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Vlad partout: Que le feu se propage

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Fév 222021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

« Allumons des feux guérisseurs pour nos morts. Mettons le feu à l’autorité et la domination pour qu’elles brulent avec autant d’éclat que le coeur immense de notre ami. Ne pardonnons jamais à ce monde qui nous l’a pris, et n’oublions jamais les façons dont il nous a touchés. Ai Ferri Corti. »
– Une carte distribuée aux funérailles de notre complice Vlad

Vlad aurait eu 26 ans aujourd’hui s’il était toujours avec nous. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de l’avoir connu, sache qu’il était fucking solide.

Dans un effort pour attiser les flames des ses contributions à nos luttes partagées, nous aimerions nous recentrer sur un texte que nous savons l’avoir profondément inspiré, initialement publié dans Avalanche: un journal de correspondance anarchiste.

Je coupe à travers le temps comme si avec un couteau. Nous trainons dans un parc, en regardant nos ami.e.s jouer au basketball. Vlad nous explique, intensément, l’impacte que ce texte de la Suède a eu sur lui, il joue avec ses pantalons, entre deux bouffés de cigarette. Son seul sourire en coin est nécessaire pour nous communiquer son importance dans notre contexte actuel.

Au fil des ans, nous vous invitons à contribuer à une tradition de mémoire combative – un cadeau de rébellion et de refus du tout les 22 février, pour vous-même et pour Vlad. Sans tomber dans le piège autoritaire des martyrs, nous pouvons amener la mémoire de nos morts à notre présent à travers l’attaque.

Tu es à nos côtés à chaque action contre l’autorité, mon ami.

Que le feu se propage

Septembre 2016 – Suède

Que le feu se propage est un texte écrit dans des circonstances importantes, concernant les troubles sociaux de la fin d’été au début de l’automne en Suède et au Danemark cette année (2016). Nous, les auteurs, sommes des compagnons ayant grandi et vécu la majeure partie de notre vie dans différents pays scandinaves mais nous n’étions pas présents là-bas quand les évènements sont survenus. Comme il a été montré dans le texte Tension sociale et intervention anarchiste en Suède paru dans Avalanche numéro 2, les tensions sociales en Scandinavie et surtout en Suède n’ont rien de nouveau. Et malheureusement, le manque d’initiative et même de capacité à analyser et à imaginer autre chose de nouveau chez de nombreux compagnons dans les pays nordiques n’a rien de nouveau non plus. Lorsque les incendies ont commencé à se propager une fois de plus dans les villes et les quartiers et même les pays, nous étions tous d’accord pour ne pas laisser passer ça sans la moindre tentative d’intervention anarchiste. Cette fois, la méthode d’attaque la plus couramment utilisée par les individus rebelles était d’embraser des voitures, ce qui en comparaison avec les émeutes et les attaques collectives des années précédentes est quelque chose de très facilement reproductible pour un petit groupe voire même pour un individu, ce qui offrait en soi une bonne opportunité pour réintroduire d’autres conditions et perspectives mais surtout l’imagination d’une autre manière de lutter que celle qui prédomine actuellement. La manière prédominante étant très humble et fort respectueuse de la société ; rude et intransigeante seulement lorsqu’elle est ratifiée par l’État. En définitive, mis à part une analyse lacunaire et une proposition, ce texte constitue une tentative pour répandre une autre imagination et d’autres idées – sur ce que ça signifie de combattre les autorités, de combattre cette société – qui dans leur absence flagrante ont conduit les compagnons dans un repli défaitiste ces dernières années. Nous avons décidé de traduire le texte original suédois et danois vers le Français, d’une part pour faire savoir aux compagnons internationaux que ce que UpprorsBladet a écrit en 2014 est une réalité toujours en cours en Scandinavie et d’autre part pour soumettre nos idées et nos manières d’intervenir au débat et à la critique d’autres compagnons proches de nos idées. À l’heure où s’écrit cette introduction, au début novembre 2016, le texte a été largement diffusé – de main en main aussi bien que par internet – mais avec l’arrivée de vents et de neiges plus froids, cette vague d’agitation sociale doit être considérée comme terminée ou du moins calmée. Toutefois, nous espérons que notre texte puisse susciter un autre état d’esprit et d’autres discussions pour la prochaine vague à venir.

***


Que le feu se propage – une analyse des incendies de voitures ces derniers mois en Suède et au Danemark et une proposition d’intervention

Ces derniers mois, quelque chose qui appartient à la vie quotidienne des banlieues suédoises s’est répandue comme une mauvaise herbe dans le jardin de la paix sociale et a pris la forme d’une révolte anonyme et apolitique. Le simple geste de mettre le feu à une voiture s’est laissé reproduire, précisément pour sa simplicité, dans des petites villes comme dans des plus grandes, des deux côtés du Öresund, dans des zones isolées au-tant que dans celles plus centrales, riches et bien intégrées. De tout : depuis des incidents isolés jusqu’à (ce qui a semblé être) des actions coordonnées dans toute la ville. De la part de la société, la réponse est venue de la police, des pompiers, des médias, des politiciens et autres experts inconnus, qui ont fait des déclarations et promis ou proposé une sérieuse quantité d’actions ; des actions qui ne servent pas seulement à mettre un terme aux incendies de voiture mais qui intensifient plus généralement la répression à l’encontre de ceux qui ne veulent pas se mettre au pas. Avec ce texte, nous aspirons à produire une modeste analyse, suivie d’une proposition plus résolue en vue d’une intervention dans ce conflit entre des individus anonymes et la société. Une intervention anarchiste sans aucune place pour la politique ou la négociation. De notre point de vue, tout ce que nous avons à perdre est le confort qui nous retient de brûler la première voiture.

La chronologie et le problème des médias

Il était difficile de se tenir au courant des évènements lorsqu’ils ont pris de l’ampleur. Dès qu’on essayait d’assembler une chronologie pour une meilleure vue d’ensemble, de nouveaux évènements s’étaient déroulés – du côté de la société comme du côté de ses antagonistes. Pour nous, il est clair que la meilleure source d’informations que nous avons et avons eu sont les comptes rendus des médias officiels, puisque les autres moyens de communication ont manqué. Donc avec les mots de certains compagnons en tête : « Les millions de mots et d’images qui remplissent les images et les papiers (toilette) ne sont pas un écho ni un reflet de la réalité, ils constituent une partie intégrante de la création de cette réalité, ils imposent des moeurs, des règles et des logiques qui permettent l’existence de l’État. » [1] ce n’est pas sans autocritique que nous utilisons cette information. Cette information a évidemment déjà été bien utile pour les politiciens et les bons citoyens, comme l’explique la citation ci-dessus. Donc même si elle sert nos ennemis, nous utiliserons cette informations avec l’intention de renverser ceux qui l’ont créée. Nous ne savons pas ce qui s’est passé dans la sphère des médias sociaux mais prenez pour acquis que ces soi-disant outils n’ont pas été employés pour analyser et propager ces actions avec l’intention d’étendre la situation en révolte sociale. Même si les médias avaient uniquement fait un battage publicitaire et du sensationnalisme autour de ces évènements, ce qui arrive prétendument tout le temps avec la même intensité [2], ça ne change rien au fait que ces actions – les incendies de voitures comme les nombreuses attaques contre les flics et autres uniformes – en elles-mêmes portent avec elles la révolte et la possibilité d’une révolte sociale. Il est donc difficile de faire la distinction entre ce qui provient de cette escalade spécifique et ce qui provient d’une tension sociale plus large et constante. On ne veut pas détourner ni trahir les actions de différents individus juste pour confirmer nos idées ; pour projeter notre désir d’une révolte étendue sur des individus et des actes qui ont leurs propres raisons, significations et volontés. C’est pourquoi, même s’il est difficile de ne pas tenir compte des évènements comme les attaques organisées contre des flics et d’autres officiels à Kronogården, Trollhättan, ou ceux qui ont eu lieux à Södertälje ou Örebro, on va s’en tenir aux incendies de voiture. En partie à cause de leur extension urbaine durant les derniers mois et en partie parce qu’ils impliquent une méthode très simple et reproductible pour attaquer la normalité. Durant les deux premières semaines d’août, les sites d’informations et les magazines étaient remplis de gros titres du genre : « 16 voitures ont étés incendiées en 5 heures », « Le Ministre de la Justice en a ‘sacrément marre’ des hooligans », « 20 voitures sont parties en fumées la nuit dernière », « Le gouvernement appelle à des peines plus lourdes pour les incendiaires de voitures », suivi par une redite quotidienne : « Davantage d’incendies de voiture la nuit dernière ». En lien avec ça, des experts en sociologuies, des pompiers, des flics et des gens dont la voiture avait brûlé ont été interviewés. Désespérés, les flics ont promis et ont effectivement intensifié leur présence dans les quartiers touchés – sans grands succès. À Ronneby cependant, les flics ont été un peu plus réalistes puisque l’inspecteur de police en service a fait la déclaration suivante : « Nous sommes à court d’officiers pour le moment, c’est la période des vacances et tout, donc je ne peux pas promettre de patrouilles supplémentaires dans la zone » en réaction à des voitures incendiées trois soirs de suite dans la petite ville. En réponse à ça, la municipalité a décidé d’engager des agents de sécurité pour patrouiller dans les rues à la place. Entre le 1er juillet et le 17 août cette année, les pompiers dans chaque ville ont signalé 134 incendies de voitures à Stockholm, 108 à Malmö et 43 à Göteborg. Pendant toute l’année 2016, jusqu’à la mi-août, 154 cas d’incendies de voitures ont été signalés rien qu’à Malmö, où dans de nombreux cas le signalement concernait plus d’un véhicule. Durant la première semaine d’août, il a été estimé que les incendies ont ravagés sept voitures par nuit dans la zone urbaine de Malmö. Le premier week-end d’août, une voiture de flic a été enflammée alors que la patrouille intervenait pour du tapage signalé dans un appartement. Avec Malmö pour épicentre, d’après la couverture médiatique, les incendies de voitures se sont propagés à plusieurs autres villes. Dans la nuit du 16 au 17 août, un incendie de voiture à Norrköping a entraîné la destruction complète de douze voitures et au moins sept autres ont été endommagées. Pendant ce temps-là, il y avait des signalements ininterrompus de voitures en feu dans de plus petites villes comme la susmentionnée Ronneby, mais aussi à Skara, Varberg et Borås ainsi que dans de plus grandes villes comme Stockholm, Linköping, Göteborg, Västerås et Södertälje. À la mi-août, les incendies de voiture se sont propagés au Danemark, où les voitures ont brûlé plusieurs nuits de suite. Dans la nuit du 20 août, dix voitures sont parties en fumée. Depuis ce moment-là, ça a continué avec plus ou moins d’intensité, dans différentes zones de la capitale danoise comme Christianshavn, Amager, Nørrebro, Valby et Vestegnen. Aux dires des médias, au moins 50 voitures ont été enflammées dans la région de Copenhaguen entre la mi-août et la mi-septembre. Les flics n’ont pas caché leur suspicion, redoutant que les incendies aient pu être inspirés par la situation en Suède et ont immédiatement lancé des investigations pour attraper les agitateurs et calmer la situation. Ils ont lancé des appels à témoin dans les médias et les flics ont passé en revue une quantité considérable de matériel vidéo issus des caméras CCTV de surveillance dans les zones touchées. Des photos et une description d’un suspect ont été rendues public et sur base de plusieurs tuyaux anonymes une personne a été arrêtée et emprisonnée le 24 août, soupçonnée d’avoir brûlé dix voitures et d’avoir tenté d’en brûler 23 autres. Ceci, cependant, n’a pas arrêté les incendies, qui ont continués dans différents endroits autour de la ville. De même, les sales aspirants-flics, les SSP (une coopération entre l’école, les services sociaux et les flics qui vise à surveiller et empêcher les enfants de commettre des crimes) ont intensifié leurs activités et renforcé leur nombre dans les rues de certains quartiers, afin d’éviter que la jeunesse ne soit mal inspirée par les incendies. Chaque nuit lors de la première semaine d’août, les flics de Malmö ont déployé un hélicoptère dans la chasse contre les incendiaires de voitures. Le 11 août, évidemment pas pour la première fois, l’hélicoptère a été visé par un rayon laser vert, ce qui a mené à l’arrestation de deux jeunes plus tard dans la nuit. Les flics les ont interrogés, dans l’espoir d’établir un lien avec les voitures brûlées mais les deux détenus ont été relâchés le matin suivant en laissant apparemment les flics sans aucunes pistes. Le 15 août, selon la presse, une personne de 21 ans a été arrêtée à un contrôle routier à Rosengård. Les flics ont prétendu que la voiture était remplie de bidons d’essence et d’un marteau brise-vitres. La personne a été relâchée le 18 août, étant donné qu’il n’y avait aucune base juridique pour son incarcération mais la suspicion demeurait. Le même jour, les flics ont présenté une nouvelle mesure à prendre dans leur lutte contre les incendies de voitures. Pour la première fois en Suède, des drones seraient utilisés par les flics, principalement pour traquer les incendiaires. Les drones vont guider les patrouilles renforcées à moto et les officiers en civil au sol. La proposition est venue de la NOA, les flics de la National Operative Unit, qui va aussi la mettre à exécution. Les équipements seront fournis par la SAAB (une compagnie dont la production pour les marchés militaires trouvera très probablement des usages dans le « civil », autres que juste les seuls drones pour chasser les incendiaires de voitures).

La réponse de la société

Pour mieux comprendre la situation dans son ensemble mais aussi pour voir où l’on peut trouver les possibilités d’étendre ces actes de révolte vers l’insurrection, nous voulons nous pencher sur le cirque que la société a lancé en réaction à ces troubles. De prime abord, c’est intéressant de voir comment les incendies de voitures continuent en silence, pendant que les médias, les politiciens, les flics, les experts de toutes sortes et les citoyens actifs rivalisent pour être le plus bruyant et condamner le plus sévèrement ces évènements. Dans le silence, les actions parlent pour elle-mêmes et si elles étaient laissées dans leur silence, tout ce qu’on entendrait serait le crépitement du feu, pas plus d’explication ne serait nécessaire. Mais le silence est dangereux et troublant pour l’ordre en place. Le meilleur remède contre le silence est bien sûr de faire du bruit, de parler et de distraire, de prendre en main le pouvoir de définition. En Suède ils ont parlé de problèmes d’intégration et de vandalisme, alors qu’au Danemark ils ont parlé initialement de pyromanie, autrement dit les incendies de voitures ont été considérés comme une maladie. Une hypothèse vite écartée lorsque le « suspect pyromane » a été détenu et alors que les voitures brûlées ont continué à se répandre. La discussion s’est ensuite orientée dans une direction plus semblable à celle de la Suède, avec l’attention portée sur les jeunes. Dans le premier cas, l’acte (d’incendier une voiture) est isolé et dit limité à la jeunesse pauvre issue de l’immigration, ce qui rend la tâche plus difficile à ceux qui ne rentrent pas dans ces catégories de s’identifier avec ces actions. Dans l’autre cas, l’acte est mis au rang des pathologies. Par exemple, si tu t’identifies avec ces actions, tu devrais t’estimer malade, un pyromane ; ce qui, avec le pouvoir de la honte sociale, provoque une distanciation chez la plupart des gens. Les mêmes actions, le même silence, confrontés à beaucoup de bruit de la part de la société. En Suède ces discussions ont eu le temps de se développer davantage qu’au Danemark et les politiciens au pouvoir ont proposé des peines plus dures, non seulement pour les incendiaires de voitures mais aussi pour faire d’une pierre deux coups contre l’ensemble de la catégorie sociale des jeunes. La proposition signifierait, une fois appliquée, que des tribunaux spéciaux seraient instaurés, que le port du bracelet électronique pourrait être imposé à des mineurs d’âge et que la surveillance liée aux mesures probatoires à l’encontre des jeunes seraient intensifiée. L’opposition politique appelle à augmenter les effectifs policiers et à retourner à l’ancienne organisation policière, récemment modifiée. Des sociologues mettent en garde contre les conséquences négatives de peines plus lourdes et proposent plutôt de renforcer la présence policière dans les rues, puisque c’était la prétendue raison de la désescalade lors d’une situation semblable en Suède il y a quelque dix ans. Tournoyant autour des carcasses pourries de ces discussions, ce sont les vautours silencieux. Eux qui avec leurs business profitent de l’incendie de voiture et avant tout du cirque sociétal qui l’entoure. Les drones de la SAAB ont déjà été mentionnés mais il y a aussi les compagnies d’assurance et de sécurité. Dans plusieurs articles de la Swedish Radio par exemple, ils informent le public que l’« assurance trafic » n’est pas suffisante pour couvrir les frais d’un incendie de voiture et que la voiture doit être au moins « assurée de moitié » pour couvrir les dommages. Il ne faut pas avoir étudié dans une école de commerce pour comprendre la valeur économique pour les compagnies d’assurance, dans un article aussi bien intentionné et informatif. Surtout lorsqu’il est suivi d’articles dans lesquels les porte-paroles de compagnies d’assurance rassurent sur le fait que l’assurance pour les personnes habitant les quartiers touchés ne seront pas plus élevés ni même différent que dans les quartiers moins affectés. À certains endroits comme Ronneby, où les flics ont laissé leur uniforme au placard et se détendent autre part, la municipalité a décidé d’engager une compagnie de sécurité afin d’avoir des agents de sécurité pour patrouiller les rues à la place.

