Montréal Contre-information
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La covid, les conspis et nous

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Mar 062022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce texte se veut une réaction à une tendance visible dans certains milieux d’extrême gauche ces derniers temps, c’est-à-dire un soutien aux mouvements contre les mesures sanitaire, fortement ancrées dans les discours conspirationnistes. Cette tendance est notamment visible dans quelques textes récemment publiés sur la plateforme Contrepoints.média, qui a entre autres publié un texte du Cercle de lecture camarade reprenant un chapitre complet du « Manifeste conspirationniste », publié anonymement en France, et partagé sur des plateformes d’extrême droite, dont une plateforme proche d’Alain Soral. On pense également au récent texte « Le pass n’était qu’un exercice », qui soulève des enjeux très importants, mais qui joue le jeu de la droite en invisibilisant complètement la composition du soi-disant Convoi de la liberté. Ce qui surprend encore plus de la part de Contrepoints média, une plateforme se présentant comme « une invitation à investir l’hétérogénéité et la diversité des inclinaisons actuelles dans la lutte », c’est que l’article soit précédé d’une prise de position dans un commentaire éditorial, qualifiant le soi-disant convoi de la liberté de « mouvement qui se bat contre le contrôle numérique des identités, et plus largement contre le contrôle des comportements », une interprétation qui est très loin de faire l’unanimité au sein de nos milieux. Qu’une plateforme qui se veut rassembleuse et diversifiée prenne position de manière aussi claire sur un enjeu aussi polarisant que le « convoi de la liberté » nous dérange énormément. En publiant ce texte ici, on espère ainsi arriver à contre-balancer une tendance à l’homogénéisation des positions diffusées sur Contrepoints depuis un certain moment.

Ce texte s’inscrit finalement dans une réflexion née des nombreux débats et discussions qu’a suscité le « convoi de la liberté » dans nos milieux, et de la difficulté à se forger une compréhension commune de ce que représente ce mouvement pour nous, en tant que gauche radicale. Si des tensions émergeaient déjà de nos différentes attitudes face à la pandémie, le convoi semble les avoir cristallisées. Nous espérons que ce texte contribuera à pallier à ces difficultés, et nous aidera à dépasser la polarisation qui entoure actuellement ces enjeux dans nos milieux. On aurait aimé ouvrir un espace de discussion sur ces questions là plus tôt dans la pandémie, mais bref, nous voilà.

Tout d’abord, mettons certaines choses au clair: la formulation d’une critique de l’État par rapport à ses agissements sécuritaires et ses dérives de plus en plus autoritaires depuis le début de la pandémie est un point qui doit être mis de l’avant. La surveillance de plus en plus sévère et insidieuse de plus en plus de personnes par des moyens nouveaux est dangereuse et problématique en soi. La création du pass sanitaire et de son régime de droit différent, créant une nouvelle catégorie de personnes auxquelles des droits sont retirés est aussi une aberration qui mérite d’être dénoncée. Rajoutons à ça l’amplification du discours sur les non-vaccinés comme étant le problème numéro 1 en contexte de covid et on a une recette d’hypocrisie assez monumentale considérant la gestion purement capitaliste de cette pandémie par notre gouvernement. Nous encourageons la critique de cette gestion économique dans un objectif de rendement, peu importent les coûts humains, les coûts sur la santé physique et mentale, la priorisation des milieux de travail et la volonté de développement d’une société encore plus néolibérale et surveillée.

Ces textes et discours nous semblent aussi chercher à créer des ponts avec des groupes sociaux qui ne seraient pas habituellement des groupes avec lesquels on s’organise, et on a envie de nommer qu’on trouve ça important de diversifier la base militante et de chercher de nouvelles alliances. C’est malheureusement trop vrai que la gauche (et l’extrême gauche) battent de l’aile et qu’on a un besoin flagrant d’aller recruter dans de nouvelles sphères de la société, considérant l’intensification des discours de droite et d’extrême droite ici et ailleurs. Élargir la gauche n’est pas un luxe dans le climat politique actuel, il s’agit d’une nécessité. Il faut que nous devenions une force sociale d’envergure pour faire barrage à la droite et proposer un monde dont nous pourrons être fier.es.

Sur « Le pass sanitaire n’était qu’un exercice »

Nous avons cru comprendre, à la lecture du pamphlet distribué à Québec, que son objectif était d’éveiller les manifestant.es du convoi à la menace que représentent les projets de zones d’innovations un peu partout sur le territoire soi-disant québécois. Bien que nous partageons ces critiques concernant l’avancement d’un capitalisme de surveillance, nous considérons que c’est un choix stratégique au mieux naïf, au pire dangereux. En effet, n’importe qui s’intéresse au convoi peut constater que les revendications visaient principalement à un retour à la vie normale, la vie d’avant la covid. Ce constat à lui seul témoigne du fossé qui nous sépare de ce mouvement. Est-ce qu’on n’a pas passé toute la pandémie à crier « pas de retour à la normale » ? Le monde allait déjà très mal avant la Covid pour beaucoup de monde. En outre, les personnes itinérantes, racisées, les travailleuses du sexe, les personnes migrantes et les militant·es autochtones étaient déjà soumises à une surveillance et à un contrôle inhumain, et ce, bien avant l’apparition du passeport sanitaire.

Bien que nous soyons conscient·es que les personnes ayant participé à la manifestation de Québec sont toutes différentes, et qu’elles n’appartiennent certainement pas toutes à l’extrême droite, il demeure intéressant de noter que le pamphlet joue sur les mêmes codes que la droite, probablement dans l’espoir de mieux résonner dans une crowd qui ne se reconnait pas dans nos habituels discours. C’est ainsi qu’on voit apparaître dans un texte publié sur une plateforme d’extrême gauche des phrases telles que « Ni de gauche ni de droite » ou encore « rejoignant les réfugiés, les non-vaccinés deviennent des ennemis publics », une phrase qui résonne très bien avec les discours victimisant de la droite comparant les mesures sanitaires aux politiques de l’Allemagne nazie. On s’entend, être obligé de se faire vacciner, bien que ce soit critiquable, ne peut en aucun cas être comparé aux chambres à gaz, ou encore aux prisons pour migrant·es qui enferment chaque année des personnes pas assez blanches, ou avec pas assez de documents officiels pour satisfaire notre État colonial. Nous croyons qu’une opposition aux mesures sanitaires autoritaires est nécessaire, mais celle-ci ne peut faire l’économie d’une analyse antiraciste, anticapitaliste et féministe.

Nous savons que nos milieux sont très homogènes, très blancs, très scolarisés, et souvent encore très empreints de nombreuses dynamiques de pouvoir, et nous croyons sincèrement que ce n’est pas en allant faire des alliances avec des personnes en très grande majorité blanches et nationalistes (en témoigne le nombre de drapeaux canadiens qui étaient visibles dans les rassemblements) que nous arriverons à rendre nos milieux plus accessibles pour les personnes les plus marginalisées de notre société. Nous pensons au contraire que nous aurions intérêt à redoubler d’efforts pour nous solidariser avec les luttes pour l’abolition de la police, les luttes pour l’autodétermination des peuples autochtones, les luttes des communautés LGBTQ et spécifiquement des femmes trans, avant d’aller chercher dans les bastions de la droite pour recruter. Malheureusement, en tant que personnes issues de groupes privilégiés, c’est beaucoup plus difficile de se solidariser avec des communautés marginalisées que de profiter de l’opportunité d’un soulèvement financé par l’extrême droite pour faire avancer nos propres agendas. Il nous semble que certaines personnes plus proches de nos idéaux fondamentaux auraient davantage de potentiel de solidarisation avec nos luttes, comme les travailleur·euses du communautaire, les travailleur·euses de la santé, les étudiant·es cassé·es, les écolos désabusé·es.

Ce qui nous inquiète de cette stratégie, c’est qu’elle tend à dépolitiser les enjeux. Nous craignons que de prôner la révolte en soi sans se demander ce que les gens vont en faire et quel sera leur état d’esprit, leurs désirs et leurs idéaux, ça manque de vision long-terme. Participer à intensifier un mouvement dirigé par l’extrême droite, c’est potentiellement contribuer à un monde bien pire que le nôtre. Au contraire du Rojava pendant le Printemps arabe, où il y avait des bases militantes de gauche larges et fortes et où un nouveau système a pu voir le jour, nous risquons de nous retrouver avec une extrême droite boostée aux stéroïdes. Chercher une révolte sans organisation en arrière pour la soutenir vers une société révolutionnaire, c’est encourager un vide de pouvoir qui sera comblé par les gens avec les plus gros guns et/ou le plus de soutien populaire. Nous ne sommes pas ces gens-là en ce moment.

