Montréal Contre-information
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Les vents mauvais d’Ottawa

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Fév 212022
 

De CrimethInc.

Réfléchir aux menaces et aux perspectives face à une initiative d’extrême droite qui prend de l’ampleur

Les opposants à l’obligation vaccinale ont établi des campements de protestation à Ottawa et ailleurs au Canada, bloquant plusieurs routes qui traversent la frontière américaine. Des organisateurs d’extrême droite et d’anciens agents de police occupent des positions importantes dans ce mouvement, et la police a adopté une approche relativement passive jusqu’à présent ; il semble probable que le format actuellement testé au Canada apparaîtra bientôt ailleurs dans le monde. Dans le reportage détaillé qui suit, notre correspondant à Montréal explore la séquence des événements qui ont conduit à ces développements, examine les programmes des différentes forces qui se disputent le contrôle et réfléchit à ce que nous pouvons faire dans une situation où l’extrême droite a pris l’initiative.


En guise de préambule à ce reportage, il est nécessaire d’aborder brièvement la question de savoir si les manifestations contre l’obligation vaccinale à Ottawa représentent un mouvement pour la “liberté”, comme le soulignent les participants.

Le 25 octobre 2021, des agents du service de police de la ville de New York ont participé à la fermeture du pont de Brooklyn – où ils ont notoirement mis au pied du mur et arrêté les manifestants d’Occupy presque exactement dix ans plus tôt – pour protester contre l’obligation vaccinale des employés municipaux. Alors que nous croyons passionnément que les gens doivent être libres de prendre leurs propres décisions médicales et de déterminer leur propre tolérance face au risque, la police a en réalité revendiqué le droit d’exposer les personnes qu’elle arrête à un risque médical encore plus grand. Il s’agit d’un cas particulièrement clair qui montre que le mouvement contre l’obligation vaccinale n’est pas nécessairement un mouvement contre le contrôle de l’État ou en faveur de l’autonomie médicale.

Un authentique mouvement pour la liberté et l’autonomie médicale s’opposerait à toutes les forces qui contraignent les travailleurs à s’exposer au COVID-19 contre leur gré – en d’autres termes, il serait explicitement anticapitaliste. De même, un tel mouvement soutiendrait les étudiant·es en grève désireu·ses de déterminer elleux-mêmes les risques qu’iels souhaitent prendre.

Lorsque les manifestant·es anti-obligation vaccinale soutiennent que les frontières devraient être étroitement surveillées par des contrôles de passeport, mais décrient les passes vaccinaux comme étant du “fascisme” – lorsqu’iels se plaignent que la police vérifie les cartes de vaccination, mais soutiennent la police qui arrête et emprisonne des gens par millions – lorsqu’iels s’opposent à ce que le gouvernement impose des limites à l’activité économique, mais pas aux vastes disparités économiques qui obligent les travailleurs et travailleuses à faire face à des risques potentiellement mortels simplement pour payer leur loyer – iels ne prennent pas position en faveur de la liberté, mais changent délibérément de sujet, délaissant la critique des incursions du pouvoir de l’État dans son ensemble au profit de quelques détails de sa politique. Cela fait partie du processus par lequel une fausse opposition de droite contribue à rediriger les impulsions rebelles vers des ersatz de mouvements qui renforcent finalement les institutions étatiques.

Il est possible qu’un mouvement consistant, s’opposant au contrôle de l’État et prônant l’autonomie en matière de santé puisse servir d’espace dans lequel ceux qui s’opposent aux passes vaccinaux pourraient traverser un processus de politisation. Mais pour que cela soit possible, ces mouvements devraient favoriser une analyse systémique du pouvoir, alors qu’ils sont ici de fait dominés par des éléments de droite qui veulent limiter les horizons politiques. Il faut donc, au minimum, s’opposer et déborder les éléments de droite de ces mouvements – ce qui fait l’objet du texte suivant.

Les peurs paranoïaques concernant la vaccination et les théories du complot relatives au COVID-19 se rapportent entièrement à la question de la perte d’autonomie. Elles projettent de manière allégorique (et déformée) l’expérience économique et sociale réelle sur les corps. De cette manière, elles expriment et refoulent l’expérience, tout comme le font les rêves et, plus généralement, le langage de l’inconscient : ce n’est pas, paraît-il, que le petit commerçant ou le petit homme d’affaires a été écrasé par les économies d’échelle des grands États, mais plutôt qu’il existe un plan pour contrôler son cerveau, ou son corps, ou ses capacités de reproduction.

Parce que l’inconscient anti-vaccin est, comme toute forme d’irrationalisme de masse, l’exact opposé de ce qu’il croit être – parce que, en d’autres termes, c’est un mode de pensée profondément conformiste -, il est aussi un terrain particulièrement fertile pour le développement de formes de racisme, parmi lesquelles les éléments antisémites et sinophobes sont prédominants.

-“The Anti-Vaccine Unconscious

Sans plus attendre, le reportage.

Lire l’article au complet sur le site de Crimethinc.

Retour sur la contre-manifestation du 12 février 2022, opposée à la manifestation en support aux « convois de la liberté »

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Fév 142022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Nous étions plus de 150 samedi matin rassemblé-e-s au parc Jarry pour nous opposer à l’extrême droite qui surf actuellement sur la vague d’une écoeurantite des mesures sanitaires pour faire avancer son agenda politique. Parmi les manifestatant-e-s auxquel-le-s nous étions confronté-e-s, si les drapeaux les plus largements brandis étaient ceux du Canada, d’autres levaient bien haut des drapeaux du Front canadien-français, un collectif d’êxtrême droite ultra-nationaliste et d’héritage catholique [On nous avise que le drapeau en question, le Carillon-Sacré-Coeur, n’est pas le drapeau du Front canadien-français. L’origine du drapeau date du début du 20e siècle, dans les cercles ultramontains. Le FCF était un groupuscule créé et dissout dans les dernières années qui s’est approprié ce drapeau comme plusieurs militants nationalistes de droite ; NdMTLCI]. Le populiste d’extrême droite du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, était aussi présent.

L’énergie des contre-manifestant-e-s était très bonne, malgré la tristesse de l’événement. Nous avons scandé haut et fort pendant des heures les « A-Anti-Antifascistes » et « Ni Trudeau ni covidiot, la solution est pas facho ». Notre plus grande victoire a été de priver la manifestation de tous ses camions et automobiles vêtus de drapeaux en bloquant la sortie du stationnement. Même en petit groupe, bien motivé-e-s nous somme réellement capables de courcircuiter les mouvements menés par l’extrême droite.

Or, il ne faut pas se leurrer. Malgré la situation partout au Canada, le financement à coup de millions provenant de sources obscures et l’esprit du mouvement des convois de la liberté inspiré de l’assaut sur le Capitole de l’an dernier, le SPVM a déployé au moins autant de fascistes en habits de police qu’il y avait de contre-manifestant-e-s pour nous encercler et nous bloquer toute tentative de mouvement. En habit d’anti-émeute, ils étaient nombreux à se vêtir fièrement de patches « thin blue line ». Mélangé-e-s de rage et de tristesse, nous avons donc attendu longtemps encerclé-e-s d’antiémeutes une fois la manifestation ayant quittée leur lieu de départ. Il était pitoyable de voir autant d’antiémeutes nous mettre en cage sans s’intéresser aux facho qui se rassemblent dans nos quartiers.

La situation est extrêmement préoccupante. En tant qu’antifascistes, nous ne pouvons permettre la gaine actuellement semée de germer. Nous devons nous organiser et multiplier les contres-manifestations, soyons à l’affut de ce qui se prépare dans nos quartiers. Alors qu’une mobilisation fasciste extrêmement bien financée se concrétise et est protégée par des flics portant des symboles dotés d’un background plus qu’alarmant, mettre de l’avant des perspectives antifascistes dans nos luttes semble plus qu’impératif.

Photo : André Querry

Ottawa, l’extrême droite et l’État : Les manifestations du convoi et la lutte à trois en cours

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Fév 122022
 

De It’s Going Down

Dans cet épisode du balado It’s Going Down, nous nous entretenons avec deux anarchistes impliqué-es dans le collectif Punch Up, un groupe qui se mobilise actuellement à Ottawa, la capitale du soi-disant Canada, au milieu d’une occupation de protestation d’extrême droite composée de plusieurs centaines de véhicules dans le centre-ville.

Compte-rendu de voyage : Le samedi 5 février à Ottawa

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Fév 102022
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

Nous avons pris le train en ville pour éviter d’être pris dans l’embouteillage de la manifestation elle-même. J’ai passé le trajet à me préparer pour ce que nous allons voir en passant mentalement en revue toutes les choses que je dois m’attendre à voir et à entendre dans les prochaines heures à la manifestation du convoi et à me distraire en me demandant si j’aime ou non le nouveau système de transport en commun d’Ottawa. Je n’ai pas été au centre-ville d’Ottawa depuis avant la pandémie. Je sais à quel arrêt nous nous rendons, mais il est de toute façon immanquable, une vague de personnes vêtues de capes du drapeau canadien, sans masque et portant des pancartes se prépare à descendre en même temps que nous. Je me souviens avoir utilisé une tactique similaire pour trouver le bon arrêt de métro afin de me rendre au parc Zucotti en 2011. Il y a tellement de similitudes superficielles entre ici et là que je ne peux m’empêcher de ressentir une pointe de jalousie et peut-être même d’empathie envers les manifestant-es que j’ai vécus toute la semaine, en regardant leur moment se dérouler et en me rappelant des moments où j’ai ressenti de la joie, de la camaraderie et de l’anticipation du genre de celles que j’imagine qu’iels ressentent cette semaine.

La première chose que je remarque lorsque nous sortons du train, c’est un grand homme blanc portant un chapeau « Make America Great Again » et agitant le drapeau « Fuck Trudeau » qui est un emblème important de la droite depuis quelques années. Évidemment, je déteste son chapeau Trump, mais cela me rappelle aussi à quel point je déteste que l’extrême droite m’ait enlevé un slogan aussi pur et bon que « Fuck Trudeau », de sorte que je ne peux pas insulter l’homme qui est peut-être le premier ministre que je préfère le moins dans l’histoire du Canada sans d’abord déclarer que je ne soutiens pas l’extrême droite. La deuxième chose remarquable, ce sont deux jeunes familles qui se croisent, l’une se dirigeant vers le train et l’autre s’en éloignant, les enfants sautant de haut en bas en marchant et scandant « LIBERTÉ » si fort que leurs voix se brisent. Je peux dire qu’iels ont fait cela toute la journée et le mec MAGA se joint à eux avec un bruyant « FREEDOM ! FREEDOM ! » et salue les enfants avec enthousiasme.

J’ai suivi cette manifestation en ligne toute la semaine et, bien que je sache que c’est en ligne que se déroule une grande partie du badinage des manifestant-es, je savais aussi que ce serait différent d’être parmi elleux au centre-ville d’Ottawa. Je voulais le voir de mes propres yeux et me faire une idée de l’ambiance, ainsi qu’évaluer à quel point la présence du mouvement d’extrême-droite qui, je le sais, est à l’origine de ces manifestations, est évidente. Je suis ici en tant qu’observateur, je n’essaie pas de me fondre dans la masse ou de les infiltrer de quelque manière que ce soit, mais je ne les provoque pas non plus. Il est évident que je ne peux pas tirer grand-chose de ma présence sur place pendant une journée, et je ne prétends pas ou n’espère pas être un expert des convois de la liberté, mais j’espérais que le fait de le voir en personne m’aiderait à me faire une opinion à ce sujet d’une manière que les médias sociaux seuls ne peuvent pas faire.

Il y a ici beaucoup de drapeaux et de pancartes représentant diverses causes wingnut, nationalistes et de droite, mais les deux symboles les plus largement partagés de ce mouvement sont clairement le drapeau canadien et l’absence de masque facial. Le rouge et le blanc sont partout et de nombreux manifestant-es ont pris l’habitude de s’en draper, paradant avec une cape en forme de feuille d’érable. Je ne comprends pas vraiment quand l’État canadien est supposément la chose qu’iels combattent, mais encore une fois, je n’ai jamais vraiment « compris » le nationalisme canadien et ce n’est pas nouveau – la même pléthore de drapeaux canadiens était le symbole le plus commun à deux importants prédécesseurs de ce mouvement, le « mouvement patriote » populiste et islamophobe qui a émergé en opposition au projet de loi M-103 et le mouvement des « Gilets jaunes du Canada » financé par le pétrole et le gaz.
L’absence de masque facial est un symbole frappant qu’iels partagent tous et beaucoup d’entre elleux l’ont porté au-delà de la manifestation, refusant avec défi de remettre leur masque lorsqu’iels montent dans les transports en commun ou entrent dans les quelques commerces qui restent ouverts au centre-ville. Je n’en porte pas non plus et c’est tout ce qu’il semble falloir pour se fondre dans cette foule. Dans le train, j’imagine qu’iels se retrouvent ainsi, partageant des regards conspirateurs avec d’autres membres de leur nouvelle communauté qui se sont également réveillés de la stupeur conformiste et pro-restrictions dans laquelle iels imaginent le reste d’entre nous. Dans les rues, j’ai entendu parler de nombreux passants et contre-manifestant-es qui se sont fait engueuler parce qu’iels portaient le leur, et je ne suis pas du tout surpris.