En lien avec les émeutes ou les actions de masse comme celles d’Örebro et de Södertälj

Dans deux banlieues de Södertälj, deux nuits de suite, des jeunes ont construit des barricades enflammées et attaqués des bus pour attirer les flics chez eux. Quand les flics sont arrivés, ils les ont attaqué avec des pierres et des feux d’artifice. Une nuit, une pierre a brisée le pare-brise d’une voiture de police, envoyant un flics à l’hôpital avec un oeil abîmé. Dans le quartier d’Örebro, un nombre plus important d’individus masqués se sont rassemblés et mis en mouvement dans la zone. En mettant une laverie en feu, également pour attirer les flics, et puis en les accueillant avec des cocktails molotov, des pierres, des feux d’artifice et des des clubs golf. Des patrouilles de gardes supplémentaires issues de différentes compagnies sont appelées comme fantassins aux côtés de la cavalerie policière. Des compagnies de sécurité qui, au cours des dernières années de soi-disant « crise des réfugiés », ont connu une nouvelle ère d’abondance pour leur business. Des compagnies qui, enrichies par leur expérience de passage à tabac des personnes de couleur, continuent volontiers leur affaires – les flics ont remplacé le Département de la Migration en tant que force d’intervention, et les incendiaires de voiture ont remplacé les réfugiés en tant que cibles mouvantes. Ces vautours restent des vautours, aussi longtemps qu’ils peuvent travailler sans être perturbés, aussi longtemps qu’ils peuvent garder une distance entre eux et le coeur des évènements. Comme dans un écosystème, ils jouent un rôle important dans le maintient du système social et contribuent à étouffer la révolte qui menace. Dans la paix sociale, chaque rupture signifie une possibilité pour la révolte et l’insurrection ; la rupture en elle-même est souvent un acte conscient de rébellion, aussi limité soit-il à un unique individu et une unique situation. La rupture découvre les conflits qui autrement seraient recouverts par la paix sociale. Ce que nous choisissons d’avaler dans notre vie de tous les jours, en terme de soumission, est recraché et toutes les paroles qui disent qu’on vit dans le « moins mauvais des mondes », que « c’est comme ça, c’est tout ! », s’étiolent face à l’évident mécontentement de vivre la vie qu’on nous impose dans cette société. Une voiture cramée pourrait ne pas donner l’impression d’être le signal de départ pour une révolte sociale mais en même temps c’est exactement ce que ça pourrait être. Ce que ça pourrait devenir. Ça pourrait tout aussi bien être une attaque d’individus isolés contre la paix sociale, contre l’ordre social, puisque ça pourrait être le sabotage de la fonction d’un autre individu dans le maintient du même ordre. Nous voyons ceci comme des facteurs, indépendamment du fait qu’ils viennent avec une intention et un désir de révolte ou qu’ils adviennent par ennui, pour de l’argent ou pour une vengeance personnelle. La paix sociale, dans laquelle l’État revendique le droit exclusif de la médiation et du contrôle sur la population, est bel et bien attaquée lorsqu’une voiture est incendiée, avec ou sans l’intention des assaillant de renverser la société. Dans la normalité que nous sommes tous tenus de reproduire, il n’y a (toujours…) pas de place pour les voitures en feu. Encore moins pour les incendies de voiture sans raison claire et compréhensible qui se propagent presque librement sur de grandes distances et dans de nombreuses régions. Lorsqu’ils se propagent comme ça a été le cas durant ces derniers mois, il est impossible, même pour les gens au pouvoir, d’ignorer l’existence d’un conflit social. Au lieu de ça, ce qu’ils essayent de faire est d’isoler le conflit pour le restreindre à un petit groupe seulement de mécontents et d’indomptables – avec lequel la majorité, comme évoqué plus haut, devrait n’avoir rien en commun. Ça devient l’affaire de la police, des politiciens et des sociologues. Jouant son rôle de médiateur, l’État essaye de rendre l’affaire intelligible et gérable. Il essaye d’en faire une affaire et un conflit entre les autorités, avec ses fidèles spécialistes, et un groupe de « jeunes mal intégrés ». Ce qui n’est donc la réalité, à savoir des individus comme toi et moi en conflit avec la vie que nous sommes contraint de supporter dans ces circonstances.

De la révolte anonyme à l’insurrection apolitique

« Le crime est très difficile à investiguer. Nous ne voyons aucun profil et nous n’avons aucun suspect. Nous avons besoins de toute l’aide que nous pouvons avoir » – Lars Forstell, flic à Malmö. Les incendies de voitures qui balayent la Suède et le Danemark ne nous intéressent pas seulement parce qu’ils portent l’étincelle de la rébellion, mais aussi parce qu’ils nous offrent une autre manière de comprendre l’insurrection, parce que leur caractère apolitique nous laisse entendre une tactique différente. Les incendies de voiture sont une attaque incontrôlable contre la société parce qu’ils se répandent à travers tout le territoire que contrôle l’État et sans être focalisés sur une cible symbolique spécifique. Ils sont facile à reproduire partout et tout le temps, alors qu’il est impossible pour la police d’être partout en même temps. Les mouvements politiques ont l’idée fixe de vouloir rassembler un mouvement ou une certaine catégorie d’exploités face à un objectif symbolique dans l’espoir que si suffisamment de personnes sont rassemblées, le pouvoir sera contraint de changer. En réalité, ces méthodes sont faciles à contrôler pour l’État, parce que ce n’est pas si compliqué de rassembler les forces répressives à des endroits spécifiques à une date préétablie. Même des anarchistes qui critiquent vraiment cette perception de la lutte continuent de reproduire cette logique. Pourquoi tant de manifestations contre des cibles symboliques encerclées par la police lourdement équipée ? Pourquoi avoir toujours un temps de retard sur l’État et la police ? Les incendiaires de voitures montrent la voie d’une forme différente de conflit avec l’État. Permanente, incontrôlable, souple et destructrice. Là, c’est la police qui traîne derrière. Bien sûr, des incendies de voitures ne suffiront pas à renverser l’existant. Mais ils ouvrent, dans le contexte scandinave, une nouvelle façon de comprendre l’insurrection et donnent de l’inspiration pour des tactiques différentes dans nos luttes. Ils nous offrent un tremplin que l’on peut utiliser dans notre révolte individuelle pour faire le saut vers l’insurrection sociale, ce qui représente, il faut le dire, plus que tout ce que les mouvements politiques ont créé en Scandinavie depuis très longtemps. En parlant de mouvements politiques, la lutte autour de la maison en partie occupée Rigaer 94 au cours de la moitié de l’année dernière montre comment les incendies de voitures peuvent être employés comme méthode, mais aussi montrer leurs limites, ce qui peut être intéressant de considérer succinctement [3]. Dans la lutte autour de la Rigaer 94 c’était à notre avis le même facteur qui a causé la rapide et intense diffusion qui est aussi devenu la raison pour laquelle le conflit ne s’est pas étendu au-delà de la préoccupation des anarchistes et des autonomes. Ce facteur a limité la lutte à la maison et à la zone locale. En comparaison avec la Scandinavie, l’Allemagne est pleine d’autonomes et d’anarchistes dont beaucoup ont pris part suite à la promesse faite par des compagnons de causer 10 million d’euros de dégâts – certains parce qu’ils s’identifient avec la Rigaer et agissent en solidarité, d’autres parce qu’ils sont en permanence à la recherche de nouveaux évènements auxquels réagir, et en ont trouvé un là-dedans. Ce qui nous amène encore une fois à un conflit opposant un petit groupe d’individus facilement catégorisé (d’anarchistes et d’autonomes) contre l’État, avec le reste de la société en spectateurs et en commentateurs. Le conflit a donc tourné en rond autour d’une cible symbolique, ce qui a donné tout au moins une indication à l’État de l’endroit où envoyer ses forces répressives et lui a rendu la tâche plus facile à gérer et à prédire. La plupart des gens qui pourraient avoir un intérêt dans les incendies de voitures ou autrement dans la révolte contre la société ne voient pas la Rigaer comme un point de référence évident, pas plus que la sous-culture sur laquelle elle repose. Probablement encore moins lorsque les gens commencent à dire qu’ils sont politisés, ou qu’incendier des voitures est un acte politique. Tant que le point de départ sera une chose à laquelle seulement quelques-uns pourront se référer, alors il restera un duel entre ces quelques-uns et l’État.

Cette escalade qui a eu lieue en Suède et au Danemark va probablement s’éteindre à mesure que la répression avance et se durcit. Elle va probablement se rallumer dans quelques mois, ou dans un an ? Et puis s’éteindre à nouveau. À moins d’essayer de l’étendre et de la renforcer avec nos propres actes, idées et aspirations de liberté. Ce n’est ni garanti de réussir ni voué à l’échec. Une chose est sûre, aussi longtemps qu’on restera des spectateurs et des commentateurs passifs, l’existence qu’on méprise si profondément nous sera garantie. Si nous avons des critiques envers la manière dont certains ont agi durant l’escalade des voitures brûlées, alors agissons en accord avec nos idées et montrons de cette façon ce que nous proposons et ce que ça signifie en pratique. Particulièrement si nous souhaitons autre chose de la part des autres rebelles. Une voiture appartenant à un prolétaire a été cramée et ça t’as dérangé ? Qu’est-ce qui te retient d’aller au bureau de SAAB, chez une compagnie de sécurité ou d’assurance ? Si tu penses qu’une voiture de flics était trop peu, veille à ce que davantage partent en fumée. Ce n’est pas par une ténacité passive que nos idées pourront se propager et leurs conséquences se multiplier, mais par l’action et par l’honnêteté cohérente avec nous-mêmes. Si nous voulons réaliser nos idées et nos rêves, alors nous devons les prendre et nous prendre nous-mêmes au sérieux. En interrogeant les traditions de lutte qui ne nous ont pas rapproché de nos rêves, mais plutôt de la société. En cherchant de l’inspiration partout où la révolte s’exprime et pas seulement là où les gens suivent des manuels politiques. Si nous partageons des idées, ça veut dire une hostilité permanente contre cette société. Ça veut dire s’exposer à des situations sociales inconfortables. Ça veut dire des risques. Comme le risque de perdre les privilèges qui te sont accordés par l’ordre que tu affirmes mépriser. Ça veut dire embrasser et être embrassé par l’inconnu et toutes les peurs qui l’accompagnent. Ça veut dire avoir confiance en soi et en ses capacités à rencontrer ce qui nous attend au-delà de la rupture avec la normalité. C’est quoi au juste qui t’a empêché de brûler une voiture ou de dresser des barricades dans les rues et d’attaquer les flics quand ils arrivent ? Peu importe ta réponse, elle n’est pas un obstacle pour trouver ta propre façon d’agir dans ce conflit.

Dans l’Inconnu

Nous voulons la liberté, et de notre point de vue elle est incompatible avec cette société, bon, avec toute société qui prive l’individu de son pouvoir et de son auto-détermination. Ainsi, la destruction de cette société, avec ses mécanismes autoritaires intrinsèques, nous est indispensable pour pouvoir usurper ce que nous voulons. Étant donné que notre point de départ est l’éternel présent – ni acculé dans l’impasse d’un déterminisme marxiste ni consommé par un futur investissement capitaliste de notre énergie et de nos rêves – et que nous voulons vivre l’anarchie maintenant, pas demain ou dans un an, mais maintenant, nos fins sont étroitement entrelacés avec nos actions. En d’autres mots : dans l’anarchie nous ne voulons pas négocier avec des autorités de toutes sortes mais les attaquer et dans le pire des cas nous défendre contre elles. Alors pourquoi négocier avec elles maintenant ? Dans l’anarchie nous ne voulons pas nous organiser en masses et poursuivre les politiques. Alors pourquoi le ferions-nous maintenant ? Particulièrement depuis que l’histoire nous enseigne que ça sert la survie de la société plutôt que les individus en lutte… Nous voulons voir la révolte se propager sans leaders et sans lignes rigides et sclérosantes. Nous voulons propager nos révoltes et les voir devenir une insurrection ensemble avec d’autres individus assoiffés de liberté. Pour, dans la mesure du possible, pouvoir y parvenir, une extension du conflit qui nous attend est clairement nécessaire. Alors, comment une extension consciente de ce conflit peut-elle prendre forme ? Notre but n’est pas de pouvoir compter autant de membres que possible, dans une sorte d’organisation ou de mouvement, ni de mettre en avant quelques demandes en vue d’un changement ou d’être « suffisamment fort » pour pouvoir négocier avec ou pour le pouvoir. Nos objectifs sont, comme il a déjà été dit, aussi faciles qu’ils sont difficiles à réaliser – la liberté par la révolte contre ceux qui nous en privent. Donc ni le succès ni l’extension ne peuvent être mesurés par le nombre de participants à un soulèvement ou si les « gens normaux » sympathisent ou non avec nous, mais par la qualité de nos propres expériences, comment nos vies changent et où elles nous mènent. Si un million de personnes prennent la rue mais ne cherchent en substance qu’un nouveau leadership, un nouveau guide, c’est en tous points une défaite. Mais si au bon moment j’attaque le bon objet, publie le bon texte – où « bon » est un terme relatif, qui peut être soutenu par des analyses claires des situations – ou si je noue de nouvelles relations de camaraderies ou si je rencontre de nouveaux compagnons, de nouveaux complices, et qu’ainsi de nouvelles possibilités s’ouvrent à moi et à d’autres pour prolonger, approfondir, renforcer et élargir l’importance de la révolte individuelle et partagée, alors je peux parler d’une réussite – avec moi-même et mon environnement comme référence. Donc dans ce cas, la manière la plus évidente d’entrer dans le conflit est d’abord et avant tout de prendre la rue nous-mêmes. Car qui sommes-nous pour parler de tout ça, sans avoir nos propres complicités pratiques ? Mais afin d’élargir l’espace pour nous, pour nos idées et révoltes, nous devrions aussi identifier les plus actifs des agents de la contre-insurrection et des profiteurs de cette situation, de même que les transformer en cibles évidentes. Les flics sont déjà évidents dans leur rôle mais pas SAAB qui les fournit en drones et autres équipements, ni les compagnies d’assurances, les compagnies de sécurité et les politiciens qui utilisent la situation pour renforcer leur pouvoir. Selon la zone dans laquelle tu vis, à coup sûr tu as tes structures autoritaires locales à identifier et à combattre, que ce soit un groupe de salafiste, une équipe de racistes fachos, une milice de quartier ou des travailleurs sociaux amoureux de la démocratie. Ça peut valoir la peine de les garder à l’esprit, avant de leur tomber dessus dans le feu de l’action. Toutes les compagnies mentionnées possèdent des bureaux nationaux dans chaqune des plus grandes zones urbaines et elles ont, tout comme les politiciens, « des noms et des adresses ». Les désigner, les attaquer et expliquer avec nos propres mots pourquoi ça arrive c’est aussi rendre visibles les structures de la société et leur rapports avec notre existence de soumission. Ce qui pourrait contribuer à un caractère plus libertaire de la révolte. À peu près chaque ennemi que tu peux imaginer dans cette société dispose d’une voiture. Les nazis, les politiciens, les PDG, les flics, les juges, les matons, etc. La plupart ont une voiture et comme nous l’avons déjà dit : si le choix de quelqu’un pour une voiture à brûler t’as dérangé, il n’est pas difficile de reproduire cet acte de révolte avec un résultat qui enrichit ta vie. 