Il nous semble aussi important de rappeler comment la droite grossit ses rangs en maniant particulièrement l’outil de la peur. Ils nous rabâchent constamment que les immigrants viennent voler des jobs, que les musulmans sont tous des terroristes, que les femmes trans cherchent à violer d’autres femmes dans les toilettes, etc. C’est une stratégie de mobilisation efficace pour des mouvements qui veulent promouvoir la haine contre certains groupes sociaux, mais il est bon de se demander s’il s’agit vraiment d’une voie que nous souhaitons prendre. Est-ce bien utile d’aller jouer dans cette émotion-là pour mobiliser, de dire qu’on devrait avoir peur de la ZILE, du contrôle, de la surveillance ? Alors que la droite peut brandir la peur de choses qui sont soit irréelles, soit déformées au point de n’être plus reconnaissables, les choses que nous dénonçons sont, elles, déjà effrayantes et ont des impacts réels sur nos vies. Dans un contexte où les grands médias capitalistes nous donnent déjà suffisamment de raisons d’avoir peur — et c’est encore pire lorsque l’on appartient à un groupe social qui fait l’objet de violences systémiques — il nous semble important d’essayer d’invoquer d’autres sentiments pour nous aider à nous mobiliser, et d’essayer plutôt de bâtir un monde basé sur l’entraide, la compassion, la solidarité, la responsabilité et la rage légitime.

Sur le « Manifeste conspirationniste »

Aller jouer sur les plantes-bandes conspirationnistes est une stratégie particulièrement dangereuse. Et malgré ce que ce manifeste voudrait nous faire croire, le conspirationnisme est une nébuleuse résolument située à droite. On pourrait revenir sur les origines ouvertement antisémites des théories du complot, leur glorification de figures comme Donald Trump, le choix récurrent de « la gauche » comme bouc émissaire, ou leur rôle dans la création de fantasmes néfastes comme celui du Grand Remplacement, mais d’autres le font mieux que nous (Conspiracy Watch, Mtl Antifasciste). Ce qu’il faut retenir, c’est que les théories conspirationnistes sont traversées de patterns antisémites, xénophobes, sexistes et ouvertement anti-gauche. Ce n’est pas pour rien que la défense du complotisme est un enjeu cher à des personnalités comme Maxime Bernier (qui soutient le convoi) ou Éric Zemmour, qui écrit « complotisme : ce mot des “élites” pour disqualifier toute critique ». Voir de telles personnalités propager des théories du complot et défendre le complotisme devrait suffire à nous convaincre de refuser tout engagement avec cette sphère.

Pourtant, on voit certaines personnes de gauche radicale qui persistent à fricoter avec cette tendance, ou qui semblent suggérer que l’on pourrait se réapproprier une identité complotiste. On reste perplexes devant cette idée : pourquoi vouloir réhabiliter un concept si marqué à droite, si ancré dans des positions oppressives ? On partage avec les libertariens une haine du gouvernement, mais on a jamais pensé qu’il serait utile de reprendre leur terminologie, alors pourquoi le faire avec le mot complotiste ? Le seul effet est de brouiller les pistes et paver la voie pour l’expansion d’idéologies fascisantes. Car vouloir détourner un terme qui recouvre une réalité d’extrême-droite, c’est participer à la diffusion de discours confusionnistes. Le confusionnisme, « c’est le développement d’interférences, d’analogies et d’hybridations entre des discours d’extrême droite, de droite, de gauche modérée et de gauche radicale » (Philippe Corcuff). C’est ce qu’il se passe quand certaines personnalités reprennent des critiques sociales avec un vernis antisystème, pour ensuite guider les gens qui les écoutent vers des réponses toutes faites formulées par l’extrême droite. Car c’est l’extrême droite qui est en ce moment en mesure de récupérer des individus en criss contre la société en validant leur colère et en désignant des responsables individuels (une poignée d’élites), flous (le « lobby féministe ») ou carrément inventés (la « gauche » qui serait pour certain·es derrière le coronavirus1). En effet, l’avantage des théories du complot pour la droite, c’est qu’au lieu de cibler des structures sociales et d’offrir des possibilités d’émancipation collective, on propose une poignée de responsables qui tirent les ficelles derrières les rideaux : débarassons-nous de ces quelques individus, et le problème est réglé. Pas besoin de changer quoi que ce soit à nos vies ou de nous remettre en question, pas besoin de s’organiser collectivement sur du long terme, pas besoin de lutter.

Il est impensable, dans une perspective d’extrême gauche, de nier la réalité de la pandémie, et des vies qui ont été perdues à cause de la négligence criminelle de l’État. Rappellons le, les morts sont en grande majorité des personnes âgées, des personnes immunodéprimées, des personnes racisées, des personnes autochtones, des personnes pauvres, des personnes incarcéré.es qui n’ont eu d’autre choix que de s’exposer depuis deux ans au virus, alors que la classe moyenne et ses dirigeants étaient confortablement à l’abri et continuaient de travailler du confort de leurs maisons de banlieue. Nier la réalité de la pandémie, c’est défendre un monde eugéniste, où les plus forts (lire les mieux nantis) s’en sortent, alors que la plèbe en crève, passeport sanitaire ou pas, couvre-feu ou pas. À nos yeux, nos milieux devraient, plutôt que de chercher à mobiliser dans les rangs de la droite, chercher à consolider des initiatives d’aide mutuelle afin de contribuer à la mise en place de stratégies de prise en charge collectives de notre santé, et de manières d’assurer notre sécurité qui ne dépendent pas de l’intervention de l’État et de ses mesures autoritaires.

Pour une autodéfense sanitaire collective

On ne peut s’empêcher de déceler dans l’intérêt que suscite le convoi chez certain·es camarades de gauche des relents mascu de glorification de la révolte et d’invisibilisation de formes de luttes traditionnellement prises en charge par les femmes. Aller aider des vieux à faire leur épicerie ou des mères monoparentales à se tenir face à leur proprio, c’est moins sexy et badass que de soutenir des gens qui bloquent des routes. On entend l’argument « au moins des gens se lèvent et font quelque chose, même si c’est pas parfait il faut se saisir de cette opportunité ! », comme si le convoi était la seule réaction indépendante de l’État qui avait eu lieu depuis le début de la pandémie. Pourtant, de l’organisation collective autonome en réaction à la covid-19 il y en a eu dans les deux dernières années, mais elle s’est plutôt située sur le terrain du care. Et bien que plusieurs anarchistes se soient mobilisé·es dans des mouvements d’entraide, on n’a pas vu fuser les articles qui nous invitaient à investir ces espaces-là dans une lutte combinée pour s’entraider, mobiliser les communautés et se protéger de la covid. On se demande si ce n’est pas aussi parce que beaucoup de gens dans nos communautés ont eu le luxe de ne pas se soucier de la covid-19 dans les deux dernières années. On a été tellement outré·es par la gestion autoritaire du gouvernement qu’on en est venu·es à oublier que derrière ces mesures en grande partie inutiles et répressives, il y a un vrai virus qui tue des vraies personnes. Et dans une réaction tristement binaire, certain·es ont préféré chercher des alliances avec des gens en criss contre le gouvernement quitte à minimiser ou ignorer leurs politiques réactionnaires, plutôt que de développer des positions capables de critiquer l’état d’une part, et de créer des stratégies d’autodéfense sanitaires de l’autre.

On trouve pourtant à travers l’histoire et le monde des exemples d’organisation solidaire indépendante de l’État en contexte de crise sanitaire. C’était le cas des cliniques médicales gratuites des Black Panthers, de la mobilisation des lesbiennes pendant la crise du VIH/sida, ou plus récemment des multiples initiatives d’entraide qui ont vu le jour dans les deux dernières années. Privilégiant une posture de prévention, on a vu des groupes tels que le Common Humanity Collective en Californie se mettre à fabriquer leurs propres masques et purificateurs d’air (aussi utilisés pour faire face aux feux de forêt) et profiter de la distribution pour créer des liens avec les habitant·es et les mobiliser autour d’enjeux sociaux à travers de l’éducation populaire. Des membres du collectif décrivent dans un podcast comment des rencontres sur zoom ont pu mettre en contact des gens d’horizons politiques différents, et créer un sentiment de communauté. À Paris, un bar lesbien a mis en place des mesures sanitaires de prévention début 2020 avant le gouvernement, et est devenu un lieu de ressource pour les personnes isolées et précarisées par la pandémie.

Jouer le jeu des conspirationnistes et de celleux qui manifestent pour un retour à la normale est une erreur politique, éthique et stratégique. ​​​​​La libération collective doit primer sur les libertés individuelles à la sauce libertarienne. Nous croyons qu’il est possible d’élargir nos réseaux et de développer de nouvelles alliances politiques en maintenant des pratiques plus sécuritaires et en restant solidaires avec les personnes à risque. Faire de l’éducation populaire, des ateliers d’autodéfense sanitaire (fabrication de masques et de purificateurs d’air), maintenir les gestes barrière, réclamer la levée des brevets sur les vaccins, lutter pour le droit au logement aux côtés de celles et ceux qui ont été précarisé·es par la pandémie, sont autant de pistes d’organisation politique pour reprendre en main une situation négligée et aggravée par un État criminel, en continuant à faire communauté.

– des gouines anar blanches un peu en criss


1 : c’est la théorie de Eric Trump​​​​​​​, mais aussi celle du « Great Reset », à l’origine un énième sommet économique de merde, devenu rapidement une théorie conspirationniste qui voudrait entre autres que des socialistes aient inventé le coronavirus pour imposer des restrictions économiques, et en profiter pour prendre le pouvoir et instaurer un ordre socialiste mondial.

Pour aller plus loin

Sur le covidonégationnisme et l’autodéfense sanitaire : https://www.jefklak.org/face-a-la-pandemie-le-camp-des-luttes-doit-sortir-du-deni/

Sur la nécessité de dénoncer les mesures autoritaires, sans pour autant nier la réalité de la pandémie et ses impacts (voir la publication épinglée) : https://www.facebook.com/feministesraciseEs.

