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Quelques notes et explications sur la situation du 2 avril

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Avr 012023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le 2 avril (c’est-à-dire, ce dimanche) un groupe d’extrême droite proche des mouvements évangélistes et conspirationnistes a appelé à aller manifester contre « l’heure du conte en drag » de Barbada, à la bibliothèque municipale de Ville Sainte-Catherine. Ce groupe est ouvertement transphobe et homophobe et a explicitement indiqué que ce nouvel effort ciblant les performances de drags devant des enfants était le début d’une campagne contre notre communauté.

Face à cette réalité, un réseau de personnes et de groupes trans et allié-es ont décidé de lancer un appel à la contre-manifestation pour bloquer l’extrême droite et protéger l’événement et les familles venues assister à l’heure du compte. Parallèlement, d’autres personnes/groupes on fait appel à des réponses similaires.

Il s’est avéré dans les derniers jours que Barbada s’oppose à ces réactions et préconise une sorte de stratégie non-interventionniste : ignorer l’extrême droite dans la perspective qu’en les ignorant, on limite leur visibilité et leur potentiel de croissance. Certaines initiatives ont d’ailleurs été annulées pour se plier à la volonté de Barbada.

Nous avons choisi de maintenir notre appel et de maintenir notre présence sur place. Bien que nous respections les choix stratégiques et politiques des autres groupes, nous considérons que notre démarche est préférable, et voici pourquoi.

D’abord, il faut comprendre que cette campagne naissante au Québec ne s’inscrit pas dans le vide et reflète l’importation d’un mouvement présent en Amérique du Nord anglo-saxonne. Ce mouvement s’organise contre les spectacles de Drag offerts aux enfants, en particulier les « heures du conte », dans le but de créer un narratif de prédation (« grooming panic ») autour du « travestissement ». Cet effort a d’ores et déjà mené à l’adoption de lois anti-drag aux États-Unis, écrites de manière à criminaliser les personnes trans (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1966780/interdiction-spectacle-drag-show-etats-unis-enfants). Ces développements récents s’inscrivent dans un mouvement plus large favorisant la répression – et éventuellement l’éradication – des personnes trans. En ayant ça en tête, nous ne pouvons tolérer l’apparition de ce mouvement sur le territoire où nous vivons.

Il en va, à long terme, de notre sécurité, voire de notre survie. (Ces mouvements s’étant accompagnés de vagues d’assassinats de personnes trans, surtout de femmes trans.)

Ensuite, ça nous apparaît une mauvaise analyse de croire que la situation de dimanche concerne uniquement la personne de Barbada. Effectivement, c’est sa performance qui est ciblée et il y a possibilité que l’évolution de la situation ait des répercussions sur sa carrière. Cela dit, il ne s’agit pas d’un groupe anti-Barbada préparant une manifestation anti-Barbada. Nous sommes toustes concerné-es par leurs actions et leurs discours. Ne rien faire serait peut-être optimal pour les activités de Barbada, mais ça enverrait le signal que nous laissons ces groupes manifester sans opposition. C’est malheureux que Barbada se retrouve au milieu de tout cela, et nous sympathisons avec sa situation. Toutefois, nous considérons nécessaire de nous opposer à ce groupe protofasciste et à tous les groupes qui voudraient effacer nos existences, et ce, chaque fois qu’ils sortent leurs têtes hideuses, partout, tout le temps. Nous n’avons aucune confiance que la police ou les politiques nous protégeront.

Nous exprimons tout cela dans un esprit d’honnêteté et de dialogue. Nous invitons toustes les défenseur-es des drags/trans à faire usage de leur conscience pour choisir comment iels veulent agir pour la suite des choses. Nous ne chercherons pas à dénoncer qui que ce soit pour leur choix de stratégies ou de modes d’action, et espérons la même chose de notre communauté.

Avec amour et solidarité.

Le SPVM est-il la Schutzstaffel? La Schutzstaffel était-elle le SPVM?

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Avr 012023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

“S— / S— / P-V-M ! Po- / lice / politique!” est scandé.

J’ai beaucoup entendu ce chant en 2012, alors que j’étais un bébé anarchiste, nouvelle dans la culture turbulente des manifs montréalaises. À l’époque, il était souvent accompagné d’une foule de sig heils ironiques addressé à la police. On se sentait toujours un peu mal à l’aise de se retrouver dans une foule de personnes majoritairement blanches faisant des saluts nazis, et ces sig heils ironiques ont même fini par provoquer un petit scandale dans les médias anglophones. Le vacarme médiatique à certainement impliquer une bonne dose de mauvaise foi, de nombrilisme et de citations d’organisations de centre-droite, mais en fin de compte, il est difficile de soutenir que les saluts nazis (ironiques ou non) ne sont rien d’autre qu’un mauvais look.

Dans les années qui ont suivi, les sig heils ont (heureusement) disparu de la culture de manif dans les rues de Montréal, et pendant un certain temps, il a semblé que le chant SS-PVM avait peut-être aussi disparu. Mais ces jours-ci, je l’entends à nouveau, non seulement lors de grandes manifestations remplies d’étudiant.es libéraux, mais aussi lors de manifestations organisées par des anarchistes et des antifascistes—des camarades qui devraient pourtant savoir mieux. Pire encore, le slogan semble maintenant avoir été commémoré sur une nouvelle bannière de tête [lors de la manif du 15 mars 2023].

Mais what’s up avec ce chant, et pourquoi ne veut-il pas mourir ? Essentiellement, il dit au SPVM : « vous êtes la police secrète de l’État, utilisée pour réprimer les mouvements sociaux et les dissidents politiques, à l’instar de—exemple célèbre dans l’histoire—la Schutzstaffel, c’est-à-dire des SS ».

Pour celleux qui ont séché les cours d’histoire, la SS était une branche paramilitaire de l’État nazi, qui a joué un rôle déterminant dans la mise en œuvre de la Solution finale. Elle a supervisé la déportation des Juifs à travers l’Europe, dirigé les camps de la mort pour lesquels le régime nazi est si bien connu, et participé à l’extermination massive des Juifs sur le front de l’Est, dans ce que l’on appelle souvent « l’Holocauste par balles ».

Sous le commandement de la SS, la Gestapo était la police politique de l’Allemagne nazie. Elle enquêtait, rassemblait et liquidait les dissidents et les « ennemis de l’État » : homosexuel.les, communistes, syndicalistes, Juifs et Roms. Avant la guerre, la Gestapo était de facto chargée d’appliquer les lois raciales nazies. Pendant la guerre, elle a orchestré des déportations massives et participé à des massacres. Vraisemblement, c’est la Gestapo qui était la « police politique » à laquelle le chant de manif susmentionné fait référence.

Pourquoi je vous raconte des choses sur les nazis que vous savez probablement déjà ? En quoi tout cela est-il important ? En bref, je pense que tout ça a une incidence sur la façon dont nous parlons de l’histoire, et sur la façon dont nous utilisons l’histoire dans notre discours politique au présent. Et je pense aussi que de comparer le SPVM aux SS est une mauvaise et frustrante analogie.

Soyons très clairs, je ne suis certainement pas ici pour vous convaincre qu’au fait, le SPVM est un groupe de bons gars. Je ne crains pas non plus, par exemple, qu’en comparant nos flics locaux aux SS, nous soyons trop méchants. Je suis en faveur de l’intimidation des coches. S’il vous plaît, soyez très méchant.es avec la police.

De plus, je n’ai aucun doute que, comme plusieurs corps policiers, le SPVM compte plus qu’une petite poignée de néo-fascistes parmi ses rangs. Et en tant que force armée d’un ordre social raciste, il n’est pas surprenant que le SPVM soit aussi responsable de nombreux meurtres extrajudiciaires de personnes racisées.

Ce que je reproche à la comparaison entre le SPVM et les SS, ce n’est pas qu’on risque exagérer la gravité du SPVM. Je crains plutôt qu’en comparant le SPVM aux SS, nous risquions d’obscurcir la nature même des SS. Considérons le slogan en question à nouveau : « SS-PVM ! Police politique ». Il semble remarquable ici que l’on ait choisi de scander « police politique » plutôt que, par exemple, « police raciste » ou « police génocidaire ». Je pense que cela en dit long sur la positionnalité du slogan, ou du moins sur l’analyse de l’histoire qu’il implique.

On pourrait imaginer un chant pas si différent, dans un contexte légèrement différent, qui utiliserait l’un des génocides historiques les plus visibles (l’Holocauste) pour souligner la complicité de la police dans le projet génocidaire de l’État colonisateur. Il s’agirait, je pense, d’une toute autre conversation. Mais le chant « police politique » n’est pas un chant sur le génocide, et c’est probablement pour cette raison qu’il tend à provoquer un tel malaise.

Le chant souligne (avec raison) que le SPVM est un instrument de répression politique, puis le compare à un autre corps policier historique qui était aussi un instrument de répression politique… entre autres choses. Mais la nature de ces autres choses importe beaucoup. Car on aurait tort de se souvenir de la SS avant tout comme l’homme de main de la répression anti-gauchiste, plutôt que comme outil du génocide.

Au mieux, c’est comme si nous donnions l’impression de penser que les SS étaient plus ou moins comme votre police municipale nord-américaine du XXIe siècle : meurtrière, raciste, certainement notre ennemie, mais sûrement pas responsable de l’extermination coordonnée de millions de personnes. Et, comme d’autres marchands d’analogies maladroites avec l’Holocauste—pensez aux antivax avec des étoiles jaunes—ça commence à donner l’impression qu’après tout nous avons peut-être séché le cours d’histoire au complet.Un titre antérieur et plus narquois pour ce texte était: « Je m’attendais à l’émeute annuelle contre les flics, mais tout ce que j’ai eu c’est du révisionnisme softcore de l’holocauste » [“I came for the annual anti-police riot, and all I got was some softcore Holocaust revisionism”]. Et bien que j’ai finalement révisé ce titre, je pense que l’original souligne quand même un aspect important de la politique du souvenir et de la déformation de l’histoire par analogie avec le présent.

En 2023, cette façon de déformer l’histoire semble plus dangereuse qu’en 2012… Voilà qu’il y a quelques mois à peine, un ancien président des États-Unis a lunché avec un négationniste populaire ; des néonazis continuent d’harceler les gens à la sortie des shows de drag, des synagogues et des spectacles de Broadway ; #hitlerdidnothingwrong est de nouveau populaire sur Twitter ; et les attaques fascistes armées contre les mosquées, les synagogues et les bars gays commencent à nous sembler un peu trop familières.

À bien des égards, la diffusion des idées néonazies repose sur un déni manifeste ou implicite de l’Holocauste. Bien sûr, il y a toujours quelques dérangé.es qui vous diront que ces six millions de Juifs l’ont bien mérité, mais si vous voulez faire l’éloge d’Hitler au XXIe siècle, il est probablement beaucoup plus facile de simplement déformer les faits du génocide de prime abord. Le révisionniste de l’Holocauste du XXIe siècle lèvera les bras au ciel et dira : « Ah, mais bien sûr, certaines personnes sont mortes du typhus et de malnutrition dans les camps de prisonniers, mais c’est normal en temps de guerre… Y a-t-il vraiment eu des chambres à gaz ? Y a-t-il vraiment eu un génocide ? »

Ou comme l’a récemment déclaré l’avocat du shitposter néonazi local, Gabriel Sohier Chaput, dans une salle d’audience de Montréal : « Selon le dictionnaire, le nazisme, c’est du national-socialisme. C’était une idéologie. Ça ne faisait pas partie du plan initial d’exterminer les Juifs. Et est-ce vraiment six millions de victimes ? Je pense que si des gens sont morts dans des camps de concentration, c’était pour sauver de l’argent ».

Bien sûr, personne dans les manifs de gauche auxquelles j’ai assisté à Montréal n’a scandé quoi que ce soit qui ressemble de près ou de loin à « Est-ce que / six / mil- / -lion / sont / vrai- / ment / morts ? » ou whatever. Mais bon, il est peut-être un plus difficile de balayer une analogie maladroite avec l’Holocauste à un moment où la déformation de l’Holocauste, le déni pur et simple de l’Holocauste, et les diverses formes de néonazisme jouissent d’une approbation sans précédent auprès du grand public.

Écoute, je comprends. Qui n’aime pas se lancer de temps en temps dans un discours du type « tout ce que je déteste est littéralement Hitler » ? Mais si vous ne savez toujours pas quelle est la différence entre le SPVM et les SS, j’ai un livre (ou dix) à vous proposer. Et en supposant que vous pouvez différencier entre le gaz lacrymogène et le Zyklon B, ne devriez-vous pas vous sentir au moins un peu gêné.e de vous retrouver dans une foule de personnes qui semblent un peu floues sur les détails de ce que les SS ont réellement fait ? C’est certainement mon cas…

Trois mythes sur le fascisme

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Jan 022023
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Une définition plus large du fascisme

Comme nous le savons bien, la définition du fascisme tend à varier. Ces dernières années, les politicien-ne-s n’ont cessé de se lancer ce mot à la figure, au point qu’il signifie tout et son contraire. Une définition plus sérieuse, qui est souvent utilisée, est la définition de “Ur-Fascisme” écrite par Umberto Eco. Bien que l’article d’Eco soit très intéressant et mérite absolument d’être lu, il est trop souvent sorti de son contexte. Eco décrit le fascisme qu’il a connu, à savoir le fascisme des années 1930 et 1940, et plus précisément l’Italie fasciste de Mussolini. Il s’agit d’une définition très précise sur le plan historique, mais plutôt limitée pour notre époque.

Une autre approche utilisée plus récemment est la “définition en canard” du fascisme. L’idée est la suivante : si ça marche comme un canard, nage comme un canard, vole comme un canard et cancane comme un canard, alors c’est un canard. Ou, pour le dire clairement :

  • Si ça réprime l’opposition comme le font les fascistes,
  • Si ça promeut l’importance d’un leader fort comme le font les fascistes,
  • Si ça fait des boucs émissaires, ça opprime et asservit les minorités comme le font les fascistes,
  • Si ça pousse pour un état policier comme le font les fascistes,

alors c’est du fascisme.