Ceci n’est que rester à la surface des choses, une esquisse des possibilités qui ont à l’évidence été négligées par des compagnons. Néanmoins, c’est ici que nous voyons la possibilité, pour nous-mêmes et pour ceux avec qui on envisage de partager nos idées, d’agir et d’étendre ce conflit. Nous avons écrit ce texte pour appeler à ce que la révolte et sa propre capacité à agir soient prisent sérieusement. L’insurrection et le paysage social sont remplis de contradictions et il n’y a pas de simple recette pour mener avec succès une lutte contre le monde autoritaire ; nous devons simplement essayer. Mais le premier pas doit être de réaliser qu’il y a déjà des rebelles qui ont embrasé la torche de la révolte, qui ont créé une tension sociale où nous pouvons trouver des milliers de manières d’agir si nous le voulons. Non pas en tant que leaders qui doivent montrer la voie de la véritable insurrection anarchiste, mais en tant que complices dans la destruction de l’existant, avec nos propres idées, objectifs et actions. Dans ce saut dans l’inconnu nous n’avons aucune garantie de défaite ni de réussite, mais nous avons au moins cette possibilité, qui aujourd’hui est impossible : un monde sans autorités ni dirigeants. …alors que le feu se propage !

« Nous détruirons en riant, nous mettrons le feu en riant… »

Quelques insurrectionnalistes

Notes :
[1] Le texte A few notes on media and repression publié sur solidariteit.noblogs.org le 23 août 2016.
[2] https://sverigesradio.se/sida/avsnitt/786141?programid=2795 (Dans cette émission de radio spécifique, les médias ont été critiqués pour avoir donné une fausse image, et que l’expansion urbaine des incendies de voitures avait été exagérée voire alimentée par les reportages médiatiques. Cette critique est à l’égale des véritables reportages basés sur des statistiques et remplie de contradictions.)
[3] Afin de ne pas perdre l’attention, nous remettons une analyse plus approfondie à un autre moment, mais il y a bien assez d’informations notamment sur contrainfo.espiv.net pour quiconque veut creuser la question

Rattachements : un texte ennemi

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Fév 212021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Au début de l’année 2020 sortait au Québec un bien mauvais texte intitulé Rattachements. Pour une écologie de la présence et signé par le collectif Dispositions. Ancré dans l’appelisme, celui-ci mélange non seulement un mysticisme langagier hors de propos à certaines idées conservatrices à peine déguisées, mais n’hésite pas, en plus, à défendre des positions tendancieusement néocoloniales et capitalistes, le tout baigné dans un étonnant narcissisme. Nous avions jusqu’ici gardé pour la sphère privée nos critiques de ce texte qui ne nous semblait pas mériter d’efforts critiques de notre part. Malheureusement, le fait que les auteur.e.s du texte s’efforcent de le faire circuler encore un an après sa publication et qu’il.le.s l’aient maintenant traduit en anglais nous place dans l’obligation de réagir. Si notre critique porte uniquement sur le texte Rattachementsi, elle peut aisément s’appliquer aussi au texte américain qui a inspiré celui-ci, à savoir Inhabitii (maintenant traduit en français et diffusé au Québec). Les citations suivent l’ordre du texte, mais ne sont pas référées, car la version imprimée du texte n’est pas paginée.

* * *

Après avoir rapidement présenté la crise actuelle, écologique et humaine, Rattachements se propose de dépasser la binarité paralysante qui traverse le mouvement écologiste, composée de « l’environnementalisme activiste » et de « l’environnementalisme individuel ». Il ne faut pas croire par contre qu’une proposition stratégique viendra remplacer cette binarité : au contraire, les auteur.e.s affirment que proposer une « orientation de l’action » relève de « l’activisme » et que cela est sans intérêt. D’entrée de jeu, il semble qu’un immanentisme ésotérique saupoudré de conviction en l’avenir (espoir qui sera contrebalancé plus tard) se substitue à la stratégie politique : il serait suffisant, selon les auteur.e.s, « de savoir que les éléments qui composent la vie magique sont déjà-là à nous attendre, de savoir que l’on agit sur le temps long ». Quant à savoir à qui exactement s’adresse le texte, cela n’est pas dit, quoique nous ayons un indice par la négative au début de la section II. Une assertion – qui sent la condescendance de classe – y pose la question de savoir comment l’on peut « parler de la nature à des sujets métropolitains ». Le ton semble connoter un regret quant à cette dépossession des pauvres des villes, mais rien n’est dit sur la manière dont il faudrait y pallier ou dont ces déshérité.e.s pourraient reconnecter avec la nature, sauf à s’acheter une terre en campagne. Nous verrons qu’en effet, les auteur.e.s insistent sur une reconnexion à la nature qui n’est, dans les faits, que le privilège des nanti.e.s. Alors pauvres déshérité.e.s : c’est triste, mais il n’y aura pas de « rédemption par la présence » pour vous dans le texte Rattachements.

Si les auteur.e.s jugent un peu plus loin dans leur texte, avec raison, que l’État cherche à capter l’ensemble des luttes écologistes et à faire passer n’importe quelle politique verte pour un progrès du bien commun, il.le.s se gardent pourtant de parler des très nombreux groupes et collectifs écologistes radicaux, anticapitalistes et décoloniaux qui luttent contre l’État et qui ne sont pas captés par lui. Afin de souligner leur soi-disant exceptionnalisme de conscience et la magnificence de leurs pratiques, les auteur.e.s du texte invisibilisent l’ensemble des mouvements radicaux existants. Allant jusqu’à exprimer le regret de cette soi-disant absence, les auteur.e.s masquent par ce geste les pratiques de millions de personnes en lutte partout à travers le monde. Comme le mouvement radical réel est ignoré par les auteur.e.s, il.le.s nous proposent ceci afin que les choses changent : « Il s’agit de défendre les formes d’existence contre ce qui en nie les possibilités. Il s’agit de lutter et de vaincre de l’ennemi (qui prend plusieurs formes, en nous comme hors de nous). » Nous ne saurons pas quelles formes d’existence il faut sauver ni quel ennemi il faut combattre. L’ellipse suffit selon les auteur.e.s. Le capitalisme ? Le colonialisme ? Des termes qui sont quasi absents du texte. Une assertion sur le colonialisme de peuplement (quelques pages avant le milieu) est certes pertinente, qui affirme que celui-ci poursuit la politique d’élimination des communautés autochtones au Québec et au Canada, quoique le ton autoritaire employé pour exprimer cette (rare) idée intéressante tranche bizarrement avec le subjectivisme du reste du texte.

Alors que Rattachements se disait d’entrée de jeu en rupture avec la politique classique (un refus exprimé par le mépris de « l’environnementalisme activiste » et de la stratégie), une nouvelle perspective, en contradiction directe avec la politique présentiste du texte, est amenée vers le milieu de celui-ci. En effet, après avoir prôné une espèce de retour à soi mystique, encouragé à chercher « les éléments qui composent la vie magique », après avoir ignoré les problèmes sociaux et collectifs, les auteur.e.s se contredisent en soulignant maintenant que la politique est l’art du conflit, et qu’agir (politiquement) contre « l’Économie » (pourquoi pas le capitalisme ?) implique « une réelle territorialité, une présence, un rattachement »… et donc « une possibilité de conflictualité concrète ». Soyons généreux et assumons « qu’il faut être » pour « être en guerre ». Mais au-delà de ça, il n’est aucunement explicité comment la présence mystique au monde devient, sauf par la force des mots, une réelle présence conflictuelle. En effet, peut-on penser le conflit politique sans organisation collective (au sens social et de classe), sans stratégie, sans nommer l’ennemi (capitaliste), etc. ? La présence qui est préconisée ici est tout individuelle et sans contenu politique. Renotons que seul le signifiant « présence » (à soi, à la nature) sert de contenu politique entre le début du texte et l’endroit où nous nous trouvons. Il est ainsi malheureux de voir que les auteur.e.s, essayant d’intégrer du mauvais Carl Schmitt prémâché par les appelistes français, n’arrivent même pas à poser une réelle contradiction politique.

Bien sûr, par-delà la présence mystique à soi-même, toute la notion de rattachement ignore la question du colonialisme de peuplement qui fonde les Amériques. Il semble qu’avoir parlé une fois du colonialisme de peuplement dédouane les auteur.e.s de toute réflexion sérieuse à ce sujet, et surtout d’en tirer les conséquences politiques. En effet, dans la seconde partie du texte, les auteur.e.s n’ont de cesse de parler de l’habiter, des territoires à habiter, des lieux à (re)prendre, etc. : des thèmes qui ne sont que de nouveaux déploiements de colonialité qui ne s’avouent pas. Disons-le : si les territoires sont des « choses qui leur sont dues » pour les auteur.e.s du texte, c’est parce qu’il.le.s ont totalement intériorisé les valeurs de la bourgeoisie coloniale blanche, seule classe sociale qui discoure sur son droit aux grands espaces et aux divers territoires et dont la simple affirmation d’exister fait office de politique.

Les auteur.e.s en profitent, dans leur insolence, pour rejeter la responsabilité collective que les descendant.e.s de colons portent. Qu’une telle reconnaissance de la responsabilité collective soit nécessaire si nous voulons penser une réelle politique décoloniale n’importe pas aux auteur.e.s : ceux et celles-ci craignent plutôt qu’un tel aveu nous mène à « une politique sacrificielle ». Le lien de cause à effet n’est pas explicité entre l’acceptation de notre responsabilité collective dans le processus colonial génocidaire et la question sacrificielle. Il semble plutôt que le refus de porter la responsabilité commune serve à rendre acceptables leurs envies en territoires non cédés : se réapproprier des territoires, s’y construire des maisons, y cultiver la terre, pouvoir être propriétaires, pouvoir faire librement la fête avec ses ami.e.s, être « présent.e.s » en somme sans que nul ne puisse leur faire des reproches. Et pour éviter que quelqu’un.e ne dévoile le pot aux roses : que de telles pratiques ne sont rien d’autre qu’une nouvelle colonialité et un vague hédonisme. Cette mentalité néocoloniale à l’œuvre vient d’être longuement mise en valeur dans le très bon texte Another Word for Settle : A Response to Rattachements and Inhabitiii. Ce texte montre bien le vice profond de ces deux textes appelistes.

Ne pas vouloir parler des crimes collectifs dont les sociétés et les individus occidentaux se sont rendus coupables jusqu’à ce jour n’est qu’une énième façon de se dédouaner de leurs responsabilités politiques pour le collectif Dispositions. Car après avoir (si mal) parlé du conflit politique en milieu de texte, les auteur.e.s en reviennent vite à leur leitmotiv personnaliste. Sous prétexte de ne pas vouloir culpabiliser les individus (une culpabilisation qui paralyserait l’action politique), il.le.s refusent de nommer les problèmes systémiques. La solution simple aurait été de mettre en accusation le capitalisme, l’État et ses structures – cela aurait aussi désigné un ennemi clair et créé du conflit politique –, mais en refusant de le faire, les auteur.e.s parient unilatéralement sur un dédouanement (d’elles et eux-mêmes) menant à l’inaction, voire à un devoir d’inaction sociale. Conséquence : les auteur.e.s tombent dans un relativisme volontairement niais quant aux responsabilités, selon lequel il n’y a « ni coupables, ni victimes ». Partant de l’immanentisme et du personnalisme comme politique, le texte s’est débattu avec la question politique, avant d’en arriver à une conclusion libérale, apolitique, individualiste et contraire à tout esprit révolutionnaire social.

Le pessimisme serait l’affect fondamental de l’époque ? Pour les auteur.e.s qui l’affirment, peut-être. Quoiqu’on se demande si cette affirmation ne sert pas simplement à justifier, à nouveau, le devoir d’inaction, le droit de ne pas militer, le refus d’une stratégie. Une autre manière de justifier que par ces temps difficiles, il vaut mieux être amoureux.euse de soi-même et que c’est déjà bien dans « l’époque ». Mais revirement de situation : jamais à court de contradictions, les auteur.e.s affirment maintenant qu’il faut « devenir responsables ». Belle parole de celles et ceux qui ne sont pas « coupables » mais « pessimistes ». Contradiction, vraiment ? Pas totalement, puisque la responsabilité qui est posée par les auteur.e.s est individuelle (envers soi et ses ami.e.s) et concerne les rapports que l’individu entretient envers autrui et la nature. Aux oubliettes la responsabilité historique, politique et économique. Ce qu’il faut, c’est être responsable envers soi et le voisin. Si ça ne rappelle pas « l’environnementalisme individuel » décrié en début de texte ça ! Ou simplement l’individualisme libéral. Bien sûr, quand les structures sociales et économiques ne nous écrasent pas, il est facile de se responsabiliser « envers » soi-même, en odeur de sainteté stoïcienne. Il en va autrement pour les peuples et les personnes qui s’organisent et luttent contre le colonialisme, l’impérialisme et le capitalisme ; mais il y longtemps que nous avons compris que le texte Rattachements n’allait pas parler des damné.e.s de la terre, tout obsédé qu’il est par la reconnexion spirituelle de la petite-bourgeoisie blanche et coloniale au monde qui l’entoure.

Comment les auteur.e.s proposent-il.le.s de dépasser la dichotomie du début ? Comment penser le conflit politique ? « Rendre l’écologie vraiment politique nécessite de poser la question suivante : qu’est-ce qui permet à tel ou tel milieu de vivre une vie bonne, d’accroître son bonheur ? » Assez faible comme grand jugement politique à la hauteur de l’époque. Combattre le capitalisme ? Organiser un monde nouveau, autogestionnaire ? Absolument pas : il semble que développer le bonheur et le bien-être dans son petit coin de pays suffise à changer le monde et à produire la révolution. Cette promesse du bonheur « dans son milieu de vie » est pourtant la même que celle du libéralisme et du capitalisme, et ne contredit aucunement les structures sociales. La plupart des membres de la classe moyenne et supérieure peuvent aspirer à un tel bonheur, sans d’ailleurs jamais remettre en cause le système de production et de consommation qui lui, détruit des millions de vies.