Sur l’autodéfense sanitaire : https://acta.zone/seul-le-peuple-sauve-le-peuple/

Sur le validisme et la solidarité avec les personnes handicapées : https://leavingevidence.wordpress.com/2022/01/16/you-are-not-entitled-to-our-deaths-covid-abled-supremacy-interdependence/

Sur le confusionnisme et le rôle de la gauche radicale (on peut se créer un compte gratuitement pour lire l’article) : https://aoc.media/opinion/2021/10/06/prendre-au-serieux-le-confusionnisme-politique/

L’Impasse : Le « Convoi de la liberté » et le nouveau populisme canadien

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Fév 222022
 

De subMedia

Two years into the COVID-19 pandemic, a popular movement demanding an immediate end to vaccine mandates and other restrictions on daily life has shaken the Canadian state to its core. Its calls have deeply resonated with members of settler-colonial society in which public health measures and other forms of collective solidarity are seen by some as an affront to individual freedom and an undue hindrance on capitalist enterprise. While the movement is now facing the brunt of a massive wave of state repression, from which it is unlikely to recover, the contradictions it has exposed are only set to get worse.

Les vents mauvais d’Ottawa

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Fév 212022
 

De CrimethInc.

Réfléchir aux menaces et aux perspectives face à une initiative d’extrême droite qui prend de l’ampleur

Les opposants à l’obligation vaccinale ont établi des campements de protestation à Ottawa et ailleurs au Canada, bloquant plusieurs routes qui traversent la frontière américaine. Des organisateurs d’extrême droite et d’anciens agents de police occupent des positions importantes dans ce mouvement, et la police a adopté une approche relativement passive jusqu’à présent ; il semble probable que le format actuellement testé au Canada apparaîtra bientôt ailleurs dans le monde. Dans le reportage détaillé qui suit, notre correspondant à Montréal explore la séquence des événements qui ont conduit à ces développements, examine les programmes des différentes forces qui se disputent le contrôle et réfléchit à ce que nous pouvons faire dans une situation où l’extrême droite a pris l’initiative.


En guise de préambule à ce reportage, il est nécessaire d’aborder brièvement la question de savoir si les manifestations contre l’obligation vaccinale à Ottawa représentent un mouvement pour la “liberté”, comme le soulignent les participants.

Le 25 octobre 2021, des agents du service de police de la ville de New York ont participé à la fermeture du pont de Brooklyn – où ils ont notoirement mis au pied du mur et arrêté les manifestants d’Occupy presque exactement dix ans plus tôt – pour protester contre l’obligation vaccinale des employés municipaux. Alors que nous croyons passionnément que les gens doivent être libres de prendre leurs propres décisions médicales et de déterminer leur propre tolérance face au risque, la police a en réalité revendiqué le droit d’exposer les personnes qu’elle arrête à un risque médical encore plus grand. Il s’agit d’un cas particulièrement clair qui montre que le mouvement contre l’obligation vaccinale n’est pas nécessairement un mouvement contre le contrôle de l’État ou en faveur de l’autonomie médicale.

Un authentique mouvement pour la liberté et l’autonomie médicale s’opposerait à toutes les forces qui contraignent les travailleurs à s’exposer au COVID-19 contre leur gré – en d’autres termes, il serait explicitement anticapitaliste. De même, un tel mouvement soutiendrait les étudiant·es en grève désireu·ses de déterminer elleux-mêmes les risques qu’iels souhaitent prendre.

Lorsque les manifestant·es anti-obligation vaccinale soutiennent que les frontières devraient être étroitement surveillées par des contrôles de passeport, mais décrient les passes vaccinaux comme étant du “fascisme” – lorsqu’iels se plaignent que la police vérifie les cartes de vaccination, mais soutiennent la police qui arrête et emprisonne des gens par millions – lorsqu’iels s’opposent à ce que le gouvernement impose des limites à l’activité économique, mais pas aux vastes disparités économiques qui obligent les travailleurs et travailleuses à faire face à des risques potentiellement mortels simplement pour payer leur loyer – iels ne prennent pas position en faveur de la liberté, mais changent délibérément de sujet, délaissant la critique des incursions du pouvoir de l’État dans son ensemble au profit de quelques détails de sa politique. Cela fait partie du processus par lequel une fausse opposition de droite contribue à rediriger les impulsions rebelles vers des ersatz de mouvements qui renforcent finalement les institutions étatiques.

Il est possible qu’un mouvement consistant, s’opposant au contrôle de l’État et prônant l’autonomie en matière de santé puisse servir d’espace dans lequel ceux qui s’opposent aux passes vaccinaux pourraient traverser un processus de politisation. Mais pour que cela soit possible, ces mouvements devraient favoriser une analyse systémique du pouvoir, alors qu’ils sont ici de fait dominés par des éléments de droite qui veulent limiter les horizons politiques. Il faut donc, au minimum, s’opposer et déborder les éléments de droite de ces mouvements – ce qui fait l’objet du texte suivant.

Les peurs paranoïaques concernant la vaccination et les théories du complot relatives au COVID-19 se rapportent entièrement à la question de la perte d’autonomie. Elles projettent de manière allégorique (et déformée) l’expérience économique et sociale réelle sur les corps. De cette manière, elles expriment et refoulent l’expérience, tout comme le font les rêves et, plus généralement, le langage de l’inconscient : ce n’est pas, paraît-il, que le petit commerçant ou le petit homme d’affaires a été écrasé par les économies d’échelle des grands États, mais plutôt qu’il existe un plan pour contrôler son cerveau, ou son corps, ou ses capacités de reproduction.

Parce que l’inconscient anti-vaccin est, comme toute forme d’irrationalisme de masse, l’exact opposé de ce qu’il croit être – parce que, en d’autres termes, c’est un mode de pensée profondément conformiste -, il est aussi un terrain particulièrement fertile pour le développement de formes de racisme, parmi lesquelles les éléments antisémites et sinophobes sont prédominants.

-“The Anti-Vaccine Unconscious

Sans plus attendre, le reportage.

Lire l’article au complet sur le site de Crimethinc.

Retour sur la contre-manifestation du 12 février 2022, opposée à la manifestation en support aux « convois de la liberté »

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Fév 142022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Nous étions plus de 150 samedi matin rassemblé-e-s au parc Jarry pour nous opposer à l’extrême droite qui surf actuellement sur la vague d’une écoeurantite des mesures sanitaires pour faire avancer son agenda politique. Parmi les manifestatant-e-s auxquel-le-s nous étions confronté-e-s, si les drapeaux les plus largements brandis étaient ceux du Canada, d’autres levaient bien haut des drapeaux du Front canadien-français, un collectif d’êxtrême droite ultra-nationaliste et d’héritage catholique [On nous avise que le drapeau en question, le Carillon-Sacré-Coeur, n’est pas le drapeau du Front canadien-français. L’origine du drapeau date du début du 20e siècle, dans les cercles ultramontains. Le FCF était un groupuscule créé et dissout dans les dernières années qui s’est approprié ce drapeau comme plusieurs militants nationalistes de droite ; NdMTLCI]. Le populiste d’extrême droite du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, était aussi présent.

L’énergie des contre-manifestant-e-s était très bonne, malgré la tristesse de l’événement. Nous avons scandé haut et fort pendant des heures les « A-Anti-Antifascistes » et « Ni Trudeau ni covidiot, la solution est pas facho ». Notre plus grande victoire a été de priver la manifestation de tous ses camions et automobiles vêtus de drapeaux en bloquant la sortie du stationnement. Même en petit groupe, bien motivé-e-s nous somme réellement capables de courcircuiter les mouvements menés par l’extrême droite.

Or, il ne faut pas se leurrer. Malgré la situation partout au Canada, le financement à coup de millions provenant de sources obscures et l’esprit du mouvement des convois de la liberté inspiré de l’assaut sur le Capitole de l’an dernier, le SPVM a déployé au moins autant de fascistes en habits de police qu’il y avait de contre-manifestant-e-s pour nous encercler et nous bloquer toute tentative de mouvement. En habit d’anti-émeute, ils étaient nombreux à se vêtir fièrement de patches « thin blue line ». Mélangé-e-s de rage et de tristesse, nous avons donc attendu longtemps encerclé-e-s d’antiémeutes une fois la manifestation ayant quittée leur lieu de départ. Il était pitoyable de voir autant d’antiémeutes nous mettre en cage sans s’intéresser aux facho qui se rassemblent dans nos quartiers.

La situation est extrêmement préoccupante. En tant qu’antifascistes, nous ne pouvons permettre la gaine actuellement semée de germer. Nous devons nous organiser et multiplier les contres-manifestations, soyons à l’affut de ce qui se prépare dans nos quartiers. Alors qu’une mobilisation fasciste extrêmement bien financée se concrétise et est protégée par des flics portant des symboles dotés d’un background plus qu’alarmant, mettre de l’avant des perspectives antifascistes dans nos luttes semble plus qu’impératif.