C’est une définition plus large du fascisme, et oui, elle inclut beaucoup de régimes autoritaires et dictatoriaux. Mais la différence entre “Ur-Fascisme” et une dictature nous importe-t-elle ? Si cette distinction reste importante pour les universitaires, dans la pratique, dans la rue, sur nos lieux de travail, dans nos maisons, la couleur de la botte qui nous écrase la face importe peu.

Ce qui compte, c’est que nous, nos camarades, nos amis, souffrent. Ce qui importe, c’est que les mécanismes de l’État nous soient de plus en plus hostiles. Ce qui importe, c’est que cet autoritarisme, quels que soient la forme et le nom qu’il prend, est pour beaucoup d’entre nous une menace existentielle. Le combattre est une question de survie. Peu importe que la botte soit noire, brune, rouge, blanche ou bleue : la botte elle-même doit être détruite.

Mais selon cette nouvelle définition, de nombreux régimes actuels et passés présentent, à tout le moins, des tendances fascistes. L’asservissement des Ouïghours par la Chine semble certainement fasciste. L’Inde de Modi et le traitement qu’elle réserve à sa population musulmane ressemblent éminemment à l’Allemagne nazie. La Russie de Poutine et ses États totalitaires satellites marchent définitivement comme des fascistes. Les gouvernements actuels de l’Italie, de la Hongrie, de certains États des États-Unis et d’Israël, pour ne citer qu’eux, font de plus en plus de place aux suprémacistes et aux intégristes religieux.

Pour ne rien dire des régimes anciens. La Rome impériale s’appuyait généralement sur un vaste appareil d’État militarisé pour maintenir l’ordre et, surtout, pour garder les esclaves dans le rang. Le règne des monarchies absolues dans l’Europe des XVIIIe et XIXe siècles, qui s’appuyaient sur un appareil policier élaboré et puissant, présente de fortes caractéristiques fascistes.

Mythe 1 : le fascisme est rare

ou : on s’en fout, tout ça appartient au passé

Et nous arrivons ici au coeur du problème. Le fascisme, l’autoritarisme, le totalitarisme, les dictatures, quel que soit le nom qu’on leur donne, sont plutôt la norme que l’exception quand on étudie l’histoire des États. Le fait est que, aussi mauvaise que soit la situation aujourd’hui, nous ne vivons pas des temps exceptionnels. Être libre, même relativement libre, reste l’exception.

Et même cette liberté relative est constamment menacée. Pas seulement par un coup d’État violent, mais tout simplement parce que les gens votent pour eux. Modi en Inde et Orban en Hongrie sont constamment réélus. Israël vient de ressusciter Netanyahu. Des millions de personnes ont voté pour Trump, et voteront très probablement pour sa prochaine incarnation. L’Italie vient d’élire un gouvernement ouvertement fasciste. Même le Québec a voté pour un partisan de Duplessis, un partisan du retour à “La Grande Noirceur”.

Les soi-disant “guerres culturelles” actuelles n’ont rien de nouveau : c’est l’interminable combat entre l’ancienne noblesse propriétaire et le reste d’entre nous qui luttons pour être plus que de simples serviteur-e-s. Les conservateurs se battent pour maintenir une hiérarchie vieille de plusieurs siècles, et ils disposent d’une richesse presque illimitée pour faire avancer leurs programmes. Ne rien faire, c’est leur laisser tout l’espace dont ils ont besoin pour distribuer leur poison. Ne rien faire, c’est creuser notre propre tombe.

Mythe 2 : le fascisme est universellement méprisé

ou : on s’en fout, tout le monde les déteste

La montée actuelle des régimes autoritaires et l’effondrement des soi-disant démocraties occidentales montrent une triste réalité : beaucoup de gens aiment en fait le fascisme. Après tout, si vous faites partie de la faction soutenue par les fascistes, comment ne pas aimer ça ? Les personnes que vous détestez ont été expulsées, réduites en esclavage ou tuées. Leurs emplois sont les vôtres, leurs maisons sont les vôtres, leur richesse est la vôtre. C’est l’appel de la sirène du fascisme, le fait que la désignation de boucs émissaires et l’exploitation massive d’une partie de la population, qu’il s’agisse d’immigrants, de juifs, de musulmans, de LGTBQ+ ou de toute autre minorité, est extrêmement rentable pour le reste de la population.

C’est, après tout, ce qui rend l’impérialisme et le colonialisme si attrayants. L’exploitation et l’asservissement d’une partie du monde au profit de l’autre est très rentable pour nous. Par exemple, le Canada abrite 75 % des sociétés minières du monde, et de nombreuses personnes ici travaillent dans leurs administrations, leurs services comptables, leurs machinations bancaires. Ces mêmes compagnies minières qui continuent à commettre des crimes de guerre et autres atrocités à l’extérieur du Canada. Maintenant, un ouvrier d’usine n’a peut-être pas d’autre choix que de travailler pour Nestlé pour survivre, mais un comptable pourrait probablement travailler ailleurs que chez Talisman Energy, par exemple. Et le fait est que beaucoup de gens à Tio’tia:ke travaillent volontairement pour des entreprises comme Talisman Energy, des entreprises qui ont du sang sur les mains. Beaucoup de sang.

L’un de nos principaux objectifs devrait donc être d’agir avant que trop d’entre nous n’aient un avant-goût de ce que le fascisme peut leur apporter. Parce qu’une fois qu’une fraction de la population a goûté à ce que ça peut leur apporter, une fois que cette fraction est bien encadrée (et souvent bien armée) par les fascistes au pouvoir, il devient très difficile de les déloger. C’est un thème récurrent en Amérique latine, par exemple, où l’on voit une classe moyenne qui n’est qu’à peine plus riche que le reste de la population, se battre bec et ongles lorsque ses privilèges sont remis en question.

Et il est facile pour les élites riches actuelles, qui possèdent tous les médias, de leur faire avaler leur propagande. Il est facile de faire croire à cette classe moyenne précaire que la menace vient de celleux qui vivent dans une misère absolue et qui veulent juste survivre, et non du fait que 99% de la richesse produite est siphonnée par une poignée de zigotos en cravate. Il y a une raison pour laquelle des réseaux comme Fox et TVA ciblent toujours la gauche : nous sommes sur leur chemin.

Mythe 3 : le fascisme est autodestructeur

ou : on s’en fout, ça ne dure jamais longtemps

Nous rions beaucoup du fait que le Reich de mille ans d’Hitler a à peine duré une décennie. Malheureusement, les nazis sont plutôt l’exception ; la plupart des régimes fascistes sont très stables. Mussolini est resté au pouvoir pendant plus de 20 ans, et aurait pu durer encore plus longtemps sans l’orgueil et l’imbécilité d’Hitler. Le Chili de Pinochet a duré 25 ans. L’Espagne de Franco a duré plus de 35 ans. Le Portugal de Salazar a duré plus de 45 ans. Et même si certains de ces régimes dictatoriaux ont survécu grâce à un soutien extérieur (dans de nombreux cas, grâce au soutien des États-Unis), le fait est qu’ils ont réussi à naviguer entre les menaces internes et externes et ont survécu pendant longtemps, très longtemps.

La définition scientifique de ce qu’est un État consiste généralement à déterminer qui dans une région donnée a le monopole de la force. Qui écrit la loi, oui, mais surtout, qui la fait appliquer. Les régimes fascistes peuvent être extrêmement stables car ils s’efforcent d’exploiter une partie de la population pour prodiguer des avantages à une autre partie, généralement bien armée. Les bénéficiaires bien armés du régime n’ont aucun intérêt à ce qu’il soit renversé, et le défendront souvent avec acharnement.

Les régimes fascistes présentent généralement deux faiblesses qui mènent à leur chute :

  • La dépendance à l’égard d’un “leader unique et fort” qui, malgré la propagande de l’État, est simplement mortel. Beaucoup de ces régimes s’effondrent donc lorsque le “chef” tombe malade, devient sénile ou finit par crever.
  • Quand ils commencent à croire à leur propre propagande. Ils peuvent prétendre être la race supérieure, le peuple supérieur, la caste supérieure, ils ne sont que des humains comme le reste d’entre nous. Il n’y a pas de meilleur rappel à la réalité que la réalité elle-même.

Mais ces deux faiblesses ne sont pas sous notre contrôle… Si un régime fasciste arrive au pouvoir, nous ne pouvons pas attendre 35 ans… merde, nous pourrions ne pas survivre aux premières semaines.

Que devons-nous faire ?

Aussi mauvaise que soit notre société libérale actuelle, elle nous offre une bulle de liberté pour exprimer nos idées, même dans un contexte impérialiste et colonialiste plus large. Les minorités ont certains droits, même s’ils sont très souvent violés. Les gens peuvent vivre en marge de la société, même s’iels sont généralement ostracisé-e-s pour cela. La réalité est que, en dehors de cette bulle libérale, la plupart d’entre nous n’auraient même pas le droit d’exister. C’est quelque chose que nous pouvons voir dans la théorie marxiste : il est difficile pour une révolution sociale d’avoir lieu dans un régime autoritaire. Nous avons besoin d’un espace pour partager nos idées, où nous pouvons pratiquer nos idéaux, même s’il est limité comme il l’est actuellement.

Notre objectif devrait donc être d’élargir cette bulle autant que possible. De tester et de repousser les limites de nos libertés, afin de les étendre encore plus. Comment pouvons-nous y parvenir ? Dans notre contexte actuel, où la bulle ne cesse de se rétrécir, cela implique que nous devons défendre cette bulle. Même si nous détestons cette société libérale, nous aurions de gros problèmes si elle venait à s’effondrer. Cela ne signifie pas que nous devons jouer le jeu politique : notre temps et notre énergie sont trop précieux pour ce cirque. Mais, comme les IWW aiment le dire, nous devons nous organiser. Cela signifie :

  • Organiser des manifestations et dénoncer leur inévitable répression policière,
  • Organiser des groupes de défense des minorités,
  • Organiser des groupes de défense des droits : antiracistes, anti-frontières, anti-propriétaires, anti-police, anti-prison…
  • Organiser des médias indépendants et des forums internet réellement libres,
  • Organiser des actions anti-fascistes et bloquer les événements fascistes,
  • Organiser des espaces de solidarité et des réseaux de coopération, et inventer de nouvelles façons de travailler ensemble,
  • etc.

Comme notre petite bulle est menacée, l’exercice de chacune de ces libertés menacées est une action antifasciste. Alors que les fascistes restreignent ce que nous pouvons faire, ce que nous pouvons dire, où nous pouvons le dire, le faire *de toute façon* est une action antifasciste.

Parce que les libéraux ne nous sauveront pas. Les signes sont partout : les libéraux sont prêts à vendre leurs libertés, nos libertés ! pour un peu plus de sécurité, un peu plus de stabilité. Après tout, ils n’ont pas grand intérêt à protéger une bulle dont ils n’ont pas besoin elleux-mêmes pour survivre.

Pour finir comme nous avons commencé, citons Umberto Eco : “Notre devoir est de découvrir [le fascisme] et de pointer du doigt n’importe laquelle de ses nouvelles instances – chaque jour, dans chaque partie du monde.”

L’histoire nous dit qu’il est beaucoup plus facile de prévenir le fascisme que de le renverser. Alors, allons-y !

Aimez et enragez-vous !
Dansez et insurgez-vous !
Organisez et révoltez-vous !

Ukraine : Solidarity Collectives – Pas de repos jusqu’à la mort du dernier dictateur

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Déc 232022
 

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« Solidarity Collectives » (anciennement « Operation Solidarity ») est un réseau de volontaires anti-autoritaires formé avant l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine pour aider les camarades en première ligne et les civils touchés par la guerre. « Collectifs » n’est pas seulement un nom, mais l’essence de notre initiative qui a été rejointe par diverses organisations et groupes d’Ukraine, d’Allemagne, de Pologne, de France, des États-Unis, des Pays-Bas, du Canada et de nombreux autres pays.

Rien de tout cela ne serait possible sans un grand nombre de personnes unies par l’idée d’aider le mouvement de résistance ukrainien. Le réseau ABC (en particulier [ABC Dresde->https://abcdd.org/en/], Allemagne – [ABC Galicja->https://ackgalicja.bzzz.net/], Pologne), [No Borders Team->https://nobordersteam.noblogs.org/] Poland, [161crew->https://161crew.bzzz.net/kategoria/english/] pologne, XVX Tacticaid, [The Antifa International->https://fundrazr.com/blueskies?ref=ab_5LrBhtqEyZz5LrBhtqEyZz] des États-Unis, [Yellow peril tactical->http://yellowperiltactical.com/] des États-Unis, Ecological Platform de Lviv et bien d’autres – ils ont tous rendu cela possible. Et sans nos amis dans les syndicats de travailleurs/euses, nous n’aurions pas un beau bureau / entrepôt à Kiev.

Sur la base de nos valeurs anti-autoritaires, nous avons décidé de résister activement à l’agression russe. Nous soutenons le droit du peuple ukrainien à l’autodéfense et considérons l’invasion russe comme un acte impérialiste. Malgré les caractéristiques multidimensionnelles de tout événement mondial, les principales raisons de cette guerre sont la politique impériale de la Fédération de Russie, la croyance en la mission historique des élites russes et une tentative d’établir un contrôle sur ce qu’elles pensent être leur sphère d’influence. Les raisons ne doivent pas être recherchées ni dans les intérêts économiques de l’oligarchie russe, ni dans les « précautions de sécurité russes », et surtout pas dans les manigances de l’OTAN. Le soutien total au peuple ukrainien dans sa lutte (ce qui ne signifie pas nécessairement soutenir les politiques du gouvernement) est la seule position cohérente pour les anarchistes et les gauchistes du monde entier.

Les Ukrainiens mènent une lutte armée contre la Russie parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de résistance efficace en ce moment. Les recettes pacifistes classiques ne fonctionnent pas ici parce que les parties au conflit ne sont pas égales. Si l’armée russe se rend, la guerre prendra fin. Si les soldats ukrainiens déposent les armes ou « les retournent contre leur gouvernement », comme le suggèrent certains « experts sur l’Ukraine », l’armée russe occupera plus de territoires et commettra plus de crimes de guerre. Les deux solutions sont également irréalistes. Et la réalité exige des réponses pratiques et des actions spécifiques.