Je sais qu’il y a du racisme sous-jacent, car je sais que leurs organisateurs-trices sont enraciné-es dans les mouvements plus ouvertement racistes qui ont ouvert la voie à celui-ci, mais je ne pense pas qu’un passant naïf le remarquerait nécessairement, à moins qu’il ne se trouve au bon endroit au bon moment. J’ai entendu parler de personnes racisées harcelées par des membres du convoi, mais ce n’est certainement pas leur activité principale la plupart du temps, et je ne vois pas un seul signe concernant l’immigration, la race ou le colonialisme pendant tout le temps où je suis là. J’ai remarqué deux pancartes ouvertement antisémites, principalement du type « liste de complots » que j’ai déjà vu sur des complotistes lors de manifestations de gauche à grande échelle. Il y a un certain nombre de symboles de droite parsemés dans la foule, y compris un nombre surprenant de drapeaux « Don’t Tread On Me », mais aucun signe d’organisations canadiennes connues d’extrême droite ou néo-nazies affichant leurs couleurs et leurs symboles. Plus tard, sur Twitter, j’ai remarqué que quelqu’un avait posté une photo de six membres de l’organisation patriote d’extrême droite « Canada First », cagoulés, dans les rues le même jour, mais je ne les ai pas rencontrés en personne. Je m’attendais à voir plus de preuves des fascistes déclarés du Québec et du Canada qui recrutent, mais je n’en ai pas trouvé samedi. Peut-être qu’iels se cachent ou peut-être que la foule était simplement trop grande pour que je puisse les trouver. Il y a beaucoup de blancs ici mais ce n’est certainement pas une foule homogène, peut-être même pas beaucoup plus blanche que beaucoup de manifestations écologistes ou d’autres manifestations de gauche auxquelles j’ai assisté par le passé.

C’était énorme samedi. Vendredi, la police a fait état d' »environ 350″ manifestant-es dans le centre-ville et n’a rien dit sur le nombre de manifestant-es samedi, mais il y en avait certainement des milliers. Le succès des camions en tant que tactique de revendication d’espace pour ce groupe ne peut être sous-estimé. Toutes les rues autour du Parlement sont bloquées par de grands véhicules, ornés de pancartes et de drapeaux, avec des manifestant-es dans les cabines, klaxonnant, souriant et saluant la foule, dont beaucoup portent des pancartes « Merci aux camionneurs » et réservent leurs plus grandes expressions d’enthousiasme pour les rencontres avec les camions eux-mêmes. Même les jours où iels sont moins nombreux, il est difficile d’imaginer quelle tactique de la police ou des contre-manifestants pourrait réussir à saper leur contrôle sur les coins de rue entourant la colline du Parlement. Iels sont nombreux sur et devant la colline, où une sorte de « scène principale » a été installée à l’arrière d’un camion pour les orateurs et les annonces, mais iels ont tout le quartier. Plusieurs rues plus loin, un parc fait office de centre logistique, des gens y sont installés avec de la nourriture gratuite, du bois de chauffage et d’autres fournitures. Toutes les rues entre les deux et, en fait, une grande partie du centre-ville font activement partie de la zone de manifestation, remplie de gens qui crient et chantent et du son omniprésent des klaxons de camions qui a tant attiré l’attention des contre-manifestant-es locaux.

Je suis passé plusieurs fois devant la scène principale et chaque orateur que j’ai entendu était un militant anti-vaccins de quelque sorte. C’est en fait assez ennuyeux – bla bla ivermectine bla bla conspiration bla bla produits chimiques toxiques dans votre bras. Je ne peux pas dire si beaucoup d’entre elleux écoutent même les orateurs et dans les rues éloignées de la scène, le seul slogan que j’entends est « Liberté ! », il est donc très difficile de dire si les gens sont tous ou principalement des anti-vaccins, mais j’imagine que beaucoup le sont. En bas de la route, un autre haut-parleur diffuse du rock classique et un groupe tout aussi important a créé une fête dansante, agitant leurs pancartes de conspiration et leurs drapeaux canadiens et scandant « liberté » tout en dansant ensemble de manière extatique par -25 degrés. Je n’ai jamais vu notre camp se gonfler avec autant de succès en si grand nombre par un temps aussi pourri.

J’imagine que tous les complotistes que j’ai rencontrés dans la région sont ici, et bien d’autres encore. J’ai l’habitude de voir de telles personnes seules dans une foule, mais c’est un peu troublant de constater à quel point elles sont nombreuses maintenant qu’elles sont toutes réunies au même endroit. Il y a des panneaux et des brochures partout sur toutes les théories du complot d’extrémistes que j’ai entendues et même certaines que je n’ai pas entendues – les puces électroniques dans les vaccins, les juifs, les lézards, et j’en passe. Un panneau me dit qu’une triade de fouines travaillent ensemble pour contrôler la population avec la puce des vaccins : le gouvernement Trudeau, les médias grand public et l’Alliance de la fonction publique du Canada. J’espère que quelque part, un membre de l’AFPC est fier d’être élevé à un si haut statut. J’avais l’intention de parler à plus de gens, mais toutes les conversations que j’ai entendues portaient sur une théorie du complot connue – trois gars derrière moi qui parlaient de la 5G et de la Chine, une femme qui expliquait le « Great Reset » à ses enfants d’âge scolaire, un père francophone qui disait à ses enfants que les masques sont mauvais pour leurs poumons. À la fin de la journée, dans le bus du retour, je me prépare à demander à deux manifestant-es derrière moi de m’expliquer leur mouvement, mais j’abandonne quand je les entends chuchoter entre eux pour dire qu’il y a encore beaucoup à dire sur les chemtrails. Je suis frappé par une évidence à laquelle je n’avais pas vraiment réfléchi auparavant, à savoir que de nombreuses personnes d’apparence très normale, avec des familles, des emplois et de beaux sourires, sont en fait des adeptes de certaines des théories du complot que je considère comme les plus irrationnelles et impossibles à croire. Je suppose que ce phénomène a beaucoup augmenté depuis la pandémie, mais je ne peux pas le prouver.

Je soupçonne qu’une grande partie de la croissance de ce mouvement se produit parmi les personnes qui ne se sont pas manifestées et ne se seraient pas manifestées pour les mouvements de droite du passé, mais qui sont simplement véritablement fatiguées des restrictions du Covid. À un moment donné, j’ai vu un groupe d’enfants avec de jolies pancartes portant le contour d’un camion rempli de listes des choses qu’iels ont manquées depuis 2020 – le football, voir mes amis, sourire à ma grand-mère, la pratique de la chorale. Mon cœur se serre quand j’imagine les visions du monde que ces enfants rencontrent lors de ce qui pourrait bien être leur première manifestation. J’ai beaucoup d’empathie pour leur désir de s’engager dans des activités normales, ludiques et collectives après deux années à faire semblant de se satisfaire d’appels Zoom, de conversations masquées et de rencontres en plein air dans un froid glacial. Je déteste le fait qu’une grande partie de la gauche agisse comme si ces préoccupations n’existaient pas, en disant aux gens que s’iels se soucient un tant soit peu des personnes vulnérables, âgées et handicapées, iels doivent simplement faire avec et passer à autre chose. Une pancarte dit « C’est l’existence, je veux vivre ». Moi aussi, mec, à 100%. Si seulement c’était vrai ce que disent les complotistes de ce mouvement, qu’en fait le Covid n’est qu’un rhume, que le gouvernement a gonflé le nombre de morts et que tout ce que nous devons faire pour mettre fin à la pandémie, c’est prendre la pilule rouge, retirer nos masques et danser à nouveau dans les rues. Si je plisse les yeux, je peux presque voir ce qu’iels voient, iels sont enfermés à l’intérieur depuis si longtemps et les camionneurs sont les premiers à avoir le courage de s’exprimer et de dire « ça suffit », nous devons sortir. S’il n’y avait pas les racistes de droite qui dirigent le mouvement, sans parler des millions de morts réelles dues au Covid-19 qu’aucune quantité de bonnes vibrations et de mensonges ne pourra empêcher, cela aurait beaucoup de sens.

Dans l’après-midi, nous nous rendons à une contre-manifestation organisée principalement, semble-t-il, par des résidents du centre-ville d’Ottawa qui en ont assez du bruit, de la circulation, des discours haineux, du harcèlement et de l’intimidation de la part de certains manifestant-es. Il est très, très important de contrer le mouvement des camionneurs avant qu’elle ne devienne un mouvement révolutionnaire néo-fasciste à part entière, mais honnêtement, je n’ai ressenti aucune affinité avec cette contre-manifestation en particulier. La plupart des pancartes demandaient plus de policiers, se plaignaient de désagréments comme le bruit et le trafic, ou se moquaient des manifestant-es parce qu’iels n’étaient pas vaccinés et/ou étaient stupides. « Honk if you failed civics », « Self-driving trucks can’t spread covid », « Ottawa police act now », « Make Ottawa boring again ». Une dame avec une pancarte verbeuse sur la façon dont les vaccins obligatoires sauvent des vies me prend pour un membre du convoi et me réprimande parce que je suis apparemment analphabète : « Ça t’a pris quelques minutes pour lire ça, chérie ? ». J’ai un diplôme d’études supérieures et je n’ai pas à être aussi personnellement offensée, mais je ressens un élan de rage envers les élites libérales du centre-ville qui pensent que le problème est que ces gens ne sont tout simplement pas allés à l’école assez longtemps. Nous partons avant la fin de la manifestation, alors que certains manifestant-es sont engagés dans une impasse verbale – les antis scandent « Rentrez chez vous, bande d’idiots » tandis que les manifestant-es du convoi leur répondent « On vous aime toujours ! On vous aime ! Love ! » et la police forme une ligne plus forte entre les deux foules.

Je pense que le convoi de camionneurs est une manifestation. Je ne suis pas d’accord avec celleux qui disent qu’il s’agit d’un siège, d’une insurrection ou de tout autre terme exagéré, et je pense que ces idées viennent principalement d’Ottaviens outrés que quelqu’un puisse être aussi bruyant et aussi agaçant pendant aussi longtemps. Je n’hésiterais pas à organiser et à participer à une manifestation aussi bruyante et ennuyeuse si elle était organisée par d’autres personnes pour une autre cause. Je ne vois donc pas le bien-fondé de ces préoccupations et je ne pense pas que le fait d’être très bruyant ou très ennuyeux fasse de cette manifestation autre chose qu’une manifestation. Il y a toujours eu des libéraux qui nous traitaient de terroristes lorsque nous occupions l’espace, ou qui prétendaient que nos cornes d’alarme étaient des armes et qu’iels étaient attaqués par notre refus de partir. Il s’agit d’une « occupation », dans le sens où le mouvement Occupy était une occupation, c’est-à-dire qu’il cherche à occuper l’espace comme une tactique de protestation et cherche à créer un conteneur pour que les personnes partageant les mêmes idées puissent se rassembler, à la manière d’un campement. Comme beaucoup de mouvements sociaux, il y a des éléments révolutionnaires qui aimeraient le voir se transformer en quelque chose de beaucoup plus important. Cela pourrait arriver – c’est une manifestation très importante et réussie et beaucoup de personnes présentes semblent très inspirées et engagées. Mais cela ne s’est pas encore produit. Il faut l’arrêter avant que cela n’arrive, idéalement par la résistance de la base et non par la répression policière.

J’ai beaucoup de pensées décousues à ce sujet et je pourrais probablement écrire plusieurs longs essais sur le sujet si j’avais le temps et la foi en ma propre compréhension et autorité pour le faire. Pour aujourd’hui, je vais me contenter de partager mon expérience et quelques grands thèmes de questionnement que j’aimerais approfondir, sans ordre particulier :

(1) La liberté est un objectif très réel et très important, et les restrictions de Covid contraignent véritablement les gens, souvent de manière véritablement contraire à l’éthique. Je ne soutiens pas les mandats de vaccination, même si je suis favorable à l’idée d’encourager les gens à se faire vacciner par d’autres moyens moins coercitifs. Contrairement à la droite, nous savons que la vraie liberté ne peut être atteinte que collectivement, qu’il ne s’agit pas d’un simple choix individuel. Refuser de porter un masque lorsqu’un ami ou un voisin vous demande de le faire pour sa propre santé est une conception erronée de la liberté. Mais je pense que le monde est devenu encore moins libre depuis la pandémie, que les gouvernements ont acquis de nouveaux types de pouvoirs et de nouvelles formes de surveillance. Au Canada, je pense qu’ils bénéficient également d’un nouveau niveau de sourdisme, de pacification et d’obéissance de la part d’une grande partie de la population qui ne peut pas imaginer une solution au problème du Covid-19 qui soit plus complexe que de simplement faire ce que le gouvernement dit de faire et de faire honte à celleux qui ne le font pas.