Photo : André Querry

Ottawa, l’extrême droite et l’État : Les manifestations du convoi et la lutte à trois en cours

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Fév 122022
 

De It’s Going Down

Dans cet épisode du balado It’s Going Down, nous nous entretenons avec deux anarchistes impliqué-es dans le collectif Punch Up, un groupe qui se mobilise actuellement à Ottawa, la capitale du soi-disant Canada, au milieu d’une occupation de protestation d’extrême droite composée de plusieurs centaines de véhicules dans le centre-ville.

Compte-rendu de voyage : Le samedi 5 février à Ottawa

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Fév 102022
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

Nous avons pris le train en ville pour éviter d’être pris dans l’embouteillage de la manifestation elle-même. J’ai passé le trajet à me préparer pour ce que nous allons voir en passant mentalement en revue toutes les choses que je dois m’attendre à voir et à entendre dans les prochaines heures à la manifestation du convoi et à me distraire en me demandant si j’aime ou non le nouveau système de transport en commun d’Ottawa. Je n’ai pas été au centre-ville d’Ottawa depuis avant la pandémie. Je sais à quel arrêt nous nous rendons, mais il est de toute façon immanquable, une vague de personnes vêtues de capes du drapeau canadien, sans masque et portant des pancartes se prépare à descendre en même temps que nous. Je me souviens avoir utilisé une tactique similaire pour trouver le bon arrêt de métro afin de me rendre au parc Zucotti en 2011. Il y a tellement de similitudes superficielles entre ici et là que je ne peux m’empêcher de ressentir une pointe de jalousie et peut-être même d’empathie envers les manifestant-es que j’ai vécus toute la semaine, en regardant leur moment se dérouler et en me rappelant des moments où j’ai ressenti de la joie, de la camaraderie et de l’anticipation du genre de celles que j’imagine qu’iels ressentent cette semaine.

La première chose que je remarque lorsque nous sortons du train, c’est un grand homme blanc portant un chapeau « Make America Great Again » et agitant le drapeau « Fuck Trudeau » qui est un emblème important de la droite depuis quelques années. Évidemment, je déteste son chapeau Trump, mais cela me rappelle aussi à quel point je déteste que l’extrême droite m’ait enlevé un slogan aussi pur et bon que « Fuck Trudeau », de sorte que je ne peux pas insulter l’homme qui est peut-être le premier ministre que je préfère le moins dans l’histoire du Canada sans d’abord déclarer que je ne soutiens pas l’extrême droite. La deuxième chose remarquable, ce sont deux jeunes familles qui se croisent, l’une se dirigeant vers le train et l’autre s’en éloignant, les enfants sautant de haut en bas en marchant et scandant « LIBERTÉ » si fort que leurs voix se brisent. Je peux dire qu’iels ont fait cela toute la journée et le mec MAGA se joint à eux avec un bruyant « FREEDOM ! FREEDOM ! » et salue les enfants avec enthousiasme.

J’ai suivi cette manifestation en ligne toute la semaine et, bien que je sache que c’est en ligne que se déroule une grande partie du badinage des manifestant-es, je savais aussi que ce serait différent d’être parmi elleux au centre-ville d’Ottawa. Je voulais le voir de mes propres yeux et me faire une idée de l’ambiance, ainsi qu’évaluer à quel point la présence du mouvement d’extrême-droite qui, je le sais, est à l’origine de ces manifestations, est évidente. Je suis ici en tant qu’observateur, je n’essaie pas de me fondre dans la masse ou de les infiltrer de quelque manière que ce soit, mais je ne les provoque pas non plus. Il est évident que je ne peux pas tirer grand-chose de ma présence sur place pendant une journée, et je ne prétends pas ou n’espère pas être un expert des convois de la liberté, mais j’espérais que le fait de le voir en personne m’aiderait à me faire une opinion à ce sujet d’une manière que les médias sociaux seuls ne peuvent pas faire.

Il y a ici beaucoup de drapeaux et de pancartes représentant diverses causes wingnut, nationalistes et de droite, mais les deux symboles les plus largement partagés de ce mouvement sont clairement le drapeau canadien et l’absence de masque facial. Le rouge et le blanc sont partout et de nombreux manifestant-es ont pris l’habitude de s’en draper, paradant avec une cape en forme de feuille d’érable. Je ne comprends pas vraiment quand l’État canadien est supposément la chose qu’iels combattent, mais encore une fois, je n’ai jamais vraiment « compris » le nationalisme canadien et ce n’est pas nouveau – la même pléthore de drapeaux canadiens était le symbole le plus commun à deux importants prédécesseurs de ce mouvement, le « mouvement patriote » populiste et islamophobe qui a émergé en opposition au projet de loi M-103 et le mouvement des « Gilets jaunes du Canada » financé par le pétrole et le gaz.
L’absence de masque facial est un symbole frappant qu’iels partagent tous et beaucoup d’entre elleux l’ont porté au-delà de la manifestation, refusant avec défi de remettre leur masque lorsqu’iels montent dans les transports en commun ou entrent dans les quelques commerces qui restent ouverts au centre-ville. Je n’en porte pas non plus et c’est tout ce qu’il semble falloir pour se fondre dans cette foule. Dans le train, j’imagine qu’iels se retrouvent ainsi, partageant des regards conspirateurs avec d’autres membres de leur nouvelle communauté qui se sont également réveillés de la stupeur conformiste et pro-restrictions dans laquelle iels imaginent le reste d’entre nous. Dans les rues, j’ai entendu parler de nombreux passants et contre-manifestant-es qui se sont fait engueuler parce qu’iels portaient le leur, et je ne suis pas du tout surpris.

Je sais qu’il y a du racisme sous-jacent, car je sais que leurs organisateurs-trices sont enraciné-es dans les mouvements plus ouvertement racistes qui ont ouvert la voie à celui-ci, mais je ne pense pas qu’un passant naïf le remarquerait nécessairement, à moins qu’il ne se trouve au bon endroit au bon moment. J’ai entendu parler de personnes racisées harcelées par des membres du convoi, mais ce n’est certainement pas leur activité principale la plupart du temps, et je ne vois pas un seul signe concernant l’immigration, la race ou le colonialisme pendant tout le temps où je suis là. J’ai remarqué deux pancartes ouvertement antisémites, principalement du type « liste de complots » que j’ai déjà vu sur des complotistes lors de manifestations de gauche à grande échelle. Il y a un certain nombre de symboles de droite parsemés dans la foule, y compris un nombre surprenant de drapeaux « Don’t Tread On Me », mais aucun signe d’organisations canadiennes connues d’extrême droite ou néo-nazies affichant leurs couleurs et leurs symboles. Plus tard, sur Twitter, j’ai remarqué que quelqu’un avait posté une photo de six membres de l’organisation patriote d’extrême droite « Canada First », cagoulés, dans les rues le même jour, mais je ne les ai pas rencontrés en personne. Je m’attendais à voir plus de preuves des fascistes déclarés du Québec et du Canada qui recrutent, mais je n’en ai pas trouvé samedi. Peut-être qu’iels se cachent ou peut-être que la foule était simplement trop grande pour que je puisse les trouver. Il y a beaucoup de blancs ici mais ce n’est certainement pas une foule homogène, peut-être même pas beaucoup plus blanche que beaucoup de manifestations écologistes ou d’autres manifestations de gauche auxquelles j’ai assisté par le passé.

C’était énorme samedi. Vendredi, la police a fait état d' »environ 350″ manifestant-es dans le centre-ville et n’a rien dit sur le nombre de manifestant-es samedi, mais il y en avait certainement des milliers. Le succès des camions en tant que tactique de revendication d’espace pour ce groupe ne peut être sous-estimé. Toutes les rues autour du Parlement sont bloquées par de grands véhicules, ornés de pancartes et de drapeaux, avec des manifestant-es dans les cabines, klaxonnant, souriant et saluant la foule, dont beaucoup portent des pancartes « Merci aux camionneurs » et réservent leurs plus grandes expressions d’enthousiasme pour les rencontres avec les camions eux-mêmes. Même les jours où iels sont moins nombreux, il est difficile d’imaginer quelle tactique de la police ou des contre-manifestants pourrait réussir à saper leur contrôle sur les coins de rue entourant la colline du Parlement. Iels sont nombreux sur et devant la colline, où une sorte de « scène principale » a été installée à l’arrière d’un camion pour les orateurs et les annonces, mais iels ont tout le quartier. Plusieurs rues plus loin, un parc fait office de centre logistique, des gens y sont installés avec de la nourriture gratuite, du bois de chauffage et d’autres fournitures. Toutes les rues entre les deux et, en fait, une grande partie du centre-ville font activement partie de la zone de manifestation, remplie de gens qui crient et chantent et du son omniprésent des klaxons de camions qui a tant attiré l’attention des contre-manifestant-es locaux.

Je suis passé plusieurs fois devant la scène principale et chaque orateur que j’ai entendu était un militant anti-vaccins de quelque sorte. C’est en fait assez ennuyeux – bla bla ivermectine bla bla conspiration bla bla produits chimiques toxiques dans votre bras. Je ne peux pas dire si beaucoup d’entre elleux écoutent même les orateurs et dans les rues éloignées de la scène, le seul slogan que j’entends est « Liberté ! », il est donc très difficile de dire si les gens sont tous ou principalement des anti-vaccins, mais j’imagine que beaucoup le sont. En bas de la route, un autre haut-parleur diffuse du rock classique et un groupe tout aussi important a créé une fête dansante, agitant leurs pancartes de conspiration et leurs drapeaux canadiens et scandant « liberté » tout en dansant ensemble de manière extatique par -25 degrés. Je n’ai jamais vu notre camp se gonfler avec autant de succès en si grand nombre par un temps aussi pourri.