À grande échelle, l’Ukraine n’a pas d’autre choix que de se défendre avec des armes. Cependant, sur le plan individuel, de nombreux hommes et femmes ukrainiens, y compris nos camarades, ont rejoint les unités armées volontairement et consciemment.

Alors, que fait-on? Nous avons créé une équipe de bénévoles composée de personnes et d’initiatives très différentes, réussissant à maintenir son travail malgré les crises et le reformatage. Nous avons établi un réseau logistique et des partenariats solides avec de nombreuses initiatives anarchistes et de gauche en Europe et au-delà. Au niveau national, nous coopérons avec des groupes anti-autoritaires, des syndicats, des militants locaux et des institutions dans les zones proches de la ligne de front.

Les soldats que nous soutenons sont des militants/es de convictions diverses : anarchistes, défenseurs/euses des droits de l’homme, syndicalistes, éco-anarchistes, anarcho-féministes, punk-rockers, réfugiés politiques de Biélorussie et de Russie, etc. Beaucoup d’entre eux n’étaient pas d’accord avec la vision et les idées des uns et des autres avant la guerre. Il y a aussi des gens de différentes opinions politiques, et des membres de différentes organisations et mouvements, qui s’opposent aujourd’hui à l’agression russe.

La plupart des combattants/es sont des travailleurs/euses de différentes professions sans partis politiques ni fondations pour les soutenir. C’est pourquoi, dans {Solidarity Collectives}, nous essayons de soutenir les syndicats dont les membres ont été mobilisés ou se sont portés volontaires pour aller en première ligne. Tout d’abord, ce sont les syndicats des cheminots, des travailleurs de la construction et des mineurs. Nous sommes également solidaires avec eux dans la lutte contre l’adoption des lois antisociales poussées par certains politiciens odieux sous prétexte de nécessité de guerre.

Tous ceux que nous soutenons, cependant, sont unis par un ennemi commun, parce que la machine impériale russe ne permettra à aucun d’entre nous d’exister.

Voici quelques présentations des différents/es camarades que nous soutenons :

– Nous sommes membres de la coopérative Bread for life. Avant l’invasion, nous popularisions les idées de freeganisme et de bricolage. Nous étions indépendants/es, cuisinions, nourrissions lors d’événements locaux, nous accroupissions et construisions des ateliers ouverts sur le squat. En février, une partie du groupe a décidé que nous resterions ici dans le sud (de l’Ukraine) en cas d’invasion pour riposter. Début mars, nous avons rejoint l’un des groupes armés pour former notre équipe médico-évacuée sur sa base. À ce stade, nous avons été soutenus avec du matériel par des camarades d'{Operation Solidarity}, et maintenant nous continuons à être soutenus par {Solidarity Collectives}. Actuellement, nous travaillons dans des directions différentes, nous ne sommes plus dans le même groupe. Mais unis par une idée commune – l’idée de liberté, d’égalité, de sororité, de fraternité et de tout ce qui ne peut être réalisé que par le combat.

– Notre ami Oleg : politologue, musicien, photographe, défenseur des droits des animaux et activiste. Maintenant, il sert dans la 72e brigade qui combat dans l’est de l’Ukraine. Entre autres choses, ils ont tenu la route Lysychansk – Bakhmut. Nous soutenons Oleg depuis un certain temps maintenant.

– Le [{Resistance Committee}->https://linktr.ee/Theblackheadquarter] est né comme initiative quelques semaines avant le début de l’invasion à grande échelle des forces russes. Son but était de coordonner les efforts de différents groupes et individus anarchistes / antiautoritaires dans le domaine militaire. Maintenant, c’est plus de coordination que d’organisation dont il s’agit. Il correspond donc à sa tâche initiale. Nos fondements idéologiques communs sont définis dans notre Manifeste. Notre ennemi immédiat actuel est l’impérialisme russe. Cependant, nous nous opposons à l’autoritarisme et à l’oppression en général. Depuis le début et jusqu’à présent, les anarchistes de Biélorussie et de Russie qui ont survécu en Ukraine des répressions politiques dans leurs pays respectifs ont activement participé au Comité de résistance avec des camarades ukrainiens. Nous définissons le comité de la Résistance comme une coordination antiautoritaire, donc un peu plus large que juste anarchiste. Le nombre exact n’est pas sûr et pas si facile à spécifier car il n’y a pas d’adhésion fixe au CR. Ce n’est pas si grand, et nous ne pouvons pas dire qu’il grandit, même si depuis le début de l’invasion à grande échelle, plus d’anarchistes ont rejoint le combat. Actuellement, nous avons plusieurs petits groupes de camarades anarchistes et antifascistes intégrés dans la défense territoriale, l’armée régulière et les unités de volontaires.

– En 2013, notre camarade {Swallow} a été membre du groupe d’autodéfense anti-autoritaire de l’Euromaïdan de Kharkiv, puis a participé à la création du squat « Autonomia » à Kharkiv, a organisée un centre social et culturel et a participé activement à plusieurs initiatives militantes. Le matin du 24 février, {Swallow} effectuait déjà une reconnaissance aérienne sur la ligne de front à l’aide de drones civils ordinaires.

Actuellement, {Solidarity collectives} a trois principaux domaines de travail :

FRONT MILITAIRE

Dès le début de la guerre, notre tâche principale a été de fournir aux militants/es anti-autoritaires qui ont rejoint les unités militaires tout ce dont ils/elles avaient besoin. Grâce aux dons, nous avons acheté et remis une centaine de gilets pare-balles (4e norme de protection), des dizaines de casques, des appareils de vision nocturne, des caméras thermiques, des télémètres, des drones, de la médecine tactique, des uniformes militaires, des chaussures, des vêtements et bien plus encore – des équipements spéciaux et quotidiens. Aujourd’hui, {Solidarity Collectives} soutient régulièrement jusqu’à 80 combattants, dont beaucoup sont en première ligne.

FRONT HUMANITAIRE

Grâce au réseau logistique que nous avons construit et qui comprend 4 entrepôts et des voitures, nous recevons et transportons l’aide humanitaire là où elle est le plus nécessaire depuis le début de la guerre. À ce jour, nous avons organisé nos propres convois humanitaires ou livré des marchandises à Bucha, Bilohorodka, Tchernihiv, Kryvyi Rih, Mykolaïv, Kramatorsk, Malyna, Kharkiv et d’autres villes. Ces transports se composent de médicaments, de vêtements, de nourriture, de sacs de couchage et de matelas, de bouteilles de gaz avec bouteilles et d’équipements électroniques.

MÉDIA

Les gens discutent de la « question ukrainienne » partout dans le monde. Expliquer pourquoi toutes les forces anti-autoritaires, malgré tout, devraient soutenir le mouvement de résistance ukrainien est notre tâche principale aujourd’hui. Par conséquent, nous sommes toujours prêts à participer à des conférences, des débats ou à partager notre vision avec les journalistes.

Nous travaillons quotidiennement à recueillir les besoins des combattants/es, à faire des achats en Ukraine et à l’étranger, à organiser des voyages humanitaires dans les régions touchées par la guerre, à communiquer avec des initiatives amicales et à publier les résultats de notre travail. Pour beaucoup, c’est la partie la plus importante de notre vie maintenant.

La pratique est l’un de nos principes fondateurs. Nous nous sommes réunis pour aider la résistance ukrainienne à repousser l’agression russe. Mais nous ne sommes pas seulement “contre” quelque chose, mais aussi “pour”. Notre objectif est une société libre et juste, nos valeurs principales sont l’égalité sociale, économique et des sexes.

– Nous pensons que la reconstruction en Ukraine dont les politiciens et les diplomates discutent déjà devrait profiter au peuple. Elle ne devrait pas être basée sur les dogmes néolibéraux que les auteurs/ices du plan de reconstruction tentent d’y inclure.

– Nous pensons que le féminisme d’aujourd’hui devrait être basé sur une position proactive. Aujourd’hui, les militantes du mouvement anti-autoritaire combattent courageusement l’agresseur, dirigent des unités militaires et fournissent une aide médicale sur le champ de bataille. En outre, la plupart des membres de {Solidarity Collectives} sont des femmes, et elles font la plupart du travail dans la direction militaire.

– Nous soutenons les mouvements anti-autoritaires et anticoloniaux dans le monde entier. Aujourd’hui, les militants/es anti-autoritaires en Ukraine acquièrent une expérience qui pourrait être utile pour renverser les dictateurs et les régimes autoritaires à la fois dans les pays post-soviétiques et dans d’autres régions.

– Nous soutenons les mouvements de défense des droits des animaux et luttons contre le changement climatique. Nous transmettons la nourriture végétalienne aux combattants végétaliens et plaidons pour le passage des combustibles fossiles aux sources d’énergie renouvelables. Il ne s’agit pas seulement de prévenir les catastrophes climatiques dans un avenir lointain, mais aussi de réduire la dépendance à l’égard de l’économie russe axée sur les ressources.

Nos objectifs sont incompatibles avec le régime autoritaire de Poutine. Mais nous sommes prêts/tes à nous battre pour eux dans l’Ukraine d’après-guerre en nous opposant également aux tendances autoritaires de notre société.

Nous sommes reconnaissants/es du soutien apporté par tous ceux/celles qui ont travaillé avec nous pendant tous ces mois. À ceux/celles qui aident à collecter des fonds, à transférer des véhicules, à organiser des événements publics ou à venir en Ukraine avec de l’aide humanitaire. Aujourd’hui, nous sentons la force de la solidarité internationale capable de faire de grandes choses, malgré la division de la gauche internationale sur la « question ukrainienne ». Nous sommes conscients que cette solidarité n’est pas facile, mais nous vous demandons de ne pas céder à la lassitude de la guerre, surtout maintenant que votre soutien est crucial pour nous.

Nous sommes également prêts/tes à un dialogue ouvert avec ceux qui hésitent encore, mais qui sont prêts à entendre la position de la communauté anti-autoritaire en Ukraine. Nous voulons vous voir de notre côté des barricades!

Entre-temps, notre travail se poursuit.

Pas de repos jusqu’à la mort du dernier dictateur.

podcasts (anglais):

https://a-dresden.org/2022/07/10/solidarity-collectives-interview-about-solidarity-work-with-ukraine/

https://anchor.fm/ypt-tiger-bloc-podcast/episodes/20—Solidarity-Collectives—Ukraine-Russia-War-e1nvgcq

chaines vidéo:

https://www.youtube.com/@sol_col
https://kolektiva.media/c/solidarity.collectives/videos?s=1

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Auxane Jonot : le policier raciste qui s’en vient vivre à Québec

 Commentaires fermés sur Auxane Jonot : le policier raciste qui s’en vient vivre à Québec
Déc 102022
 

De Montréal Antifasciste

Montréal Antifasciste exerce une activité de veille et de surveillance sur les groupes haineux, qu’ils se regroupent dans le monde réel ou sur des groupes en ligne.

Dans les dernières années, les franges radicales de l’extrême droite ont eu tendance à quitter les plateformes traditionnelles comme Facebook et Instagram pour se tourner vers des plateformes jugées plus dérégulées (comme GAB) ou mieux sécurisées (comme Telegram). Cela ne nous empêche pas de continuer notre travail de surveillance, comme nous l’avons fait cette année avec la section québécoise de la nébuleuse White Lives Matter.

En dépit de la perte de certaines de ses plateformes, nous nous sommes intéressé·es cette année à la communauté qui se regroupe autour d’Alexandre Cormier-Denis et de son média Nomos TV. Plus spécifiquement, nous avons pu observer toutes sortes de choses sur le chat Telegram réservé aux abonnés.

Récemment, un utilisateur de ce chat a plus particulièrement attiré notre attention.

L’utilisateur « Aux » est un jeune Français qui s’apprête à s’installer au Québec. Il est un fervent partisan d’Éric Zemmour (l’ex-journaliste devenu candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle française de 2022, qui ferait passer Marine Le Pen pour un gentil chaton) et de son organisation Reconquête. Tout naturellement, « Aux » s’est retrouvé sur le chat réservé aux abonnés payant de Nomos TV puisque son animateur, Alexandre Cormier-Denis, a beaucoup soutenu la candidature d’Éric Zemmour. Il y est actif depuis le 29 août 2022.

De Mr Deez…

« Aux» est actif dans la communauté du jeu vidéo. Il est connu pour être un joueur, notamment sur le jeu Call of Duty, sous le pseudonyme Mr Deez. Il anime une chaîne Twitch à ce nom, suivie par 2200 « followers » et a été derrière le projet YouTube « 5 choses à savoir ». De nombreuses preuves relient sans peine « Aux» à Mr Deez :

… au policier Jonot

« Aux» a finalement dévoilé qu’il travaille comme policier en région parisienne. En plus de se mettre en scène en uniforme, il a commencé à partager des photos de sa journée, comme des photos de son pistolet Taser.

Beaucoup plus choquant, il a décidé de partager des photos des gens qui étaient en garde à vue (arrêtés) – des personnes menottées à leur siège, évidemment photographiées sans leur consentement. De plus en plus décomplexé au fil des semaines, il a commencé à publier régulièrement les noms et les visages de personnes qu’il interpelle, afin de justifier son idéologie raciste. Il a fini par publier les photos ou coordonnées de pas moins d’une quinzaine de détenus, avec des commentaires pour chacun, ou il dévoile leur historique d’arrestations et leurs accusations, avec des commentaires désobligeants ou racistes.

Voici un échantillon des portraits de détenus qu’Auxane Jonot a publié sur la chaîne Telgram de Nomos; nous avons flouté les visages et autres éléments qui pourraient permettre d’identifier les personnes.

Il est même allé jusqu’à publier des extraits de son carnet de notes avec les noms, date de naissance, adresses, et numéros de téléphone – et une photo du système informatique interne pour les policiers avec les détails d’une intervention policière, avec les noms des personnes, adresses, etc.  Tout ça, juste pour donner un prétexte de discuter du « grand remplacement » ou dénigrer les gens qui ne sont pas blancs comme lui.

« Mes 4 interpellations à l’instant, je vous donne un exemple des noms 🙂 C’est nous, on écrit très vite à l’arrache 😭 eux ne savent à peine écrire ahah Justement, je montre au Québec qu’en France tout va très bien et que ceux qui disent le contraire sont des complotiste »

Ses comportements et gestes en disent long sur la culture qui règne aux services de police, qui baigne dans le racisme systémique.

