne chance avec votre « retour à la normale », trous-de-culs.

Nous n’avons aucune demande à formuler aux gouvernements. Nous avons plutôt une proposition pour les autres locataires et exploité-e-s : que se passerait-il si les proprios devaient y penser deux fois avant d’harceler un locataire, de laisser un logement dans une état insalubre, de proférer une menace d’expulsion? Si les proprios étaient terrifié-e-s à l’idée de voir leurs bureaux vandalisés, leur(s) voiture(s) incendiées, leur(s) maison(s) attaquées lorsqu’ils nous mettent de la pression?

Salutations chaleureuses à tous-tes les grévistes des loyers qui s’organisent pour se soutenir les un-e-s les autres et qui répandent la grève.

Solidarité avec les prisonniers-ères et avec tout le monde qui se retrouve coincé dans des relations coercitives avec l’État et le capital. Les grévistes de la faim de Laval nous ont montré il y a quelques semaines qu’il est possible de résister même dans les conditions les plus sombres.

Nous dédions cette action à ceux et celles qui se sentent isolé-e-s, déprimé-e-s, sans espoir dans ces circonstances. Ca ne va peut-être pas « bien aller », mais nous n’abandonnerons jamais la lutte pour un monde sans systèmes qui profitent de la misère.

*Nous encourageons les personnes qui voudront essayer cette tactique dans le futur à utiliser la fente à courrier lorsque cela est accessible. Quand une fenêtre est brisée, il y a toujours des risques qu’une alarme soit déclenchée ou que quelqu’un-e appelle la police. Nous avons pris ce risque et avons fait le pari que si la police était alertée, elle n’arriverait pas assez vite pour prévenir les dégâts.

Qu’est-ce qui vaut la peine de mourir ?

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Avr 242020
 

De CrimethInc.

Certaines choses valent la peine de risquer sa vie pour elles. Perpétuer le capitalisme n’en fait pas partie. Retourner au travail – au risque de propager le COVID-19 ou d’en mourir – pour que les riches puissent continuer d’accumuler les profits n’en vaut pas la peine.

Si le problème est que les gens souffrent de la fermeture de l’économie, la solution est évidente. Les gens souffraient déjà au préalable des effets liés au fonctionnement de l’économie. Les inégalités qu’elle a créées sont l’une des raisons pour lesquelles certaines personnes sont aujourd’hui si désespérées de retourner travailler – mais dans une économie axée sur le profit, plus nous travaillons, plus les inégalités se creusent.

Pratiquement toutes les ressources dont les gens ont besoin existent déjà ou pourraient être produites par le travail volontaire sur une base beaucoup plus sûre, plutôt que de forcer les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables à travailler pour presque rien au risque de propager le virus. Plutôt que de revenir au statu quo, nous devons abolir le capitalisme une fois pour toutes.

Pourquoi certaines personnes souhaitent laisser le COVID-19 se propager ?

Les partisan·e·s de Donald Trump demandent la reprise immédiate de l’économie à tout prix : ils et elles font le pari que, tout comme Rand Paul et Boris Johnson, ils et elles ne feront pas partie de celles et ceux qui mourront des suites du virus.

Une image familière de l’histoire : une banderole sur laquelle on peut lire « Retournez au travail » à côté d’un homme armé.

Il est facile de comprendre pourquoi les bénéficiaires du capitalisme accueilleraient favorablement une pandémie qui pourrait tuer une partie de la population indisciplinée. La distinction entre travailleur·euse·s « essentiel·le·s » et « inessentiel·le·s » le montre clairement : une grande partie de la population n’est plus indispensable à la production industrielle et à la logistique de la distribution internationale. Dans un monde instable, l’automatisation de plus en plus bon marché a réduit les personnes en colère et les personnes précaires au rang de simple problème et danger pour celles et ceux qui détiennent le pouvoir.

Nous ne sommes pas encore assez insensibles sur ce sujet pour que celles et ceux qui nous gouvernent puissent en parler ouvertement, mais il y a eu des tentatives sur Fox News de glisser vers un discours qui considère que des millions de morts supplémentaires seraient un prix nécessaire à payer pour maintenir le fonctionnement de l’économie. Ne sommes-nous pas déjà désensibilisé·e·s aux accidents du travail, à la pollution de l’air, au changement climatique mondial, et autres ?