J’imagine que tous les complotistes que j’ai rencontrés dans la région sont ici, et bien d’autres encore. J’ai l’habitude de voir de telles personnes seules dans une foule, mais c’est un peu troublant de constater à quel point elles sont nombreuses maintenant qu’elles sont toutes réunies au même endroit. Il y a des panneaux et des brochures partout sur toutes les théories du complot d’extrémistes que j’ai entendues et même certaines que je n’ai pas entendues – les puces électroniques dans les vaccins, les juifs, les lézards, et j’en passe. Un panneau me dit qu’une triade de fouines travaillent ensemble pour contrôler la population avec la puce des vaccins : le gouvernement Trudeau, les médias grand public et l’Alliance de la fonction publique du Canada. J’espère que quelque part, un membre de l’AFPC est fier d’être élevé à un si haut statut. J’avais l’intention de parler à plus de gens, mais toutes les conversations que j’ai entendues portaient sur une théorie du complot connue – trois gars derrière moi qui parlaient de la 5G et de la Chine, une femme qui expliquait le « Great Reset » à ses enfants d’âge scolaire, un père francophone qui disait à ses enfants que les masques sont mauvais pour leurs poumons. À la fin de la journée, dans le bus du retour, je me prépare à demander à deux manifestant-es derrière moi de m’expliquer leur mouvement, mais j’abandonne quand je les entends chuchoter entre eux pour dire qu’il y a encore beaucoup à dire sur les chemtrails. Je suis frappé par une évidence à laquelle je n’avais pas vraiment réfléchi auparavant, à savoir que de nombreuses personnes d’apparence très normale, avec des familles, des emplois et de beaux sourires, sont en fait des adeptes de certaines des théories du complot que je considère comme les plus irrationnelles et impossibles à croire. Je suppose que ce phénomène a beaucoup augmenté depuis la pandémie, mais je ne peux pas le prouver.

Je soupçonne qu’une grande partie de la croissance de ce mouvement se produit parmi les personnes qui ne se sont pas manifestées et ne se seraient pas manifestées pour les mouvements de droite du passé, mais qui sont simplement véritablement fatiguées des restrictions du Covid. À un moment donné, j’ai vu un groupe d’enfants avec de jolies pancartes portant le contour d’un camion rempli de listes des choses qu’iels ont manquées depuis 2020 – le football, voir mes amis, sourire à ma grand-mère, la pratique de la chorale. Mon cœur se serre quand j’imagine les visions du monde que ces enfants rencontrent lors de ce qui pourrait bien être leur première manifestation. J’ai beaucoup d’empathie pour leur désir de s’engager dans des activités normales, ludiques et collectives après deux années à faire semblant de se satisfaire d’appels Zoom, de conversations masquées et de rencontres en plein air dans un froid glacial. Je déteste le fait qu’une grande partie de la gauche agisse comme si ces préoccupations n’existaient pas, en disant aux gens que s’iels se soucient un tant soit peu des personnes vulnérables, âgées et handicapées, iels doivent simplement faire avec et passer à autre chose. Une pancarte dit « C’est l’existence, je veux vivre ». Moi aussi, mec, à 100%. Si seulement c’était vrai ce que disent les complotistes de ce mouvement, qu’en fait le Covid n’est qu’un rhume, que le gouvernement a gonflé le nombre de morts et que tout ce que nous devons faire pour mettre fin à la pandémie, c’est prendre la pilule rouge, retirer nos masques et danser à nouveau dans les rues. Si je plisse les yeux, je peux presque voir ce qu’iels voient, iels sont enfermés à l’intérieur depuis si longtemps et les camionneurs sont les premiers à avoir le courage de s’exprimer et de dire « ça suffit », nous devons sortir. S’il n’y avait pas les racistes de droite qui dirigent le mouvement, sans parler des millions de morts réelles dues au Covid-19 qu’aucune quantité de bonnes vibrations et de mensonges ne pourra empêcher, cela aurait beaucoup de sens.

Dans l’après-midi, nous nous rendons à une contre-manifestation organisée principalement, semble-t-il, par des résidents du centre-ville d’Ottawa qui en ont assez du bruit, de la circulation, des discours haineux, du harcèlement et de l’intimidation de la part de certains manifestant-es. Il est très, très important de contrer le mouvement des camionneurs avant qu’elle ne devienne un mouvement révolutionnaire néo-fasciste à part entière, mais honnêtement, je n’ai ressenti aucune affinité avec cette contre-manifestation en particulier. La plupart des pancartes demandaient plus de policiers, se plaignaient de désagréments comme le bruit et le trafic, ou se moquaient des manifestant-es parce qu’iels n’étaient pas vaccinés et/ou étaient stupides. « Honk if you failed civics », « Self-driving trucks can’t spread covid », « Ottawa police act now », « Make Ottawa boring again ». Une dame avec une pancarte verbeuse sur la façon dont les vaccins obligatoires sauvent des vies me prend pour un membre du convoi et me réprimande parce que je suis apparemment analphabète : « Ça t’a pris quelques minutes pour lire ça, chérie ? ». J’ai un diplôme d’études supérieures et je n’ai pas à être aussi personnellement offensée, mais je ressens un élan de rage envers les élites libérales du centre-ville qui pensent que le problème est que ces gens ne sont tout simplement pas allés à l’école assez longtemps. Nous partons avant la fin de la manifestation, alors que certains manifestant-es sont engagés dans une impasse verbale – les antis scandent « Rentrez chez vous, bande d’idiots » tandis que les manifestant-es du convoi leur répondent « On vous aime toujours ! On vous aime ! Love ! » et la police forme une ligne plus forte entre les deux foules.

Je pense que le convoi de camionneurs est une manifestation. Je ne suis pas d’accord avec celleux qui disent qu’il s’agit d’un siège, d’une insurrection ou de tout autre terme exagéré, et je pense que ces idées viennent principalement d’Ottaviens outrés que quelqu’un puisse être aussi bruyant et aussi agaçant pendant aussi longtemps. Je n’hésiterais pas à organiser et à participer à une manifestation aussi bruyante et ennuyeuse si elle était organisée par d’autres personnes pour une autre cause. Je ne vois donc pas le bien-fondé de ces préoccupations et je ne pense pas que le fait d’être très bruyant ou très ennuyeux fasse de cette manifestation autre chose qu’une manifestation. Il y a toujours eu des libéraux qui nous traitaient de terroristes lorsque nous occupions l’espace, ou qui prétendaient que nos cornes d’alarme étaient des armes et qu’iels étaient attaqués par notre refus de partir. Il s’agit d’une « occupation », dans le sens où le mouvement Occupy était une occupation, c’est-à-dire qu’il cherche à occuper l’espace comme une tactique de protestation et cherche à créer un conteneur pour que les personnes partageant les mêmes idées puissent se rassembler, à la manière d’un campement. Comme beaucoup de mouvements sociaux, il y a des éléments révolutionnaires qui aimeraient le voir se transformer en quelque chose de beaucoup plus important. Cela pourrait arriver – c’est une manifestation très importante et réussie et beaucoup de personnes présentes semblent très inspirées et engagées. Mais cela ne s’est pas encore produit. Il faut l’arrêter avant que cela n’arrive, idéalement par la résistance de la base et non par la répression policière.

J’ai beaucoup de pensées décousues à ce sujet et je pourrais probablement écrire plusieurs longs essais sur le sujet si j’avais le temps et la foi en ma propre compréhension et autorité pour le faire. Pour aujourd’hui, je vais me contenter de partager mon expérience et quelques grands thèmes de questionnement que j’aimerais approfondir, sans ordre particulier :

(1) La liberté est un objectif très réel et très important, et les restrictions de Covid contraignent véritablement les gens, souvent de manière véritablement contraire à l’éthique. Je ne soutiens pas les mandats de vaccination, même si je suis favorable à l’idée d’encourager les gens à se faire vacciner par d’autres moyens moins coercitifs. Contrairement à la droite, nous savons que la vraie liberté ne peut être atteinte que collectivement, qu’il ne s’agit pas d’un simple choix individuel. Refuser de porter un masque lorsqu’un ami ou un voisin vous demande de le faire pour sa propre santé est une conception erronée de la liberté. Mais je pense que le monde est devenu encore moins libre depuis la pandémie, que les gouvernements ont acquis de nouveaux types de pouvoirs et de nouvelles formes de surveillance. Au Canada, je pense qu’ils bénéficient également d’un nouveau niveau de sourdisme, de pacification et d’obéissance de la part d’une grande partie de la population qui ne peut pas imaginer une solution au problème du Covid-19 qui soit plus complexe que de simplement faire ce que le gouvernement dit de faire et de faire honte à celleux qui ne le font pas.

(2) Les gens vont toujours croire des choses fausses. Les théories du complot sont très ennuyeuses, mais elles fournissent des réponses faciles et sont très convaincantes. Personne ne va se sentir obligé de se faire traiter d’idiot. Nous avons besoin de meilleurs moyens de contrer la désinformation que les brimades mesquines et les reproches exagérés.