Ce qui est vraiment à l’œuvre ici, c’est la volonté de s’occuper de son jardin et de se faire croire qu’il y aurait quelque chose d’intrinsèquement révolutionnaire là-dedans. Preuve que la soi-disant politique appelée des vœux des auteur.e.s n’est rien d’autre qu’un entre-soi tout ce qu’il y a de plus commun dans l’époque : ce dont il faudrait prendre soin, ce sont « nos relations, nos appartements collectifs, nos maisons mises en commun et nos réunions politiques ». Outre la savoureuse touche « du propriétaire », il n’y a là qu’une volonté que ça marche bien avec ses ami.e.s. Aucune politique. Juste : « je veux que ça roule dans mon appartement et avec ma gang ». À l’instar de l’ensemble du texte, aucun problème politique, social ou collectif n’est soulevé. Les auteur.e.s avouent que c’est parce qu’il.le.s se sentent « épouvantablement inertes » qu’il.le.s veulent renouer avec la présence. Leur état semble relever d’une simple dépression, pas d’un appel du politique.

Quelques références douteuses sont amenées au début de la partie III : on fait appel à la vie mythifiée des paysan.ne.s dans un geste à la fois passéiste et confus, on fait appel à l’expérience zapatiste (alors même que la réoccupation des territoires par les descendant.e.s de colons, au cœur du projet des auteur.e.s, contredit celle-ci) et on souligne enfin l’autonomie des Kanienʼkehá꞉ka, comme si les peuples autochtones n’étaient pas spécifiquement soumis à un régime colonial de non-autonomie au soi-disant Canada. Il est clair que ces figures ne servent qu’à donner un vernis décolonial au texte, quoique le vernis craque en raison du côté « retour à la terre et bon paysan », une approche tout bonnement conservatrice et coloniale. Les auteur.e.s se permettent encore une insulte envers celles et ceux qui militent : il.le.s feraient « un lâche don de soi ». Pourquoi ? Parce qu’il.le.s n’adhèrent pas au présentisme bourgeois et individualiste des auteur.es ? Il semble que de la part de celles et ceux (les auteur.e.s) qui préfèrent déserter sur des territoires volés pour passer du bon temps en gang, l’insulte soit bien basse.

Les auteur.e.s, en critiquant les stratégies et les tactiques pacifistes employées par certains groupes écologistes, n’hésitent pas à mettre ensuite dans le même panier l’ensemble des militant.e.s. Il.le.s opposent au militantisme « l’exigence de formes de vies extatiques », seule forme « d’organisation réelle » selon les auteur.e.s. C’est aberrant de bêtise : le texte demande au lectorat non seulement de cracher sur les militant.e.s, mais en plus de préférer aux combats collectifs, à l’organisation et, oui, parfois au sacrifice, l’idée vaseuse (et encore une fois mystique) d’extase. D’une part, notons que les auteur.e.s entretiennent tout au long du texte la confusion entre militantisme, réformisme, sacrifice et « absence au monde », invisibilisant les diverses pratiques sociales et radicales de lutte et ne proposant comme solution que leur présentisme et le retranchement dans la « commune » (terme qui n’a pas sa place dans ce texte). D’autre part, l’esprit des auteur.e.s ne semble pas même effleuré par l’idée que « l’extase » puisse être réservée à celles et ceux dont les conditions de classe – notamment économiques – leur permettent de s’offrir un tel bon temps « extatique ». Les auteur.e.s oseraient-il.le.s exiger des travailleur.euse.s nocturnes d’entrepôt dans le parc industriel à Saint-Laurent qu’il.le.s ne luttent pas contre leur employeur, mais qu’il.le.s « choisissent » la vie extatique ? Oseraient-il.le.s soumettre leurs « idées sur l’extase » aux détenues de Leclerc ? Le narcissisme et le classisme du texte atteignent ici un sommet. Comment penser une seconde que pour les personnes réellement opprimées, le choix existerait entre lutter (un mauvais choix sacrificiel selon Dispositions) et la vie extatique (qu’on peut choisir délibérément si on en a envie). Voilà comment 200 ans de réflexions et de pratiques matérialistes révolutionnaires partent en fumée.

Et cette vie extatique, de quoi a-t-elle l’air ? Il faut combattre, voler, voyager. Et surtout, « trouver de l’argent, se doter de bâtiments et de terres pour les rendre à l’usage commun et voir la vie fleurir ». En somme, des activités ludiques pour prendre du bon temps et des activités capitalistes pour la vraie vie, pour l’avenir. Nous ne pouvons que constater que ce paragraphe « stratégique » du texte (les auteur.e.s ignorent le sens de ce mot, clairement) ne s’articule qu’autour d’activités individuelles et festives, ainsi que d’investissements et d’activités économiques classiques (libérales et capitalistes). Si acheter une terre et y faire une coopérative est censé être révolutionnaire (ou être une stratégie !), les auteur.e.s devront apprendre que non : acheter une terre et y faire une coopérative est une action économique propre au régime capitaliste et encadrée par lui, accessible aux classes moyennes et élevées du monde en raison des coûts d’investissement. C’est aussi, dans le cadre du colonialisme de peuplement au fondement de l’Amérique, généralement un geste de perpétuation du colonialisme. Évidemment, il peut être utile pour les mouvements révolutionnaires de posséder des infrastructures, des lieux, etc. Mais cette possession, légale et capitalisée, n’est jamais révolutionnaire en elle-même, et encore moins lorsqu’on en fait un usage personnel ou pour son petit groupe.

La seule proposition concrète du texte est donc d’abandonner les luttes politiques au profit de l’entre-soi (famille ou noyau d’ami.es), puis d’adhérer à des pratiques de vie capitalisées permettant la jouissance individuelle pour celles et ceux qui en ont les moyens. On retrouve ici le melting-pot que nous nommions en début de texte : conservatisme des valeurs bourgeoises, néocolonialisme, capitalisme, individualisme et hédonisme ; nous sommes en droit de supposer que c’est ça, retrouver « les éléments qui composent la vie magique ».

Le néocolonialisme et le conservatisme sont poussés encore un peu plus loin, dans la veine très à la mode du « retour à la terre ». Il devient ainsi important de colliger « ce que notre tante nous a appris sur les pruniers » et « comment aiguiser nos couteaux à bois, comment canner dix mannes de tomates ». Il faut se retrouver dans « la commune » (terme qui n’a pas sa place dans ce texte), c’est-à-dire la maison de campagne achetée avec nos ami.e.s, pour y faire ses actions hautement symboliques. Les auteur.e.s nous apprennent que cela est à même « de suspendre définitivement la progression de la catastrophe ». C’est lourd de valeurs passéistes ainsi que d’actions totalement apolitiques qui relèvent simplement de la vie quotidienne, en somme de rien de très extatique. Enfin, nous n’avons pas à juger de l’extase d’autrui : nous pouvons par contre juger que vivre à quelques un.e.s à la campagne, en se délestant de nos responsabilités politiques, n’augure en rien une organisation révolutionnaire ou un triomphe politique. Il est d’ailleurs difficile de voir en quoi un tel projet se distingue de la myriade d’initiatives individuelles et apolitiques d’établissement à la campagne (de plus en plus populaires en raison de l’anxiété provoquée par la crise écologique) ou pire, de l’entrepreneuriat vert (la fameuse ferme biologique en permaculture). Si ces initiatives « autonomes » étaient réellement à même de provoquer le renversement des structures capitalistes et coloniales actuelles, cela ferait longtemps que Val-David serait une commune libérée du marché et de toute oppression.

Les deux dernières pages condensent les diverses caractéristiques de Rattachements : aucune analyse structurelle, aucune analyse matérielle, la domination de notre époque considérée comme d’abord subjective, un appel au présentisme mystique (retour à soi, à la vraie vie, au monde), une soi-disant politique qui ignore tout des conditions de vie réelles, etc. Le point d’orgue de ce texte colonial, capitaliste, narcissique et mystique : « Se rendre à la fois perceptibles et disposé-es à la perception. Affect et puissance, orientation et grandeur. Il ne s’agit pas de deux fronts à mener, mais de l’explicitation pratique du double sens des mots présence, sensible. » Le texte clôt donc sa longue litanie de contradictions par une phrase qui ne veut strictement rien dire.

* * *

Cette longue critique a pu sembler répétitive et parfois confuse. Elle a pourtant simplement suivi le fil d’un texte long, lui-même confus, rempli de ses contradictions, ne remplissant pas ses promesses, appelé Rattachements. Ce texte se veut une réflexion sur le temps présent et une proposition d’action révolutionnaire, mais il n’est selon nous rien d’autre qu’un long déploiement de valeurs néocoloniales, bourgeoises, capitalistes et narcissiques. On y trouve beaucoup d’aberrations, beaucoup de contradictions, un personnalisme crade et rien d’utile pour les révolutionnaires actuel.le.s. Que celles et ceux qui ne pensent pas que ce texte soit si terrible se donnent la peine de le (re)lire avec attention : il est terrible, il est ennemi. Nous savons que les gens derrière ce texte ne sont pas des adversaires, mais nous ne pouvons pas nous complaire face à ce qu’il.le.s ont écrit et diffusé.

Leur texte propose au final une énième « alternative » capitalisto-verte et individualiste : le type même de pratique qui détourne les forces vives de l’action politique et qui entretient la catastrophe sous prétexte « d’action personnelle ». Les lignes d’analyse de Rattachements sont contraires à la compréhension sociale et politique dont nous avons besoin, contraires à l’organisation collective nécessaire pour lutter contre le système capitaliste. Nous pensons qu’une analyse et une politique différentes de celles proposées par les auteur.e.s s’imposent : une politique faite par et pour les opprimé.e.s et les militant.e.s, qui doit nous mener vers un monde autogestionnaire ; pas une politique de petit.e.s narcisses vivant leur « trip » en campagne. La désertion individualiste ne nous sauvera pas et ne peut pas guider nos actions dans les temps à venir. Tant que Rattachements circule, il est de notre devoir de le critiquer durement.

i Voir en ligne (version originale française) : https://contrepoints.media/fr/posts/rattachements-pour-une-ecologie-de-la-presence

ii Voir en ligne (version originale anglaise) : https://inhabit.global/

iii Voir en ligne (version originale anglaise) : https://mtlcounterinfo.org/another-word-for-settle-a-response-to-rattachements-and-inhabit/

Berlin: Rigaer94 appelle à la solidarité internationale – la destruction de notre espace est attendue

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Fév 182021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Après l’expulsion du house project anarcha-queer-féministe Liebig34 le 9 octobre 2020, l’offensive de l’État et du capital contre les structures autogérées dans le nord de Friedrichshain et dans d’autres quartiers de la ville n’a pas cessé. La Liebig34 est depuis lors sous le contrôle du propriétaire et la présence de son gang a également eu un effet sur la vie locale. La Dorfplatz (« place du village ») située juste en face de la maison a été, ces derniers mois, moins utilisée par les résidentes et les visiteureuses comme espace commun et a connu quelques affrontements mineurs avec les envahisseurs. En prenant l’un des points stratégiques du quartier et en éliminant en même temps un adversaire politique, l’État et la capitale ont pu se concentrer sur la Rigaer94, qui se trouve à quelques mètres de la Dorfplatz et qui a été un sujet récurrent dans les médias au cours de l’année dernière.

Il y a quelques jours, des flics et des pelleteuses ont détruit un campement de sans-abri à Rummels Bay, à quelques kilomètres de chez nous. Le prétexte était le gel extrême, en réalité il est aussi là pour servir le profit des investisseurs. L’expulsion du Potse est également prévue dans les prochaines semaines – la ville est en train de supprimer tout site rebelle.

Ce qui a commencé par des plaintes ridicules de l’opposition parlementaire sur les risques d’incendie de la maison est devenu l’un des problèmes centraux des forces de l’ordre. Tous ceux qui ont dépensé leur énergie pendant des années pour créer une image dépolitisée de Rigaer94 comme une maison pleine de gangsters brutaux ont commencé à parler de leur inquiétude que les habitant-es puissent mourir tragiquement dans un incendie. Leur rhétorique est très transparente car elle était principalement basée sur le fait que la maison dispose de plusieurs mécanismes pour barricader rapidement les entrées principales. Ces barricades sont en fait une pièce centrale de la sécurité des habitantes. Non seulement les réseaux «sociaux» regorgent de menaces fascistes visant la maison, mais les flics ont également prouvé ces dernières années qu’ils étaient non seulement capables de lancer des actions très violentes soutenues par la loi, mais aussi de coordonner ouvertement leurs actions avec les forces para-étatiques, à savoir les fascistes organisés et la structure mafieuse de l’industrie immobilière. Par exemple, le propriétaire de Liebig34, mais aussi d’autres sociétés, sont bien connus à Berlin pour avoir expulsé des maisons en les incendiant. Le message derrière cette fausse discussion sur notre sécurité n’était rien d’autre qu’une menace directe et un appel aux forces para-étatiques pour qu’elles mettent le feu à notre bâtiment. En même temps, il visait à créer une opinion publique et une base juridique pour détruire la structure de la maison sans avoir à obtenir un titre d’expulsion.

L’obstacle juridique sur la voie d’un titre d’expulsion est apparu en 2016, lorsque la Rigaer94 a repoussé une action policière majeure de trois semaines. Sous la pression de l’opinion publique, un tribunal avait déclaré l’invasion de la maison illégale et n’avait pas reconnu les avocats du propriétaire qui est, soit dit en passant, une société de boîtes aux lettres au Royaume-Uni. Des événements récents ont fait repartir cette situation à zéro. Début février, un tribunal a décidé que la police devait soutenir cette société de boîtes aux lettres pour garantir la soi-disant sécurité incendie à la Rigaer94. Par cette décision, le propriétaire est officiellement reconnu et va bientôt essayer d’entrer dans la maison en compagnie d’un expert national en matière de sécurité incendie et, bien sûr, d’énormes forces de police. Lors de raids similaires contre Rigaer94, les forces de police spéciales et les ouvriers du bâtiment ont causé de lourds dommages au bâtiment. Leur objectif a toujours été de rendre la maison inhabitable avant qu’elle ne puisse être expulsée et qu’elle ne soit rénovée.