(2) Les gens vont toujours croire des choses fausses. Les théories du complot sont très ennuyeuses, mais elles fournissent des réponses faciles et sont très convaincantes. Personne ne va se sentir obligé de se faire traiter d’idiot. Nous avons besoin de meilleurs moyens de contrer la désinformation que les brimades mesquines et les reproches exagérés.

(3) Je n’ai aucun doute que si cette manifestation devenait un mouvement révolutionnaire, elle serait absolument fasciste. Les éléments qui veulent déposer le Premier ministre installeraient quelqu’un de bien, bien pire. Il n’y a aucun espoir de faire cause commune avec cette chose, mais nous devons trouver des moyens créatifs, probablement nouveaux, de la contrer. Cela n’a pas de sens de traiter ces manifestant-es comme des camarades potentiels (du moins en tant que groupe), mais cela ne fonctionnera pas non plus de les traiter comme nous avons traité les néo-nazis connus et déclarés. Quels sont les moyens de contrer ce mouvement qui ne se limitent pas (mais qui pourraient tout de même inclure) à faire honte à ses recrues potentielles et à menacer leurs événements de violence physique ?

(4) Que se passe-t-il avec la police ici, en fait ? D’une part, il est vrai qu’ils n’ont pas beaucoup essayé d’éloigner les manifestant-es (bien qu’il semble que cela pourrait changer dans les prochains jours), et le succès et la bonne ambiance de la manifestation sont en partie le résultat d’une absence quasi-totale de répression, en partie due à la blancheur et à la politique des manifestant-es. D’autre part, la police d’Ottawa ne ment probablement pas quand elle dit qu’elle n’a pas la formation ou les ressources nécessaires pour déplacer cette manifestation. Ce n’est pas parce qu’il y a trop de manifestant-es, c’est à cause de leurs tactiques, notamment les camions. Comment est-il possible qu’il n’y ait aucun plan pour empêcher la police de perdre le contrôle de la COLLINE PARLEMENTAIRE aussi facilement ? Quelles sont les leçons que nous pouvons tirer de cet événement et quelles nouvelles compréhensions de l’État canadien cela devrait-il nous donner ?

(5) Que voulons-nous faire à propos de Covid maintenant qu’il est clair que les vaccins sont un outil et non une fin ? Comment allons-nous reprendre prudemment les activités plus risquées tout en faisant preuve d’attention, d’empathie et de protection envers les personnes vulnérables au virus ? Les anti-vaccins se trompent sur les vaccins, c’est certain, mais ils ne représentent pas la totalité (ni même le principal) du problème et nous ne pouvons pas échapper au fait que le virus est probablement là pour rester. Si le virus ne disparaît jamais, nous devrons de toute façon danser ensemble dans les rues un jour ou l’autre. Cela n’a pas de sens de dire à tout le monde de simplement endurer une vie de merde indéfiniment. La liberté dont parlent beaucoup de gens du convoi est une version ennuyeuse de la liberté parce que beaucoup d’entre eux ne se soucient pas du tout que des gens meurent du Covid, mais celleux d’entre nous qui s’en soucient devront quand même trouver des moyens de vivre.

Deux mots des morts – sur le Manifeste conspirationniste

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Fév 022022
 

De Mathieu Potte-Bonneville

à propos de : Anonyme, Manifeste conspirationniste, éd. du Seuil, 2022.

22 janvier. – Page 1 on peut lire : « La mise en scène d’une meurtrière pandémie mondiale, « pire que la grippe espagnole de 1918 », était bien une mise en scène. Les documents l’attestant ont fuité depuis lors ; on le verra plus loin. Toutes les terrifiantes modélisations étaient fausses. ». Suit une allusion au refus gouvernemental de considérer d’autre traitement que biotechnologiques (on croit reconnaître, perdu dans une allusion suffisamment faux-cul pour être inattaquable, le profil de médaille de Didier Raoult [un microbiologiste français ayant acquis une notoriété médiatique au début de la pandémie quand il a annoncé qu’un traitement à base d’hydroxychloroquine pourrait résoudre la crise sanitaire ; NdMtlCi.] ). On se pince, on tâche de se rassurer, évidemment ça ne durera pas, c’est une préface clickbait, l’ordinaire protestation amphigourique et générale dans le style grand siècle prendra le relais, mêlant rappel des infamies d’époque à l’air d’en savoir long, mais tout de même : on en sera passé par là, par la double négation consistant à réduire la pandémie à une mise en scène et à s’en détourner sitôt qu’elle aura joué son rôle de captatio benevolentiae, parce que compte moins au fond la vie et la mort des figurants de cette mise en scène (on songe aux brésiliens, aux tunisiens, aux 120000 disparus d’ici) que leur aptitude à servir de marchepied pour pérorer à leur place. 

Qu’une part de la gauche soit incapable de penser ensemble la pleine réalité de la crise sanitaire et la critique circonstanciée des effets d’aubaine autoritaires qu’elle représente ne fait pas honneur à son intelligence du présent. 

Que le torchon histrionique dont même le Comité invisible s’est vite démarqué ne se perçoive pas comme ce qu’il est, objectivement eugéniste (s’énoncant au nom de « tout ce qui ose encore respirer, les jeunes les pauvres, les dansants, les insouciants, les irréguliers ») n’étonne guère. 

Qu’il ait trouvé à se loger chez un grand éditeur est tout simplement consternant.

25 janvier. — « Mais tu ne peux pas critiquer le livre en ayant lu seulement ces vingt-cinq premières pages ! »

Il me semblait, à moi, que vingt-cinq suffisaient, que s’infuser dans la foulée trois cent cinquante pages de l’habituelle tambouille n’était pas indispensable, mais bon : puisqu’il fallait j’ai lu, du coup. Et puisqu’on me faisait reproche de dénoncer d’abord, dans cette affaire, l’absence de toute mention des morts et la déréalisation radicale de l’épidémie sous son interprétation politique, comme on en était restés là bah je les ai cherchés, les morts.  Au cas où ils auraient attendu, patients, après les vingt-cinq premières pages. J’ai même cherché, tenez, leurs occurrences dans le texte. Où t’as mis le corps, c’est toujours une question intéressante à poser. Or si l’on excepte une série de mentions dans le cadre circonscrit d’un commentaire d’Auguste Comte on peut dresser exhaustivement le relevé des neuf occurrences restantes :   

– Il est fait mention des morts du fait de la vaccination, aux 18e et 19e siècle, en bref des morts du vaccin (pages 202 et 204)
– Il est fait mention de deux morts par administration d’anthrax, en bref des morts d’autre chose (page 53)
– Il est fait mention de la surestimation du nombre de morts par les modèles projectifs, en bref des morts en moins (page 135, page 245)
– Il est fait mention de l’usage de la psychologie sociale pour manipuler les consciences dans la représentation des morts, en bref des morts hallucinés (page 143)
– Il est fait mention des vieux en EHPAD [l’équivalent français des CHSLD ; NdMtlCi.] morts… de solitude (page 243)
– Il est fait mention (c’est sans doute ma mention préférée) des « morts-vivants » page 211, en bref des morts pas morts, je vous donne le contexte : « l’Occident a fini par adopter une existence crépusculaire et à étendre indéfiniment les états de morts-vivants – malades à vie, immunodéprimés en sursis de cancer…». (Les personnes immunodéprimées ou porteuses d’une maladie chronique apprécieront cette délicate énumération, où vibre un discret hommage à ce que le regretté Louis Pauwels appelait il y a longtemps le « sida mental » ; mais juger le livre eugéniste était, parait-il, excessif et la formule « la biopolitique, tyrannie de la faiblesse », page 217, s’est sûrement glissée dans un chapitre par hasard)
– Il est enfin, in extremis, fait mention des « morts que nous n’avons pas pu enterrer ». C’est, comme un remords, à la page 306 d’un ouvrage qui en compte 316. Mais on ne saura pas de quoi ils sont morts, les morts. Faut pas exagérer.

J’arrête là la collecte de ce qu’il me semble difficile de ne pas lire comme un travail méthodique d’effacement, visant à araser les points de butée d’un discours qui peut alors se dévider sans couture, relier tout avec tout, dans cette logique sans friction qu’il décrit au plus juste, mais à propos de son adversaire et se mirant en somme en lui sans se reconnaître dans le miroir (« Le pouvoir démocratique se définit implicitement par ceci qu’il garantit l’Habeas corpus aux citoyens tant qu’ils se meuvent sans friction dans l’environnement matériel et virtuel. Le cyberespace est, tout autant que l’espace urbain, pensé pour une circulation absolument libre et absolument architecturée » , page 180). 

On aimerait paraphraser : hors la mort, ça glisse tout seul.

Sans monter dans les aigus, alors, on rappellera seulement ceci : la dernière fois qu’un discours radical a prétendu à gauche non seulement mobiliser la logique du complot, mais enjamber plusieurs millions de morts parce que leur survenue n’était pas intégralement fongible dans l’analyse des contradictions du capitalisme, c’était dans une petite librairie qui faisait aussi maison d’édition, du côté de la rue d’Ulm. Elle tirait son totem d’une citation de Marx, et s’enorgueillissait d’être une vieille bête qui fait des trous. Voyez ? Dans mon souvenir, pour finir il a fallu la dégager à coups de pelle, la boutique, et je ne vois strictement rien dans ce texte qui prémunisse ses thuriféraires de pareil devenir. [L’auteur fait référence à La Vieille Taupe, une librairie négationniste à Paris, fermée en 1991 suite à des manifestations ; NdMtlCi.]

26 janvier. On m’apprend que le site Egalité et réconciliation, fédérant comme on sait les amis d’Alain Soral [un essayiste et idéologue d’extrême-droite en France ; NdMtlCi.], a publié une critique louangeuse de l’ouvrage, suggérant que ce dernier laisse entrevoir un programme commun, et saluant la réconciliation du social et du national.

Comme disait l’autre : It escalated quickly.

Yannick Vézina : un leader du groupe néofasciste Atalante chez Desgagnés

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Oct 062021
 

De Montréal Antifasciste

[Collaboration spéciale Montréal Antifasciste et Québec Antifasciste]

Depuis 2018 Montréal Antifasciste documente les activités du groupe néofasciste Atalante, essentiellement implanté dans la ville de Québec et ses environs. Depuis la fermeture de sa page Facebook en août dernier, Atalante a perdu beaucoup de visibilité, et l’organisation semble s’être recroquevillée sur son noyau dur. Cependant, ses membres et ses sympathisant·e·s sont toujours présent·e·s et actif·ve·s dans la collectivité, et la possible implication de nouvelles recrues nous pousse à maintenir la vigilance et la pression. C’est dans cette optique que nous croyons nécessaire de continuer à exposer les principaux membres d’Atalante, dont ceux qui sont connus pour avoir participé à des actes de violence.

Cet article mettra en lumière l’implication de Yannick « Sailor » Vézina, l’un des membres fondateurs d’Atalante encore actif aujourd’hui, qui n’avait pas encore fait l’objet d’un examen plus détaillé.

Yannick Vézina participait à la plus récente action de visibilité d’Atalante à Québec, le weekend du 25-26 septembre 2021. Photo extraite du compte Telegram d’Atalante Québec.

 

 Yannick Vézina et le Québec Stomper Crew

Yannick Vézina est depuis longtemps proche du Québec Stomper Crew (le gang de rue à l’origine d’Atalante Québec). C’est Antoine Mailhot-Bruneau, un camarade de classe à l’Institut Maritime de Rimouski dans la première moitié des années 2010, qui l’a introduit dans l’entourage des Stompers. Montréal Antifasciste a déjà révélé qu’Antoine « Tony » Mailhot-Bruneau est le leader idéologique d’Atalante et l’auteur du manifeste du groupe, Saisir la Foudre. À partir de cette rencontre, nous savons que Vézina s’est rapidement radicalisé et a multiplié les frasques pour mieux s’intégrer au crew. Nous savons aussi qu’il est devenu membre en règle suite à sa participation à l’agression d’un militant antifasciste.