« S’ils aiment mieux mourir, reprit Scrooge, ils feraient très bien de suivre cette idée et de diminuer l’excédent de la population. »

Cantique de Noël, Charles Dickens

Mais pourquoi les travailleur·euse·s appelleraient-iels à la réouverture de l’économie ?

Lorsque le summum de ce que tu peux imaginer demander est d’être à nouveau exploité·e.

Si le fait que la classe dirigeante a une plus grande disposition à sacrifier nos vies est la conséquence logique et directe qu’une grande partie de la population soit considérée comme étant inutile au capitalisme alors, il n’est pas surprenant que les travailleur·euse·s qui ne peuvent imaginer autre chose qu’un système capitaliste soient également plus que disposé·e·s à voir d’autres travailleur·euse·s mourir.

En discutant de l’impact économique de la peste bubonique dans Caliban et la sorcière, Silvia Federici soutient que « la pénurie de main-d’œuvre que l’épidémie a provoquée a modifié le rapport de force au profit des classes inférieures. » Federici voulait attirer l’attention sur les puissants mouvements ouvriers de la fin du Moyen-Âge, mais aujourd’hui, nous pouvons tirer de cette analyse des conséquences sinistres. De la même manière que les bigot·e·s imaginent à tort que mettre fin à l’immigration garantira des emplois bien payés aux citoyen·ne·s blanc·he·s, ils et elles peuvent également conclure que plus la classe ouvrière sera réduite, meilleures seront les conditions de vie des survivant·e·s.

C’est le même segment de la classe ouvrière qui a toujours accueilli à bras ouverts les guerres et prôné une obéissance aveugle à l’autorité – les mêmes personnes qui ont accepté le privilège blanc comme pot-de-vin afin de ne pas faire preuve de solidarité envers les autres travailleur·euse·s. En l’absence de liens de longue date ou d’une tradition profondément enracinée de résistance collective, les travailleur·euse·s américain·e·s ont toujours été particulièrement disposé·e·s à jouer à la loterie lorsqu’il s’agit de questions de survie et de progrès économique. Il semble que de nombreux conservateurs blancs ont complètement renoncé à l’idée de réaliser le rêve de sécurité économique que leurs parents cherchaient à atteindre, se contentant au contraire de s’établir dans la vie et de voir d’autres personnes souffrir encore plus qu’elleux. Comme nous l’avons soutenu au début de l’ère Trump, Trump n’a pas promis de redistribuer les richesses aux États-Unis, mais plutôt de redistribuer la violence.

Cette volonté de risquer sa vie dans l’espoir de voir mourir d’autres travailleur·euse·s (probablement moins privilégié·e·s) peut prendre la forme de théorie du complot concernant le virus, voire d’un déni pur et simple de son existence – mais à la base, c’est de la schadenfreude de la pire espèce, c’est-à-dire, de la joie malsaine qu’une personne éprouve en observant le malheur d’autrui.

Défendre la liberté ?

Pourtant, il y a également autre chose qui se passe ici. Dans une certaine mesure, celles et ceux qui ont protesté contre le confinement ces derniers jours se considéraient comme de simples citoyen·ne·s défendant leurs « droits » – bien que, de manière insensée, ils et elles servent de complices au gouvernement autoritaire américain en place pour intensifier le contrôle par lequel ce dernier continuera à les exposer à des risques divers. Leur slogan pourrait tout aussi bien être « Tuez tous les immigrant·e·s et les prisonnier·ère·s – érigez-vous en dictateur au nom de la liberté – laissez-moi juste mourir du COVID-19 dans le confort du lieu de travail de mon patron ! »

Les urnes et les balles – les deux moyens par lesquels le privilège blanc a toujours été imposé afin de diviser les exploité·e·s.

À cet égard, et de manière confuse, les manifestations contre le confinement s’inscrivent dans le cadre d’un repli mondial contre l’autorité étatique en réponse aux mesures de confinement mises en place pendant la pandémie.