« Alors c’est simple ça fait 4 ans que je suis dans la police, j’ai mis en garde à vu 5 personnes au TOTAL dont le prénom était français ou occidental disons. TOUT le reste c’est du prénom africain/maghrébin ou pays de l’Est. »

La police et le racisme systémique

Le fait que la police est une institution qui incarne le racisme systémique ne fait pas question – étude après étude le démontre, avec ses effets dévastateurs (violence, mort, incarcérations) pour les BIPOC, et même les services de police des grandes villes du Canada le constatent. On a vu que la police de Toronto s’est fait enlever le droit d’arrêter les gens aléatoirement (politique « stop and frisk »), à cause du profilage racial flagrant — et tout récemment les services de police du Québec se sont vu enlever le droit d’intercepter des conducteurs sans motif pour les mêmes raisons.

Il est aussi de plus en plus documenté qu’un bon nombre de policiers sont sympathiques aux mouvements d’extrême droite, et que certains en sont membres eux-mêmes. On l’a vu récemment avec le mouvement du soi-disant « Convoi de la liberté » — des policiers filmés qui donnent leur appui enthousiaste, et encore plus choquant, les allégations de fuites stratégiques de « tous les corps de police » au convoi. Aux États-Unis on a vu la police donner du soutien aux milices qui intimidaient les militant-e-s de Black Lives Matter, et qui ne voulaient pas arrêter Kyle Rittenhouse après que celui-ci ait tué des manifestants dans la foule — Rittenhouse qui a été finalement acquitté de toutes les accusations portées contre lui. En septembre, le Anti-Defamation League a publié une étude sur une fuite de la milice américaine des Oath Keepers, dans lequel on trouvait 373 policiers qui étaient aussi membres de cette milice (et relayait des témoignages de la manière par laquelle ils propageaient les valeurs de cette milice anti-immigrante dans leurs corps de police). On a aussi vu un ex-membre du FBI produire un reportage en 2020 qui documentait à quel point les services « de maintien de l’ordre » ont été liés à des activités militantes racistes dans au moins 12 états au cours de la dernière décennie. En Europe, il y a de nombreuses études sur l’extrême droite dans les corps de police – on y trouve une « culture d’extrémisme » selon le journal The Guardian, qui révèle que 81 % des corps policiers en France voteraient pour le Rassemblement National, et rappelle la fuite du groupe WhatsApp de policiers français bourré de racisme.

Qui est « Aux »?

Auxane Jonot
Aux Tonoj: https://www.facebook.com/auxane.soy
Twitter : https://twitter.com/MrDeeZHD
Twitch : https://www.twitch.tv/mrdeezhd
Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCmamnT89_gghqsDP5-JvBaA

Emeline Maire
Facebook : https://www.facebook.com/emeline.maire.14
Twitter: https://twitter.com/Anywherexx

Plusieurs indices semés sur le chat des abonnés de Nomos TV nous ont permis rapidement d’en savoir plus sur lui. Auxane est son prénom, il est originaire de la région Bretagne et vit en région parisienne où il occupait un emploi de policier dans le Val-de-Marne (département 94), notamment dans la ville d’Arcueil.

Sa conjointe est pharmacienne et partage largement les idées racistes d’Auxane, comme celui-ci nous l’a appris, et comme nous l’avons découvert sur son compte Twitter. C’est d’ailleurs en partant des échanges sur leurs deux comptes Twitter que nous avons pu identifier formellement le couple comme étant Auxane Jonot et Emeline Maire.

Une arrivée imminente au Québec

Heureusement pour la jeunesse française, Auxane a annoncé avoir démissionné de son emploi de policier au mois de novembre 2022. Le couple de Français s’apprête à s’installer au Québec. Leur arrivée est prévue pour le 11 janvier 2023.

Il était d’abord prévu qu’iels s’installent à Montréal et qu’Auxane suive une formation en informatique. Sur le chat, Auxane demandait par exemple :

« Selon vous quels sont les meilleurs quartiers de Montréal? Les quartiers les plus épargnés par la diversité? »

Un récent séjour exploratoire cet automne a changé la donne. Suite à sa récente visite au Québec, Auxane déclare sur le chat que :

« Montreal est bcp trop LGBTophile/anglicisé à mort/et grand remplacé pour moi. »

Le couple a finalement décidé de s’installer dans la ville de Québec, jugée plus conservatrice, et ils ont déjà trouvé un appartement dans le secteur de Lebourgneuf.

///

Dans un élan de lucidité, Auxane Jonot a posé la question suivante sur le canal Telegram de Nomos TV :

« On est sur qu’il n’y a pas d’infiltré dans ce canal? Car on ferait vite la une de Mediapart »

Cette phrase à elle seule démontre bien qu’Auxane est tout à fait conscient de la gravité de ses actions et de ses mots, il expose sa haine dans un entre-soi raciste qu’il pense (ou espère) anonyme. Mais comme le dit très bien ACD lui-même : « on est sur de rien du tout ».

Faisons en sorte qu’Auxane et Emeline ne se sentent pas les bienvenus. Et pourquoi pas, qu’il fasse la une de Mediapart!

Il y a de la place pour tout le monde au Québec, sauf pour un ancien policier raciste.

Réfugié·es bienvenu·es, racistes dehors!

P.-S. On vous met en bonus cette capture d’un autre post raciste d’Auxane Jonot sur la chaîne Telegram de Nomos, dont l’ironie n’échappera pas personne…

Pas de nazis dans nos quartiers; pas de quartier pour les nazis!

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Juil 092022
 

De Montréal Antifasciste

Manifestation antifasciste à l’occasion du procès du néonazi Gabriel Sohier Chaput

À l’occasion de la dernière journée du procès pour incitation à la haine du propagandiste et idéologue néonazi Gabriel Sohier Chaput, le collectif Montréal Antifasciste a invité ses sympathisant·e·s à se réunir à l’extérieur du Palais de justice de Montréal pour rappeler que la lutte contre l’extrême droite, le suprémacisme blanc, les néonazis et toute autre variété d’idéologie fasciste et haineuse est avant tout un enjeu d’autodéfense communautaire, et non de répression policière ou de procédures judiciaires.

Rappelons que Sohier Chaput qui, sous le pseudonyme « Zeiger », s’est impliqué entre 2012 et 2018 dans plusieurs projets de propagande et de coordination du réseau néonazi international, dont le site The Daily Stormer et le forum Iron March, répond actuellement d’une accusation d’incitation à la haine pour un seul et unique article qu’il a écrit, parmi des centaines. Lire l’article de fond produit par Montréal Antifasciste sur l’affaire Zeiger : https://montreal-antifasciste.info/gabriel-sohier-chaput-aka-zeiger/

Les trois premières journées de son procès, en février et mars derniers, ont révélé une enquête policière bâclée et une poursuite mal préparée au regard de la somme de preuves accablantes déjà exposées par des journalistes de The Gazette dans une série d’articles publiés au printemps 2018 à l’issue d’une enquête menée par des militant·e·s antifascistes. Lire le bilan provisoire des trois premières journées du procès : https://bit.ly/3nDhzHn

Montréal Antifasciste écrivait à cette occasion : « Il est évident que les policiers et la Couronne ont complètement ignoré le travail réalisé par nos soins et par les journalistes de The Gazette qui ont exposé Zeiger au public (…). Cette ahurissante impréparation confirme deux choses que nous avons toujours soutenues : 1) la police ne prend pas du tout au sérieux la menace que représente l’extrême droite et les courants néofascistes; et 2) ça n’est pas dans les tribunaux que la véritable justice s’obtient, mais dans la solidarité et l’autodéfense communautaire. »

À titre d’exemple, Sohier Chaput n’a pas eu à répondre de sa participation centrale dans le projet Iron March, un point de rencontre névralgique pour les militants néonazis du monde entier désireux de recourir à la violence contre leurs ennemis. C’est notamment sur ce forum que s’est constituée l’organisation Atomwaffen Division, dont les médias québécois ont récemment parlé suite à une opération de la GRC à Plessisville et Saint-Ferdinand. Il est avéré que Sohier Chaput agissait à titre d’administrateur d’Iron March, en plus d’y avoir publié de nombreux essais et d’encourager la formation d’un réseau néonazi mondial comportant un volet terroriste clandestin. Il a également organisé une immense archive numérique d’œuvres fascistes à l’intention de ce réseau et réédité le livre Siege, de James Mason, le principal guide idéologique d’Atomwaffen Division et du courant soi-disant « accélérationniste » du mouvement néonazi international. Sohier Chaput a aussi participé avec d’autres suprémacistes blancs au tristement célèbre rassemblement « Unite the Right », à Charlottesville, en Virginie, en août 2017, où une militante antiraciste a été tuée par un néonazi.

Le rôle central de Sohier Chaput dans l’écosystème néonazi de la période 2012 à 2018, marqué par la présidence de Donald Trump et l’essor du mouvement alt-right, ne fait absolument aucun doute, pas plus que sa prolifique contribution en tant que propagandiste et idéologue, puisqu’il a lui-même avoué avoir publié des centaines d’articles dont il est évident qu’ils incitaient à la haine et au harcèlement des personnes juives, musulmanes, racisées, homosexuelles, féministes, progressistes, etc. Pourtant, ce propagandiste clé de la haine raciale risque aujourd’hui de sortir parfaitement indemne de son procès parce que la police et la Couronne n’ont pas cru utile de se servir des abondantes preuves accumulées contre lui par les antifascistes. Dans le meilleur des cas, il écopera d’une peine symbolique et sera libre de retourner à ses activités toxiques.

Dans un tract distribué lors du rassemblement, le collectif Montréal Antifasciste explique : « En tant qu’antifascistes et qu’antiracistes, nous croyons que la responsabilité de combattre les discours haineux portés par les suprémacistes blancs ne doit pas être abandonnée à la police ou aux tribunaux, car elle revient à la communauté tout entière, en solidarité avec celles et ceux que ces groupes et individus cherchent à victimiser. Il nous incombe à tous et à toutes de débusquer et d’identifier les nazis et autres fachos dans nos communautés, de les désigner à la vindicte, de les isoler et de les neutraliser par tous les moyens nécessaires. Il nous appartient de faire passer à quiconque l’envie de les suivre ou de les imiter. (…) Quel que soit le verdict rendu contre Sohier Chaput, la punition qu’il recevra ne sera absolument pas proportionnée au tort qu’il a causé. En dernière analyse, au-delà des portes du Palais de justice, nos communautés ont la responsabilité de garantir leur propre sécurité : nous devons nous organiser nous-mêmes contre le mal que causent les racistes/sexistes/homophobes/transphobes comme Sohier Chaput. Ne laissons aux nazis, suprémacistes blancs et autres fascistes aucun espace pour se développer. Continuons à combattre l’extrême droite et la menace fasciste, au quotidien, dans nos lieux de travail, dans nos quartiers, dans nos espaces culturels, partout, et tant qu’il le faudra! »

Les manières hypocrites d’une hégémonie en crise

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Mai 212022
 

De Montréal Antifasciste

Le traitement des sujets dominants de l’actualité récente a eu de quoi faire vibrer violemment le détecteur de bullshit chez celleux d’entre nous qui n’ont pas encore éteint le leur. Si l’on ne retient qu’une chose, par exemple, de la curieuse transition entre la fin-qui-ne-finit-plus-de-finir de la crise pandémique et le commencement annoncé d’une nouvelle crise géopolitique en Europe, c’est à quel point les balises de l’attention publique peuvent être rapidement bougées au gré de priorités décidées on ne sait ni comment ni par qui ou selon quelle raison. Du tout-COVID, on est passé au tout-Poutine en deux coups de cuiller à pot, et la menace à l’équilibre du monde s’est soudainement déplacée des variants de la COVID aux visées impérialistes d’un autocrate milliardaire qu’on nous décrivait encore récemment comme un partenaire commercial indispensable bien qu’un peu cringe au niveau des assassinats.

Dans le même temps, l’intersection des deux crises a eu pour effet d’exposer à la lumière crue quelques-unes des profondes hypocrisies que l’hégémonie néolibérale arrive en temps normal à dissimuler sous les grimaces et les artifices. Nous proposons ici de relever certains des deux poids, deux mesures plus ou moins flagrants qui ont truffé les discours officiels et le traitement des sujets d’actualité au cours des derniers mois.

Dans un contexte où le centre bourgeois cherche à reconduire l’ordre néolibéral et colonial – en testant de nouveaux procédés autoritaires pour ce faire – et où l’extrême droite se présente de plus en plus comme une alternative « antisystème » valable, nous invitons celleux qui s’estiment progressistes à reconnaître l’hypocrisie libérale, à refuser leur consentement et à rejoindre les mouvements sociaux anticapitalistes/antifascistes qui luttent à la fois contre l’hégémonie néolibérale et la possibilité du fascisme.

///

D’autres que nous ont déjà relevé comment la gestion policière timide – pour ne pas dire sympathique – du chahut antisanitaire d’Ottawa, en février 2022, contrastait avec la robustesse habituellement déployée pour réprimer les actions de désobéissance menées par les mouvements sociaux se situant de l’autre côté de l’éventail politique. Rarement a-t-on vu autant de policiers se prendre en selfie et flasher des thumbs up avec des participant·e·s à une action de désobéissance civile de masse à un jet de pierre du Parlement! Sans même mentionner les câlins, les high fives énergiques et les confidences attendrissantes. Ni la participation documentée de membres passés et actuels de l’armée canadienne, des forces spéciales, de la police et des services de renseignement militaire canadiens à l’organisation du siège[i]. On serait bien en mal de trouver les preuves d’une pareille sympathie constabulaire à l’endroit des mouvements écolos, anticapitalistes et antiracistes ou à l’égard des résistant·e·s autochtones qui revendiquent l’intégrité de leurs territoires ancestraux contre l’impitoyable avancée de l’industrie pétrolière et gazière.