Yannick Vézina (à droite) avec Antoine Mailhot-Bruneau, leader d’Atalante Québec.

 

Québec Stomper Crew et entourage.

 

Une partie du Québec Stomper Crew.

 

Yannick Vézina lors d’un spectacle de Légitime Violence. On reconnaît à ses côtés Steve Lavallée, un membre de l’entourage du Québec Stomper Crew qui avait été reconnu coupable d’une série d’agressions armées à Montréal à la fin des années 1990.

 

Yannick Vézina, full patch.

 

Avec l’entourage de Légitime Violence et du groupe américain Offensive Weapon.

Vézina semble d’ailleurs avoir un goût prononcé pour la violence, puisqu’il s’en est pris il y a quelques années à un jeune qui arrachait des affiches d’Atalante en plein jour, en le poursuivant armé d’une batte de baseball. Il utilise aussi ouvertement des hashtags comme #quebecfascistcrew sur son compte Instagram personnel. Ça donne une bonne idée du personnage…

Vézina et Atalante

En plus de faire partie du Québec Stomper Crew, Yannick Vézina est aussi un membre important et actif d’Atalante. Il a entre autres participé à au moins un « pèlerinage » en Italie et participe à toutes les actions d’Atalante depuis le début lorsque son emploi du temps le lui permet. Il faisait d’ailleurs partie du petit groupe de militants qui ont fait irruption dans les bureaux de Vice Québec en 2018 pour en intimider les employé·e·s.

On reconnaît facilement la montre et le tatouage sur l’avant-bras gauche.

On peut aussi l’apercevoir sur plusieurs photos de distributions de sandwichs et de collages de banderoles. Par ailleurs des révélations de la taupe Quentin Pallavicini nous laissent croire que Vézina agirait à titre de trésorier d’Atalante.

Yannick Vézina (rangée avant, à droite) avec le noyau dur d’Atalante Québec.

 

Une partie des membres d’Atalante Québec, en janvier 2019, sur le toit du quartier général de CasaPound à Rome.

 

Avec d’autres membres d’Atalante Québec, à Rome, en janvier 2019. On reconnaît à droite Sébastien Magnificat, le responsable des relations internationales de CasaPound.

 

Le Québec Stomper Crew et Légitime Violence, avec des camarades américains, entourent Steven Bissuel, l’ex-leader de Bastion Social et du Groupement Union Défense – Lyon (GUD). Yannick Vézina est au centre, à gauche de Bissuel.

  

Yannick Vézina s’adresse aux militants et militantes d’Atalante Québec, le 1er mai 2016.

 

À gauche, Yannick Vézina porte fièrement le drapeau d’Atalante Québec à l’occasion d’une marche au flambeau organisée peu après la création de l’organisation en 2016.

 

Yannick Vézina a participé à d’innombrables actions de visibilité d’Atalante, comme cette distribution de tracts à Québec, en 2019.

Yannick « Sailor » Vézina

Yannick Vézina, s’est choisi le surnom de « Sailor » et semble prendre très à cœur sa profession de marin. Fait cocasse, le logo d’Atalante semble être calqué sur l’illustration d’un manuel d’étude de l’Institut Maritime du Québec, rappelant quelque peu le symbole fasciste « flash and circle », adopté une décennie plus tôt par le Blocco Studentesco, l’aile jeunesse/étudiante de l’organisation néofasciste italienne Casapound, qui a directement inspiré la création d’Atalante.

Le logo d’Atalante Québec…

 

… est visiblement calqué d’un manuel de formation de l’Institut Maritime du Québec.

Le motif « flash and circle », utilisé par plusieurs organisations fascistes, est notamment le logo du Blocco Studentesco, l’aile jeunesse de l’organisation néofasciste italienne CasaPound.

Yannick Vézina est présentement employé par la compagnie maritime québécoise Desgagnés, et il navigue régulièrement sur le « Zélada », un navire qui ravitaille les communautés du nord du Québec et du Canada.

    

Yannick Vézina est employé à bord du Zélada, un navire de la flotte du Groupe Desgagné.

Il serait intéressant de savoir comment cette compagnie réagit au fait qu’elle emploie un membre en règle d’une organisation néofasciste, un membre qui est aussi lié à plusieurs agressions violentes motivées par une idéologie haineuse. Surtout qu’on a de bonnes raisons de croire qu’il traîne des autocollants d’Atalante pour en coller lors de ses escales à Rimouski.

Si vous souhaitez les interroger à ce sujet :

Téléphone : (418) 692-1000

Courriel : info@desgagnes.com – info@transarctik.desgagnes.com

Depuis quelque temps, les choses semblent aller plutôt bien dans la vie personnelle de Vézina, il a récemment acheté une maison dans le secteur Charlesbourg/Lac-Beauport en banlieue de Québec avec sa compagne, qu’il a récemment demandée en mariage! Il serait peut-être temps de lui rappeler que les actes de violence et les idées haineuses qu’il défend ont des conséquences…

On salue ici la note supplémentaire de romantisme que confère le bol de croquettes.

 Conclusion

Dans le contexte où les néofascistes d’Atalante ont perdu leur page Facebook et leur site Web, il serait facile de ne plus les considérer comme une menace sérieuse. Nous croyons cependant que ce serait une erreur, et que nous devons plus que jamais maintenir la pression sur les militant·e·s actuel·e·s et réaffirmer que ces idées haineuses ne sont pas les bienvenues au Québec.

Que ce soit sur terre ou en mer, nous continuerons de traquer les néofascistes partout et tant qu’il le faudra.

Si vous avez d’autres renseignements à nous communiquer au sujet de Yannick Vézina, d’Atalante et de ses sympathisant·e·s, n’hésitez pas à nous écrire à alerta-mtl@riseup.net ou au qcantifasciste@riseup.net.

Quentin Pallavicini : la taupe d’Atalante qui informait les antifascistes

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Juil 152021
 

De Montréal Antifasciste

Depuis la fondation de Montréal Antifasciste, nous recevons toute sorte de messages provenant d’antifascistes qui souhaitent soutenir notre travail et/ou nous partager leurs questions, le fruit de leurs recherches ou leurs observations. Il est bien plus rare que des extrémistes de droite communiquent avec nous, si ce n’est pour nous lancer des insultes puériles.

Le 18 juin 2018, une personne nous écrivait un courriel sous le pseudonyme « Lola Parisi » à partir de l’adresse moosque1@hotmail.fr. Cette même personne nous contactait également à quelques reprises sur Messenger au mois de septembre 2018 sous le pseudonyme « Marie Dubois » :

Le message de prise de contact, intitulé « Atalante spotted » allait comme suit :

La personne derrière « Lola Parisi /Marie Dubois » s’est d’abord présenté comme étant référée par des « camarades de lutte », puis progressivement, nous avons compris que cette personne, qui se disait un ami de feu Clément Méric, était un homme, pas spécialement proche des idées progressistes et plutôt misogyne… Entre juin 2018 et juillet 2019, « Lola » nous a écrit pas moins de 45 courriels et plusieurs messages sur Messenger.

Le contenu de ces courriels, parfois très courts, parfois détaillés et accompagnés de photo,  peut se résumer ainsi : une petite partie d’informations inédites et véridiques, ne pouvant provenir que de quelqu’un ayant un accès privilégié au noyau dur d’Atalante, noyées dans un océan de désinformation. Décortiquions un peu ce contenu.

L’information :

  • Quelques renseignement, très précis et que nous avons pu vérifier, nous permettaient d’identifier des personnes à propos desquelles nous ne savions rien : Baptiste Gillistro, le français complice de Louis Fernandez lors de l’agression au LvlOp, et Giulio Zardo, un champion olympique déchu qui entraînerait la gang d’Atalante à Montréal dans son gym privé. Des courriels nous informaient également, en avance, sur des voyages prévus par des membres du groupe et sur la visite prochaine à Québec du band de black métal néonazi français (« Baise ma hache »), lequel a effectivement joué avec Légitime Violence dans un bar de Québec en juin 2019. « Lola » semblait donc au cœur du groupe, et ses explications comme quoi « elle » aurait infiltré un groupe de discussion privé d’Atalante ne nous semblaient pas très crédibles.
  • Une part importante des courriels reçus semblaient également nous inciter à identifier certaines femmes du groupe, avec une sorte de fixation malsaine sur Vivianne St-Amant, tout en insistant sur le fait que celles-ci n’étaient pas des militantes importantes, mais des fangirls, des suiveuses, les « blondes de » ou des filles faciles qui « servent à rien ». Une autre bonne raison de prendre les renseignements de « Lola » avec un sérieux grain de sel…

La désinformation :

  • Une grande part de ces courriels tentaient, à l’inverse, de nous induire en erreur sur la véritable identité de Lucie Mergnac : son vrai nom serait Chloé Fleuri ou Fleury; finalement son vrai nom serait Merignac et non pas Mergnac; celle-ci serait Belge et non pas Française; elle ne serait pas du tout impliquée dans Atalante…
  • Vers la fin de nos échanges, les demandes étaient de plus en plus insistantes pour que nous retirions le nom de Lucie de nos articles et publications.
  • L’immense majorité des messages semblait suivre la vie, les faits et les gestes de Quentin Pallavicini, en essayant d’abord de nous faire croire que Jean Brunaldo était son vrai nom, tout en décrivant la vie rêvée et mystérieuse de Quentin : ce jeune fasciste ultraviolent serait un bagarreur aguerri, proche de l’élite du fascisme européen et québécois, ayant fait fortune dans la cryptomonnaie, indépendant de fortune, propriétaire de magasins, maisons et voitures de luxe, vivant au gré des envies entre le Québec, la France et l’Italie, gagnant de nombreux procès pour agressions grâce à son avocat hot shot… toutes choses que nous savons fausses, hors de tout doute.

En effet, nous savons que Quentin n’est pas riche, qu’il loue un modeste appartement à Mirabel dans le secteur Saint-Canut (après avoir déménagé du logement qu’il occupait avec sa copine à Laval), qu’il occupe un emploi modeste et qu’il loue des voitures pour frimer. Nous savons également, par nos camarades antifascistes français et italiens, que Pallavicini n’est pas le « gros bonnet » qu’il prétend, même s’il a effectivement traîné dans l’entourage de Serge Ayoub et de Troisième Voie.

Une relecture attentive de nos échanges courriel nous a d’abord fait naître un doute. La présence de trop nombreuses incohérences, sa fixation sur le couple Quentin/Lucie, ses tentatives répétées de protéger Lucie, sa divulgation de quelques bons renseignements véridiques au milieu d’une soupe hagiographique mal écrite nous vantant la vie rêvée de Jean/Quentin, etc., nous permettent d’affirmer aujourd’hui que « Lola Parisi » était en fait nul autre que Quentin Pallavicini lui-même, membre actif d’Atalante Montréal (au moins jusqu’à l’automne 2019), et que celui-ci a trahi son organisation et vendu ses petits camarades (jusqu’à demander de l’argent en échange de ses renseignements!) aux antifascistes afin de protéger sa conjointe et lui-même. Et peut-être en même temps, pourquoi pas, faire mousser sa crédibilité douteuse auprès des boneheads d’Atalante…

Quebec.wingism et leur entourage

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Juil 122021
 

De Montréal Antifasciste

Avertissement : cet article contient des éléments de racisme, d’homophobie et de transphobie extrêmes.

Il y a de cela presque exactement un an, Montréal Antifasciste publiait un article portant sur le Front canadien-français (FCF), un groupe nationaliste réactionnaire qui nous était jusque-là encore inconnu. Dans cet exposé, nous avions intégré une liste d’une dizaine de pages de mèmes associées à l’entourage du FCF qui reprenaient des thèmes classiques de l’extrême droite : anti-immigration, antiféministe, anti-LGBTQIA+, avec pour courant central un ultra-catholicisme arriéré aux forts accents de nationalisme blanc. Avec des noms comme « Mèmes evangéliste Duplessiste » et « Mèmes clérico-nationalistes du Canada français », ces pages offrent à des militant·e·s d’extrême droite un moyen commode de relayer à leurs abonné·e·s (et plus largement) un éventail de discours réactionnaires et souvent racistes, comme la tristement célèbre théorie du complot du « grand remplacement » et de nombreuses autres constructions analogues qui participent à la déshumanisation de différents groupes de personnes (immigrantes, noires et/ou racisées, LGBTQIA+, féministes, etc.).