En Russie, les manifestations en réponse aux conditions de mise en quarantaine ont conduit à des affrontements ouverts, ce qui est rare dans le régime totalitaire de Poutine. En France, des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes et banlieues, comme à Villeneuve-la-Garenne, en réponse à la police qui a profité du confinement pour tuer cinq personnes et blesser beaucoup d’autres, la dernière victime en date étant un motard ; pendant la répression en cours, des officiers ont tiré au LBD40 sur une fillette de 5 ans, lui fracturant le crâne. Au Pérou, la police a attaqué des foules de réfugié·e·s pauvres qui tentaient de fuir la capitale pour rejoindre leurs villages d’origine, ayant épuisé toutes leurs ressources pendant le confinement.

Tous ces exemples montrent à quel point les gouvernements capitalistes, basés sur la violence coercitive, sont peu équipés pour maintenir le type de quarantaine pouvant empêcher la propagation d’une pandémie. Dans une société où presque toutes les richesses sont concentrées dans les mains de quelques un·e·s, où les décrets de l’État sont appliqués par le biais de la violence, une grande partie de la population n’a pas les ressources nécessaires pour faire face à une telle catastrophe de manière isolée. La plupart des personnes qui ont appliqué la distanciation sociale l’ont fait par soucis pour l’humanité tout entière, à grands frais, et non en raison de la force utilisée contre elles par l’État. L’application de la mise en quarantaine par les États a été pour le moins inégale, que ce soit avec le gouverneur de Floride qui déclare que le catch professionnel doit être considéré comme un service essentiel rendu à la société, ou avec les polices du monde entier qui ferment les yeux sur les conservateurs ne respectant pas les règles du confinement.

En l’absence d’un mouvement puissant contre la montée de l’autoritarisme, les personnes qui s’inquiètent des prises de pouvoir de l’État peuvent se joindre à des « manifestations » comme celles qui encouragent Trump à lever le confinement. C’est l’une des caractéristiques d’une société autoritaire : les gens n’ont pas d’autre choix que de soutenir l’une des factions du gouvernement, factions qui poursuivent toutes des visions totalitaires.1 Plutôt que de choisir entre l’assujettissement sous un État technocratique et risquer sa vie pour poursuivre notre assujettissement économique, nous devons proposer une autre option : une lutte émanant de la base contre le capitalisme et l’autoritarisme de toutes sortes.

Dans une certaine mesure, les manifestations en faveur de la réouverture de l’économie sont un phénomène de manipulation volontaire de la part de certain·e·s politicien·ne·s et organisations, visant à élargir la fenêtre d’Overton afin de permettre à Trump de relancer plus facilement l’économie et ce, à n’importe quel prix. Trump et ses rivaux démocrates partagent le même programme fondamental. Ils et elles ne sont en désaccord que sur les détails.

Tout comme le capitalisme n’existe pas pour répondre à l’ensemble de nos besoins, il n’y a jamais eu de plan pour assurer notre sécurité à tou·te·s.

Il n’y a jamais eu de plan pour tou·te·s nous protéger du COVID-19. Les démocrates voulaient juste atténuer l’impact du virus sur les infrastructures de santé pour maintenir l’ordre public. Elles et eux aussi tiennent pour acquis le fait que le marché capitaliste doit continuer d’exister – même si ce dernier nous appauvrit et nous tue toujours plus. Ils et elles ne se révolteront pas plus contre les mesures de Trump visant à interdire l’immigration, que ce dernier ne s’opposera aux mesures de surveillance qu’ils et elles entendent mettre en place. Soutenir l’une ou l’autre faction signifie accepter l’émergence d’un totalitarisme au sein duquel il sera considéré comme acquis le fait que les travailleur·euse·s risqueront leur vie uniquement pour que les capitalistes puissent continuer à tirer profit de leur travail et maintenir leurs privilèges.

Protéger nos vies et celles de nos voisin·e·s, avoir accès aux ressources, atteindre la liberté – il n’y a qu’une seule façon d’accomplir tout cela. Nous devons nous révolter.


Cliquez sur l’image pour télécharger l’affiche.