On se souviendra que quelques semaines seulement avant le début de la pandémie, à l’hiver 2020, la GRC avait été appelée à intervenir pour déloger à la pointe du fusil les défenseur·e·s des terres et des eaux qui avaient érigé des barrages pour bloquer le passage du gazoduc Coastal GasLink sur le territoire ancestral de la nation Wet’suwet’en, en Colombie-Britannique. Des actions de solidarité organisées un peu partout au Canada avaient aussi été réprimées sans pincettes. Pas plus tard qu’en septembre 2021, soit quelques mois avant le cirque antisanitaire à Ottawa, la même Gendarmerie royale canadienne avait défoncé à coups de chainsaw un cabanon installé par des militant·e·s sur le trajet projeté du pipeline sous la rivière Morice pour en déloger brutalement les occupant·e·s, dont deux journalistes indépendants. On doute que les policiers aient pris le temps de doucement balayer la neige de leurs vêtements en procédant à leur arrestation, comme on en a vu le faire avec les anti-masques à Ottawa.

Dans un certain nombre de rapports produits ces dernières années par des agences du gouvernement fédéral chargées de surveiller ce genre de choses, l’extrême droite a été nommée sans équivoque comme une menace croissante à la sécurité du Canada. Pourtant, quand une poignée d’organisateurs clairement identifiés aux sphères d’extrême droite ont claironné leur intention de former un convoi routier vers Ottawa pour occuper l’espace entourant le Parlement – jusqu’à ce que toutes les mesures sanitaires soient levées, faute de quoi le gouvernement Trudeau serait renversé et remplacé par un comité mixte incluant le chef des pas-contents et sa tendre épouse – curieusement, ni les services de renseignements et de sécurité nationale, ni la police fédérale, ni les polices provinciale et municipale concernées n’ont cru bon profiter de l’intervalle de sept jours avant l’arrivée des poids lourds pour concevoir et mettre en œuvre un plan de prévention de l’occupation annoncée. Ensuite sont arrivés les thumbs up, les high-fives et les confidences évoquées ci-dessus.

Deux semaines plus tard, après que des résident·e·s du quartier assiégé – et non les autorités publiques – eurent obtenu une injonction pour faire cesser le tapage; après qu’une résidente – et non les autorités publiques – ait déposé une plainte au civil contre les organisateurs du siège et les occupant·e·s, et après que la communauté – et non les autorités publiques – ait commencé à se mobiliser pour bloquer physiquement des convois de ravitaillement, l’ancien professeur d’art dramatique adepte de grimage qui nous sert de premier ministre a annoncé qu’il invoquerait la Loi sur les mesures durgence. Le même gouvernement qui s’était montré incapable de prévenir une situation pourtant télégraphiée et prévisible quelques semaines auparavant se permettait de recourir à une mesure d’exception jamais invoquée jusqu’à présent, sans vraiment en prouver la nécessité, avec l’appui embarrassé d’une balance du pouvoir d’allégeance sociale-démocrate.

Certains observateurs progressistes qui rageaient depuis des mois contre la mouvance conspirationniste se sont d’ailleurs joints au concert d’applaudissements lorsque la répression, au bout d’un généreux moment, s’est gentiment déposée sur les épaules des occupant·e·s. Plusieurs ont aussi accueilli favorablement la loi d’exception invoquée par le gouvernement pour mater quelques centaines d’hurluberlus frustrés[ii]. Un tel enthousiasme à l’égard de la répression trahit une mauvaise compréhension des rapports entre l’État bourgeois et les mouvements sociaux. La principale utilité du recours à cette mesure pour le gouvernement, au-delà des pouvoirs immédiats qu’elle lui conférait pour saboter l’organisation des anti-vaxx, a été de créer un précédent pour les prochaines occasions de réprimer les mouvements de dissidence ou de désobéissance populaires, qu’ils soient progressistes ou réactionnaires. Ce précédent devrait donc fortement inquiéter quiconque sympathise avec les mouvements pour la justice sociale et économique, la décolonisation ou la protection de l’environnement qui pourraient être portés à mener des actions de désobéissance à l’avenir. On peut sans difficulté anticiper les éventuelles réactions de l’État, par exemple, quand des communautés autochtones reprendront des moyens extralégaux pour défendre leurs territoires ou quand la nouvelle génération recourra inévitablement aux actions directes pour réclamer des transformations radicales de la société et de la gouvernance au regard des changements climatiques qui se précipitent. Si la mesure législative exceptionnelle est employée cette fois-ci contre un groupe dont les pulsions réactionnaires nous répugnent, rien ne garantit qu’elle ne sera pas invoquée plus tard pour réprimer des revendications qui nous tiennent à cœur. En fait, l’histoire nous enseigne que la répression s’est presque toujours abattue avec plus de zèle et de force sur les mouvements progressistes que sur les mouvements réactionnaires…

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La caravane des Kev-Kév-Kev fini donc par passer, comme tout passe, et après une longue série de décisions douteuses, de coups de force aussi spectaculaires qu’injustifiés et de retournements improbables, les autorités publiques nous ont dit qu’il n’était plus tant nécessaire de capoter avec le virus et ont fini par décréter que le temps était venu de « vivre avec la COVID » (c.-à-d., grosso modo, de s’en crisser). Au moment d’écrire ces lignes, toutefois, avec l’amorce d’une sixième vague d’infections, ce changement de paradigme ne s’était toujours pas traduit par la levée de l’état exceptionnel d’urgence sanitaire au Québec.

Puis, les infographiques de petits soldats au Téléjournal se sont substitués en quelques jours aux chartes colorées détaillant les nombres de nouveaux cas de COVID. Dans les semaines qui ont précédé l’invasion comme telle, tandis que le monde somnolait devant les compétitions de luge et de patinage artistique, les médias et le commentariat d’ici ont commencé à tapocher du bout des doigts sur le tambour, puis on a dépoussiéré les vieilles machines à boucane pour recommencer à pomper dans les chaumières le proverbial « brouillard de la guerre ». On a campé les bons et les méchants, on a rapidement résumé les enjeux géostratégiques – en prenant soin bien sûr de les simplifier à outrance et de gommer la part de responsabilité occidentale –, on a planté le décor et quand au lendemain des Olympiades, Poutine a finalement mis son plan à exécution, nous étions soudainement précipité·e·s dans le premier conflit armé majeur en sol européen depuis la fin des guerres en ex-Yougoslavie au début des années 2000.

Et le système libéral/bourgeois s’enfargea de plus belle dans ses doubles standards.

En reprenant en chœur tous les accords d’une partition bien connue, les politiciens, les médias et les spécialistes patentés nous ont rejoué les airs classiques du répertoire chauvin. On pardonnera aux plus jeunes d’avoir oublié la rengaine : un refrain insistant lourdement sur la vilenie absolue du méchant et une succession de couplets parfois larmoyants parfois laudatifs narrant les horreurs de la guerre, le désespoir des civils et le courage quasi surhumain des politiciens et combattants désignés comme figures héroïques de la résistance.

Qu’on se comprenne bien : l’invasion russe du territoire ukrainien est une aventure impérialiste abominable, injustifiable autant au regard du droit international que des valeurs humanistes fondamentales. Bien que l’OTAN, les États-Unis et l’Union européenne aient une part importante de responsabilité dans l’instabilité politique chronique des vingt dernières années en Ukraine, et malgré la grande complexité des enjeux entourant les provinces contestées, Vladimir Poutine et l’oligarchie russe qui l’entoure sont les seuls responsables de la guerre d’invasion qu’ils ont lancée contre leur voisin, une nation souveraine jusqu’à preuve du contraire. La situation est tellement complexe, à vrai dire, qu’au-delà de ce constat primaire, l’humilité nous invite à résister à la tentation de la « ouestpliquer » davantage. Ce qui nous intéresse ici est surtout de montrer les deux poids, deux mesures du récit dominant.

À commencer par la figure du méchant lui-même. Vladimir Poutine est sans contredit une ordure de la pire espèce. Mais cet autocrate milliardaire qu’on diabolise aujourd’hui est pourtant depuis très longtemps un allié clé du système capitaliste mondial. Rappelons que la Russie était membre du G8 pendant le dernier âge d’or de la mondialisation, de 1997 jusqu’à l’annexion de la Crimée en 2014. L’aristocratie capitaliste russe, ceux-là qu’on désigne comme « les oligarques », a pleinement profité de l’intégration de « son » économie aux marchés internationaux et en retour, les puissances occidentales ont généralement fermé les yeux sur les tendances antidémocratiques et souvent fascisantes du caïd russe, lesquelles combinent habilement les méthodes de la mafia et du KGB. Disons seulement que jusqu’à tout récemment, l’Occident traitait Vladimir Poutine davantage comme un cousin gênant qui se plaît à torturer des petites bêtes dans la shed que comme le tyran fou et sanguinaire qu’on nous dépeint aujourd’hui[iii].

Ces fameux oligarques, quoi qu’on en dise, ne sont d’ailleurs pas fondamentalement différents des grandes « familles » capitalistes occidentales. Ils forment la classe dominante qui, autour de Vladimir Poutine, préside à la destinée de la nation au mépris des processus démocratiques. Certains seraient tentés de dire que nos milliardaires à nous sont bien moins méchants précisément parce qu’ils s’accommodent de ces processus, ce à quoi l’on répondrait qu’il faut être bien naïf pour croire que la grande bourgeoisie n’exerce pas une influence déterminante sur les politiques dans nos pays comme ailleurs. Certains acteurs, comme la famille Koch, aux États-Unis, le font plus ou moins ouvertement, tandis que d’autres agissent avec plus de circonspection. Et que dire encore de l’attachement aux valeurs démocratiques du sympathique gouvernement d’Arabie saoudite, cet indéfectible allié du Canada et des États-Unis? À moins qu’on n’adhère à l’hypothèse que les milliardaires russes sont fondamentalement différents des autres milliardaires, on peut sans doute s’entendre sur le fait qu’ils forment une classe internationale ayant en commun d’exercer une influence déterminante sur les gouvernements du monde et de se câlisser généralement du bien commun[iv].

Soupçon d’ironie au chapitre des oligarques, le Canada a pour maillon clé dans sa filière pétrogazière une société de fabrication de pipelines détenue à 28 % par l’un de ces milliardaires qui gravitent dans l’orbite directe de Poutine, Roman Abramovich. Son entreprise fabrique notamment le gazoduc du projet Coastal GasLink contre lequel se battent les Wet’suwet’en. Curieusement, Justin Trudeau a attendu deux semaines avant d’imposer à Abramovitch les mêmes sanctions qu’il avait appliquées aux autres proches de Poutine dès les premiers jours de l’invasion, même si ses liens étroits avec ce dernier n’ont jamais fait l’ombre d’un doute. Quoi qu’il en soit du barrage de sanctions déployées contre l’oligarchie russe, d’ailleurs, les intérêts mutuels de la Russie et de l’Occident, surtout de l’Europe, dans le commerce de l’énergie demeurent inextricables. On apprenait aussi récemment que la France livrait encore des armes à la Russie pas plus tard qu’il y a deux ans…

Que dire ensuite de ces fameux combattants de la liberté marqués des couleurs nationales dont on nous invite à saluer la bravoure et à chanter les louanges sans trop poser de question? Cette question-là aussi est trop complexe pour qu’on la résume à quelques slogans faciles. Contentons-nous de reconnaître qu’il est entièrement légitime de prendre les armes pour se défendre contre un envahisseur et que la résistance armée, loin d’être homogène, est traversée de courants multiples et parfois antagonistes. En dernière analyse, nous soutenons la population civile et sa volonté légitime d’autodétermination face à la fédération russe et à l’Occident. Il serait toutefois quelque peu gênant pour un groupe de vigilance antifasciste de passer sous silence le fait que les milices paramilitaires du bataillon Azov (notoirement truffé de combattants néonazis) ont été intégrées à la Garde nationale en septembre 2014 et forment depuis un régiment considéré par l’État ukrainien comment un élément essentiel de la défense du territoire national. Les spécialistes chargés d’expliquer ce genre de choses précisent qu’avec à peine 2 % des votes au pays en 2019, la coalition politique regroupant les partis ultranationalistes et néonazis d’Ukraine n’est pas aux portes du pouvoir[v]. Il faut dire aussi que la propagande russe a énormément exagéré l’importance des néonazis dans l’appareil d’État ukrainien, mais il est selon nous utile d’examiner plus attentivement la présence des ultranationalistes et des néonazis dans les forces armées, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du cadre de l’armée nationale, car c’est là qu’ils se concentrent et exercent la plus grande influence. Personne ne semble d’ailleurs connaître exactement l’étendue de cette influence; on ne saurait trop insister sur ce point. Et pourtant, on aurait dit que les médias traditionnels ont cherché et cherchent encore à minimiser ou à dédramatiser l’intégration du régiment un peu néonazi aux forces armées nationales. On s’indigne avec raison lorsqu’un militant néonazi est déniché dans l’armée canadienne, mais pour une raison qui nous échappe, il faudrait maintenant croire que les milliers de militants néonazis et ultranationalistes intégrés à l’armée nationale ukrainienne n’ont rien pour inquiéter outre mesure…

Il y a bien sûr lieu de décrocher un sourcil lorsque Poutine se réinvente en antifa et prétend vouloir « dénazifier » l’Ukraine tout entière à coups de mortier, lui dont on sait qu’il emploie en sous-main des mercenaires néonazis dans le Donbass et qu’il tolère très bien les militants néonazis du monde entier qui vont chercher refuge en Russie. On trouve néanmoins bien dangereuse cette tendance des médias à réduire la présence de milices néonazies organisées dans l’appareil d’État ukrainien à une note de bas de page. Une présence qu’ils ne parviennent d’ailleurs même pas à gommer : le 11 mars 2022, dans un reportage de Radio-Canada sur des Canadiens volontaires en Ukraine, on a clairement pu voir un « civil » portant l’écusson du  régiment Azov s’entraîner au combat sous les consignes d’un « instructeur finlandais ». Doit-on déduire de cette belle connivence que les néonazis font désormais partie des gentils? C’est en tous cas ce que semble croire la direction de Meta (Facebook et Instagram), qui a décidé en février 2022 de revoir sa politique interne sur le bannissement du régiment Azov et de permettre qu’on utilise leurs plateformes pour saluer la bravoure de ses combattants. Personne ne semble guère réfléchir aux possibles conséquences à long terme de l’intégration de milices néonazies aux armées nationales, de la consolidation de la confrérie néonazie internationale dans le cadre d’une aventure militaire financée par l’Occident et de la transformation de milliers de militants néonazis en héros nationaux nimbés d’une aura mythique au sein d’une population civile traumatisée. Qu’est-il arrivé, déjà, les dernières fois où les grandes puissances occidentales ont soutenu et armé des « combattants pour la liberté » aux convictions morales par ailleurs douteuses? Peut-être en Asie Centrale et au Moyen-Orient? Asking for a friend.