La page Quebec.wingism, lancée sur Instagram en janvier 2020 (d’abord sous le nom Rightwingism.quebec), s’apparente aux pages de mèmes mentionnées ci-dessus, autant sur le plan esthétique que sur le plan du contenu politique. Bien que les mèmes, par définition, soient conçus pour être largement diffusés, il n’est pas rare que certaines pages reproduisent plus ou moins à l’identique le concept, le style et la teneur de pages existantes. C’est notamment le cas de Quebec.wingism, qui a repris le modèle d’autres pages « wingism », un phénomène né de l’activité du mouvement alt-right en ligne. Entre autres choses, deux articles déjà publiés au sujet de ce phénomène (par The Gauntlet, 2018, et AntiHate.ca, 2021) nous apprennent que la toute première page « wingism » a été créée au Canada par un étudiant de l’Université de Calgary.

Le format de ces pages est le suivant : il y a habituellement plusieurs admins, identifiés seulement par la première lettre de leur nom, et bien que ces pages se targuent d’offrir une plateforme à un large éventail d’idées politiques, elles sont généralement bien campées à l’extrême droite de l’éventail politique (de l’éconationalisme au fascisme) en intégrant parfois des éléments de l’iconographie nazie pour faire bonne mesure. Un nombre important de ces pages semble s’articuler en partie autour d’une obsession pour la théorie du complot du « grand remplacement », d’un goût pour le fascisme et d’une haine féroce envers les personnes de couleur, les personnes LGBTQIA+ (en particulier les personnes trans et non conformes sur le plan du genre) et les féministes. Il semble que ce format se soit avéré facile à reproduire, puisque des individus dans différentes parties du monde s’en sont emparé en déclinant minimalement le contenu politique et la forme (surtout des mèmes passés au filtre fashwave/vaporwave et une iconographie héritée de l’alt-right) à leur contexte particulier, toujours avec un sous-discours nationaliste blanc. C’est ainsi que les pages « wingism » contribuent activement au développement et à la dissémination d’un mouvement culturel d’extrême droite en ligne.

Bien qu’Instagram ait supprimé certaines pages « rightwingism », plusieurs comptes n’ont eu aucune difficulté à ouvrir une nouvelle page en modifiant à peine le nom de celle-ci (il n’est pas rare, par exemple, de voir « v2 » ou « v3 » affixé à un nom, signifiant la première ou la seconde renaissance d’une page suite à son bannissement).

Qui sont les modérateurs et les sympathisants de Quebec.wingism? (passez directement à la galerie de portraits)

La page de mèmes Quebec.wingism a été créée dans ce même moule : des personnages fascistes et réactionnaires passés au filtre vaporwave/fashwave, une islamophobie décomplexée, des accents de nationalisme blanc et d’« ethnonationalisme », un racisme virulent, un antiféminisme primaire et une transphobie sardonique, le tout enveloppé d’un nationalisme québécois plus ordinaire. Les pages « wingism » se spécialisent dans le recyclage d’idées réactionnaires répulsives au moyen de filtres « cool » et de personnages de dessins animés « comiques », tout en se cachant derrière le déni plausible que confère un détachement ironique et une forte dose de confusionnisme. Si cette description vous donne l’impression que ce phénomène s’inspire largement des mystifications qui ont fait le succès du mouvement alt-right, on ne peut qu’être d’accord avec vous. Les pages « wingism » recyclent inlassablement les vieux mèmes poches de « Pepe » et les mêmes effets « basés » qui puent le racisme numérique de la période 2015-2019. En fait, l’alt-right n’est jamais disparu d’Internet; il n’a fait que muer.

… Poursuivre la lecture sur montreal-antifasciste.info

Pourquoi on détruit les autocollants « Boycott China »

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Mai 312021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ces autocollants étaient affichés dans la zone entre les rues Atwater et Peel – et peut-être ailleurs à Montréal ! On ne sait pas qui les affiche, mais on les voit parfois avec d’autres qui disent FUCK TRUDEAU ou qui appellent à la libération de Hong Kong. Nous sommes parmi celles-ceux qui enlèvent et couvrent ces autocollants.

On ne connaît pas avec certitude les intentions de celles-ceux qui les affiches. Cependant, on a l’analyse qui suit :

  1. Il y a des gens dans notre société qui veulent une guerre totale entre l’Occident (dont la définition varie) et la Chine. Ils ne sont pas motivés par un amour pour la liberté; ce qu’ils veulent est une orgie de violence qui enveloppera le monde.
  2. Une vague de violence contre nos voisin.e.s asiatiques se produit déjà, à travers l’Amérique du Nord et dans plusieurs autres pays.
  3. Dénoncer l’État Chinois est légitime – il est l’exemple ultime du « fascisme rouge » à l’ère moderne ! – mais c’est plutôt urgent de dénoncer l’empire chez nous. Le Parti communiste de Xi est dangereux, mais bien plus dangereux sont la police locale, le fascisme locale, l’ecocide locale, l’avidité locale. L’empire du mal à l’étranger est une distraction du besoin urgent pour une révolution sociale ici et maintenant!

On encourage tout les Montréalais-e-s à détruire et couvrir ces autocollants!

On encourage aussi les gens qui répandent ces messages à être un peu moins caves!

En savoir plus : https://mastodon.bida.im/@squarebethune

Pour un regain antifasciste dans l’après-pandémie

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Mai 312021
 

De Montréal Antifasciste

Au moment où se dessine la sortie de la crise sanitaire, la levée progressive des mesures d’exception et le proverbial « retour à la normale[i] », les bilans s’imposent. Du point de vue de la pratique antifasciste, le phénomène ayant le plus retenu notre attention au cours de la pandémie, et plus particulièrement à partir de l’été 2020, a été la convergence de certains éléments de l’extrême droite québécoise avec des individus liés aux courants de « santé alternative » et divers adeptes de théories du complot pour former le curieux mouvement d’opposition aux mesures sanitaires.

Ce phénomène inédit a soulevé un certain nombre de questions stratégiques. Devait-on confronter directement ce mouvement dans la rue, comme nous l’avions fait dans les années précédentes avec le mouvement national-populiste, et ce, en dépit des enjeux sanitaires? Devait-on plutôt l’ignorer complètement ou contribuer modestement à en limiter l’influence en participant à la vigilance « anti-conspis » sur les médias sociaux? Ou aurions-nous dû plutôt (devrions-nous aujourd’hui) nous adresser directement à ce mouvement sur la base d’une relative sympathie pour l’hostilité qu’il exprime à l’égard des autorités et des institutions? Si oui, par quels moyens et, surtout, à quelle fin?

Sinon, et de toute manière, quelles devraient être les orientations et priorités du milieu antifasciste montréalais et québécois dans les mois et années à venir, compte tenu du rôle qu’a joué l’extrême droite dans la mouvance anti-sanitaire et celui qu’elle pourrait encore jouer dans ses possibles reconfigurations? Selon toute vraisemblance, la majeure partie de la base du mouvement anti-sanitaire rentrera sagement à la maison avec la levée des mesures d’exception; mais une autre partie poursuivra sans soute son engagement dans la « complosphère », laquelle est directement sous l’influence de l’extrême droite. Alors que faire?

Ce texte tente d’apporter quelques éléments de réflexion, tout en réaffirmant la nécessité pour la gauche radicale de redoubler d’effort, comme le font déjà certains groupes, pour organiser un mouvement populaire sur ses propres bases, à distance des dérives réactionnaires et sans tomber dans le piège du populisme.

(7 500 mots; temps de lecture : environ 20 minutes)

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La spirale descendante du complotisme anti-sanitaire

La pandémie de COVID-19 a créé tout un lot de nouvelles difficultés, en plus d’exacerber des défis existants.

On le sait, la crise pandémique s’est avérée un contexte particulièrement favorable à la diffusion de nombreuses théories du complot et, plus généralement, de la mentalité complotiste. Mentalité qui constitue en retour un terreau propice à l’enracinement de l’extrême droite. L’un des nouveaux défis auxquels la gauche radicale/antifasciste a été confrontée au cours de la dernière année a été de trouver les moyens de renverser, ou à tout le moins de freiner l’expansion de cette mouvance complotiste anti-sanitaire[ii].

Déjà, pour parler en notre propre nom, le collectif Montréal Antifasciste a décidé assez tôt dans la pandémie de renoncer à certaines des tactiques employées au cours des dernières années dans la lutte contre les groupes xénophobes et islamophobes, dont principalement l’organisation de contre-manifestations, par souci de ne pas contribuer à la propagation du virus et à une potentielle aggravation de la crise sanitaire. On n’a qu’à s’imaginer un scénario de « lutte à trois fronts » entre les antifascistes, les anti-sanitaires et la police pour redouter les possibles complications. Nous croyons encore que c’était la meilleure chose à faire dans les circonstances[iii], et doutons par ailleurs que de telles mobilisations auraient attiré assez de contre-manifestant·e·s pour faire contrepoids. La phase actuelle de la pandémie nous amène toutefois à reconsidérer ce choix tactique, car il faudra bien tôt ou tard briser le cercle vicieux de l’inaction et du constat d’échec.

Un autre élément problématique tient à la composition hétérogène du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires. Bien qu’à ses débuts, au printemps/été 2020, l’embryon de ce mouvement était manifestement mené par des personnages liés aux groupes xénophobes et islamophobes actifs dans la période 2016-2019 (La Meute, Storm Alliance, Citoyens au Pouvoir, Vague bleue, etc.), ceux-ci n’en avaient pas le monopole. On retrouvait aussi parmi les leaders (et jusqu’à ce jour) des individus associés à la mouvance dite de « santé alternative », comme Mel Goyer ou Amélie Paul. Nous avons d’ailleurs été parmi les premiers à sonner l’alerte en constatant cette convergence inédite de certains gourous de l’extrême droite populiste avec des hippies alternatifs généralement considéré·e·s plutôt à gauche, ou du moins « apolitiques ». À ce noyau dur initial est venu se greffer toute une constellation de personnes sensibles aux explications complotistes, certain·e·s provenant de la « fachosphère » des dernières années, et d’autres dont le scepticisme à l’égard de la pandémie s’est transformé en hostilité ouverte envers (toutes) les mesures sanitaires au fur et à mesure que la crise s’aggravait et perdurait. Même s’il est impossible de quantifier le poids et la portée de chacune de ces catégories au sein de l’ensemble (et il faut de toute façon tenir pour acquis que ces facteurs fluctuent), l’opposition aux mesures sanitaires comporte aujourd’hui bon nombre de personnes qui sont tout simplement hostiles à l’égard de ce que les figures d’autorité, y compris les scientifiques et les journalistes, leur demandent de croire.

Une multitude de pages et de groupes ont ainsi été créés sur Facebook et d’autres plateformes, où l’influence de gourous complotistes comme Alexis Cossette-Trudel s’est étendue, tandis que d’autres opportunistes profitaient de cet élan pour créer des vaches à lait et tirer avantage du mouvement naissant (dont Stéphane Blais, du parti marginal Citoyens au pouvoir, et sa Fondation pour la défense des droits et des libertés du peuple).

À partir de là, à la faveur du désœuvrement d’une grande partie de la population, le mouvement a grandi exponentiellement, et un grand nombre d’influenceurs et d’influenceuses se sont démarqué·e·s sur les médias sociaux en charriant de nombreuses théories du complot toutes plus invraisemblables les unes que les autres, intégrant notamment les prémisses grotesques du mouvement QAnon, lequel sévissait déjà depuis 2017. Les anti-sanitaires, sous le leadership d’individus comme Stéphane Blais, Mel Goyer, Dan Pilon, Mario Roy ou Steeve « l’Artiss » Charland et ses « Farfadaas », et profitant de l’amplification du signal par d’autres « personnalités » des médias sociaux, ont organisé des dizaines de manifestations dans plusieurs localités de la province, ce qui a progressivement rehaussé leur profil et gonflé leurs rangs.

Un autre tournant au Québec a été l’imposition du couvre-feu en janvier 2021, qui a été considéré par plusieurs comme un coup de force illégitime et injustifiable de la part du gouvernement et a entraîné dans le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires des segments de la population qui n’y étaient pas particulièrement sensibles jusque-là. (La gauche radicale s’y est elle aussi opposée dès le début en organisant quelques manifestations à Montréal sous la bannière du groupe ad hoc « Pas de solution policière à la crise sanitaire »). Une autre action notable est la quasi-émeute qui s’est produite le 11 avril 2021 dans le Vieux-Port de Montréal, dont tout porte à croire qu’elle a été le fruit d’une mobilisation spontanée sur les médias sociaux prisés des jeunes adultes; la présence d’éléments d’extrême droite dans la foule, dont les agitateurs de Rebel News, mène toutefois certain·e·s à croire que celle-ci n’était peut-être pas complètement étrangère à cette mobilisation. Il est possible que nous n’ayons jamais une réponse définitive à cette interrogation.