Nous pensons que le prétexte de la sécurité incendie sera utilisé non seulement pour enlever nos barricades, mais aussi pour faire une descente légale dans tout le bâtiment et pour expulser les appartements afin de créer des bases permanentes pour la bande de propriétaires qui commencera à détruire la maison de l’intérieur. Comme prévu, la sécurité incendie est maintenant utilisée comme un outil pour terroriser les structures rebelles qui se sont emparées de la maison il y a plus de 30 ans et qui ont été impliquées dans de nombreuses luttes sociales différentes ainsi que dans la défense de la région contre l’État et le capital. En général, nous pensons que l’importance d’une communauté combative en combinaison avec un territoire occupé ne peut pas être sous-estimée. La Rigaer94 , avec ses jeunes autonomes et l’espace non commercial autogéré Kadterschmiede, est un lieu de convergence pour l’organisation politique et de quartier, qui abrite non seulement des personnes en lutte mais aussi l’héritage de l’ancien mouvement de squat et du mouvement en cours contre l’embourgeoisement et toute forme d’idées anarchistes. De nombreuses manifestations, événements politiques et cultuels ont eu lieu à partir de la maison et, pour ne pas l’oublier, de nombreux affrontements avec les forces de l’État dans le quartier ont été soutenus par l’existence de ce haut lieu. C’est pour cette idendité politique que la Rigaer94 et les structures et réseaux rebelles qui l’entourent traumatisent des générations de flics et d’hommes politiques et sont ainsi devenus un point central de leur agression contre celleux qui résistent. Au moment même où les derniers lieux non commerciaux et autogérés de Berlin sont expulsés, où la pandémie est utilisée pour répandre le virus du contrôle, de l’exploitation et de l’oppression, nous devons prendre au sérieux la menace d’une tentative très possible de nous expulser dans les jours ou les semaines à venir et, par conséquent, nous choisissons de continuer à nous organiser avec des démarches collectives pour défendre nos idéologies et nos espaces politiques. Cependant, il est politiquement important de continuer à lutter pour toutes nos luttes sociales du mouvement révolutionnaire, même en dehors de cette maison, et de ne pas laisser ceux qui sont au pouvoir intervenir dans nos agendas politiques et notre résistance.

Ils pourraient expulser notre maison, mais ils n’expulseront pas nos idées. Pour maintenir ces idées en vie et les alimenter, nous invitons tout le monde à venir à Berlin pour plonger la ville des riches dans le chaos. Nous appelons à tout type de soutien qui pourrait nous aider à empêcher la destruction de la Rigaer94. Mais si nous perdons cet endroit au profit des ennemis, nous sommes prêts à créer un scénario sans vainqueur.

Rigaer94
Rigaerstrasse 94, Berlin, Allemagne
https://squ.at/r/49pd
https://squ.at/r/5fm
https://rigaer94.squat.net/

Vengeance Patriote | Léopoldine Maréchal : une française d’extrême-droite à l’Université Laval

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Fév 162021
 

De Montréal Antifasciste

Un topo de Québec Antifasciste.

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En octobre 2020 le magazine français StreetPress publiait un dossier qui mettait à jour les activités d’un groupe d’extrême-droite jusque-là peu connu : Vengeance Patriote.

Vengeance Patriote est une organisation des plus discrètes. À l’exception de Libération qui mentionne brièvement son existence au détour d’un article sur les velléités sécessionnistes de l’extrême droite, l’organisation n’a jamais été mentionnée dans la presse. Ses membres, environ 400 et répartis en une trentaine de sections sur tout le territoire, ne cherchent pas la lumière. Mais dans l’ombre, ils se structurent. Sur Internet d’abord où grâce à plusieurs forums Discord, pour certains privés, ils recrutent et discutent. Sur le terrain, ensuite, où des petites cellules locales se réunissent chaque semaine et s’entraînent à la baston. StreetPress a retracé son histoire depuis sa création (sous un autre nom) en 2018, interrogé ses militants et infiltré ses forums secrets. Enquête sur un groupuscule violent persuadé de l’effondrement prochain de la République.

Des antifascistes français ont communiqué avec nous pour nous signaler l’existence d’une maigre section québécoise, qui faisait sa promotion via le comte twitter « Québec Rattachiste VP » (rattaché à quoi? à la France?) et Instagram @vengeance_patriote_quebec.

Le logo de Vengeance Patriote Québec

Le compte Twitter de Vengeance Patriote Québec

Le groupuscule composé d’une demi-douzaine de membres, composé d’étudiants français et de jeunes québécois publie des photos de rencontre et de randonnée, et semble recruter depuis moins d’un an dans le milieu traditionaliste et celui du scoutisme.

Petite randonnée entre jeunes réactionnaires

Rencontre entre membres

Rencontre entre membres

Nous sommes en mesure de démontrer que l’animatrice du groupe québécois se nomme Léopoldine Maréchal et qu’elle est une étudiante française inscrite à l’ULaval (Québec) au baccalauréat en études littéraires. Nous pouvons également affirmer que Léopoldine occupe un poste important dans l’organisation de Vengeance Patriote.

Léopoldine Maréchal à l’ULaval, surprise en train d’arracher des affiches antiracistes. Notez sa tenue pour la suite.

« I’m pro-life, change my mind »

Portrait de Léopoldine Maréchal et présentation de la preuve :

  • Léopoldine à moins de 20 ans et elle originaire de la région parisienne.

Léopoldine Maréchal obtient son diplôme français du baccalauréat en 2018. Elle a donc 20 ans ou moins. Elle est originaire de la région parisienne.

  • Elle est actuellement inscrite en études littéraire à l’ULaval.

Sur le registre de l’université Laval, elle est encore inscrite au baccalauréat en études littéraires.

  • Elle utilise les pseudos Fleur d’Aure Duroy (Twitter) (10), fleurdorduroy (Instagram)

Un compte Twitter de Léopoldine. Lien avec le milieu scout.

  • BlueLily/Lys Bleue (Discord) et Léop Marsh (Facebook).

Notez la photo de fleur.

« Léop Marsh », faculté des lettres de l’Université Laval. Une recherche au registre nous a donné son nom complet : Léopoldine Maréchal.

  • Elle administrait jusqu’à tout récemment le salon Discord de Vengeance Patriote, dédié à l’accueil et au recrutement (14-19)

Même photo de fleur. Lys Bleue / BlueLyly est « commandant » du Discord de Vengeance Patriote (fermé fin janvier 2021).

« Je gère ce salon en permanence » sur le Discord d’accueil de Vengeance Patriote.

« Je suis française j’étudie au Québec ». (Discord)

« Fais ta présentation » + recrutement d’un jeune de 15 ans. (Discord).

Recrutement d’un autre jeune de 15 ans (Discord).

« C’est marqué dans mon nom » « Fleur ? » « Yes ». Il s’agit bien d’une seule et même personne.

Recrutement d’un autre jeune de 16 ans (Discord).

  • En plus de la page «Québec Rattachiste VP» elle gère aussi les comptes Twitter et Instagram de la division féminine de Vengeance Patriote sur laquelle elle se montre assez active, toujours avec la même tenue cringe. (20-25).

Notez la tenue cheap de squelette-ninja qui revient sur toutes les photos.

Léopoldine semble faire des allers-retours entre France et Québec.

On peut donc dire qu’un membre importante de Vengeance Patriote, une organisation d’extrême-droite radicale et violente, étudie (ou étudiait jusqu’à tout récemment) à l’ULaval.

 

 

Le label La Barricade et Misanthropic Division Vinland : un véhicule pour le mouvement néonazi international au Québec

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Fév 162021
 

De Montréal Antifasciste

Le Réseau canadien Anti-haine a fait paraître le 2 février dernier un article détaillant les liens entre Steve Labrecque, alias « Steve Rebel », alias « Chtev », dont nous avons déjà parlé ici, et le label NSBM (black métal nazi) local La Barricade, qui sévit depuis plusieurs années dans les bas-fonds sordides de la contre-culture musicale québécoise.

Il va sans dire que nous nous intéressons à ce petit milieu néonazi/NSBM depuis longtemps[i], ne serait-ce que pour sa proximité avec la scène RAC (rock « anticommuniste »), le groupe Légitime Violence et le gang de boneheads Québec Stompers, dont est issu le groupuscule néofasciste Atalante. Les articles que nous avons déjà consacrés à Atalante et à ses sympathisant-e-s ont déjà bien établi l’ancrage de ses principaux militant-e-s et de leur entourage dans la sous-culture « white power » et néonazie de la région de Québec, malgré les pitoyables démentis des principaux intéressés, qui préfèrent se présenter comme des « nationalistes révolutionnaires » ou des fascistes rechromés « à l’italienne » d’un genre prétendument plus présentable.

Si l’article du Réseau Anti-haine a le mérite de mettre en lumière le rôle central de Steve Labrecque dans ce petit milieu, il laisse cependant des zones d’ombre sur d’autres personnages clés responsables de la distribution de vêtements et d’accessoires nazis dans les cercles sous-culturels d’extrême droite au Québec depuis plusieurs années. Il passe aussi un peu rapidement sur l’importance du réseau « Misanthropic Division », dont la section « Vinland[ii] » est étroitement liée au parcours du label La Barricade et sert de trait d’union entre cette petite bande de nazis locaux et le régiment Azov d’Ukraine, lequel est largement reconnu comme un berceau de l’avant-garde militante/militaire du mouvement néonazi international.

Le présent article, qui était déjà en chantier avant que le Réseau Anti-haine publie le sien, fait en quelque sorte « du pouce » sur celui-ci, que nous vous invitons bien sûr à lire.

Attention : cet article reproduit des éléments tirés de comptes de médias sociaux explicitement racistes, antisémites et homophobes, et qui célèbrent Adolf Hitler, le régime nazi et l’Holocauste.

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Comme l’indique l’article d’Anti-haine, Steve Labrecque (alias « Chtev », membre ou ex-membre des formations de black métal Hollentur, Neurasthène et Holocauste) semble être le nouveau membre en règle du groupe Légitime Violence, où il vient rejoindre son ami et collègue Félix Latraverse (alias « Fix », Neurasthène et Hollentur) aux côtés de Raphaël Lévesque et Benjamin Bastien (Québec Stompers, Atalante), et du nouveau batteur de la formation, William Tanguay-Leblanc (auquel les camarades de Québec Antifasciste ont consacré un petit topo en novembre 2019).

Légitime Violence, circa 2020 : (de gauche à droite) William Tanguay-Leblanc, Steve Labrecque, Rapahël Lévesque, Félex Latraverse, Benjamin Bastien.

Légitime Violence, 2020 : (de gauche à droite) William Tanguay-Leblanc, Steve Labrecque, Raphaël Lévesque, Félix Latraverse et Benjamin Bastien.

Le lien étroit entre La Barricade, Labrecque et Légitime Violence se confirme en outre par l’édition en 2019 d’une cassette « 10e anniversaire » de Légitime Violence.

Cassette 10e anniversaire de Légitime Violence distribuée par La Barricade en 2019.

Un examen rapide des comptes Instagram[iii] et Facebook[iv] de La Barricade[v] révèle qu’Hollentur[vi], le principal projet de Steve Labrecque[vii], est le groupe phare du label, ce qui laisse croire (et c’est d’ailleurs l’hypothèse d’Anti-haine) que celui-ci en est le principal administrateur. Une recherche au registraire des entreprises révèle que Steve Labrecque, domicilié dans l’arrondissement de Beauport, à Québec, a immatriculé une entreprise « d’impression commerciale » en 2013 et que celle-ci est encore en activité aujourd’hui.

Badge du label La Barricade sur Encyclopaedia Metallum: NSBM, Propagande.

La fiche du label La Barricade sur Encyclopaedia Metallum.

La fiche du groupe Hollentur sur Encyclopaedia Metallum.

Steve Labrecque, alias «Chtev»; Félix Latraverse, alias «Fix»

Steve Labrecque dans le studio de La Barricade.

Le groupe Neurasthène de Félix Latraverse est distribué par La Barricade.

Le motif d'un t-shirt distribué par La Barricade: "NSBM against Antifa - Misanthropic Division Vinland - La Barricade Label & Tradition"

Le motif d’un t-shirt distribué par La Barricade : «NSBM Against Antifa – Misanthropic Division Vinland – La Barricade – Label & Tradition»

Nous avons déjà parlé sur ce site du groupe Folk You!, au sein duquel Steve Labrecque a côtoyé Kevin Cloutier, lui-même autrefois membre du gang de boneheads Ste-Foy Krew et guitariste du groupe Dernier Guerrier.

Kevin cloutier (à gauche) et Steve Labrecque (à droite); notez le tatouage «1488» sur les jointures de ce dernier.

La Barricade, vraisemblablement sous la gouverne de Steve Labrecque, opère également un studio dans un sous-sol de la région de Québec, où l’on reconnaît entre autres décorations un drapeau de la « Misanthropic Division » marqué du slogan « Töten für Wotan », qui se traduit par « Tuer pour Odin ».

 

Qu’est-ce que la « Misanthropic Division »?

Un article détaillé du projet FOIA Research publié en janvier 2019 présente ainsi la Misanthropic Division et sa raison d’être [notre traduction] :

La Misanthropic Division est un réseau néonazi mondial, apparu en Ukraine en 2014, dont certains membres ont combattu en tant que mercenaires contre les séparatistes prorusses dans la guerre du Donbass. La Misanthropic Division est étroitement liée au Bataillon Azov, un régiment néonazi désormais intégré à la Garde nationale ukrainienne. Le Régiment Azov milite pour l’indépendance de l’Ukraine, à la fois vis-à-vis de la Russie et de l’Union européenne, dans le but d’instaurer un état nazi.

Amnistie Internationale accuse le Régiment Azov de graves violations des droits de la personne. La Misanthropic Division entretient des réseaux en Europe, aux États-Unis, au Canada, en Amérique du Sud et en Australie, lesquels sont aussi utilisés pour entraîner et recruter des combattants [nos italiques].

Ses membres sont considérés comme racistes et enclins à la violence. Entre autres choses, ils glorifient le national-socialisme et la Waffen SS. La Misanthropic Division reprend un logo inspiré du Totenkopf (tête de mort), l’un des insignes les plus largement reconnus de la Schutztaffel (SS). […]

Selon les recherches menées par Belltower News, la Misanthropic Division recrute ses membres au sein du milieu international du métal noir national-socialiste (NSBM) [nos italiques]. Les personnes-ressource sont Hendrik Möbus, un néonazi condamné pour meurtre, Alexei Levkin, le chanteur du groupe M8l8th et organisateur du festival NSBM Åsgårdsrei, et Famine (Ludovic Van Alst), le chanteur du groupe de black métal français Peste Noire. Il existe d’autres liens avec la Mouvance identitaire et le parti d’extrême droite (allemand) Der III Weg.

On comprend donc à la lecture de cet article que les partisans locaux de la scène NSBM liée au label La Barricade, qui gravitent autour de Légitime Violence et d’Atalante et dont Steve Labrecque est une figure clé, sont associés par « Misanthropic Division » à un réseau néonazi international et au Régiment Azov, une formation paramilitaire suprémaciste blanche qui recrute des membres partout en Occident dans le but d’instituer un État nazi.

Notons que le complément « Vinland », qui correspond historiquement à Terre-Neuve, où les Vikings seraient débarqués au 11e siècle, est le terme qu’emploient les odinistes et autres fétichistes de la culture viking pour désigner l’Amérique du Nord et/ou la partie nord-est du Canada et des États-Unis, et donc, le territoire québécois.

 

Phil David, alias « Affreux Crapaud »

Un autre personnage proche du projet La Barricade, qu’Anti-haine ne mentionne pas dans son article, est Philippe David, alias « Affreux Crapaud », « Block_Onze » sur Instagram et « Phil Block Onze » sur Twitter, qui est sans doute l’un des néonazis les plus décomplexés de toute la fachosphère québécoise! Le pseudonyme « Block Onze », pour commencer, est une référence directe au bâtiment du camp de concentration d’Auschwitz où les nazis ont torturé et fusillé des milliers de détenu-e-s pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Steve Labrecque (à gauche) et Philippe David.

Phil David porte un t-shirt du Régiment Azov.

Il est difficile de déterminer avec certitude le rôle qu’a joué Philippe David dans le label La Barricade et la mise en place du projet « Misanthropic Division Vinland »[viii], mais il appert de ses comptes Twitter[ix] et Instagram qu’il en a été un fervent promoteur dès 2015 et qu’il a activement moussé la vente des camelotes distribuées par Misanthropic Division/La Barricade, et ce, au moins jusqu’en 2019.