Quoi qu’il en soit du pourcentage exact de néonazis intégrés à l’armée ukrainienne, la fabrique du consentement insiste ici sur le courage « sans précédent » de la population civile devant la catastrophe. Il est évident que la population ukrainienne fait preuve d’un courage extraordinaire, mais doit-on comprendre de cette qualification hyperbolique que d’autres résistances, comme celle du peuple palestinien au régime d’occupation et d’apartheid israélien qui dure depuis plus de 70 ans, pour ne prendre que cet exemple évident, sont moins courageuses ou sont faites d’un courage de moins bonne qualité? Un  mème répandu dans les premiers jours de l’invasion mettait côte à côte un cocktail Molotov ukrainien et un cocktail Molotov palestinien; le premier portait l’étiquette « Héros » et l’autre l’étiquette « Terroristes ». On pourrait difficilement mieux résumer le double discours des commentateurs occidentaux sur la légitimité relative des différents mouvements de résistance nationale. Car il y en d’autres (en Syrie, au Yémen ou au Cachemire, par exemple) dont on ne parle pas du tout ou, lorsqu’on daigne en parler, que l’on classe hâtivement sous la rubrique des « guerres civiles » ou des « insurrections terroristes ». Une différence clé est que bien souvent, ces conflits sont attribuables aux actions discutables des puissances occidentales ou de leurs alliés et partenaires dans la configuration géopolitique du moment. Et c’est sans même parler des nombreuses entreprises d’invasion et de changement de régime, guerres par procuration et autres « opérations militaires spéciales » menées par les États-Unis avec la complicité de nos gouvernements depuis la Deuxième Guerre mondiale, qui n’ont rien à envier à l’intervention russe en Ukraine. Mais il n’est même pas nécessaire d’aller chercher aussi loin pour révéler le deux poids, deux mesures : ici même au soi-disant Canada, les médias n’ont jamais mobilisé le lexique de la bravoure pour décrire les défenseur·e·s autochtones des terres et des eaux. On les confine plus volontiers au registre de la criminalité et de la délinquance. Les spécialistes de la sécurité qu’on appelle à commenter lorsque des communautés autochtones ou leurs allié·e·s gênent la conduite des activités industrielles sur leurs propres territoires réfléchissent à voix haute aux moyens nécessaires pour les déloger bien plus qu’au courage considérable qu’il faut mobiliser pour se battre tout à la fois contre l’État et sa police, la grande industrie et une opinion publique remontée contre elles. Rappelons à ce titre que l’une des voix les plus stridentes du racisme anti-Autochtones au Canada, Gilles Proulx, qui avait ouvertement appelé la population blanche à user de violence contre les membres de la communauté de Kahnawake en 1990, fait toujours partie de la distribution régulière des têtes parlantes de la machine Québecor…

Bouclons ce tour d’horizon sur le thème des populations déplacées. On déplore avec raison l’exil forcé de la population civile ukrainienne. Au moment d’écrire ceci, plus de quatre millions de personnes ont dû fuir le pays, et les appels à la solidarité se multiplient quotidiennement. Il est normal et souhaitable que le cœur humain soit bouleversé devant la souffrance d’autrui. Le hic survient lorsqu’on se rend compte que cette empathie est à géométrie variable et dénote quelque chose comme un racisme structurel. Le problème n’est pas que l’on s’émeuve du sort des exilé·e·s ukrainien·ne·s et déploie des moyens extraordinaires pour les accueillir, mais que l’on soit par ailleurs insensibilisé·e·s à celui des réfugié·e·s yéménites ou cachemiri·e·s, par exemple, et que l’on traite les réfugié·e·s syriens en Europe comme la matière d’une grave « crise des migrants » à gérer dans la répression. En août dernier 2021, le gouvernement de la CAQ se disait prêt à accueillir « un certain nombre » de réfugié·e·s afghan·e·s; le même gouvernement annonçait le 7 mars dernier qu’il n’y aurait « pas de limite » au nombre de réfugié·e·s ukranien·ne·s que le Québec était prêt à accueillir. Le Canada a introduit en mars « de nouveaux volets d’immigration pour les Ukrainiens qui souhaitent venir au Canada de façon temporaire ou permanente », des mesures extraordinaires qu’il n’a jamais cru bon de mettre en place pour accueillir des réfugié·e·s venu·e·s d’autres pays meurtris par la guerre, et alors même qu’il se montre incapable de faire venir ici les 40 000 Afghan·e·s qu’il avait promis d’accueillir. Aux États-Unis, Joe Biden dit vouloir accueillir les Ukranien·ne·s « à bras ouverts », tandis que des milliers de migrant·e·s fuyant des conditions de misère en Amérique latine croupissent dans les prisons de la migra en attendant d’être expulsé·e·s.

À quoi tient ce traitement différencié? Est-ce un réflexe naturel de s’émouvoir plus volontiers devant la misère de ceux qui nous ressemblent ou est-ce le résultat d’un subtil conditionnement? Nous aurait-on encouragé·e·s à valoriser davantage la vie des Occidentaux ou à tenir secrètement celle des autres pour moins précieuse? Comment se fait-il qu’autant de journalistes et de commentateurs aient ressenti le besoin de préciser que ces réfugié·e·s-là ont les yeux bleus et les cheveux blonds, forment une immigration « de grande qualité », conduisent des voitures semblables aux nôtres et appartiennent « à notre espace civilisationnel », comme le relevait Fabrice Vil dans un billet d’opinion publié le 4 mars dans La Presse? Ce même journal avait plus tôt la même semaine donné la parole à un sniper bien de chez nous qui disait « ne pas être très enjoué à l’idée de tirer sur des Russes [parce que c’est] un peuple chrétien et européen » qu’il « ne déteste pas ». Un discours qui ne détonnerait pas dans une discussion candide entre suprémacistes blancs. Et c’est avant même de mentionner l’expérience cauchemardesque des ressortissant·e·s d’origine africaine refoulé·e·s aux portes de la Pologne et harcelé·e·s par des gangs de crapules racistes tandis que les familles blanches étaient accueillies à bras ouverts…

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On pourrait encore noircir plusieurs pages d’hypocrisies petites et grandes révélées ces derniers temps dans le traitement de l’actualité. Les exemples ne manquent pas.

Certains trouveront un germe de pensée complotiste dans cet exposé des procédés subtils employés pour favoriser l’adhésion au récit dominant et décourager de trop réfléchir à certains aspects discordants ou embarrassants. C’est d’ailleurs le genre de démonstration qui conduit certains soi-disant experts de « la radicalisation », suivant la théorie « du fer à cheval », à opérer un rapprochement douteux entre « les extrêmes ».

On ne parle pourtant pas ici d’un complot qui serait ourdi derrière des portes closes par des pédosatanistes d’opérette ou les fameux « mondialistes ». On ne parle pas non plus de directives qui seraient soufflées dans l’oreillette de Patrice Roy depuis quelques officines mystérieuses. L’hégémonie culturelle est le fait de multiples pressions intangibles qui s’opèrent dans plusieurs directions à la fois pour affirmer et consolider un discours dominant qui, par l’effet de la répétition, devient une évidence dont on ne saurait déroger. Les techniques de persuasion sont multiples, et il est évident que les moyens despotiques employés par Vladimir Poutine (répression de l’opposition politique, criminalisation de la dissidence, contrôle absolu du message et restriction de la liberté de presse, etc.), qui sont de l’ordre de la coercition, diffèrent des méthodes plus douces employées ici et ailleurs en Occident, axées notamment sur la répétition et la consistance, la pression à la conformité et l’appel à l’autorité a priori incontestable de spécialistes. Encore faut-il reconnaître ces procédés, qui, bien que moins grossiers, ne sont pas forcément très subtils.

L’intention ici n’est pas de minimiser les crimes de Poutine, ni de rejeter tout le blâme sur l’impérialisme occidental, comme le font péniblement celleux du champ gauche qu’on désigne par l’étiquette « tankie ». L’idée n’est pas non plus de déraper sur une théorie du grand complot mondial ou de chercher les noms et les adresses des coupables, mais de reconnaître cette pression hégémonique intangible qui conditionne notre consentement. Cette fabrique du consentement, il faut bien le signaler, n’est pas tant activée aujourd’hui pour animer un sentiment radicalement antiguerre dans la population que pour diaboliser un ennemi et camper des positions franchement antagonistes. On ne s’est certainement pas précipité, en tous cas, pour expliquer la part de responsabilité que portent les pays occidentaux dans l’instabilité qui s’aggrave depuis une vingtaine d’années en Ukraine. Et ne parlons pas non plus des raisons de l’échec de la diplomatie, et encore moins de propositions radicales qui pourraient vraisemblablement mettre fin à l’agression russe, comme une dissolution négociée de l’OTAN. En même temps qu’on nous présente les horreurs bien réelles de la guerre, en désignant l’ennemi avec insistance et en soulignant à grands traits à quel camp nous appartenons et devons allégeance, c’est aux conditions dramatiques d’une nouvelle guerre froide que l’on nous prépare, avec ce que cela implique notamment de militarisation et d’augmentation substantielle des dépenses militaires. Le prochain épisode pourrait d’ailleurs directement impliquer la Chine si cette dernière se décide à envahir Taiwan. À défaut de lumière au bout de ce tunnel, il faudra plus que des arcs-en-ciel pour nous rassurer.

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Comme nous l’avons déjà fait valoir ailleurs, le dérapage conspirationniste observé ces dernières années a été rendu possible par la convergence de nombreux facteurs, dont trois ingrédients principaux : 1) l’offre politique – une extrême droite populiste, idéologique et militante ravie d’alimenter la fureur complotiste en laquelle elle trouve un terreau fertile à exploiter; 2) une économie de l’information déréglée – l’érosion de la pensée critique, la multiplication des plateformes de médias sociaux dont la structure même favorise la création de bulles de filtres/chambres d’écho, et l’influence toxique d’acteurs malveillants produisant de la désinformation; et, fondamentalement, 3) un profond ressentiment populaire – la dégradation de la confiance à l’égard des centres du pouvoir, dont les politiques, la classe intellectuelle et les médias traditionnels.

Une nouvelle enquête sur la « confiance envers les institutions » confirmait récemment que les Canadiens et les Québécois se méfient de plus en plus du gouvernement, du milieu des affaires et des médias. Tombant éternellement des nues, les principaux intéressés et leurs décrypteurs relaient ces statistiques sur le ton de la catastrophe, mais sans jamais trop chercher à expliquer les raisons de ce déficit de confiance, et encore moins à examiner la responsabilité desdites institutions. Nous croyons quant à nous que la méfiance tient surtout au fait qu’alors que le système néolibéral craque manifestement de partout et n’arrive plus à cacher les fissures qui s’élargissent sous l’effet des crises, les avocats du système redoublent sans cesse de moyens extraordinaires pour nous faire croire que le capitalisme est le meilleur des systèmes qui soit et que tout ira bien, pourvu qu’on les écoute et les suive toujours plus loin dans le sens du désastre. Comment s’étonner, dans ces conditions que les maîtres et les complices du système perdent peu à peu la confiance et l’adhésion de celleux qui en subissent quotidiennement les effets?

Le déni n’est généralement pas une bonne fondation sur laquelle bâtir un projet politique. Nous croyons que le camp progressiste se condamne au statu quo, et probablement à pire, s’il s’obstine lui aussi à ignorer les raisons de l’impasse actuelle et de cette « perte de confiance envers les institutions ». C’est le modèle capitaliste tout entier, dont les chantres du libéralisme nous répètent sur tous les tons qu’il est le seul modèle viable, qui génère ces crises et précipite l’humanité à sa perte.

En tant qu’antifascistes et anticapitalistes, nous croyons qu’il faut impérativement penser et actualiser la résistance, non seulement à l’extrême droite et à la menace fasciste, mais aussi à l’État bourgeois et aux institutions de pouvoir connexes qui renforcent l’hégémonie néolibérale et l’ordre social colonial. L’État bourgeois ne veut pas notre bien, et les tensions entre les intérêts des différentes classes sociales sont aussi irréconciliables aujourd’hui qu’elles l’ont toujours été. Il est certainement vrai, en tous cas, que si les guerres sont déclarées par les riches et les nationalistes, ce sont encore généralement les pauvres qui meurent au front.

Face à l’extrême droite et à la menace fasciste, d’une part, et à l’hégémonie néolibérale, d’autre part, notre souhait le plus cher est de voir le camp de l’émancipation se rallier autour d’un projet à la fois antiraciste/antifasciste, féministe, anticapitaliste et anticolonialiste.

Le gouvernement du Québec signale déjà son intention de refonder le système de santé sur la base d’un « plus grand recours au secteur privé ». En d’autres termes, pandémie ou pas, guerre froide ou chaude, la CAQ reste un parti de droite conservatrice dont le principal souci est la défense d’un ordre social inégalitaire et injuste. Lorsque François Legault se gargarise de ses « réalisations », ça n’est que pour mieux cracher sur le bien commun. La classe ouvrière et les mouvements sociaux progressistes devront absolument faire front commun au cours des prochaines années pour bloquer toute tentative de démanteler encore davantage les services publics. Il faudra au contraire réclamer des investissements massifs en santé, en éducation et dans les services sociaux pour relever les défis majeurs qui s’annoncent. À l’échelle fédérale, le gouvernement voudra sans doute redoubler ses efforts pour développer son secteur pétrolier et gazier afin de combler en partie le manque à gagner de la production russe sur le marché international. Là aussi, les mouvements sociaux devront se solidariser des communautés qu’on voudra sacrifier aux intérêts pétrogaziers et se préparer à mener de dures luttes pour défendre les territoires et la souveraineté des premiers peuples. Et à l’échelle internationale, il semble inévitable que nous devions (re)constituer avant longtemps un vaste mouvement antiguerre, notamment pour résister aux fortes pressions internes à (re)militariser les économies nationales et à participer à l’escalade des conflits.