Le capitalisme est un culte de la mort

Pour le marché, rien n’est plus important que le profit. Les forêts n’ont de valeur que comme bois d’œuvre ou papier toilette ; les animaux n’ont de valeur que comme hot-dogs ou hamburgers. Les moments précieux et uniques de ta vie n’ont de valeur que comme heures de travail déterminées par les impératifs du commerce. Le marché récompense les propriétaires pour expulser des familles, les patrons pour exploiter des salarié·e·s, les ingénieurs pour inventer des machines de mort. Il sépare les mères de leurs enfants, pousse des espèces vers l’extinction, ferme des hôpitaux pour ouvrir des prisons privatisées. Il réduit en cendres des écosystèmes entiers, crache du smog et des stocks options. Laissé à lui-même, il transformera le monde entier en cimetière.

Certaines choses valent la peine de risquer sa vie pour elles. Perpétuer le capitalisme n’en fait pas partie. Si nous devons risquer nos vies, risquons-les pour quelque chose qui en vaut la peine, comme créer un monde dans lequel personne ne doit risquer sa vie pour un salaire. La vie pour le marché signifie pour nous la mort.


Lectures supplémentaires

  1. Les partisan·e·s de l’autoritarisme rival cherchent à nous piéger dans de tels choix binaires : par exemple, si nous fermons les yeux sur Facebook censurant les « manifestations » pro-Trump, nous pouvons être sûr·e·s qu’à l’avenir, une telle censure sera utilisée contre nos propres manifestations. 

Dans chaque crise, des opportunités : Appel à l’action décentralisée pour le 1er mai

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Avr 222020
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

Peu importe l’histoire qu’on raconte du 1er mai, une chose ne change jamais: c’est un moment pour se réunir, soit pour défiler dans la rue ou fêter un nouveau printemps. Bien que le beau temps qui arrive nous réjouit, nous sommes pour la plupart bloqué·e·s chez nous. On suit l’actualité, on essaie de décider comment mieux agir, on regarde le 1er mai qui s’approche et on se demande de quoi il aura l’air cette année si on ne peut pas envahir le centre-ville pour profiter du jour comme nous le connaissons : une fête anticapitaliste.

La vie est une histoire qui ne cesse d’évoluer, une toile changeante. Nous avons toujours dû s’accoutumer et adapter nos tactiques à ces nouvelles réalités au fil qu’ils émergent. Ce moment n’a rien de neuf. Le contexte où on se trouve est influencé à la fois par le coronavirus et les mesures répressives de l’État en réponse à lui, mais la nécessité de résister est tout aussi présente.

Même si on ne peut pas se rassembler, il y a encore des manières de marquer le jour, de se sentir partie·s d’un ensemble plus vaste qui a toujours su accueillir le printemps, qui a toujours résisté aux oppresseurs, qui a toujours porté dans son coeur un nouveau monde.

Nous sommes déjà habile à l’action directe décentralisée et elle se fait dans de petits groupes, ce qui est pratique quand la pandémie rend raisonnable une réduction du nombre de personnes avec qui nous sommes en contact. Nous proposons une fenêtre de deux semaines centrée sur le 1er mai pour mener des attaques contre le capitalisme: des tags, de la casse, libérer des trucs, comme vous voulez. Nous avons également envie de voir des actions qui rendent hommage à l’histoire de la résistance et à la terre. Ou les deux.

Dans chaque crise, on trouve des opportunités, pour nous aussi bien que pour les forces auxquelles nous nous opposons. Chose délicieuse que faire du jogging le soir avec un masque et une capuche ne suscite aucune question dans ces rues tellement vides. Et suite au mouvement de solidarité avec les Wet’suwet’en, il y a beaucoup de résistance à célébrer, ainsi que de nouveaux contacts et compétences à approfondir.

Ce contexte montre aussi de vieilles formes de domination sous un nouveau jour: les frontières se durcissent, la police gagne de nouveaux pouvoirs pour contrôler le moindre détail de nos vies, les télécoms se raffolent de nous pister encore plus (pour notre santé), les patrons se réjouissent de voir leurs travailleur·se·s peu payés désignés comme « essentiels » pour qu’ils puissent profiter de la crise, les prêteurs à intérêt (tels les banques et les entreprises de prêt sur salaire) peuvent vendre de nouvelles formes de dettes à des personnes désespérées et l’État arrive à se positionner comme l’unique acteur légitime.