Et tout ça a culminé avec la manifestation anti-sanitaire du 1er mai 2021, intitulée « Québec Debout! », en périphérie du Stade olympique et de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal. On estime à 25 000 personnes le nombre de participants et de participantes à cette manifestation organisée explicitement « contre les mesures sanitaires » et implicitement (par le choix du lieu) contre la campagne de vaccination en cours. Les organisateurs de l’événement, dont les comptables Samuel Grenier et Dan Pilon, ont ainsi réussi à attirer, en plus du noyau dur de complotistes (anti-masques, anti-confinement, anti-vaccins, etc.) et certains politiciens opportunistes comme Maxime Bernier, un grand nombre de jeunes et de familles exaspéré·e·s par la pandémie, les mesures d’exception et les restrictions sanitaires. Plusieurs y étaient pour protester contre l’imposition du masque aux enfants, d’autres pour réclamer la réouverture des commerces non essentiels, d’autres encore pour dénoncer la prolongation du couvre-feu. Se mêlaient ainsi aux « coucous » hurlant contre toute logique au « fascisme » et à la « dictature sanitaire » un nombre important de personnes irritées appelant de leurs vœux un « retour à la normale ».

Il serait donc un peu trompeur d’assimiler l’ensemble du mouvement anti-sanitaire (tel qu’il se présente au printemps 2021) à l’extrême droite, bien que celle-ci y ait exercé depuis le début une très grande influence, notamment par l’intermédiaire de projets de désinformation comme Radio-Québec de Cossette-Trudel, le Stu-Dio d’André Pitre, la plateforme d’extrême droite Nomos.Tv d’Alexandre Cormier-Denis, et sous l’ascendant de figures comme Steeve Charland et Mario Roy. On peut toutefois affirmer sans grand risque de se tromper que la très grande majorité, voire la quasi-totalité, des participants et participantes à la manifestation anti-sanitaire du 1er mai (à moins d’avoir vécu sous une roche depuis un an!) devait quand même savoir assez bien dans quel genre de galère iels étaient allé·e·s s’embarquer là. Du moins, les centaines de pancartes aux discours complotistes hallucinés, de drapeaux « Trump 2020 », de références à QAnon et de vociférateurs « anti-toute » (sic) auraient dû leur mettre la puce à l’oreille.

Deux constats s’imposent ainsi d’emblée. D’abord, malgré la composition hétérogène de la foule anti-sanitaire et les degrés variables d’adhésion aux théories complotistes les plus grotesques, iels ont clairement pour dénominateur commun de faire passer leur confort individuel, sous la forme d’un « retour à la normale » qui leur sied particulièrement, avant l’intérêt commun défini beaucoup plus largement, intérêt qui exige évidemment d’importants sacrifices individuels. Les anti-sanitaires, qu’iels soient complotistes ou non, n’éprouvent aucun scrupule à manifester publiquement leur mécontentement personnel, quitte à voir la crise s’aggraver et/ou se prolonger pour d’autres, au prix de vies perdues ou abîmées et en dépit du stress accru imposé aux systèmes de soins.

Deuxièmement, si les participants et participantes à ces manifestations ne sont pas tout·e·s assimilables à l’extrême droite, il est évident que ça ne les dérange pas trop, voire pas du tout, de se retrouver côte à côte avec elle dans une cause commune, puisque la démonstration a été amplement faite de l’influence qu’exerce cette dernière sur le mouvement complotiste/anti-sanitaire.

Voilà un aperçu du bordel dans lequel nous nous sommes retrouvé·e·s au printemps 2021.

L’approche « anti-conspis » et ses angles morts

Parallèlement et en réaction au mouvement complotiste anti-sanitaire, un certain nombre de projets de vigilance se sont mis en place dans les médias sociaux pour documenter son développement et tenter d’y opposer une résistance dans l’espace numérique. Les Illuminés du Québec, l’Observatoire des délires conspirationnistes, Ménage du dimanche et le blogueur Xavier Camus ont tous à leur façon, souvent avec dérision, parfois avec le plus grand sérieux, cherché à marginaliser et contrer l’influence des discours complotistes sur les médias sociaux. Le collectif Montréal Antifasciste a quant à lui modestement contribué à ce contre-mouvement en soulignant à plusieurs reprises les liens confirmés entre le complotisme anti-sanitaire « Made in Québec » et l’extrême droite. Ces projets, dont nous avons au cours de la dernière année souligné le caractère parfois salutaire (et très souvent divertissant), ne sont toutefois pas sans comporter certains angles morts[iv], dont le principal est peut-être, à notre avis, la tendance à minimiser l’importance, voire la légitimité, de la méfiance et de l’hostilité affichée par une partie non négligeable de la population à l’égard des autorités et des « institutions » qui s’arrogent le pouvoir sur nos vies.

Comme nous l’avons déjà écrit, le hic avec la plupart des théories du complot n’est pas tant qu’elles se fondent sur la méfiance d’une partie de la population à l’égard des élites politiques, économiques et scientifiques, mais qu’elles décodent mal ou partiellement la nature du pouvoir et tendent à proposer des solutions simplistes à des problèmes complexes. Cette compréhension mauvaise ou partielle et la confusion qu’elle génère deviennent ensuite un terreau où l’extrême droite peut implanter ses propres théories toxiques sur le cours de l’histoire et l’exercice du pouvoir, ce qui sert en retour ses efforts de recrutement.

Comme nous avons écrit dans notre article Complotisme et extrême droite : une longue histoire d’amour (paru dans l’Idiot utile – automne 2020) :

« Si la plupart des idées que véhiculent les complotistes peuvent paraître irrationnelles, le fait de croire en l’existence de complots n’est pas irrationnel en soi. Au sens strict, le terme de complot désigne une entente secrète entre personnes et, par extension, l’action concertée de plusieurs personnes contre quelque chose ou quelqu’un. Nous sommes tous et toutes soumis·e·s aux conditions structurelles de la société de classes, où les intérêts respectifs de chaque classe entrent perpétuellement en conflit et où la classe dominante, par définition, agit continuellement “de manière concertée” pour préserver ses intérêts. Ainsi, les dominants complotent pour assurer la reproduction de l’ordre social et de leurs privilèges. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les théories complotistes jouissent souvent d’un écho favorable au sein des populations opprimées (classes ou nations) et qu’elles sont parfois employées pour créer des ponts entre la droite et la gauche. Elles ont le mérite de poser, implicitement ou explicitement, la question du pouvoir (qui le détient “réellement”?) et de son exercice. Elles expriment aussi des soupçons à l’égard des vérités officielles de l’État et peuvent, ainsi, contribuer à une certaine vigilance populaire et démocratique. »

De la même manière, l’on peut assez facilement concevoir d’autres raisons pour s’opposer aux mesures sanitaires qu’une adhésion aux prémisses politiques de l’extrême droite ou aux délires de QAnon. Autant la pandémie que les mesures d’exception (comme tout le reste dans notre société de classes) ont touché de manière disproportionnée celles et ceux qui subissent déjà différentes formes d’oppression, en particulier la classe ouvrière et les plus pauvres, dont au premier titre les segments racisés ou autrement marginalisés. C’est quelque chose comme la quintessence de la cruauté capitaliste que de forcer certaines personnes à travailler dans des épiceries, des entrepôts et des usines de transformation alimentaire, pour ensuite les menacer de les mettre à l’amende si elles osent sortir de chez elles pour prendre l’air après 20 h. L’obligation de rester confiné chez soi n’a pas le même impact si le foyer en question comporte un balcon ou une cour arrière, ou si c’est un petit appartement partagé avec des gens avec lesquels on ne s’accorde pas toujours.

Les contours tacites de la « reproduction sociale » et la valeur cachée qu’elle génère apparaissent un peu plus clairement lorsque les écoles doivent rouvrir pour y entreposer les enfants afin de forcer leurs parents à retourner au turbin, sans rien dire des enseignantes et des enseignants qu’on a obligé·e·s à retourner en classe (dont plusieurs avaient des conditions préexistantes les exposant à de graves complications si par malheur iels contractaient la maladie…).

Il est maintenant bien connu que la pandémie a permis à la classe milliardaire de s’enrichir encore, tandis que l’effondrement économique mondial a précipité plus de 100 millions de personnes dans la pauvreté extrême (surtout dans les pays du Sud) et provoqué d’importantes dislocations économiques dans les pays du Nord. On apprenait aussi récemment que la campagne accélérée de vaccination mondiale a fait de nombreux nouveaux milliardaires, ce qui a de quoi alimenter d’autant plus le cynisme à l’égard de l’industrie pharmaceutique.

Sur le plan politique, à l’évidence, le ton paternaliste de François Legault et de ses lieutenants rassure une grande partie de la population. Mais il en irrite en même temps une proportion non négligeable, qui n’a pu s’empêcher de constater au fil des mois la multiplication des décisions catastrophiques, des bévues petites et grandes, du manque flagrant de transparence, des valses-hésitations, des tâtonnements et des tergiversations coûteuses, dont le spin cynique n’est jamais parvenu à dissiper parfaitement le soupçon que ce gouvernement n’est en réalité qu’un ramassis d’imposteurs. Quoi qu’il en soit, au-delà des mesures distribuées aléatoirement et souvent sans aucune logique apparente, et au-delà des hypothèses complotistes sur les motivations malveillantes, en définitive, la seule constante observable dans la gestion de crise caquiste est la volonté inébranlable de faire passer l’économie avant toute autre considération.

Pour la majeure partie, les politicien-ne-s qui composent la classe dirigeante mentent régulièrement comme des arracheurs de dents, avec grande énergie en période électorale, et trahissent leurs promesses à la première occasion; changent de parti au gré des saisons et imposent aujourd’hui des programmes qu’ils dénonçaient encore hier; sont très souvent malhonnêtes et mal intentionnés; et même lorsqu’ils sont motivés par les meilleures intentions, les rouages antisociaux de la politique bourgeoise les conduisent tôt ou tard à nuire à l’intérêt public d’une manière ou d’une autre.

Au vu des programmes antisociaux qu’ils mettent en vigueur et de leur hypocrisie chronique, il n’est donc pas étonnant qu’on se méfie des politiciens, qu’on les juge sévèrement et qu’on les soupçonne de « comploter » contre l’intérêt commun. Peut-on pour autant raisonnablement conclure, comme le font les négationnistes de la COVID, que tous les politiciens et tous les gouvernements de tous les pays du monde ont mis de côté leurs antagonismes complexes pour se liguer secrètement dans la mise en scène d’une pandémie mondiale imaginaire? Bien sûr que non. On a beau trouver François Legault et Justin Trudeau[v] manipulateurs, hypocrites et incompétents, on ne nous fera pas croire qu’ils ne prennent pas la pandémie de COVID-19 au sérieux et ne sont pas convaincus de faire le nécessaire pour l’endiguer.

Pour résumer, s’il y à un complot à reprocher à la classe politique, c’est l’accord général qui tient au consensus néolibéral et la volonté de se prêter aux pires bassesses pour protéger coûte que coûte l’économie et le système capitaliste.

On pourrait aussi longuement parler de l’infantilisation de la population par les autorités de la Santé publique, de la complicité active et de l’indignation sélective des grands médias d’information, de la gestion policière et de la répression de la dissidence, des déséquilibres internationaux dans la distribution des vaccins, et de bien d’autres aspects de la gestion de crise prêtant le flanc aux critiques radicales.

Il y a donc un très grand nombre de raisons légitimes pour se montrer hostile au mode de gestion capitaliste de la pandémie, autant de raisons que l’on peut très bien comprendre sur le plan humain et qui s’alignent même parfois avec nos propres valeurs et la manière dont nous faisons l’expérience de cette société. Il est ainsi d’autant plus frappant que le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires, globalement, n’a jamais vraiment mis de l’avant ces aspects clés de la pandémie, ni le fait qu’elle est gérée par la vraie classe dirigeante aux dépens de celles et ceux qui subissent concrètement les diktats du capitalisme, mais s’est au contraire ancré dans une idéologie implicitement procapitaliste de liberté individuelle et d’insouciance à l’égard du bien-être d’autrui, agrémentée d’histoires croustillantes de micropuces 5G et de réseaux pédosatanistes basés dans des sous-sols de pizzeria.

On se retrouve donc devant un problème épineux. Faute de pouvoir rattraper les conspis pur·e·s et dur·e·s (jusqu’à ce que la vie, avec un peu de chance, les ramène à la réalité), comment réussir à freiner la progression du complotisme parmi ceux et celles qui s’en rapprochent et/ou sont susceptibles d’y succomber? Plus particulièrement, du point de vue de la gauche radicale et antifasciste, comment faire en sorte que ces personnes n’entrent pas dans la sphère d’influence de l’extrême droite? Et finalement, y a-t-il dans cette mouvance des individus qui seraient ouverts à une critique du capitalisme, du racisme, du patriarcat et du colonialisme?