Finalement, comme toujours, nous invitons nos sympathisant·e·s à renouveler leur engagement dans la pratique antifasciste, c’est-à-dire dans l’autodéfense communautaire, et ce, sans jamais perdre de vue l’horizon révolutionnaire. Car une véritable émancipation ne s’obtiendra jamais par la pétition. En ces temps troublés, n’oublions pas la vieille devise communiste libertaire :

« Pas de guerre entre les peuples; pas de paix entre les classes! »

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[i]               Ça fait un peu désordre, il faut bien le dire. D’ailleurs, a-t-on officiellement interrogé les taux de vaccination au sein des forces policières au Canada?

[ii]               Fait à noter, les principaux promoteurs du convoi ont été accusés d’avoir « conseillé » des méfaits divers, alors qu’ils se sont coordonnés très publiquement pendant plusieurs semaines, ce qui contraste notamment avec les accusations de complot portées contre un groupe de militant·e·s anticapitalistes tenu·e·s pour responsables du grabuge lors du sommet du G20, à Toronto, en 2010.

[iii]              En même temps, on constate depuis plusieurs années des liens significatifs entre l’État russe et certains courants de l’extrême droite nord-américaine et européenne. Même si cette influence a été exagérée par plusieurs politiciens et « spécialistes » proches du pouvoir (qui ont blâmé la Russie pour l’élection de Donald Trump, pour le mouvement anti-vaxx, pour le convoi à Ottawa, etc.), elle ne relève pas non d’une affabulation complète. On ne sait toutefois pas si ces liens reflètent un engagement idéologique de l’État russe à l’extrême droite, ou si ça n’est qu’un moyen pratique de foutre la merde sur le terrain politique des puissances rivales (voir à ce sujet l’influence d’Alexandre Douguine). Quels que soient les motifs réels, cette influence compte sûrement parmi les raisons pour lesquelles la majorité des voix d’extrême droite en Amérique du Nord appuient Poutine dans cette guerre, tandis qu’une minorité dénonce les deux partis à la fois et considère le conflit comme une « guerre fratricide » opposant deux pays majoritairement « blancs » et chrétiens.

[iv]              Au-delà de l’influence politique directe, un type comme Jeffrey Bezos, pour ne nommer que lui, semble bien davantage préoccupé par sa future piste de go-kart sur la planète Mars que par la survie des 99 % de l’humanité.

[v]               Rappelons tout de même que trois ans à peine avant la Marche sur Rome et son installation comme premier ministre d’Italie sur une plateforme fasciste, Mussolini n’avait recueilli à Milan que 1,5 % des votes aux élections générales de 1919. Le NSDAP n’avait quant à lui récolé que 2,8 % du vote populaire en Allemagne en 1928. Les résultats au scrutin sont un indicateur bien incertain des tendances en période de crise.

White Lives Matter : un nouveau projet néonazi fait des petits au Québec

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Mar 192022
 

De Montréal Antifasciste

Avertissement : Cet article reproduit des bribes de conversation et des éléments visuels à caractère antisémite et raciste

« White Lives Matter » (WLM — la vie des Blancs compte) est un projet de mobilisation/actualisation néonazie qui s’est répandu au cours de la dernière année dans plusieurs régions des États-Unis et du Canada ainsi qu’en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux Pays-Bas, en Angleterre et ailleurs dans le monde. La première action documentée du réseau a été une série de manifestations décentralisées organisée le 8 mai 2021. La faible participation à ces événements a mené certains observateurs à conclure que l’entreprise était un échec, mais ce constat optimiste fut prématuré, puisque le réseau a continué à grandir et a multiplié les actions au cours de la dernière année.

WLM signale une volonté de reconsolidation du milieu néonazi par la multiplication de chaînes et de salons de discussion décentralisés et réseautés sur l’application Telegram. Cette initiative relève en partie d’une volonté d’échapper à diverses formes d’opposition, dont la censure des grandes entreprises de médias sociaux, le doxxing et d’autres formes de résistance du camp antifasciste ainsi que d’éventuelles poursuites criminelles. Elle correspond également à une tendance de la nébuleuse néonazie internationale à progresser vers des formes d’activisme plus clandestines, décentralisées et « sans leaders », une tendance dont on peut retracer l’origine aux années 1970 et qui au fil des années a donné lieu à l’émergence du courant « accélérationniste » et à la multiplication de tueurs de masse de type « loup solitaire ».

Le projet WLM reflète par ailleurs une grande frustration avec le statut marginal de l’extrême droite et une volonté de dépasser la sous-culture néonazie et les querelles idéologiques entre différentes tendances pour former un réseau militant exerçant une réelle influence.

Si WLM est sans l’ombre d’un doute un phénomène néonazi, l’intention initiale des organisateurs américains était d’adoucir l’image du mouvement. Cela se traduit concrètement par une inhibition superficielle à revendiquer l’héritage historique du nazisme et à afficher le swastika ou d’autres symboles nazis dans les discussions publiques ou sur les autocollants que les militants posent dans le domaine public. Les participants ont aussi la consigne (très souvent ignorée), de ne pas parler de la « question juive » ou d’inciter à la violence sur les chaînes publiques. En revanche, les salons de clavardage (chat rooms) sont complètement saturés de mèmes d’Hitler, de références explicites au nazisme historique et d’expressions débridées du racisme le plus grossier – des blagues sur le lynchage des Noir·e·s, des vidéos « prouvant » que la Shoah n’a jamais eu lieu, des discussions sur le fait que les Juifs ne sont pas humains et doivent être exterminés, etc.

Le monde à l’envers que s’imaginent les participants au groupe White Lives Matter.

WLM n’est pas une organisation formelle; chaque groupe local ou régional anime sa propre chaîne Telegram, chacune modérée par son propre administrateur ou groupe d’administrateurs. Le projet est toutefois bien coordonné, car toutes les chaînes ont été créées en 2021 par un petit groupe original, qui est ensuite allé chercher des militants dans chaque région pour en assurer la gestion. Il y a une unité de but et d’action également sur le plan de la propagande; le choix des dates de certaines actions concertées et les décisions relatives au messaging semblent centralisés.

En générale, les chaînes Telegram peuvent être strictement unidirectionnelles (un peu comme une infolettre dont tout le contenu est publié par un admin) ou peuvent prendre la forme d’un salon de clavardage ouvert, un peu comme un groupe Facebook public. Dans bien des cas, les chaînes unidirectionnelles comportent un salon de clavardage parallèle. C’est de cette manière que sont structurés les maillons régionaux du réseau WLM. Depuis ces espaces virtuels, les participants sont encouragés à imprimer des affichettes et autocollants WLM (essentiellement, diverses variations sur le thème raciste central du « remplacement » et de l’oppression des Blancs par d’autres groupes), à coordonner des sorties de visibilité/propagande, à prendre des photos de leurs coups et à relayer ces photos sur Telegram pour motiver les autres à les imiter.

Certaines de ces sorties ont déjà fait l’objet de reportages dans les médias canadiens (par exemple : à Kitchener-Waterloo, Ontario, à New Battleford, Saskatchewan, à Toronto lors de manifestations contre les mesures sanitaires, et ailleurs au pays; voir aussi le reportage récent sur les activités WLM à Montréal par la revue Pivot), mais la plupart sont passées inaperçues. Dans certains cas, les groupes locaux décident par la suite de se rencontrer en personne et de coordonner des actions plus ambitieuses, comme l’accrochage de bannières WLM dans le domaine public.

Cette structure et cette approche n’ont rien d’unique au projet WLM, et il existe de nombreux parallèles au sein de l’extrême droite actuellement. Telegram offre une plateforme pratique où les individus peuvent s’impliquer selon leur niveau de confort personnel, sans être obligés de se rencontrer en personne ou de parler à qui que ce soit, sont intégrés à une sorte de communauté et sont encouragés à y développer leurs propres activités.

Au moment d’écrire ces lignes, si plusieurs chaînes WLM sont essentiellement inactives, avec moins d’une douzaine de membres, d’autres aux États-Unis ont vu leurs activités passer de l’Internet à la rue, sous la forme d’accrochages de bannières, de randonnées organisées, de distributions de tracts, etc. Dans ces régions où l’activité est plus vive, WLM s’entremêle à d’autres projets néonazis, comme le Folkish Resistance Movement (dont la propagande a été distribuée en Saskatchewan et en Alberta)[1], le groupuscule Canada First, en Ontario, qui a reçu une certaine visibilité lors des actions du soi-disant « convoi de la liberté » à Ottawa et ailleurs au pays, et la tentative d’organisation « Nationalist 13 » (« 13 » pour anti-communiste) dans le sud de l’Ontario.

En étudiant les journaux internes des organisateurs de WLM que nous ont relayé des camarades de Cornwallis Antifa, on a pu apprendre qu’au Canada, l’utilisateur « McLeafin » a été recruté par les organisateurs américains en avril 2021 et a par la suite créé de nombreuses chaînes pour les différentes provinces et régions. Il a ensuite cherché des recrues locales pour les administrer.

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La covid, les conspis et nous

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Mar 062022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce texte se veut une réaction à une tendance visible dans certains milieux d’extrême gauche ces derniers temps, c’est-à-dire un soutien aux mouvements contre les mesures sanitaire, fortement ancrées dans les discours conspirationnistes. Cette tendance est notamment visible dans quelques textes récemment publiés sur la plateforme Contrepoints.média, qui a entre autres publié un texte du Cercle de lecture camarade reprenant un chapitre complet du « Manifeste conspirationniste », publié anonymement en France, et partagé sur des plateformes d’extrême droite, dont une plateforme proche d’Alain Soral. On pense également au récent texte « Le pass n’était qu’un exercice », qui soulève des enjeux très importants, mais qui joue le jeu de la droite en invisibilisant complètement la composition du soi-disant Convoi de la liberté. Ce qui surprend encore plus de la part de Contrepoints média, une plateforme se présentant comme « une invitation à investir l’hétérogénéité et la diversité des inclinaisons actuelles dans la lutte », c’est que l’article soit précédé d’une prise de position dans un commentaire éditorial, qualifiant le soi-disant convoi de la liberté de « mouvement qui se bat contre le contrôle numérique des identités, et plus largement contre le contrôle des comportements », une interprétation qui est très loin de faire l’unanimité au sein de nos milieux. Qu’une plateforme qui se veut rassembleuse et diversifiée prenne position de manière aussi claire sur un enjeu aussi polarisant que le « convoi de la liberté » nous dérange énormément. En publiant ce texte ici, on espère ainsi arriver à contre-balancer une tendance à l’homogénéisation des positions diffusées sur Contrepoints depuis un certain moment.

Ce texte s’inscrit finalement dans une réflexion née des nombreux débats et discussions qu’a suscité le « convoi de la liberté » dans nos milieux, et de la difficulté à se forger une compréhension commune de ce que représente ce mouvement pour nous, en tant que gauche radicale. Si des tensions émergeaient déjà de nos différentes attitudes face à la pandémie, le convoi semble les avoir cristallisées. Nous espérons que ce texte contribuera à pallier à ces difficultés, et nous aidera à dépasser la polarisation qui entoure actuellement ces enjeux dans nos milieux. On aurait aimé ouvrir un espace de discussion sur ces questions là plus tôt dans la pandémie, mais bref, nous voilà.

Tout d’abord, mettons certaines choses au clair: la formulation d’une critique de l’État par rapport à ses agissements sécuritaires et ses dérives de plus en plus autoritaires depuis le début de la pandémie est un point qui doit être mis de l’avant. La surveillance de plus en plus sévère et insidieuse de plus en plus de personnes par des moyens nouveaux est dangereuse et problématique en soi. La création du pass sanitaire et de son régime de droit différent, créant une nouvelle catégorie de personnes auxquelles des droits sont retirés est aussi une aberration qui mérite d’être dénoncée. Rajoutons à ça l’amplification du discours sur les non-vaccinés comme étant le problème numéro 1 en contexte de covid et on a une recette d’hypocrisie assez monumentale considérant la gestion purement capitaliste de cette pandémie par notre gouvernement. Nous encourageons la critique de cette gestion économique dans un objectif de rendement, peu importent les coûts humains, les coûts sur la santé physique et mentale, la priorisation des milieux de travail et la volonté de développement d’une société encore plus néolibérale et surveillée.

Ces textes et discours nous semblent aussi chercher à créer des ponts avec des groupes sociaux qui ne seraient pas habituellement des groupes avec lesquels on s’organise, et on a envie de nommer qu’on trouve ça important de diversifier la base militante et de chercher de nouvelles alliances. C’est malheureusement trop vrai que la gauche (et l’extrême gauche) battent de l’aile et qu’on a un besoin flagrant d’aller recruter dans de nouvelles sphères de la société, considérant l’intensification des discours de droite et d’extrême droite ici et ailleurs. Élargir la gauche n’est pas un luxe dans le climat politique actuel, il s’agit d’une nécessité. Il faut que nous devenions une force sociale d’envergure pour faire barrage à la droite et proposer un monde dont nous pourrons être fier.es.

Sur « Le pass sanitaire n’était qu’un exercice »

Nous avons cru comprendre, à la lecture du pamphlet distribué à Québec, que son objectif était d’éveiller les manifestant.es du convoi à la menace que représentent les projets de zones d’innovations un peu partout sur le territoire soi-disant québécois. Bien que nous partageons ces critiques concernant l’avancement d’un capitalisme de surveillance, nous considérons que c’est un choix stratégique au mieux naïf, au pire dangereux. En effet, n’importe qui s’intéresse au convoi peut constater que les revendications visaient principalement à un retour à la vie normale, la vie d’avant la covid. Ce constat à lui seul témoigne du fossé qui nous sépare de ce mouvement. Est-ce qu’on n’a pas passé toute la pandémie à crier « pas de retour à la normale » ? Le monde allait déjà très mal avant la Covid pour beaucoup de monde. En outre, les personnes itinérantes, racisées, les travailleuses du sexe, les personnes migrantes et les militant·es autochtones étaient déjà soumises à une surveillance et à un contrôle inhumain, et ce, bien avant l’apparition du passeport sanitaire.