(3) Je n’ai aucun doute que si cette manifestation devenait un mouvement révolutionnaire, elle serait absolument fasciste. Les éléments qui veulent déposer le Premier ministre installeraient quelqu’un de bien, bien pire. Il n’y a aucun espoir de faire cause commune avec cette chose, mais nous devons trouver des moyens créatifs, probablement nouveaux, de la contrer. Cela n’a pas de sens de traiter ces manifestant-es comme des camarades potentiels (du moins en tant que groupe), mais cela ne fonctionnera pas non plus de les traiter comme nous avons traité les néo-nazis connus et déclarés. Quels sont les moyens de contrer ce mouvement qui ne se limitent pas (mais qui pourraient tout de même inclure) à faire honte à ses recrues potentielles et à menacer leurs événements de violence physique ?

(4) Que se passe-t-il avec la police ici, en fait ? D’une part, il est vrai qu’ils n’ont pas beaucoup essayé d’éloigner les manifestant-es (bien qu’il semble que cela pourrait changer dans les prochains jours), et le succès et la bonne ambiance de la manifestation sont en partie le résultat d’une absence quasi-totale de répression, en partie due à la blancheur et à la politique des manifestant-es. D’autre part, la police d’Ottawa ne ment probablement pas quand elle dit qu’elle n’a pas la formation ou les ressources nécessaires pour déplacer cette manifestation. Ce n’est pas parce qu’il y a trop de manifestant-es, c’est à cause de leurs tactiques, notamment les camions. Comment est-il possible qu’il n’y ait aucun plan pour empêcher la police de perdre le contrôle de la COLLINE PARLEMENTAIRE aussi facilement ? Quelles sont les leçons que nous pouvons tirer de cet événement et quelles nouvelles compréhensions de l’État canadien cela devrait-il nous donner ?

(5) Que voulons-nous faire à propos de Covid maintenant qu’il est clair que les vaccins sont un outil et non une fin ? Comment allons-nous reprendre prudemment les activités plus risquées tout en faisant preuve d’attention, d’empathie et de protection envers les personnes vulnérables au virus ? Les anti-vaccins se trompent sur les vaccins, c’est certain, mais ils ne représentent pas la totalité (ni même le principal) du problème et nous ne pouvons pas échapper au fait que le virus est probablement là pour rester. Si le virus ne disparaît jamais, nous devrons de toute façon danser ensemble dans les rues un jour ou l’autre. Cela n’a pas de sens de dire à tout le monde de simplement endurer une vie de merde indéfiniment. La liberté dont parlent beaucoup de gens du convoi est une version ennuyeuse de la liberté parce que beaucoup d’entre eux ne se soucient pas du tout que des gens meurent du Covid, mais celleux d’entre nous qui s’en soucient devront quand même trouver des moyens de vivre.

Deux mots des morts – sur le Manifeste conspirationniste

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Fév 022022
 

De Mathieu Potte-Bonneville

à propos de : Anonyme, Manifeste conspirationniste, éd. du Seuil, 2022.

22 janvier. – Page 1 on peut lire : « La mise en scène d’une meurtrière pandémie mondiale, « pire que la grippe espagnole de 1918 », était bien une mise en scène. Les documents l’attestant ont fuité depuis lors ; on le verra plus loin. Toutes les terrifiantes modélisations étaient fausses. ». Suit une allusion au refus gouvernemental de considérer d’autre traitement que biotechnologiques (on croit reconnaître, perdu dans une allusion suffisamment faux-cul pour être inattaquable, le profil de médaille de Didier Raoult [un microbiologiste français ayant acquis une notoriété médiatique au début de la pandémie quand il a annoncé qu’un traitement à base d’hydroxychloroquine pourrait résoudre la crise sanitaire ; NdMtlCi.] ). On se pince, on tâche de se rassurer, évidemment ça ne durera pas, c’est une préface clickbait, l’ordinaire protestation amphigourique et générale dans le style grand siècle prendra le relais, mêlant rappel des infamies d’époque à l’air d’en savoir long, mais tout de même : on en sera passé par là, par la double négation consistant à réduire la pandémie à une mise en scène et à s’en détourner sitôt qu’elle aura joué son rôle de captatio benevolentiae, parce que compte moins au fond la vie et la mort des figurants de cette mise en scène (on songe aux brésiliens, aux tunisiens, aux 120000 disparus d’ici) que leur aptitude à servir de marchepied pour pérorer à leur place. 

Qu’une part de la gauche soit incapable de penser ensemble la pleine réalité de la crise sanitaire et la critique circonstanciée des effets d’aubaine autoritaires qu’elle représente ne fait pas honneur à son intelligence du présent. 

Que le torchon histrionique dont même le Comité invisible s’est vite démarqué ne se perçoive pas comme ce qu’il est, objectivement eugéniste (s’énoncant au nom de « tout ce qui ose encore respirer, les jeunes les pauvres, les dansants, les insouciants, les irréguliers ») n’étonne guère. 

Qu’il ait trouvé à se loger chez un grand éditeur est tout simplement consternant.

25 janvier. — « Mais tu ne peux pas critiquer le livre en ayant lu seulement ces vingt-cinq premières pages ! »

Il me semblait, à moi, que vingt-cinq suffisaient, que s’infuser dans la foulée trois cent cinquante pages de l’habituelle tambouille n’était pas indispensable, mais bon : puisqu’il fallait j’ai lu, du coup. Et puisqu’on me faisait reproche de dénoncer d’abord, dans cette affaire, l’absence de toute mention des morts et la déréalisation radicale de l’épidémie sous son interprétation politique, comme on en était restés là bah je les ai cherchés, les morts.  Au cas où ils auraient attendu, patients, après les vingt-cinq premières pages. J’ai même cherché, tenez, leurs occurrences dans le texte. Où t’as mis le corps, c’est toujours une question intéressante à poser. Or si l’on excepte une série de mentions dans le cadre circonscrit d’un commentaire d’Auguste Comte on peut dresser exhaustivement le relevé des neuf occurrences restantes :   

– Il est fait mention des morts du fait de la vaccination, aux 18e et 19e siècle, en bref des morts du vaccin (pages 202 et 204)
– Il est fait mention de deux morts par administration d’anthrax, en bref des morts d’autre chose (page 53)
– Il est fait mention de la surestimation du nombre de morts par les modèles projectifs, en bref des morts en moins (page 135, page 245)
– Il est fait mention de l’usage de la psychologie sociale pour manipuler les consciences dans la représentation des morts, en bref des morts hallucinés (page 143)
– Il est fait mention des vieux en EHPAD [l’équivalent français des CHSLD ; NdMtlCi.] morts… de solitude (page 243)
– Il est fait mention (c’est sans doute ma mention préférée) des « morts-vivants » page 211, en bref des morts pas morts, je vous donne le contexte : « l’Occident a fini par adopter une existence crépusculaire et à étendre indéfiniment les états de morts-vivants – malades à vie, immunodéprimés en sursis de cancer…». (Les personnes immunodéprimées ou porteuses d’une maladie chronique apprécieront cette délicate énumération, où vibre un discret hommage à ce que le regretté Louis Pauwels appelait il y a longtemps le « sida mental » ; mais juger le livre eugéniste était, parait-il, excessif et la formule « la biopolitique, tyrannie de la faiblesse », page 217, s’est sûrement glissée dans un chapitre par hasard)
– Il est enfin, in extremis, fait mention des « morts que nous n’avons pas pu enterrer ». C’est, comme un remords, à la page 306 d’un ouvrage qui en compte 316. Mais on ne saura pas de quoi ils sont morts, les morts. Faut pas exagérer.

J’arrête là la collecte de ce qu’il me semble difficile de ne pas lire comme un travail méthodique d’effacement, visant à araser les points de butée d’un discours qui peut alors se dévider sans couture, relier tout avec tout, dans cette logique sans friction qu’il décrit au plus juste, mais à propos de son adversaire et se mirant en somme en lui sans se reconnaître dans le miroir (« Le pouvoir démocratique se définit implicitement par ceci qu’il garantit l’Habeas corpus aux citoyens tant qu’ils se meuvent sans friction dans l’environnement matériel et virtuel. Le cyberespace est, tout autant que l’espace urbain, pensé pour une circulation absolument libre et absolument architecturée » , page 180). 

On aimerait paraphraser : hors la mort, ça glisse tout seul.

Sans monter dans les aigus, alors, on rappellera seulement ceci : la dernière fois qu’un discours radical a prétendu à gauche non seulement mobiliser la logique du complot, mais enjamber plusieurs millions de morts parce que leur survenue n’était pas intégralement fongible dans l’analyse des contradictions du capitalisme, c’était dans une petite librairie qui faisait aussi maison d’édition, du côté de la rue d’Ulm. Elle tirait son totem d’une citation de Marx, et s’enorgueillissait d’être une vieille bête qui fait des trous. Voyez ? Dans mon souvenir, pour finir il a fallu la dégager à coups de pelle, la boutique, et je ne vois strictement rien dans ce texte qui prémunisse ses thuriféraires de pareil devenir. [L’auteur fait référence à La Vieille Taupe, une librairie négationniste à Paris, fermée en 1991 suite à des manifestations ; NdMtlCi.]