 
 
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Phil David représente Misanthropic Division Vinland.
 

Phil David fait la promotion des marchandises distribuées par La Barricade/Misanthropic Division Vinland sur son compte Twitter personnel.

Phil David fait la promotion du disque de Hollentur, distribué par La Barricade, sur son compte Instagram personnel.

On serait d’ailleurs en droit de se demander comment il se fait que Twitter, qui s’est souvent targué de ne pas tolérer les discours à caractère haineux, n’a toujours pas banni ou sanctionné sérieusement un utilisateur comme Phil David, qui s’est servi pendant des années de sa plateforme pour diffuser des messages et une imagerie célébrant explicitement l’Holocauste… Le fait est qu’en dépit des excuses, Twitter est très tolérant des nazis, nationalistes blancs et légions de trolls alt-right qui pullulent plus ou moins discrètement sur la plateforme.

Phil David compte dans son réseau social plusieurs personnages connus des cercles néonazis québécois, remontant jusqu’à l’époque des gangs de boneheads Ste-Foy Krew (Québec, dont est issue la Fédération des Québécois de souche) et Strike Force (Montréal), dans les années 2000.

Party de piscine sur l’Instagram de Phil David : (de gauche à doite) Pascal Giroux, Sébastien Moreau, Steve Labrecque, Mikaël Delauney et Ian Alarie.

Outre Steve Labrecque (agenouillé à l’arrière), on reconnaît sur cette photo Sébastien Moreau (au centre), Ian Alarie (en bas à droite), Pascal Giroux (accroupi à gauche), et Mikaël Delauney (t-shirt noir).

Sébastien Moreau est un habitué de longue date des pages antifascistes, un bonehead nazi de la vieille école, membre du Ste-Foy Krew, qui a plus d’une fois défrayé la chronique. Il est notamment connu pour son association entriste avec le Parti indépendantiste, un projet encore aujourd’hui fermement campé à l’extrême droite et pour lequel Alexandre Cormier-Denis, d’Horizon Québec actuel, s’est porté candidat aux élections partielles en 2017.

Phil David en compagnie de Sébastien Moreau

Le Ste-Foy Krew; Sébastien Moreau est debout au fond, le bras tendu.

Sébastien Moreau. Photo: Québec FachoWatch

Sébastien Moreau avec ses amis Raymond Jr. et Kevin Cloutier, du groupe néonazi Dernier Guerrier. Photo: Québec FachoWatch

Ian Alarie est un adepte bêta de NSBM qui a été aperçu dans plusieurs actions d’Atalante et dont nous avons relevé la présence avec les Soldiers of Odin à Montréal le 12 mai 2018, arborant un t-shirt… de La Barricade/Misanthropic Division Vinland.

Ian Alarie, à droite; Phil David au centre avec un t-shirt Misanthropic Division; le deuxième à partir de la gauche s’appelle Étienne Chartrand, un ancien de Strike Force, de Fraction Nationaliste et du Ste-Foy Krew.

Ian Alarie (à gauche) et Phil David (à droite).

Qui ici est un gros nazi?

Ian Alarie arborant le t-shirt Misanthropic Division Vinland/La Barricade, le 12 mai 2018.

Pascal Giroux est un autre adepte de NSBM, lui aussi présent avec les Soldiers of Odin le 12 mai 2018, qui a semble-t-il eu des démêlés avec des antifascistes en 2019 en marge d’un festival de musique black métal à Montréal.

Pascal Giroux arborant le t-shirt Misanthropic Division Vinland/La Barricade.

Mikaël Delauney a quant à lui fait l’objet d’un article du journal Vice en 2018 pour sa proximité avec Atalante et son rôle dans une compagnie se spécialisant dans les « reconstitutions historiques » auprès du jeune public. Il y a d’ailleurs lieu de s’inquiéter du genre d’histoires qu’aiment reconstituer les néonazis…

Mikaël Delauney commence à manquer de mains pour afficher son affection des symboles nazis.

Mikaël Delauney s’entraîne avec les militants d’Atalante. Photo: Vice.

Un autre ami intime de Phil David est Fred Pelletier, une tête particulièrement brûlée qui n’a jamais caché, lui non plus, ses sympathies néonazies.

Fred Pelletier avec Phil David

Fred Pelletier porte fièrement un t-shirt de Blood & Honour, une organisation néonazie qui figure aujourd’hui sur la liste des «entités terroristes» du Code criminel canadien.

Fred Pelletier arbore un t-shirt Misanthropic Division.

 

Voici Phil David en compagnie de Francis Hamelin, un autre abonné des milieux néonazis depuis les années 2000.

Francis Hamelin et Phil David

Francis Hamelin pose devant un torchon.

 

Mention spéciale à Sarah Miller, la nouvelle fiancée de Jonathan Payeur, d’Atalante!

Phil David et Sarah Miller

Sarah Miller a un jour eu l’idée de se faire tatouer «1488» en lettre de trois pouces sur la poitrine…

Félicitations aux amoureux.

Jonathan Payeur en compagnie de Gabriel Marcon Drapeau et Fred Pelletier.

 

Gabriel Marcon Drapeau et la distro « Vinland Striker »

Soulignons enfin le rôle de Gabriel Marcon Drapeau, que mentionne au passage Anti-haine dans son article. Celui que le site Fascist Finder décrit facétieusement comme un chien enragé semble avoir mis à jour son compte Linkedin, qui indiquait jusqu’à tout récemment comme employeur le « Label n.s.b.m. chez La Barricade ».

Gabriel Marcon Drapeau pose pour sa photo de profil FB devant un drapeau de la Misanthropic Division Vinland.

Gabriel Marcon Drapeau – Label NSBM La Barricade (toujours dans le cache de Google)

Le compte Linkedin de Gabriel Marcon Drapeau avant la mise à jour toute récente.

Gabriel Marcon Drapeau

Le Linkedin de Marcon Drapeau indique maintenant qu’il travaille pour « Vinland Striker », où il continue à vendre des vêtements et des accessoires à caractère nazi, dont des drapeaux d’Adolf Hitler. Voir ci-dessous un échantillon des marchandises dont il fait la promotion sur sa propre page Facebook et sur le site web de la distro[x]. Nous ignorons pourquoi Marcon Drapeau n’opère plus sa distribution sous la bannière Misanthropic Division Vinland/La Barricade, mais il semble qu’il ait conservé les contacts privilégiés avec le distributeur français de vêtements néonazis 2YT4U.

27 novembre 2020 – Gabriel Marcon Drapeau a commencé à travailler chez Vinland Striker.

Le Compte Linkedin de Gabriel Marcon Drapeau, récemment mis à jour.

Un échantillon des pacotilles distribuées par Gabriel Marcon Drapeau sous la bannière «Vinland Striker».
 

Notons au passage que les t-shirts que distribue Marcon-Drapeau ont une curieuse tendance à se retrouver sur le dos de militant-e-s et de sympathisant-e-s d’Atalante…

Louis Fernandez, militant clé d’Atalante condamné à 15 mois de prison en décembre 2020 pour voies de fait, porte un t-shirt de Jeanne d’Arc distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

«Jean Brunaldo», militant d’Atalante dans la région de Montréal, porte un t-shirt inspiré du KKK distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

Heïdy Prévost et Vivianne St-Amant, sympathisantes d’Atalante, portent un t-shirt écofasciste distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

Jonathan Payeur, miliant d’Atalante, porte un t-shirt distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

Sarah Miller, miliante d’Atalante, porte un t-shirt d’inspiration écofasciste distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

Décidément… Jonathan Payeur porte un AUTRE t-shirt ridicule distribué par Gabriel Marcon Drapeau. Vaudrait peut-être mieux rester caché, en effet.

Vigilance reste le mot d’ordre…

Rien n’indique que le projet « Misanthropic Division Vinland », lié au label NSBM La Barricade, ait été autre chose qu’un délire entre chums néonazis épris de romantisme aventurier, mais rien n’indique non plus qu’il n’a pas effectivement servi à recruter des militant-e-s pour le réseau néonazi international ou à lever des fonds pour le Régiment Azov. Il est évident du moins que ces projets de distribution de musique et de marchandises néonazies a un poids considérable dans la microéconomie de ce petit milieu au Québec et contribuent à faire rayonner cette sous-culture dégueulasse.

Il ne faut pas non plus négliger le rôle que de tels projets peuvent jouer dans un processus de fanatisation de jeunes adeptes de black métal susceptibles d’être attiré-e-s par les sirènes nazies, dont le programme, foncièrement, reste d’exterminer des millions de personnes qui ne correspondent pas au pitoyable idéal de pureté aryenne.

Ces individus racistes et haineux vivent tous près de nous, circulent dans nos collectivités et continueront à mener leurs petites besognes impunément tant et aussi longtemps que nous les laisserons aller sans leur opposer une véritable résistance. Il revient à nos communautés de les débusquer et de neutraliser leur effet toxique.

Mais comme pour toute espèce envahissante et nuisible, pour les déraciner, encore faut-il savoir les reconnaître.

///

Si vous avez des renseignements à nous communiquer concernant le label La Barricade, Misanthropic Division, ou l’un ou l’autre des individus mentionnés dans cet article, veuillez écrire à alerta-mtl @ riseup.net.


[i]               Nous devons saluer ici le travail réalisé avant nous par Anti-Racist Action Montréal, le webzine Dure Réalité et le projet Québec Facho-Watch.

[ii]               Le complément « Vinland », qui correspond historiquement à Terre-Neuve, est le terme qu’emploient les odinistes et autres fétichistes de la culture viking pour désigner l’Amérique du Nord ou à la partie nord-est du Canada et des États-Unis, et donc, le territoire québécois.

[iii]              https://archive.md/JUB9G

[iv]              https://archive.vn/ohGwn

[v]               https://archive.vn/J25Xj

[vi]              https://archive.vn/gxQzx

[vii]             https://archive.vn/oqaj0

[viii]             https://archive.vn/Ag7nq

[ix]              https://archive.vn/l8PyN

[x]               https://archive.vn/9eRWP

Sur la réponse anarchiste à la pandémie mondiale

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Fév 102021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La crise de la COVID 19 a représenté un défi pour les anarchistes et pour toutes celles et ceux qui croient en une vie pleinement autonome et libérée. Nous écrivons ceci aujourd’hui car nous avons le sentiment que trop de personnes qui, en des temps meilleurs, portent ces couleurs politiques et philosophiques, mettent de côté leurs croyances fondamentales – ou pire – les déforment de manière tout à fait décevante, et se conforment ainsi aux mandats des technocrates et des politiciens, convaincues qu’il s’agit d’un grand acte de solidarité envers les plus vulnérables.

Nous disons haut et fort que si les principes politiques que vous défendez et encouragez en temps normal se rétractent dans les moments de crise, ils n’ont aucune valeur. Tout système d’organisation ou toute croyance en l’autonomie humaine qui doit être mis de côté aux moindres soubresauts de l’histoire ne vaut pas la peine d’être conservé lorsque l’urgence s’estompe. En effet, ce sont les moments difficiles qui mettent nos idées à l’épreuve et nous disent si elles sont ou non aussi solides qu’on pourrait le croire.

En tant qu’anarchistes, l’autonomie de notre esprit et notre corps est une valeur essentielle. Nous estimons que les êtres humains sont suffisamment intelligents pour décider eux-mêmes comment évaluer leur environnement et déterminer comment avancer dans la vie en répondant à leurs besoins et désirs. Bien entendu, nous reconnaissons que cette autonomie s’accompagne d’une véritable responsabilité, non seulement envers soi-même, mais aussi envers celles et ceux avec qui on vit en communauté – humains et non humains. Nous acceptons tout à fait qu’on puisse demander à des individus de coopérer à la réalisation d’un objectif collectif. Mais nous sommes également convaincu.e.s de l’importance fondamentale du consentement dans de telles situations, et que la force et la punition sont contraires à une vision anarchiste du monde.

C’est pourquoi nous vous écrivons aujourd’hui. Pour vous tendre la main à vous, nos amis, nos camarades, allié.e.s intellectuel.le.s et philosophiques, et vous demander, si ce n’est déjà fait, de commencer à critiquer et à remettre en question sérieusement les réponses des États à la pandémie de la COVID 19. Nous avons observé l’année qui vient de s’écouler docilement, tranquillement, comme d’autres anarchistes qui sont resté.e.s dans les limites tracées par les bureaucrates de l’État. Nous nous sommes tu.e.s devant les anarchistes agissant avec hostilité à l’égard de celles et ceux qui se révoltaient contre les couvre-feux et les ordres de fermeture imposés par l’État, uniquement parce que ces pressions viennent ordinairement de gens affiliés à une politique de droite, cédant ainsi malheureusement ce terrain à la droite, au lieu d’élaborer nos propres critiques de la politique de l’État, et offrir ainsi un foyer intellectuel aux personnes isolées qui ont développé de l’antagonisme à l’égard de ceux qui, au pouvoir, se moquent de nos vies.

L’impulsion de ce comportement chez les anarchistes paraît enracinée dans leur désir de faire du bien à celles et ceux qui en ont besoin, et comme cette crise particulière est causée par un virus, cela semble se manifester par une volonté enthousiaste d’accepter les injonctions de l’État et de faire honte à celles et ceux qui ne les respecteraient pas. Il est admirable de vouloir bien agir envers les personnes âgées et les invalides, mais cet instinct devrait n’être que le début de la conversation, et non sonner la mise de côté de nos principes fondamentaux, et justifier cet abandon en prenant au mot les technocrates et les politiciens, en utilisant les déclarations d’experts établis comme un évangile pour prétendre que si on ne résiste pas aux injonctions, c’est qu’elles ont don ben de l’allure.

Les politiciens mentent. Ils sélectionnent les analyses et les techniciens qui font la promotion de leurs programmes. Les dirigeants d’entreprises font la file pour les soutenir, sachant que ça leur délie les cordons de la bourse de l’État. Et les médias, qui veulent toujours être dans les bonnes grâces de ceux qui détiennent le pouvoir politique et financier, fabriquent du consentement en cycles d’informations de vingt-quatre heures. Cela, nous le savons. Nous avons des bibliothèques pleines de livres que nous avons lus et recommandés pour expliquer en détail les rouages de cette réalité. Par conséquent, il est toujours nécessaire de critiquer les politiciens qui déclarent que leurs violations des libertés fondamentales sont justifiées par la crise. Il est toujours nécessaire de critiquer les dirigeants pharmaceutiques qui disent au public qu’ils sont les seuls à détenir les clés d’un avenir de liberté et de sécurité, ainsi que les médias qui agissent comme des machines de propagande au service des récits officiels.

Les anarchistes semblent savoir tout cela instinctivement quand la guerre que les politiciens veulent nous faire mener est une guerre menée avec des armes littérales, quand les victimes sont plus évidentes, quand la propagande est plus nationaliste, xénophobe et raciste. Mais avec la crise de la COVID 19 , la guerre menée par les personnes au pouvoir est ostensiblement une guerre pour sauver des vies, et cette nouvelle façon de présenter les choses semble avoir effectivement touché le cœur et l’esprit de bien des anarchistes qui, au fond de tout, se préoccupent profondément et sincèrement des autres.