Bien que nous soyons conscient·es que les personnes ayant participé à la manifestation de Québec sont toutes différentes, et qu’elles n’appartiennent certainement pas toutes à l’extrême droite, il demeure intéressant de noter que le pamphlet joue sur les mêmes codes que la droite, probablement dans l’espoir de mieux résonner dans une crowd qui ne se reconnait pas dans nos habituels discours. C’est ainsi qu’on voit apparaître dans un texte publié sur une plateforme d’extrême gauche des phrases telles que « Ni de gauche ni de droite » ou encore « rejoignant les réfugiés, les non-vaccinés deviennent des ennemis publics », une phrase qui résonne très bien avec les discours victimisant de la droite comparant les mesures sanitaires aux politiques de l’Allemagne nazie. On s’entend, être obligé de se faire vacciner, bien que ce soit critiquable, ne peut en aucun cas être comparé aux chambres à gaz, ou encore aux prisons pour migrant·es qui enferment chaque année des personnes pas assez blanches, ou avec pas assez de documents officiels pour satisfaire notre État colonial. Nous croyons qu’une opposition aux mesures sanitaires autoritaires est nécessaire, mais celle-ci ne peut faire l’économie d’une analyse antiraciste, anticapitaliste et féministe.

Nous savons que nos milieux sont très homogènes, très blancs, très scolarisés, et souvent encore très empreints de nombreuses dynamiques de pouvoir, et nous croyons sincèrement que ce n’est pas en allant faire des alliances avec des personnes en très grande majorité blanches et nationalistes (en témoigne le nombre de drapeaux canadiens qui étaient visibles dans les rassemblements) que nous arriverons à rendre nos milieux plus accessibles pour les personnes les plus marginalisées de notre société. Nous pensons au contraire que nous aurions intérêt à redoubler d’efforts pour nous solidariser avec les luttes pour l’abolition de la police, les luttes pour l’autodétermination des peuples autochtones, les luttes des communautés LGBTQ et spécifiquement des femmes trans, avant d’aller chercher dans les bastions de la droite pour recruter. Malheureusement, en tant que personnes issues de groupes privilégiés, c’est beaucoup plus difficile de se solidariser avec des communautés marginalisées que de profiter de l’opportunité d’un soulèvement financé par l’extrême droite pour faire avancer nos propres agendas. Il nous semble que certaines personnes plus proches de nos idéaux fondamentaux auraient davantage de potentiel de solidarisation avec nos luttes, comme les travailleur·euses du communautaire, les travailleur·euses de la santé, les étudiant·es cassé·es, les écolos désabusé·es.

Ce qui nous inquiète de cette stratégie, c’est qu’elle tend à dépolitiser les enjeux. Nous craignons que de prôner la révolte en soi sans se demander ce que les gens vont en faire et quel sera leur état d’esprit, leurs désirs et leurs idéaux, ça manque de vision long-terme. Participer à intensifier un mouvement dirigé par l’extrême droite, c’est potentiellement contribuer à un monde bien pire que le nôtre. Au contraire du Rojava pendant le Printemps arabe, où il y avait des bases militantes de gauche larges et fortes et où un nouveau système a pu voir le jour, nous risquons de nous retrouver avec une extrême droite boostée aux stéroïdes. Chercher une révolte sans organisation en arrière pour la soutenir vers une société révolutionnaire, c’est encourager un vide de pouvoir qui sera comblé par les gens avec les plus gros guns et/ou le plus de soutien populaire. Nous ne sommes pas ces gens-là en ce moment.

Il nous semble aussi important de rappeler comment la droite grossit ses rangs en maniant particulièrement l’outil de la peur. Ils nous rabâchent constamment que les immigrants viennent voler des jobs, que les musulmans sont tous des terroristes, que les femmes trans cherchent à violer d’autres femmes dans les toilettes, etc. C’est une stratégie de mobilisation efficace pour des mouvements qui veulent promouvoir la haine contre certains groupes sociaux, mais il est bon de se demander s’il s’agit vraiment d’une voie que nous souhaitons prendre. Est-ce bien utile d’aller jouer dans cette émotion-là pour mobiliser, de dire qu’on devrait avoir peur de la ZILE, du contrôle, de la surveillance ? Alors que la droite peut brandir la peur de choses qui sont soit irréelles, soit déformées au point de n’être plus reconnaissables, les choses que nous dénonçons sont, elles, déjà effrayantes et ont des impacts réels sur nos vies. Dans un contexte où les grands médias capitalistes nous donnent déjà suffisamment de raisons d’avoir peur — et c’est encore pire lorsque l’on appartient à un groupe social qui fait l’objet de violences systémiques — il nous semble important d’essayer d’invoquer d’autres sentiments pour nous aider à nous mobiliser, et d’essayer plutôt de bâtir un monde basé sur l’entraide, la compassion, la solidarité, la responsabilité et la rage légitime.

Sur le « Manifeste conspirationniste »

Aller jouer sur les plantes-bandes conspirationnistes est une stratégie particulièrement dangereuse. Et malgré ce que ce manifeste voudrait nous faire croire, le conspirationnisme est une nébuleuse résolument située à droite. On pourrait revenir sur les origines ouvertement antisémites des théories du complot, leur glorification de figures comme Donald Trump, le choix récurrent de « la gauche » comme bouc émissaire, ou leur rôle dans la création de fantasmes néfastes comme celui du Grand Remplacement, mais d’autres le font mieux que nous (Conspiracy Watch, Mtl Antifasciste). Ce qu’il faut retenir, c’est que les théories conspirationnistes sont traversées de patterns antisémites, xénophobes, sexistes et ouvertement anti-gauche. Ce n’est pas pour rien que la défense du complotisme est un enjeu cher à des personnalités comme Maxime Bernier (qui soutient le convoi) ou Éric Zemmour, qui écrit « complotisme : ce mot des “élites” pour disqualifier toute critique ». Voir de telles personnalités propager des théories du complot et défendre le complotisme devrait suffire à nous convaincre de refuser tout engagement avec cette sphère.

Pourtant, on voit certaines personnes de gauche radicale qui persistent à fricoter avec cette tendance, ou qui semblent suggérer que l’on pourrait se réapproprier une identité complotiste. On reste perplexes devant cette idée : pourquoi vouloir réhabiliter un concept si marqué à droite, si ancré dans des positions oppressives ? On partage avec les libertariens une haine du gouvernement, mais on a jamais pensé qu’il serait utile de reprendre leur terminologie, alors pourquoi le faire avec le mot complotiste ? Le seul effet est de brouiller les pistes et paver la voie pour l’expansion d’idéologies fascisantes. Car vouloir détourner un terme qui recouvre une réalité d’extrême-droite, c’est participer à la diffusion de discours confusionnistes. Le confusionnisme, « c’est le développement d’interférences, d’analogies et d’hybridations entre des discours d’extrême droite, de droite, de gauche modérée et de gauche radicale » (Philippe Corcuff). C’est ce qu’il se passe quand certaines personnalités reprennent des critiques sociales avec un vernis antisystème, pour ensuite guider les gens qui les écoutent vers des réponses toutes faites formulées par l’extrême droite. Car c’est l’extrême droite qui est en ce moment en mesure de récupérer des individus en criss contre la société en validant leur colère et en désignant des responsables individuels (une poignée d’élites), flous (le « lobby féministe ») ou carrément inventés (la « gauche » qui serait pour certain·es derrière le coronavirus1). En effet, l’avantage des théories du complot pour la droite, c’est qu’au lieu de cibler des structures sociales et d’offrir des possibilités d’émancipation collective, on propose une poignée de responsables qui tirent les ficelles derrières les rideaux : débarassons-nous de ces quelques individus, et le problème est réglé. Pas besoin de changer quoi que ce soit à nos vies ou de nous remettre en question, pas besoin de s’organiser collectivement sur du long terme, pas besoin de lutter.

Il est impensable, dans une perspective d’extrême gauche, de nier la réalité de la pandémie, et des vies qui ont été perdues à cause de la négligence criminelle de l’État. Rappellons le, les morts sont en grande majorité des personnes âgées, des personnes immunodéprimées, des personnes racisées, des personnes autochtones, des personnes pauvres, des personnes incarcéré.es qui n’ont eu d’autre choix que de s’exposer depuis deux ans au virus, alors que la classe moyenne et ses dirigeants étaient confortablement à l’abri et continuaient de travailler du confort de leurs maisons de banlieue. Nier la réalité de la pandémie, c’est défendre un monde eugéniste, où les plus forts (lire les mieux nantis) s’en sortent, alors que la plèbe en crève, passeport sanitaire ou pas, couvre-feu ou pas. À nos yeux, nos milieux devraient, plutôt que de chercher à mobiliser dans les rangs de la droite, chercher à consolider des initiatives d’aide mutuelle afin de contribuer à la mise en place de stratégies de prise en charge collectives de notre santé, et de manières d’assurer notre sécurité qui ne dépendent pas de l’intervention de l’État et de ses mesures autoritaires.

Pour une autodéfense sanitaire collective

On ne peut s’empêcher de déceler dans l’intérêt que suscite le convoi chez certain·es camarades de gauche des relents mascu de glorification de la révolte et d’invisibilisation de formes de luttes traditionnellement prises en charge par les femmes. Aller aider des vieux à faire leur épicerie ou des mères monoparentales à se tenir face à leur proprio, c’est moins sexy et badass que de soutenir des gens qui bloquent des routes. On entend l’argument « au moins des gens se lèvent et font quelque chose, même si c’est pas parfait il faut se saisir de cette opportunité ! », comme si le convoi était la seule réaction indépendante de l’État qui avait eu lieu depuis le début de la pandémie. Pourtant, de l’organisation collective autonome en réaction à la covid-19 il y en a eu dans les deux dernières années, mais elle s’est plutôt située sur le terrain du care. Et bien que plusieurs anarchistes se soient mobilisé·es dans des mouvements d’entraide, on n’a pas vu fuser les articles qui nous invitaient à investir ces espaces-là dans une lutte combinée pour s’entraider, mobiliser les communautés et se protéger de la covid. On se demande si ce n’est pas aussi parce que beaucoup de gens dans nos communautés ont eu le luxe de ne pas se soucier de la covid-19 dans les deux dernières années. On a été tellement outré·es par la gestion autoritaire du gouvernement qu’on en est venu·es à oublier que derrière ces mesures en grande partie inutiles et répressives, il y a un vrai virus qui tue des vraies personnes. Et dans une réaction tristement binaire, certain·es ont préféré chercher des alliances avec des gens en criss contre le gouvernement quitte à minimiser ou ignorer leurs politiques réactionnaires, plutôt que de développer des positions capables de critiquer l’état d’une part, et de créer des stratégies d’autodéfense sanitaires de l’autre.

On trouve pourtant à travers l’histoire et le monde des exemples d’organisation solidaire indépendante de l’État en contexte de crise sanitaire. C’était le cas des cliniques médicales gratuites des Black Panthers, de la mobilisation des lesbiennes pendant la crise du VIH/sida, ou plus récemment des multiples initiatives d’entraide qui ont vu le jour dans les deux dernières années. Privilégiant une posture de prévention, on a vu des groupes tels que le Common Humanity Collective en Californie se mettre à fabriquer leurs propres masques et purificateurs d’air (aussi utilisés pour faire face aux feux de forêt) et profiter de la distribution pour créer des liens avec les habitant·es et les mobiliser autour d’enjeux sociaux à travers de l’éducation populaire. Des membres du collectif décrivent dans un podcast comment des rencontres sur zoom ont pu mettre en contact des gens d’horizons politiques différents, et créer un sentiment de communauté. À Paris, un bar lesbien a mis en place des mesures sanitaires de prévention début 2020 avant le gouvernement, et est devenu un lieu de ressource pour les personnes isolées et précarisées par la pandémie.

Jouer le jeu des conspirationnistes et de celleux qui manifestent pour un retour à la normale est une erreur politique, éthique et stratégique. ​​​​​La libération collective doit primer sur les libertés individuelles à la sauce libertarienne. Nous croyons qu’il est possible d’élargir nos réseaux et de développer de nouvelles alliances politiques en maintenant des pratiques plus sécuritaires et en restant solidaires avec les personnes à risque. Faire de l’éducation populaire, des ateliers d’autodéfense sanitaire (fabrication de masques et de purificateurs d’air), maintenir les gestes barrière, réclamer la levée des brevets sur les vaccins, lutter pour le droit au logement aux côtés de celles et ceux qui ont été précarisé·es par la pandémie, sont autant de pistes d’organisation politique pour reprendre en main une situation négligée et aggravée par un État criminel, en continuant à faire communauté.

– des gouines anar blanches un peu en criss


1 : c’est la théorie de Eric Trump​​​​​​​, mais aussi celle du « Great Reset », à l’origine un énième sommet économique de merde, devenu rapidement une théorie conspirationniste qui voudrait entre autres que des socialistes aient inventé le coronavirus pour imposer des restrictions économiques, et en profiter pour prendre le pouvoir et instaurer un ordre socialiste mondial.

Pour aller plus loin

Sur le covidonégationnisme et l’autodéfense sanitaire : https://www.jefklak.org/face-a-la-pandemie-le-camp-des-luttes-doit-sortir-du-deni/

Sur la nécessité de dénoncer les mesures autoritaires, sans pour autant nier la réalité de la pandémie et ses impacts (voir la publication épinglée) : https://www.facebook.com/feministesraciseEs.

Sur l’autodéfense sanitaire : https://acta.zone/seul-le-peuple-sauve-le-peuple/

Sur le validisme et la solidarité avec les personnes handicapées : https://leavingevidence.wordpress.com/2022/01/16/you-are-not-entitled-to-our-deaths-covid-abled-supremacy-interdependence/

Sur le confusionnisme et le rôle de la gauche radicale (on peut se créer un compte gratuitement pour lire l’article) : https://aoc.media/opinion/2021/10/06/prendre-au-serieux-le-confusionnisme-politique/

L’Impasse : Le « Convoi de la liberté » et le nouveau populisme canadien

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Fév 222022
 

De subMedia

Two years into the COVID-19 pandemic, a popular movement demanding an immediate end to vaccine mandates and other restrictions on daily life has shaken the Canadian state to its core. Its calls have deeply resonated with members of settler-colonial society in which public health measures and other forms of collective solidarity are seen by some as an affront to individual freedom and an undue hindrance on capitalist enterprise. While the movement is now facing the brunt of a massive wave of state repression, from which it is unlikely to recover, the contradictions it has exposed are only set to get worse.