26 janvier. On m’apprend que le site Egalité et réconciliation, fédérant comme on sait les amis d’Alain Soral [un essayiste et idéologue d’extrême-droite en France ; NdMtlCi.], a publié une critique louangeuse de l’ouvrage, suggérant que ce dernier laisse entrevoir un programme commun, et saluant la réconciliation du social et du national.

Comme disait l’autre : It escalated quickly.

Yannick Vézina : un leader du groupe néofasciste Atalante chez Desgagnés

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Oct 062021
 

De Montréal Antifasciste

[Collaboration spéciale Montréal Antifasciste et Québec Antifasciste]

Depuis 2018 Montréal Antifasciste documente les activités du groupe néofasciste Atalante, essentiellement implanté dans la ville de Québec et ses environs. Depuis la fermeture de sa page Facebook en août dernier, Atalante a perdu beaucoup de visibilité, et l’organisation semble s’être recroquevillée sur son noyau dur. Cependant, ses membres et ses sympathisant·e·s sont toujours présent·e·s et actif·ve·s dans la collectivité, et la possible implication de nouvelles recrues nous pousse à maintenir la vigilance et la pression. C’est dans cette optique que nous croyons nécessaire de continuer à exposer les principaux membres d’Atalante, dont ceux qui sont connus pour avoir participé à des actes de violence.

Cet article mettra en lumière l’implication de Yannick « Sailor » Vézina, l’un des membres fondateurs d’Atalante encore actif aujourd’hui, qui n’avait pas encore fait l’objet d’un examen plus détaillé.

Yannick Vézina participait à la plus récente action de visibilité d’Atalante à Québec, le weekend du 25-26 septembre 2021. Photo extraite du compte Telegram d’Atalante Québec.

 

 Yannick Vézina et le Québec Stomper Crew

Yannick Vézina est depuis longtemps proche du Québec Stomper Crew (le gang de rue à l’origine d’Atalante Québec). C’est Antoine Mailhot-Bruneau, un camarade de classe à l’Institut Maritime de Rimouski dans la première moitié des années 2010, qui l’a introduit dans l’entourage des Stompers. Montréal Antifasciste a déjà révélé qu’Antoine « Tony » Mailhot-Bruneau est le leader idéologique d’Atalante et l’auteur du manifeste du groupe, Saisir la Foudre. À partir de cette rencontre, nous savons que Vézina s’est rapidement radicalisé et a multiplié les frasques pour mieux s’intégrer au crew. Nous savons aussi qu’il est devenu membre en règle suite à sa participation à l’agression d’un militant antifasciste.

Yannick Vézina (à droite) avec Antoine Mailhot-Bruneau, leader d’Atalante Québec.

 

Québec Stomper Crew et entourage.

 

Une partie du Québec Stomper Crew.

 

Yannick Vézina lors d’un spectacle de Légitime Violence. On reconnaît à ses côtés Steve Lavallée, un membre de l’entourage du Québec Stomper Crew qui avait été reconnu coupable d’une série d’agressions armées à Montréal à la fin des années 1990.

 

Yannick Vézina, full patch.

 

Avec l’entourage de Légitime Violence et du groupe américain Offensive Weapon.

Vézina semble d’ailleurs avoir un goût prononcé pour la violence, puisqu’il s’en est pris il y a quelques années à un jeune qui arrachait des affiches d’Atalante en plein jour, en le poursuivant armé d’une batte de baseball. Il utilise aussi ouvertement des hashtags comme #quebecfascistcrew sur son compte Instagram personnel. Ça donne une bonne idée du personnage…

Vézina et Atalante

En plus de faire partie du Québec Stomper Crew, Yannick Vézina est aussi un membre important et actif d’Atalante. Il a entre autres participé à au moins un « pèlerinage » en Italie et participe à toutes les actions d’Atalante depuis le début lorsque son emploi du temps le lui permet. Il faisait d’ailleurs partie du petit groupe de militants qui ont fait irruption dans les bureaux de Vice Québec en 2018 pour en intimider les employé·e·s.

On reconnaît facilement la montre et le tatouage sur l’avant-bras gauche.

On peut aussi l’apercevoir sur plusieurs photos de distributions de sandwichs et de collages de banderoles. Par ailleurs des révélations de la taupe Quentin Pallavicini nous laissent croire que Vézina agirait à titre de trésorier d’Atalante.

Yannick Vézina (rangée avant, à droite) avec le noyau dur d’Atalante Québec.

 

Une partie des membres d’Atalante Québec, en janvier 2019, sur le toit du quartier général de CasaPound à Rome.

 

Avec d’autres membres d’Atalante Québec, à Rome, en janvier 2019. On reconnaît à droite Sébastien Magnificat, le responsable des relations internationales de CasaPound.

 

Le Québec Stomper Crew et Légitime Violence, avec des camarades américains, entourent Steven Bissuel, l’ex-leader de Bastion Social et du Groupement Union Défense – Lyon (GUD). Yannick Vézina est au centre, à gauche de Bissuel.

  

Yannick Vézina s’adresse aux militants et militantes d’Atalante Québec, le 1er mai 2016.

 

À gauche, Yannick Vézina porte fièrement le drapeau d’Atalante Québec à l’occasion d’une marche au flambeau organisée peu après la création de l’organisation en 2016.

 

Yannick Vézina a participé à d’innombrables actions de visibilité d’Atalante, comme cette distribution de tracts à Québec, en 2019.

Yannick « Sailor » Vézina

Yannick Vézina, s’est choisi le surnom de « Sailor » et semble prendre très à cœur sa profession de marin. Fait cocasse, le logo d’Atalante semble être calqué sur l’illustration d’un manuel d’étude de l’Institut Maritime du Québec, rappelant quelque peu le symbole fasciste « flash and circle », adopté une décennie plus tôt par le Blocco Studentesco, l’aile jeunesse/étudiante de l’organisation néofasciste italienne Casapound, qui a directement inspiré la création d’Atalante.

Le logo d’Atalante Québec…

 

… est visiblement calqué d’un manuel de formation de l’Institut Maritime du Québec.

Le motif « flash and circle », utilisé par plusieurs organisations fascistes, est notamment le logo du Blocco Studentesco, l’aile jeunesse de l’organisation néofasciste italienne CasaPound.

Yannick Vézina est présentement employé par la compagnie maritime québécoise Desgagnés, et il navigue régulièrement sur le « Zélada », un navire qui ravitaille les communautés du nord du Québec et du Canada.

    

Yannick Vézina est employé à bord du Zélada, un navire de la flotte du Groupe Desgagné.

Il serait intéressant de savoir comment cette compagnie réagit au fait qu’elle emploie un membre en règle d’une organisation néofasciste, un membre qui est aussi lié à plusieurs agressions violentes motivées par une idéologie haineuse. Surtout qu’on a de bonnes raisons de croire qu’il traîne des autocollants d’Atalante pour en coller lors de ses escales à Rimouski.

Si vous souhaitez les interroger à ce sujet :

Téléphone : (418) 692-1000

Courriel : info@desgagnes.com – info@transarctik.desgagnes.com

Depuis quelque temps, les choses semblent aller plutôt bien dans la vie personnelle de Vézina, il a récemment acheté une maison dans le secteur Charlesbourg/Lac-Beauport en banlieue de Québec avec sa compagne, qu’il a récemment demandée en mariage! Il serait peut-être temps de lui rappeler que les actes de violence et les idées haineuses qu’il défend ont des conséquences…

On salue ici la note supplémentaire de romantisme que confère le bol de croquettes.

 Conclusion

Dans le contexte où les néofascistes d’Atalante ont perdu leur page Facebook et leur site Web, il serait facile de ne plus les considérer comme une menace sérieuse. Nous croyons cependant que ce serait une erreur, et que nous devons plus que jamais maintenir la pression sur les militant·e·s actuel·e·s et réaffirmer que ces idées haineuses ne sont pas les bienvenues au Québec.

Que ce soit sur terre ou en mer, nous continuerons de traquer les néofascistes partout et tant qu’il le faudra.

Si vous avez d’autres renseignements à nous communiquer au sujet de Yannick Vézina, d’Atalante et de ses sympathisant·e·s, n’hésitez pas à nous écrire à alerta-mtl@riseup.net ou au qcantifasciste@riseup.net.

Quentin Pallavicini : la taupe d’Atalante qui informait les antifascistes

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Juil 152021
 

De Montréal Antifasciste

Depuis la fondation de Montréal Antifasciste, nous recevons toute sorte de messages provenant d’antifascistes qui souhaitent soutenir notre travail et/ou nous partager leurs questions, le fruit de leurs recherches ou leurs observations. Il est bien plus rare que des extrémistes de droite communiquent avec nous, si ce n’est pour nous lancer des insultes puériles.

Le 18 juin 2018, une personne nous écrivait un courriel sous le pseudonyme « Lola Parisi » à partir de l’adresse moosque1@hotmail.fr. Cette même personne nous contactait également à quelques reprises sur Messenger au mois de septembre 2018 sous le pseudonyme « Marie Dubois » :

Le message de prise de contact, intitulé « Atalante spotted » allait comme suit :

La personne derrière « Lola Parisi /Marie Dubois » s’est d’abord présenté comme étant référée par des « camarades de lutte », puis progressivement, nous avons compris que cette personne, qui se disait un ami de feu Clément Méric, était un homme, pas spécialement proche des idées progressistes et plutôt misogyne… Entre juin 2018 et juillet 2019, « Lola » nous a écrit pas moins de 45 courriels et plusieurs messages sur Messenger.