Mais nous devons prendre du recul et réfléchir de manière critique à notre situation. Il est pardonnable, lorsqu’on est confronté à une situation d’urgence où tout va très vite, sans avoir les informations nécessaires pour prendre des décisions en toute confiance, de vouloir se ranger du côté des experts placés sur des podiums lorsqu’ils demandent que nous nous mobilisions toutes et tous pour le plus grand bien commun. Mais la situation a changé. Bien des mois se sont écoulés depuis l’époque où le SRAS-COV-2 était un mystérieux nouveau virus respiratoire qui infectait des dizaines de personnes à Wuhan, pour devenir un virus de portée mondiale ayant probablement infecté 20 % de la population humaine*. Les données ont afflué de la part des chercheurs du monde entier, et il n’y a désormais plus d’excuse pour prendre des décisions fondées sur la peur, pour accepter comme un évangile les perceptions et les prescriptions estampillées par l’État et distribuées par ses laquais dans les médias.

Nous pensons que cette crise est comme toutes les autres qui l’ont précédée, en ce sens qu’il s’agit d’une période où ceux qui détiennent le pouvoir et la richesse voient une opportunité d’étendre leurs griffes et de se les accaparer encore un peu plus. Nous vivons un moment de peur et d’incertitude collectives qu’ils peuvent exploiter pour prendre le contrôle encore davantage et s’enrichir aux dépens de la population. La seule chose qui semble séparer la crise de la COVID 19 de celles qui l’ont précédée, c’est la volonté d’une si grande partie de l’opinion publique (dont malheureusement de nombreux anarchistes) de soutenir volontairement et avec enthousiasme la perte de sa propre autonomie.

*Début octobre, l’OMS a publié une estimation selon laquelle 10 % de la population mondiale avait eu une infection de COVID 19. Il est donc raisonnable qu’après un deuxième hiver dans l’hémisphère nord, ce nombre ait pu doubler.

La science !!!

Dès le départ, nous pensons qu’il est très important de souligner la nature dangereuse, quasi religieuse, de la manière dont les médias et l’État poussent – et dont le public accepte – la notion d’un consensus scientifique unifié sur la manière d’aborder politiquement la question de la COVID 19. Avant tout, la science est une méthode, un outil, et son principe fondamental est que nous devons toujours poser des questions, et toujours essayer de falsifier notre hypothèse. La science n’est absolument PAS une question de consensus, car la bonne expérience menée par une seule personne peut absolument démolir les dogmes établis avec de nouvelles informations, et c’est la science dans toute sa gloire. En outre, le SRAS-COV-2 est un virus connu de l’ensemble de l’humanité depuis un peu plus d’un an. Il est absolument faux de suggérer qu’il existe une compréhension totale et irréfutable de ses caractéristiques et de sa dynamique, et que tous les scientifiques, chercheurs et médecins du monde entier sont d’accord sur la politique publique à adopter pour le combattre.

En outre, nous entrons en terrain très dangereux en tant que société lorsque nous permettons, voire exigeons, que des experts enfermés dans des laboratoires utilisant des méthodes ésotériques soient les seules voix qui génèrent des déclarations politiques uniques pour des nations entières s’étendant sur un territoire géographique immense, pour des nations peuplées de groupes d’êtres humains très divers qui ont tous des besoins différents. Ce type de technocratie est très préoccupant, tout comme le sont les déclarations selon lesquelles les gens sceptiques face à de tels schémas de manipulation sociale sont en quelque sorte des abrutis intellectuels ou des antiscientifiques.

La science est un outil qui permet d’éclairer l’humanité par l’élucidation des mécanismes de cause à effet. C’est un processus de découverte. Ce que nous faisons avec cette illumination, comment nous menons notre vie avec les informations découvertes, dépend de nous, en tant qu’individus et communautés.

Enfin, il est très facile de tomber dans le piège de la concurrence entre experts. Une partie a un expert qui dit X et l’autre partie trouve un expert qui dit Y, et nous voilà dans une impasse. Ce n’est pas notre intention, cependant, nous avons le sentiment d’être doublement coincés si nous ne démontrons pas, à un certain niveau, que le récit avancé par l’État et ses médias n’est pas aussi ancré dans les faits scientifiques qu’on voudrait nous le faire croire. Si nous ne présentons pas un certain nombre de contre-preuves, nous risquons d’être rejeté.e.s du revers de la main comme des individualistes ignorant.e.s dont les véritables motivations sont « égoïstes ». Il n’est pas facile de décortiquer un récit d’un milliard de dollars élaboré pendant près d’un an par les médias publics et privés du monde entier, dans le but de créer une atmosphère de peur et donc de conformité, et c’est pourquoi nous allons maintenant présenter certaines recherches ci-dessous afin d’aider celles et ceux qui nous lisent à comprendre la situation actuelle en se basant sur la réalité et les données, non pas pour dire que nous avons des informations alternatives et secrètes, mais simplement pour démontrer qu’il existe des recherches qui font que de nombreuses injonctions des États semblent absurdes, même d’un point de vue scientifique.

La recherche

L’idée sous-jacente aux fermetures et aux couvre-feux est que ces efforts peuvent arrêter la propagation du SRAS-COV-2. Mais est-ce vraiment possible ? C’est une question de nuances. Tout d’abord, nous sommes prêt.e.s à reconnaître que si l’on pouvait isoler chaque être humain dans sa propre bulle, oui, on pourrait probablement éliminer de nombreuses maladies (tout en créant une série de nouveaux problèmes). Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent en réalité. Même sans parler de ces délinquant.e.s de l’ombre qu’on blâme de Londres jusqu’en Californie pour les échecs de ces efforts de confinement, incapables qu’ils et elles sont de respecter les consignes à la lettre, le fait est que la civilisation moderne exige une quantité massive de travail quotidien afin d’empêcher son effondrement immédiat, et que ce travail nécessite que les êtres humains entrent en contact les uns avec les autres, et qu’ils se déplacent sur de grandes distances.

Tout a un impact, des travaux agricoles au transport routier. De l’exploitation des centrales électriques aux plombiers effectuant des visites à domicile. Les médecins doivent se rendre à l’hôpital, tout comme le personnel d’entretien et de cuisine. Les usines d’engrais doivent continuer à produire pour la saison prochaine, comme les centres de données tentaculaires doivent rester opérationnels pour que tous les professionnels du tertiaire puissent se rencontrer sur Zoom. Et puis il y a les entrepôts d’Amazon et les Wal-Marts ! Comment nous confiner sans nos livraisons quotidiennes ? La liste des industries et des institutions qui ne peuvent pas fermer si nous voulons des maisons chauffées, de l’eau potable, des réseaux électriques fonctionnels, des routes praticables et tout autre système de soutien de la vie moderne est très longue, et chacune d’entre elles a besoin d’êtres humains pour les faire fonctionner. Ce simple fait signifie qu’il est impossible que 100 % de la population soit confinée.

On constatera évidemment que la majorité de la main-d’œuvre qui doit continuer à travailler est col bleu et/ou gagne un salaire de misère. Ce constat à lui seul fait de l’idée même du confinement une entreprise classiste, mais ceci a déjà largement été discuté, nous allons donc poursuivre.

N’oubliez pas non plus que ces confinements massifs n’ont jamais eu pour but (dans la plupart des endroits, au départ) d’éliminer la COVID 19. Ils avaient pour objectif d' »aplatir la courbe », ce qui se traduit par « ralentir la propagation » du SRAS-COV-2 afin que les hôpitaux ne soient pas débordés. Il convient de noter que la plupart des hôpitaux dans la plupart des localités n’ont jamais été confrontés à cette menace, et que même si c’est une bonne idée d’empêcher le débordement des hôpitaux, les plans visant à prévenir un tel scénario devraient être locaux et non pas nationaux, ou même provinciaux. Au fur et à mesure que l’année avançait, lentement, on a oublié l’intention initiale des mesures de confinement, et les politiciens et leurs experts choisis ont sans cesse prolongé les fermetures, pour finalement transformer le discours qui s’est fixé sur l’éradication du virus. Cette situation est inacceptable dans la mesure où c’est un objectif probablement impossible à atteindre.

Quant à ces mesures de confinement et à leur efficacité, les recherches ont montré qu’elles n’ont pas beaucoup d’effet lorsqu’il s’agit de réduire le nombre total de cas :

« Conclusions : Bien qu’on ne puisse exclure de petits avantages, nous ne voyons pas d’effets significatifs des mesures restrictives sur la croissance des cas. Des réductions similaires peuvent être obtenues avec des interventions moins restrictives ».

Une autre étude conclue:

«Des taux plus élevés de mortalité de la Covid sont observés dans la latitude [25/65°] et dans les plages de longitude [−35/−125°]. Les critères nationaux les plus associés au taux de mortalité sont l’espérance de vie et le ralentissement de la vitalité, le contexte de santé publique (charge des maladies métaboliques et non transmissibles (MNT) par rapport à la prévalence des maladies infectieuses), l’économie (croissance du produit national, soutien financier) et l’environnement (température , indice ultraviolet). La rigueur des mesures prises pour lutter contre la pandémie, y compris le confinement, ne semble pas être liée au taux de mortalité.»

Nous devons absolument comprendre qu’aucune intervention ne vient sans coûts et lorsqu’une intervention implique de la distanciation, de l’isolement et la fermeture des points habituels d’interaction sociale et de soutien, ces coûts sont payés par la santé physique, mentale et émotionnelle de la population. Nous ne pouvons détériorer la santé publique pour sauver la santé publique. Cet éditorial du British Medical Journal soulevait que:

«Le confinement peut également causer des problèmes de santé à long terme tels que le retard du traitement et des examens. Les retards de diagnostic et de traitement de divers types de cancer par exemple, peuvent engendrer la progression du cancer et affecter la survie des patients. On estime qu’un délai de trois mois à la chirurgie cause plus de 4 700 décès par an au Royaume-Uni. Aux États-Unis, on estime que les retards dans le dépistage et le traitement entraînent chaque année 250 000 décès évitables supplémentaires de patient.e.s atteint.e.s du cancère.

De plus, une forte diminution du nombre d’admissions hospitalières pour syndromes coronariens aigus et interventions coronariennes d’urgences a été observée depuis le début de la pandémie aux États-Unis et en Europe. En Angleterre, le nombre hebdomadaire d’hospitalisations pour syndromes coronariens a chuté de 40% entre mi-février et fin mars 2020. La peur d’une exposition au virus a empêché de nombreux patients de se rendre à l’hôpital, les exposant à un risque accru de complications à long terme suite à un infarctus du myocarde.»

Malgré la pression des personnes au pouvoir pour présenter leurs mesures draconiennes préférées comme étant totalement soutenues par «la science», il y a plusieurs sources de désaccord entre les chercheurs et les médecins sur la meilleure façon de traverser cette crise. Scientific American écrit:

«Dans la lutte contre le Covid-19 d’aujourd’hui, la communauté scientifique mondiale est divisée. D’une part, certain.es penche fortement en faveur d’interventions de santé publique actives et parfois même draconiennes, comprenant l’arrêt généralisé des activités non essentielles, la prescription de masques, la restriction des déplacements et l’imposition de quarantaines. D’un autre côté, certains médecins, scientifiques et responsables de la santé publique remettent en question le bien fondé de ces interventions sanitaires en raison des grandes incertitudes qui persistent quant à leur efficacité, mais aussi de preuves de plus en plus claires que de telles mesures peuvent ne pas fonctionner dans certains cas, voir causer des dommages nets. Alors que les gens sont mis au chômage en conséquence directe des fermetures temporaires et que de plus en plus de familles se retrouvent incapables de payer leur loyer ou leur nourriture, il y a eu une forte augmentation de la violence conjugale, de l’itinérance et de la consommation de drogues illégales.»

Le confinement prolongé et les couvre feux sévères ont intéressés beaucoup de gens au danger que présente le Covid-19, sans pour autant que la menace que représente le virus puisse être réellement comprise. En raison de la posture alarmiste des médias, – une industrie que nous savons fondée sur le sensationalisme pour attirer l’attention et qui s’efforce toujours de promouvoir les récits politiques officiels – de nombreuses personnes pensent qu’une infection par le SRAS-COV-2 est beaucoup plus mortelle que ce qu’elle n’est en réalité. Selon une étude rédigée par John P. Ioannidis de Stanford, le taux de mortalité par infection dans le monde est assez faible:

«Le taux de mortalité à différents endroits peut être inféré par les études de séroprévalence. Bien que ces études comportent des mises en garde, elles montrent un tauxx de mortalité allant de 0,00% à 1,54% sur 82 estimations d’études. Le taux de mortalité médian sur 51 sites est de 0,23% pour l’ensemble de la population et de 0,05% pour les personnes de moins de 70 ans. Le taux de mortalité est plus important dans les endroits où le nombre total de décès est plus élevé. Étant donné que ces 82 études proviennent principalement d’épicentres durement touchés, le taux de mortalité au niveau mondial pourrait être légèrement inférieur. Des valeurs moyennes de 0,15% à 0,20% pour l’ensemble de la population mondiale et de 0,03% à 0,04% pour les personnes de moins de 70 ans en octobre 2020 sont plausibles. Ces valeurs concordent également avec l’estimation de l’OMS d’un taux d’infection mondial de 10% (d’où un tauxx de mortalité environnant 0,15%) au début d’octobre 2020. »

Nous sommes conscients d’un sentiment commun selon lequel le confinement pourraient éliminer le SRAS-COV-2 s’il était plus strict si seulement chaque personne s’y conformait irréprochablement. C’est le genre de pensée infalsifiable que les politiciens et les experts aiment pousser pour excuser l’échec des mesures précédentes à rencontrer les résultats escomptés, ainsi que pour cibler leurs politiciens opposants qu’ils aiment accuser de «laisser tomber la balle» et qui devraient donc porter la responsabilité du bilan de la pandémie. Toute politique reposant sur une totale adhésion de la population est vouée à l’échec dès le départ. Même en ignorant notre point précédent sur le travail requis pour maintenir la société fonctionnelle, il n’y aura jamais de conformisme total de tous les êtres humain.e.s sur aucune question.

Nous pensons qu’il est nécessaire de préciser qu’un nouveau coronavirus n’est pas quelque chose qui serait détecté immédiatement par les médecins ou les chercheurs lors de sa première transmission d’animal à humain. Étant donné que les coronavirus sont courants et parce qu’ils induisent des symptômes similaires (en plus d’avoir une évolution des symptômes similaire à d’autres formes de virus respiratoires) et que le SRAS-COV-2 n’est pas symptomatique chez un tiers des personnes qui le contractent, il ne serait pas étonnant qu’il circulait sur la Terre avant que quiconque ne sache qu’il fallait le chercher.

Il a maintenant été confirmé que le SRAS-COV-2 circulait en Italie en septembre 2019:

«Des anticorps anti-SARS-CoV-2 ont été détectés chez 111 individus sur 959 (11,6%), à partir de septembre 2019 (14%), avec un groupe de cas positifs (> 30%) au cours de la deuxième semaine de février 2020 et le nombre le plus élevé (53,2%) en Lombardie. Cette étude montre une circulation très précoce et inattendue du SRAS-CoV-2 parmi les individus asymptomatiques en Italie plusieurs mois avant l’identification du premier patient et clarifie l’apparition et la propagation du Coronavirus en 2019. »

Il circulait au Royaume-Uni en décembre :

«Le professeur Tim Spector, épidémiologiste au King’s College de Londres dirige l’étude Zoe Covid Symptom Study, qui suit les symptômes signalés par les patients pendant la pandémie.

Il a déclaré que les données collectées « montrent clairement que de nombreuses personnes avaient le virus en décembre ».