Alors on vous invite à rassembler quelques ami·e·s et sortir la nuit pour célébrer les feux qui brûlent en nous. Partagez vos récits sur des sites telles North Shore Counter-Info, Montréal Contre-info et It’s Going Down pour que nous recevons toutes et tous le rappel que quand on résiste, on n’est jamais seul·e·s.

Note de North Shore: Les appels pour un 1er mai décentralisé se multiplient. En voilà un de Seattle qui date d’avant covid: https://pugetsoundanarchists.org/for-an-autonomous-decentralized-may-day-in-seattle/

Et il y a aussi cet appel pour un mai dangeureux qui circule: https://mtlcontreinfo.org/en-mai-fais-ce-qui-te-plait-un-appel-au-conflit/

Le 1er mai 2020, la résistance continue malgré le confinement !

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Avr 202020
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC)

En cette période de pandémie, le capital tue plus que jamais. Les travailleur-euse-s sont laissé-e-s sans équipement dans les hôpitaux. Le confinement s’abat sur la population parce que les gouvernements ont fait trop peu trop tard. Les riches propriétaires qui ont ramené le virus avec elleux s’insurgent d’une grève des loyers que leurs locataires n’ont pas le choix de faire, faute d’argent. Les personnes qui vont mourir sont les plus vulnérables, des commis dans les épiceries aux livreur-euse de nourriture, en passant par les prisonnier-ère-s, les sans-abris et les sans papiers, pendant que les plus à l’aise travaillent de la maison. Malgré tout, la distanciation sociale reste une manière importante de réduire le nombre de personnes infectées, et c’est pourquoi NOUS NE NOUS RASSEMBLERONS PAS PHYSIQUEMENT POUR LA MANIFESTATION DU PREMIER MAI. Cependant, nous essaierons de rendre la résistance le plus visible possible, malgré le contexte difficile.

L’économie canadienne, comme celle de la plupart des pays du G20, présentera un bilan financier négatif à cause de la crise sanitaire. Mais en fait, l’économie ça ne veut rien dire. C’est un amalgame d’indicateurs qui ne reflètent en rien notre bien-être. Ils sont réellement plus souvent liés négativement à la santé de nos relations, de nos enfants ou de nos cours d’eau. Toutefois, la classe politique nous force à pleurer le ralentissement économique, nous refusant l’accès aux produits et aux services fournis par notre travail. Pendant que les riches sont sur des îles désertes et dans des maisons de campagnes, les pauvres sont empilé-e-s dans leur taudis, à produire la richesse, à soigner les malades ou à remplir les tablettes des épiceries. Le confinement rend très difficile la solidarité dans un tel contexte, alors qu’il s’agirait pourtant d’un moment opportun pour renverser l’État capitaliste.

Profitons-en pour remettre d’actualité la question environnementale dans une perspective anticapitaliste de justice climatique. Alors que l’air de nos villes est enfin respirable, évitons un retour à la normale dicté par les besoins du capitalisme. Évitons la normalisation de l’isolement et du niveau actuel de surveillance. Car revenir à la normale serait jouer le deuxième acte d’une même tragédie, ce serait jouer le même rôle que nous avions auparavant dans l’écocide en cours. Le système doit changer, doit faire renaître la justice, dans le respect de la vie et des écosystèmes.

Nous voulons nous reconnaître dans le monde que nous habitons. Le capitalisme a produit une société dont personne ne veut. Il est temps de prendre possession du cours de l’histoire laissé trop longtemps à la disposition des riches et des dirigeant-e-s. Il est temps de construire un monde qui nous ressemble.

Cette année nous ne prendrons pas la rue, C’EST POURQUOI NOUS VOUS DEMANDONS D’AFFICHER VOTRE SOLIDARITÉ ANTICAPITALISTE PART DES BANNIÈRES, PROJETS ARTISTIQUES ET AFFICHES. Si vous pouvez prendre des photos, les images seront présentées sur une page web à cet effet, pour lesquels des détails suivront.

Il ne faut pas perdre espoir. La lutte continue d’être aussi, sinon plus, nécessaire qu’avant.