Il faut se rendre à l’évidence : l’approche consistant à ridiculiser systématiquement les complotistes, souvent en résumant le phénomène à ses expressions les plus grotesques, n’a pas permis d’en stopper la progression. Tout au plus, il se peut qu’en alimentant une espèce de polarisation, elle ait contribué à marginaliser la « complosphère », et ce faisant, à en limiter la progression. Impossible de le dire avec certitude, mais il est certain que la gauche radicale, qui n’aspire pas seulement à endiguer la fuite vers le complotisme d’extrême droite, mais aussi à faire valoir la justesse de ses propres options, ne peut plus se contenter de jouer à la meme game, de relayer ad nauseam les mêmes âneries complotistes en ricanant et de réitérer éternellement dans sa propre chambre d’échos le caractère loufoque des covidiots.

Il est impératif que nous trouvions ensemble le moyen de sortir de cette dynamique circulaire.

Comment sortir de l’impasse?

Dans les jours et les semaines qui ont précédé la manifestation anti-sanitaire du 1er mai, et compte tenu de la charge symbolique qu’une telle manifestation revêtait à Montréal lors de la Journée internationale des travailleurs et travailleuses, différentes perspectives se sont confrontées au sein de la gauche antifasciste quant aux meilleures approches à adopter dans les circonstances. L’option générale de provoquer un affrontement ayant été vite écartée pour des raisons évidentes, plusieurs questions restaient sans réponses, et grosso modo, trois écoles de pensée se confrontaient :

  • Le phénomène d’opposition aux mesures sanitaires est un authentique mouvement populaire organique et il serait une erreur de s’en distancer complètement et de l’abandonner à l’influence de l’extrême droite; il faut opérer une distinction entre les leaders louches et/ou proches de l’extrême droite, d’une part, et la base du mouvement, d’autre part, qui n’est pas foncièrement d’extrême droite; serait-il possible de manœuvrer de l’intérieur pour séparer la base du leadership? ;
  • La distinction doit plutôt/surtout s’opérer entre un noyau dur complotiste (jugé irrécupérable dans l’immédiat) et certains segments de population récemment attirés par l’opposition aux mesures sanitaires sans pour autant être sensibles à l’extrême droite, en prenant pour exemple les jeunes qui se sont mobilisée·s contre le couvre-feu le 11 avril dernier et/ou qui sont hostiles à la police; nos manœuvres ne devraient-elles pas plutôt viser à détourner ces derniers du mouvement complotiste plus large, notamment par des opérations d’éducation populaire ciblées? ;
  • Le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires (tel qu’il s’est présenté le 1er mai) attire toute sorte de personnes issues de différents milieux, mais il faut reconnaître qu’en s’y joignant, ces personnes ont toutes en commun de faire plus ou moins passer a priori leur intérêt personnel avant l’intérêt commun; il faut aussi reconnaître que ces personnes, dans toute leur diversité et malgré leur adhésion variable aux dérives complotistes, forment encore une minorité au sein de la population québécoise; conséquemment, est-il vraiment utile de s’adresser à ce mouvement précisément, et ne vaudrait-il pas mieux orienter nos efforts ailleurs, que ce soit plus largement ou de manière ciblée?

Cette conversation nous semble aussi pertinente qu’opportune. Sans prétendre formuler une synthèse définitive, il nous paraît important d’y contribuer de manière critique, minimalement pour dépasser ce qui se présente comme une contradiction entre une « ligne dure » consistant à rester à pleine distance du mouvement anti-sanitaire/complotiste, et une ligne plus « populiste » consistant à s’en rapprocher dans l’espoir d’en détourner une partie, quitte à mettre pour un temps en veilleuse certains principes politiques fondamentaux.

Éviter les écueils du populisme/opportunisme

Cette dernière approche s’inscrit dans une certaine tradition persistante au sein de la gauche, une tradition qui a pourtant souvent abouti sur des comportements opportunistes.

Par « opportunisme », nous entendons le fait de sacrifier les intérêts essentiels de notre mouvement, c’est-à-dire nos principes politiques, pour faire des gains rapides ou gagner la faveur de certains segments de la population. Bien que l’opportunisme puisse se produire de manière organique (par exemple, lorsqu’un mouvement n’a pas le courage de confronter sa base et d’énoncer des vérités dures à entendre), il peut aussi survenir lorsque nous construisons une image idéalisée de certaines personnes avec lesquelles nous n’avons pas de liens étroits et dont nous croyons qu’elles possèdent des qualités qui manquent dans nos propres rangs (elles seraient plus importantes, plus « authentiques », etc.), et que si nous ne nous associons pas à elles ou à leurs luttes, nous risquons de « passer à côté de quelque chose ». L’on combine ainsi un manque de confiance en nos propres traditions à une sorte de pulsion parasitaire pour compenser nos faiblesses en nous attachant à d’autres dont nous tenons pour acquis qu’iels nous rendront plus fort·e·s ou plus pertinent·e·s (sans que nous ayons à faire nous-mêmes le travail).

La gauche a une longue histoire de flirt avec l’opportunisme, qui remonte notamment au soutien qu’ont apporté des sociaux-démocrates du monde entier à « leur » bourgeoisie lors de la Première Guerre mondiale. En Amérique du Nord, l’opportunisme s’est principalement manifesté par une opposition parfois anémique de la gauche au suprémacisme blanc et au colonialisme, par crainte de s’aliéner les majorités blanches. Au Québec, l’exemple classique est celui de certains individus et groupuscules d’extrême gauche qui ont essayé de s’agripper au mouvement nationaliste, non pas par conviction que l’indépendance du Québec entraînerait l’avènement d’une société meilleure (ce qui est un phénomène distinct), mais dans le but de recruter dans les rangs nationalistes. L’opportunisme s’est aussi parfois manifesté dans le fait d’édulcorer certaines positions considérées impopulaires parmi la majorité (blanche), comme d’atténuer les positions antiracistes lors de la première « crise des accommodements raisonnables », ou d’émousser de manière analogue l’opposition à l’islamophobie dans les années depuis.

Le bilan est clair : dans aucune de ces situations, le refus de certains éléments de la gauche de « céder du terrain » n’a réellement affaibli la droite. Au contraire, si le rapprochement entre une partie de la gauche et de la droite a eu un effet, c’est principalement d’avoir contribué à légitimer le discours de la droite.

Il y a une très grande différence entre le fait d’adopter une position politique partagée par une section de la droite parce qu’elle nous semble correcte selon nos propres critères, et le fait d’entrer dans un mouvement dominé par la droite parce que nous espérons en récupérer la base ou parce que ce mouvement semble populaire auprès « des masses ». L’approche consistant à se joindre à des mouvements de droite ou « mixtes » dans l’espoir de se « faire de nouveaux amis » ou de ne pas « céder du terrain » n’a rien de nouveau. Elle a en fait été essayée très souvent, et toujours à notre détriment.

En tant que gauche anticapitaliste, antipatriarcale et anticolonialiste, notre objectif principal est-il de convaincre la base complotiste (ou même quelque segment de cette base mixte dont on considère pour une raison ou une autre qu’il serait réceptif à nos positions), ou de faire valoir plus largement et plus efficacement nos propositions bien au-delà de cette base, sans compromettre nos fondamentaux?

Il va de soi que le dialogue et l’arrimage avec différents segments de la population engagent notre capacité à prendre efficacement contact avec ceux-ci. Mais dans les circonstances actuelles, une telle démarche ne peut et ne doit pas se limiter à la périphérie du mouvement complotiste.

Tout d’abord, si nous admettons que le mouvement anti-sanitaire n’est pas uniformément acquis aux théories complotistes, nous croyons qu’il est largement illusoire (du moins dans un horizon rapproché) d’espérer convaincre les conspis pur·e·s et dur·e·s au moyen d’arguments rationnels et de faits étayés. Cet enjeu relève de la psychologie et dépasse nos compétences, mais même s’il n’est pas catégoriquement impossible de ramener un·e conspi à la raison, force est de constater après un an de ce régime que la plupart des tentatives en ce sens entraînent généralement tout le monde dans une spirale descendante. La « déprogrammation » de ceux et celles qui sont profondément enfoncé·e·s dans cet espace mental demande une dépense d’énergie colossale, et ce, sans aucune garantie de réussite. Nous croyons donc que, pour l’instant, cette énergie serait mieux investie ailleurs.

Pour ce qui est d’attirer certaines des personnes qui gravitent actuellement autour du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires sans pour autant avoir tout à fait succombé au complotisme pur et dur, il importe de noter que ça n’est pas « tout ou rien ». Il n’est pas question de choisir entre se joindre au mouvement, d’une part, ou laisser tout l’espace à la droite, d’autre part. Dans la mesure où nous sommes actif·ves sur le terrain social, non seulement en tant qu’antifascistes, mais en tant qu’anarchistes, communistes, féministes, etc., nous sommes susceptibles de côtoyer ces personnes ailleurs, comme à des audiences du Tribunal administratif du logement, sur des lignes de piquetage, à différentes manifestations contre la brutalité policière ou contre le programme néolibéral de coupures et de dévastation environnementale, ou tout simplement dans nos milieux de travail, dans les écoles où l’on étudie et dans les quartiers où l’on habite.

Si l’on s’en tient au cadre strict des mobilisations anti-sanitaires, il ne faut pas perdre de vue que le principe fondamental qui fédère ces personnes et motive leur participation est la « liberté individuelle », soit leur liberté de ne pas porter de masque, de ne pas respecter la distance minimale prescrite, de socialiser et de consommer comme d’habitude en dépit des risques que cela comporte pour la santé publique.

Encore une fois, le « peuple », peu importe la définition qu’on en donne, n’est pas automatiquement réceptif aux principes de solidarité sociale. Pour transformer les mentalités, il n’y a pas de formule magique ou de raccourcis auxquels nous n’avions pas pensé jusqu’ici. Ça n’est que par un long et patient travail politique mené dans la collectivité, les communautés, les milieux de travail et d’étude, les milieux culturels et de vie que les principes de solidarité peuvent s’ancrer et former le socle des mondes auxquels nous aspirons. C’est un travail qui a été entamé bien avant nous et qui n’a pas de fin, toujours à développer, souvent à recommencer, un travail que nous sommes nombreux et nombreuses à mener sur différents fronts, tant bien que mal, et que la pandémie nous a conduits dans bien des cas à ralentir, mais que nous devons absolument reprendre à plein régime dès que possible. Non seulement pour contrer l’influence toxique du complotisme, mais aussi simplement pour espérer traverser les prochaines crises qui s’annoncent.

Les gens peuvent changer de positions politiques très rapidement. C’est en période de crise politique que ces changements se produisent à grande échelle, et historiquement, ça n’est que dans de tels contextes que des changements fondamentaux sont susceptibles de se produire. Bien que nous ne soyons pas en mesure de déclencher une telle crise par nous-mêmes, nous croyons que nous avons un rôle important à jouer avant et pendant de telles périodes. Dans les situations où les gens s’ouvrent à de nouvelles idées qu’elles auraient rejetées auparavant, les choses peuvent changer rapidement, que ce soit vers la gauche ou vers la droite, généralement avec des moments de polarisation intense souvent marqués par une grande confusion. Ça n’est certainement pas le temps de participer à cette confusion en édulcorant nos positions politiques et en nous joignant à des mobilisations dominées par la droite pour « être là où se trouve l’action ». Nous nous trouvons effectivement dans une période de crises en cascade (économique, climatique, sanitaire, etc.) et il y aura donc en masse « d’action » à différents carrefours, venant de nombreuses communautés différentes. Tout en restant ouvert·e·s aux transfuges venu·e·s de l’autre côté, notre priorité devrait être de consolider nos liens avec les communautés et les luttes qui affirment et aiguisent nos positions politiques, qui confrontent les systèmes d’oppression et qui ouvrent la voie vers un avenir émancipateur, antiraciste, antipatriarcal, anticolonial et anticapitaliste.

Viser la construction d’un mouvement populaire sur nos propres bases

Notre défi est donc, non pas de grappiller des appuis du côté de la base populaire complotiste ou anti-sanitaire, mais de constituer un autre pôle d’attraction, de construire une alternative populaire autonome, sur nos propres bases, qui soit aussi attrayante dans sa forme que dans son contenu.

C’est un vaste chantier, bien sûr, qui impliquera sans doute d’importantes remises en question. Les « non-initié·e·s » reprochent souvent à la gauche radicale d’être engoncée dans ses codes (souvent rébarbatifs), rigidement attachée à ses tactiques et ses façons de faire, doctrinaire et perpétuellement traversée de conflits idéologiques. Le désintérêt d’une grande partie de la population à l’égard de la gauche radicale a sans doute autant à voir avec le caractère moralisateur de sa présentation qu’avec l’hégémonie néolibérale et les aspirations petites-bourgeoises que celle-ci favorise. Il nous faut prêter davantage attention à ces critiques et en tenir compte dans la construction d’une alternative attrayante et convaincante.