Le contenu de ces courriels, parfois très courts, parfois détaillés et accompagnés de photo,  peut se résumer ainsi : une petite partie d’informations inédites et véridiques, ne pouvant provenir que de quelqu’un ayant un accès privilégié au noyau dur d’Atalante, noyées dans un océan de désinformation. Décortiquions un peu ce contenu.

L’information :

  • Quelques renseignement, très précis et que nous avons pu vérifier, nous permettaient d’identifier des personnes à propos desquelles nous ne savions rien : Baptiste Gillistro, le français complice de Louis Fernandez lors de l’agression au LvlOp, et Giulio Zardo, un champion olympique déchu qui entraînerait la gang d’Atalante à Montréal dans son gym privé. Des courriels nous informaient également, en avance, sur des voyages prévus par des membres du groupe et sur la visite prochaine à Québec du band de black métal néonazi français (« Baise ma hache »), lequel a effectivement joué avec Légitime Violence dans un bar de Québec en juin 2019. « Lola » semblait donc au cœur du groupe, et ses explications comme quoi « elle » aurait infiltré un groupe de discussion privé d’Atalante ne nous semblaient pas très crédibles.
  • Une part importante des courriels reçus semblaient également nous inciter à identifier certaines femmes du groupe, avec une sorte de fixation malsaine sur Vivianne St-Amant, tout en insistant sur le fait que celles-ci n’étaient pas des militantes importantes, mais des fangirls, des suiveuses, les « blondes de » ou des filles faciles qui « servent à rien ». Une autre bonne raison de prendre les renseignements de « Lola » avec un sérieux grain de sel…

La désinformation :

  • Une grande part de ces courriels tentaient, à l’inverse, de nous induire en erreur sur la véritable identité de Lucie Mergnac : son vrai nom serait Chloé Fleuri ou Fleury; finalement son vrai nom serait Merignac et non pas Mergnac; celle-ci serait Belge et non pas Française; elle ne serait pas du tout impliquée dans Atalante…
  • Vers la fin de nos échanges, les demandes étaient de plus en plus insistantes pour que nous retirions le nom de Lucie de nos articles et publications.
  • L’immense majorité des messages semblait suivre la vie, les faits et les gestes de Quentin Pallavicini, en essayant d’abord de nous faire croire que Jean Brunaldo était son vrai nom, tout en décrivant la vie rêvée et mystérieuse de Quentin : ce jeune fasciste ultraviolent serait un bagarreur aguerri, proche de l’élite du fascisme européen et québécois, ayant fait fortune dans la cryptomonnaie, indépendant de fortune, propriétaire de magasins, maisons et voitures de luxe, vivant au gré des envies entre le Québec, la France et l’Italie, gagnant de nombreux procès pour agressions grâce à son avocat hot shot… toutes choses que nous savons fausses, hors de tout doute.

En effet, nous savons que Quentin n’est pas riche, qu’il loue un modeste appartement à Mirabel dans le secteur Saint-Canut (après avoir déménagé du logement qu’il occupait avec sa copine à Laval), qu’il occupe un emploi modeste et qu’il loue des voitures pour frimer. Nous savons également, par nos camarades antifascistes français et italiens, que Pallavicini n’est pas le « gros bonnet » qu’il prétend, même s’il a effectivement traîné dans l’entourage de Serge Ayoub et de Troisième Voie.

Une relecture attentive de nos échanges courriel nous a d’abord fait naître un doute. La présence de trop nombreuses incohérences, sa fixation sur le couple Quentin/Lucie, ses tentatives répétées de protéger Lucie, sa divulgation de quelques bons renseignements véridiques au milieu d’une soupe hagiographique mal écrite nous vantant la vie rêvée de Jean/Quentin, etc., nous permettent d’affirmer aujourd’hui que « Lola Parisi » était en fait nul autre que Quentin Pallavicini lui-même, membre actif d’Atalante Montréal (au moins jusqu’à l’automne 2019), et que celui-ci a trahi son organisation et vendu ses petits camarades (jusqu’à demander de l’argent en échange de ses renseignements!) aux antifascistes afin de protéger sa conjointe et lui-même. Et peut-être en même temps, pourquoi pas, faire mousser sa crédibilité douteuse auprès des boneheads d’Atalante…

Quebec.wingism et leur entourage

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Juil 122021
 

De Montréal Antifasciste

Avertissement : cet article contient des éléments de racisme, d’homophobie et de transphobie extrêmes.

Il y a de cela presque exactement un an, Montréal Antifasciste publiait un article portant sur le Front canadien-français (FCF), un groupe nationaliste réactionnaire qui nous était jusque-là encore inconnu. Dans cet exposé, nous avions intégré une liste d’une dizaine de pages de mèmes associées à l’entourage du FCF qui reprenaient des thèmes classiques de l’extrême droite : anti-immigration, antiféministe, anti-LGBTQIA+, avec pour courant central un ultra-catholicisme arriéré aux forts accents de nationalisme blanc. Avec des noms comme « Mèmes evangéliste Duplessiste » et « Mèmes clérico-nationalistes du Canada français », ces pages offrent à des militant·e·s d’extrême droite un moyen commode de relayer à leurs abonné·e·s (et plus largement) un éventail de discours réactionnaires et souvent racistes, comme la tristement célèbre théorie du complot du « grand remplacement » et de nombreuses autres constructions analogues qui participent à la déshumanisation de différents groupes de personnes (immigrantes, noires et/ou racisées, LGBTQIA+, féministes, etc.).

La page Quebec.wingism, lancée sur Instagram en janvier 2020 (d’abord sous le nom Rightwingism.quebec), s’apparente aux pages de mèmes mentionnées ci-dessus, autant sur le plan esthétique que sur le plan du contenu politique. Bien que les mèmes, par définition, soient conçus pour être largement diffusés, il n’est pas rare que certaines pages reproduisent plus ou moins à l’identique le concept, le style et la teneur de pages existantes. C’est notamment le cas de Quebec.wingism, qui a repris le modèle d’autres pages « wingism », un phénomène né de l’activité du mouvement alt-right en ligne. Entre autres choses, deux articles déjà publiés au sujet de ce phénomène (par The Gauntlet, 2018, et AntiHate.ca, 2021) nous apprennent que la toute première page « wingism » a été créée au Canada par un étudiant de l’Université de Calgary.

Le format de ces pages est le suivant : il y a habituellement plusieurs admins, identifiés seulement par la première lettre de leur nom, et bien que ces pages se targuent d’offrir une plateforme à un large éventail d’idées politiques, elles sont généralement bien campées à l’extrême droite de l’éventail politique (de l’éconationalisme au fascisme) en intégrant parfois des éléments de l’iconographie nazie pour faire bonne mesure. Un nombre important de ces pages semble s’articuler en partie autour d’une obsession pour la théorie du complot du « grand remplacement », d’un goût pour le fascisme et d’une haine féroce envers les personnes de couleur, les personnes LGBTQIA+ (en particulier les personnes trans et non conformes sur le plan du genre) et les féministes. Il semble que ce format se soit avéré facile à reproduire, puisque des individus dans différentes parties du monde s’en sont emparé en déclinant minimalement le contenu politique et la forme (surtout des mèmes passés au filtre fashwave/vaporwave et une iconographie héritée de l’alt-right) à leur contexte particulier, toujours avec un sous-discours nationaliste blanc. C’est ainsi que les pages « wingism » contribuent activement au développement et à la dissémination d’un mouvement culturel d’extrême droite en ligne.

Bien qu’Instagram ait supprimé certaines pages « rightwingism », plusieurs comptes n’ont eu aucune difficulté à ouvrir une nouvelle page en modifiant à peine le nom de celle-ci (il n’est pas rare, par exemple, de voir « v2 » ou « v3 » affixé à un nom, signifiant la première ou la seconde renaissance d’une page suite à son bannissement).

Qui sont les modérateurs et les sympathisants de Quebec.wingism? (passez directement à la galerie de portraits)

La page de mèmes Quebec.wingism a été créée dans ce même moule : des personnages fascistes et réactionnaires passés au filtre vaporwave/fashwave, une islamophobie décomplexée, des accents de nationalisme blanc et d’« ethnonationalisme », un racisme virulent, un antiféminisme primaire et une transphobie sardonique, le tout enveloppé d’un nationalisme québécois plus ordinaire. Les pages « wingism » se spécialisent dans le recyclage d’idées réactionnaires répulsives au moyen de filtres « cool » et de personnages de dessins animés « comiques », tout en se cachant derrière le déni plausible que confère un détachement ironique et une forte dose de confusionnisme. Si cette description vous donne l’impression que ce phénomène s’inspire largement des mystifications qui ont fait le succès du mouvement alt-right, on ne peut qu’être d’accord avec vous. Les pages « wingism » recyclent inlassablement les vieux mèmes poches de « Pepe » et les mêmes effets « basés » qui puent le racisme numérique de la période 2015-2019. En fait, l’alt-right n’est jamais disparu d’Internet; il n’a fait que muer.

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