Nous aurons bientôt la possibilité de nous retrouver physiquement. Nous n’aurons pas une minute à perdre si nous sommes réellement déterminé·e·s à contrer non seulement l’influence toxique du mouvement complotiste et des éléments d’extrême droite qui en ont fait leur cheval de Troie, mais aussi le régime néolibéral et ses institutions, qui perpétuent l’ordre social dominant et ses différents modes d’oppression. À cet égard, certains enjeux, comme les salaires et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs de la santé, du soin, de l’alimentation et autres secteurs d’activité qui se sont avérés bien plus essentiels à la vie collective que les parasites qui nous gouvernent ou spéculent dans les marchés immobiliers et financiers, devraient être aussi centraux que rassembleurs. Ces salaires et conditions de travail sont d’autant plus pressants que la pandémie a démontré l’importance vitale d’investir non seulement pour attirer et retenir la main-d’œuvre, mais aussi pour prévenir les effets mortifères du néolibéralisme. Or, on peut s’attendre à ce que le gouvernement de la CAQ, entre une promesse de tunnel sous le fleuve à 10 milliards de dollars et le déni obstiné de l’existence d’une crise du logement, recommence bientôt à nous parler de dette et de l’impératif de couper dans les dépenses sociales, éducatives et culturelles. Parce qu’il faut être « responsable » et tout ça. Sauf quand on dirige Bombardier ou qu’on est un spéculateur immobilier, bien sûr. À quoi servirait un gouvernement de droite s’il ne permettait pas aux capitalistes de s’enrichir?! Le gouvernement n’a d’ailleurs même pas attendu la fin de la pandémie pour couper dans LE secteur pourtant le plus névralgique, à savoir les hôpitaux! En effet, on apprenait le 25 mai que le Trésor aurait demandé aux autorités sanitaires et aux hôpitaux du Québec de couper 150 millions de dollars dans leur budget d’opération. 150 millions!!! Au cas où il y aurait des doutes, le gouvernement nous démontre une fois de plus que le retour à la « normale », c’est le retour à la tyrannie des impératifs financiers et des marges de profit.

Car ne l’oublions pas, le gouvernement de Legault a beau ne pas être « une dictature », il n’est pas favorable à l’égalité ni fondamentalement soucieux du bien commun pour autant. D’ailleurs, la déclaration récente du ministre caquiste de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, suggérant que l’état d’urgence sanitaire (que le gouvernement dit vouloir reconduire jusqu’à la fin de l’été!) permettait de neutraliser ou de contrôler certains enjeux comme les conventions collectives des employé·e·s de l’État, illustre bien la façon dont la CAQ prétend utiliser le contexte de la pandémie pour imposer son agenda politique aux dépens des classes populaires et moyennes.

À la question sociale s’ajoute la question migratoire. En effet, la CAQ ne cesse d’élargir et de galvaniser sa base électorale en siphonnant la rhétorique nationaliste identitaire du Parti Québécois et en stigmatisant les populations issues de l’immigration, surtout si celles-ci sont musulmanes et/ou gagnent moins de 56 000 $ par année. Loi sur la « laïcité », baisse de l’immigration, précarisation des personnes en attente de résidence ou sans statut, etc. La politique de sabotage de la CAQ réussit même à faire fuir les immigrant·e·s francophones, incluant des infirmières françaises, dont on ne cesse pourtant de nous dire qu’elles viennent combler un déficit criant de main-d’œuvre. Bref, le gouvernement Legault maltraite les classes populaires et immigrées et abuse de la confiance de la population.

Dans ce contexte, la construction d’un véritable front social commun antiraciste/antisexiste/anticolonialiste apparaît comme une nécessité. Et la gauche radicale, quoiqu’on en dise, à un rôle clé à y jouer. La bonne nouvelle est que nous n’avons pas besoin de partir de zéro. Nous avons tout un répertoire de pratiques dans lequel puiser, et de nombreux exemples pour nous inspirer.

Tout d’abord, rappelons les initiatives de collectifs comme Hoodstock, qui ont su s’adapter aux aléas et aux exigences de la pandémie pour soutenir la population de Montréal Nord. Un tel mélange d’adaptation pragmatique et de constance dans l’engagement se doit être souligné et applaudi. Le travail militant de Hoodstock s’est spontanément élargi durant l’été 2020 pour contribuer à la résurgence des mobilisations de Black Lives Matter dans les semaines qui ont suivi l’assassinat de George Floyd par la police de Minneapolis. Une autre initiative digne de mention, dans le même ordre d’idée, est la création de la Coalition pour le définancement de la police (dont fait partie Montréal Antifasciste). Engagement dans la durée, focalisation sur les besoins de populations vulnérables des quartiers populaires, dosage entre objectifs concrets, revendications ambitieuses et extension du domaine de la lutte. Sans parler de « modèle à suivre », nous pensons qu’il s’agit là d’une grande source d’inspiration.

Il existe des projets similaires chez nos voisins du sud, aux États-Unis. À cet égard, le collectif PopMob de Portland, en Orégon, qui a été très impliqué dans des projets d’entraide durant la pandémie et dont la résistance active à l’extrême droite a remis en question au cours des dernières années les codes traditionnels du milieu antifasciste radical et mis de l’avant des formes de mobilisation populaire festives et multiformes sans pour autant compromettre les principes fondamentaux, constitue une référence importante.

PopMob s’est d’ailleurs associée au militant antifasciste Spencer Sunshine dans la dernière année pour rééditer un extraordinaire pamphlet intitulé « 40 ways to Fight Fascists : Street-Legal Tactics for Community Activists » [40 manières de combattre les fascistes : Tactiques légales pour les activistes communautaires]. Nous vous invitons à en prendre connaissance!

La tradition militante dans laquelle s’inscrit Montréal Antifasciste —l’antifascisme radical— peut s’inspirer de ces diverses initiatives. Alors que les groupuscules d’extrême droite ont convergé avec le mouvement anti-sanitaire et qu’une partie de leurs revendications xénophobes, islamophobes et identitaires sont aujourd’hui portées par le gouvernement de la CAQ, le mouvement antiraciste et antifasciste se doit d’élargir la mobilisation et de contribuer à construire de nouvelles alliances pour confronter le gouvernement rétrograde de François Legault.

Nous proposons que ce nouveau cycle de mobilisation se décline sur trois fronts : culture populaire, éducation populaire et actions directes.

Tout d’abord, pour faire face à la « guerre culturelle » déclarée et revendiquée par les polémistes réactionnaires et l’extrême droite, nous devons réintégrer la musique, les arts, la fête, les sports, etc., à nos stratégies de mobilisation. Après de longs mois de confinement, profitons de l’été pour nous afficher et occuper les parcs et les places! Nous pourrions ainsi organiser un tournoi de soccer ou de basketball contre le racisme cet été. Pour les moins sportifs·ves, un tournoi de pétanque pourrait être une alternative joviale, d’autant plus si elle est arrosée de pastis! 🥴 Mais quelle que soit l’initiative, l’important est qu’elle soit festive et inclusive. Comme dirait Donald, « Make the antiracist left fun again! ».

Ensuite, nous devons développer un programme d’éducation populaire qui prenne plusieurs formes et aille au-delà des enclaves militantes et des converti·e·s. Pour cela, nous pensons qu’en plus des traditionnelles tables d’information et des ateliers de formation, il est indispensable de nous saisir de tout le potentiel des médias sociaux pour rejoindre un public plus jeune et plus diversifié. TikTok, Instagram, podcasts, vidéos, etc. À ce chapitre l’extrême droite a pris une sérieuse longueur d’avance, que nous devons rattraper.

Nous invitons les antiracistes et antifascistes de Montréal et du Québec à se joindre à nous pour développer ensemble de tels instruments et contenus et les rendre disponibles en plusieurs langues. Le français est important, évidemment, mais il y a aussi 101 raisons de traduire une partie de nos contenus non seulement en anglais, mais aussi en espagnol, en arabe, en cantonais ou en ourdou. Ce travail de traduction est une façon à la fois simple et concrète de commencer à construire des ponts avec les différentes communautés qui font la richesse de Montréal et du Québec.

Enfin, parallèlement à la mobilisation culturelle et au travail éducatif, il sera nécessaire de continuer à nous appuyer sur notre tradition d’action directe en faisant de l’affichage, du tractage, des contre-manifestations ponctuelles, en fonction de l’actualité. Mais surtout, pour marquer le coup, nous proposons la tenue d’une grande manifestation contre la haine et le racisme à l’automne 2021, sur le modèle de ce qui a été fait en 2017-2018. En effet, le 1er octobre 2021, cela fera trois ans que la CAQ a obtenu une majorité à l’Assemblée nationale. Alors que nous semblons être sur le point de sortir de la pandémie et que la CAQ crève d’envie de couper dans le social de nouveau et d’aider ses amis des secteurs pétroliers, miniers, immobiliers, financiers, et autres, à s’en mettre plein les poches, il est plus urgent que jamais d’œuvrer ensemble à la construction d’un pouvoir populaire qui pourra rappeler au gouvernement les impératifs du bien commun.

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[i]               Notons au passage, comme l’ont fait nos camarades de la Convergence des luttes anticapitalistes à l’occasion du 1er mai, que « la normale », ou en fait « l’anormal », n’a rien de désirable pour un très grand nombre de personnes…

[ii]               Plus largement, malgré un certain nombre d’efforts communautaires et de projets de solidarité inspirants, comme celui animé à Montréal-Nord par le collectif Hoodstock, le projet Resilience Montreal et différents groupes d’entraide auto-organisés sur les médias sociaux, la gauche – modérée comme radicale – n’a dans bien des cas réussi qu’à garder la tête hors de l’eau et n’est pas parvenue à articuler ou à proposer des alternatives de masse viables dans le contexte québécois. À vrai dire, même si elle a globalement réussi à maintenir ses activités à régime réduit, et parfois fait une vraie différence dans certaines communautés, elle a assez peu réussi à sortir de sa sphère d’influence habituelle.

[iii]              D’autant plus que plusieurs membres de Montréal Antifasciste se sont investi·e·s dans leurs milieux de vie et de travail pour appuyer des initiatives et des réseaux d’entraide. Il nous est apparu évident qu’en ces temps de crise sanitaire, la priorité devait être la solidarité et le soin d’autrui.

[iv]          Au cours de la dernière année, cette approche « anti-conspis » a essuyé les critiques de soi-disant spécialistes en matière de « radicalisation », qui estiment qu’elle exacerbe le sentiment d’injustice des complotistes, ce qui favoriserait leur isolement et leur descente dans la spirale irrationnelle. C’est le cas notamment de Martin Geoffroy, du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR), qui s’est entretenu à ce sujet avec Jonathan Le Prof (Jonathan St-Pierre) en janvier dernier. Les mêmes analystes nous expliquent pourtant du même souffle qu’il est pratiquement impossible de raisonner avec ceux et celles qui ont succombé à la mentalité complotiste, laquelle relèverait d’un état d’esprit « sectaire ». Hormis les références aux spécialistes et l’exhortation à prêter aux complotistes une oreille bienveillante, on cherche encore de ce côté une quelconque proposition concrète pour contrer ce phénomène grandissant autrement qu’au cas par cas…

[v]           Le fortunate son au sourire niais et au bilinguisme approximatif, fac-similé de PM libéral et digne héritier de la grande bourgeoisie canadienne (dont les compétences pour occuper ce poste n’ont jamais vraiment été démontrées), essaie tant bien que mal de « continuer » à projeter jusqu’à la prochaine élection l’image de gentil gendre qui l’a si bien servi jusqu’ici. La « complosphère » québécoise susceptible aux influences de l’extrême droite lui reproche bien sûr sa filiation, son multiculturalisme et ses valeurs progressistes, qu’elle tient pour preuves de son appartenance au complot « mondialiste ». Mais là encore, c’est pour d’autres raisons que nous trouvons Justin Trudeau digne de suspicion légitime. Le Parti Libéral est l’aile gauche de la grande bourgeoisie canadienne, et quoi qu’on en dise, Justin n’est rien d’autre qu’un pantin désigné par celle-ci pour représenter ses intérêts sur la scène politique. La démarche crapuleuse du gouvernement libéral, et de Justin Trudeau en particulier, dans le dossier des pipelines confirme que cette clique de la grande bourgeoisie est entièrement acquise à la raison et aux intérêts capitalistes, quitte à compromettre ses propres objectifs en matière de lutte aux changements climatiques et à trahir toutes les promesses de réconciliation adressées aux premiers peuples au fil des ans.