Il circulait aussi aux États-Unis à la fin de l’automne 2019 :

«Ces sérums réactifs confirmés comprenaient 39/1 912 (2,0%) dons collectés entre le 13 et 16 décembre 2019 auprès de résidents de Californie (23/1 912) et de l’Oregon ou de Washington (16/1 912). Soixante-sept dons réactifs confirmés (67/5 477, 1,2%) ont été recueillis entre le 30 décembre 2019 et le 17 janvier 2020, auprès de résidents du Massachusetts (18/5 477), du Wisconsin ou de l’Iowa (22/5 477), du Michigan (5 / 5 477) et Connecticut ou Rhode Island (33/5 477). »

Il existe d’autres exemples démontrant que le SARS-COV-2 circulait dans divers pays du monde avant que son existence ne soit confirmée par la Chine. Au fil du temps, nous aurons probablement une idée plus précise de ce à quoi ressemblait cette circulation, mais nous pouvons sans risque présumer que s’il y avait des anticorps chez les personnes sur les différents continents en décembre 2019, la circulation du virus aurait commencé des mois auparavant. Et nous soulignons ce fait, une fois de plus, pour insister sur le fait qu’il n’y avait probablement aucune mesure de confinement qui aurait pu être mise en œuvre pour éteindre le virus, car il avait déjà pris une avance si formidable.

Par principe

En tant qu’anarchistes, il y a des principes phares auxquels nous revenons dans la nuit noire de l’inconnu et ceux-ci incluent la liberté, l’autonomie, le consentement et une profonde croyance en la capacité des gens à s’auto-organiser pour leur bien en tant qu’individus et en tant que communauté. Personne n’est mieux placé que soi-même pour connaître ses besoins. En vérité, la plupart des gens ont des instincts d’autoconservation qui les poussent à choisir des comportements qui mènent à leur propre sécurité et à leur survie, ainsi qu’à celles de ceux dont ils prennent soin.

Au début de la pandémie, alors que les informations étaient encore rares, nous avons beaucoup vu des gens faire des choix pour s’éloigner des foules et des rassemblements qu’ils ne croyaient pas essentiels, alors qu’ils ont également entâmé des démarches pour soutenir et prendre soin de ceux qui pourraient être plus vulnérables à une maladie respiratoire pour laquelle il n’y a pas encore de traitement.

Bien que nous accueillons les informations et les données qui circulent, bien que désagréables, décrivant les circonstances actuelles, nous pensons qu’il faut faire confiance aux gens pour analyser ces informations. Dans le paradigme actuel, l’État et ses experts technocratiques sélectionnés filtrent les données disponibles et ne mettent en évidence que ce qui soutient les décisions politiques qu’ils ont déjà décidé de mettre en œuvre sans aucune considération de l’opinion publique. Les informations et analyses qui peuvent être considérées comme de «bonnes nouvelles» ont été largement ignorées par l’État et ses exécutant.e.s et occultées par les médias.

On peut toujours trouver des «expert.e.s» pour légitimer des horreurs. En effet, nous aurions probablement du mal à trouver un cas dans l’histoire récente dans lequel des crimes massifs contre l’humanité ne sont pas accompagnés du cachet d’approbation d’un consortium d’expert.e.s en qui tout le monde a été prié de faire aveuglément confiance. La pandémie de Covid-19 n’est pas différente et en tant qu’anarchistes nous vous demandons simplement de vous rappeler que le débat, la critique et la dissidence sont des composantes essentielles pour la libération et l’autonomie des sociétés. Nous vous demandons, quoi que vous pensiez de l’efficacité des mesures sanitaires, de ne reconnaître en aucun cas, aussi désastreux que cela puisse paraître, les décrets justifiant la menace de la force et de la violence pour atteindre leurs objectifs. Notre engagement inébranlable envers l’autonomie humaine et notre conviction qu’aucune autorité n’est valable sans le consentement de ceux sur qui elle est exercée est ce qui fait de l’anarchisme une chose à part des autres philosophies politiques. Nous n’abandonnerons pas cet engagement et espérons que vous non plus.

200 jours au 1492 Land Back Lane : Mise à jour de Skyler

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Fév 052021
 

De 1492 Land Back Lane (Twitter)

Lorsque les défenseur.es des terres Haudenosaunee sont obligé.es de défier des injonctions pour protéger nos territoires, nous sommes arrêté.es, inculpé.es, menacé.es et incarcéré.es.

C’est un crime de se battre pour nos terres, mais nous continuons à nous battre. La criminalisation de la défense des terres vise à diviser les familles, les nations et les alliés, afin de nous effrayer et de nous soumettre.

Le 5 août et le 22 octobre sont des jours qui pèsent lourdement sur l’esprit de chacun.e. Des jours où l’on nous a tiré dessus, où l’on a utilisé des tasers et où l’on nous a traînés hors de nos terres. La résilience de tant de personnes est étonnante. Ce sont des jours parmi les 200 derniers qui ne seront pas oubliés.

L’OPP a toujours essayé de diviser notre communauté. Pour essayer d’entraver le soutien de toutes les manières possibles. Vous avez tous et toutes clairement fait savoir que nous ne jouerons plus leur jeu. Ce territoire est Haudenosaunee !

En regardant en arrière et en voyant tout ce que nous avons enduré ensemble. Toutes les familles et tous les ami.es qui nous ont soulevé.es dans ces moments-là. Se souvenir de tous les rires et de toute la joie. La construction d’une communauté. L’unité des nations. Quel cadeau nous avons reçu.

Les routes, les autoroutes et les chemins de fer qui traversent nos terres ne seront pas utilisés pour infliger davantage de violence à notre peuple, toutes ces infrastructures coloniales qui ont été utilisées pour nous opprimer et exploiter nos terres.

Nous avons la possibilité d’aller de l’avant. Mais nous devons le faire ensemble. Toutes les souffrances que nous avons endurées en tant que nations. Le traumatisme qui nous a été infligé. Pour donner à nos enfants et petits-enfants plus que ce que nous avions, nous devons rester uni.es.

À mes frères et sœurs, des gens qui se sont donnés tout entiers pour nous tous, des vies et des membres en danger, des libertés et des carrières, qui ont donné tant de temps et d’énergie, des gens qui ont dû supporter le poids de lourdes conditions de libération sous caution et de mise en liberté : nous avons tant d’amour et de gratitude pour vous.

Il n’y a rien que ces tribunaux, ces flics ou ces politicien.nes racistes puissent faire avec leurs armes et leurs prisons pour nous faire tourner le dos aux générations futures. Ces terres sont seulement empruntées aux générations à venir. Il est de notre devoir de les garder pour elles.

Complément d’information : Le policier Sanjay Vig désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale

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Fév 042021
 

Du COBP

Le policier Sanjay Vig du SPVM matricule 5144 et désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale par le Comité de déontologie policière.

https://www.canlii.org/fr/qc/qccdp/doc/2018/2018qccdp43/2018qccdp43.html

https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2021-01-30/policier-blesse-dans-parc-extension/le-spvm-deploie-un-poste-de-commandement.php

Aux feux incouvrables

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Fév 012021
 

De Pas de solution policière à la crise sanitaire

Nous serions donc recouverts, écrasées. Après des mois à suivre tant bien que mal les restrictions sanitaires, voilà que l’on ploie sous le poids de l’inédit : un couvre-feu qui nous intime à rester chacun chez soi, du jamais vu de notre côté du monde depuis plus d’un demi-siècle.

L’idée n’est pas ici d’ajouter un autre texte d’analyse soulignant le caractère autoritaire, disproportionné et violemment « symbolique » du couvre-feu, son impact dévastateur sur les plus démuni.e.s, les marginaux et marginales, les travailleuses et travailleurs du soir (souvent précaires, ou déjà surmené.e.s), ou même d’en rajouter contre la dérive policière qu’il implique ou le fait que le caractère catastrophique de la situation actuelle provient surtout d’une série de compressions récurrentes dans les service publics depuis au moins 30 ans… Plusieurs textes1 prenant la pandémie au sérieux et ne tombant pas dans le registre conspirationniste ont déjà bien souligné le côté ignoble de la mesure (il ne vous reste plus qu’à les lire si ces éléments ne sont pas déjà des évidences pour vous).

Il s’agit plutôt ici de faire ressortir quelques lignes qui n’ont pas (ou si peu) été énoncées au cours des derniers mois. Des lignes qui ne nous feront pas d’ami.e.s, on le sait bien, mais qui circulent déjà comme un secret, exprimées à la fin d’une marche nocturne entre deux ami.e.s, dans une discussion furtive entre deux jeunes commis dans les allées d’une pharmacie, dans une rencontre Zoom entre des grand-parents et leurs enfants qui habitent dans une autre ville. Ces lignes, qui ont peut-être traversé par moments même les plus aligné.e.s, ne sauraient être tues plus longtemps. Il en va des sens portés par nos vies mêmes.

*

Le couvre-feu vient nous enlever un des derniers espaces de liberté qui nous restait. Celle de prendre un moment avec un.e ami.e à distance dans un parc après une journée à se faire bouffer les yeux par les écrans, celle d’aller prendre une marche pour changer d’air, sortir un peu de nos existences séparées par le confinement pour rencontrer un peu de différence. Après les fêtes, les bouffes entre ami.e.s, les moments de création collective, les concerts, on nous a enlevé ça, aussi. Alors que cette opération concertée contre les joies du commun était jusqu’à tout récemment justifiée par la science (ou du moins une certaine conception de la science), le couvre-feu semble être la première mesure proprement morale2 qui nous est imposée durant cette crise : cet « électrochoc symbolique », de l’aveu même du gouvernement et de la Santé publique, tombe comme un jugement sur les manières de vivre.

Ce nouveau diktat porte directement les mesures gouvernementales en réponse à la pandémie sur le terrain éthique, non pas dans le sens du code qui vient cadrer une série de pratiques, de règles immuables qui viennent surplomber des relations professionnelles, de recherche ou judiciaires, mais dans le sens de l’ethos, celui des manières de vivre. Cette conception de l’éthique pousse à interroger comment on souhaite vivre, qu’est-ce qui fait que cette vie vaut la peine d’être vécue, au-delà de la pure survie.

En nous imposant à résidence – réprimant toute sortie qui ne serait pas justifiée par le travail, les besoins primaires ou les soins de base –, le gouvernement nous dit ni plus ni moins comment vivre. Il y a longtemps que l’on sait que la vie est objet de pouvoir – c’est ce que Foucault avait pointé il y a plus de quarante ans par son concept de biopolitique : or ce que la pandémie vient clarifier maintenant, c’est que cette vie objet de pouvoir n’est pas uniquement la vie biologique, la survie, mais la qualité même de la vie, ce qui lui donne sa teneur, son goût, ce qui fait qu’elle peut avoir un sens pour nous.

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La situation nous apparaît plus clairement comme une guerre entre formes de vie : ce qui est réprimé, c’est une vie faste, généreuse, conviviale3, où les liens primordiaux ne se limitent pas au couple, à la famille nucléaire, où ce qui compte ne se calcule pas en termes d’opportunités de carrière ou de bons coups sur les réseaux sociaux, mais une vie tissée de liens, pour qui les amitiés sans statut priment, une nocturne ponctuée de fêtes, de musique, tournée vers l’extérieur, vagabonde voire même sans domicile fixe. Parce qu’il se trouve que pour pas mal de monde, ce qui donne un sens à l’existence est justement ce qui est rabroué couche par couche, voire interdit, depuis le début de la pandémie.

Il faut se rendre à l’évidence : ce qui est préservé depuis la deuxième vague de la pandémie, c’est la forme-de-vie type de celles et ceux qui ont élu ce gouvernement : le petit entrepreneur, la jeune professionnelle, la gérante de service, le jeune cadre, qui se rendaient au travail juste pour faire acte de présence, mais qui n’avaient que hâte de rentrer dans leur maison de banlieue ou leur condo pour pouvoir s’enfiler quelques verres et passer le reste de la soirée à regarder des séries sur Netflix… avant de recommencer le lendemain. Le principal impact que le couvre-feu a vraiment sur ces types est qu’il n’a plus à se taper le trafic, qu’elle n’a plus besoin d’excuse pour tout acheter sur Amazon. Bon, il y a bien l’impossibilité d’organiser le souper du vendredi soir avec la belle famille (pour reprendre un des loisirs avoués du PM), ou la soirée de hockey avec les chums de gars, ou d’aller voir Louis-José Houde au Théâtre St-Denis une ou deux fois par année. Mais c’est pas mal tout que ça empêche, au fond.

On caricature un peu, c’est souvent plus complexe que ça, évidemment. Mais il reste que la plupart des gens qui soutiennent le couvre-feu sont aussi ceux et celles qui avouent que la mesure n’aura à peu près aucun impact sur leur vie quotidienne. Et ils-elles vont jusqu’à sous-entendre que ça ne devrait pas avoir d’impact négatif sur la vie de personne, comme si cette mesure était à la hauteur de l’idée misérable de la vie qu’on devrait avoir au Québec en hiver : « Anyways, y fait frette pis noir tôt, c’est plate, y’a pas de raison de sortir faque… pourquoi ça vous dérange? ». Et si vous ne pensez pas comme ça, si vous avez une autre conception de la vie, eh bien c’est vous le problème, vous êtes louches en fait.

Car voilà une des fonctions tacites les plus puissantes du couvre-feu : rediriger le ressentiment. Après avoir multiplié les petits empêchements, on peut enfin s’en prendre à ces irresponsables qui sortent le soir, qui ne vivent pas comme nous. Ça a au moins l’avantage de détourner l’attention de la gestion pitoyable de la crise, des innombrables incohérences des mesures, et des coupures et compressions répétées dans le système de santé qui l’ont rendu si vulnérable et qui ont mis tout le monde qui y travaille à bout. Grâce au couvre-feu, on peut enfin punir celles et ceux qui ont « triché » pendant le temps des fêtes, les jeunes qui se rencontrent malgré tout, mon voisin qui a reçu un ami l’autre soir sur son balcon et qui avait l’air d’avoir ben trop de fun… Et tant pis pour les pauvres qui sont trop mal foutu.e.s pour se trouver un logement où on peut rester enfermé à la journée longue sans virer fou, pour ceux qui s’entassent en ville avec plein d’étrangers, pour celles qui habitent seules sans connexion Internet…

Pendant ce temps, la majorité des éclosions a lieu dans les institutions disciplinaires (écoles, usines/lieu de travail, prisons), toutes qualifiées par un certain niveau d’enfermement. Mais mieux vaut taper sur celles et ceux qui refusent de s’enfermer.

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Évidemment, il y a des gens qui ne prennent tout simplement pas la pandémie au sérieux, qui se croient au-dessus d’une solidarité de base et qui mettent une foule de monde en danger. Mais aujourd’hui malheureusement, pas besoin d’être aussi con pour se faire traiter d’irresponsable. Suffit de ne pas s’enligner sur la morale gouvernementale, et hop c’est parti. Mais si on s’y arrête un peu, est-ce que les jeunes qui dépriment chez eux, sans contacts sociaux, sont irresponsables d’aller voir des ami.e.s une nuit? Est-ce que des célibataires sont irresponsables de chercher à avoir une vie sexuelle pas complètement inactive malgré tout? Est-ce que l’aîné qui a reçu un diagnostic d’Alzheimer et qui n’a pas vu ses petits-enfants depuis des mois est irresponsable de passer les voir pendant une heure, masqué, à deux mètres à l’intérieur? Un peu, dans un sens, puisque si tous ces gens finissent par se faire contaminer ainsi, ils et elles iront se faire soigner comme les autres, avec tous les impacts qu’on connaît. Mais tous ces gens (et les innombrables situations différentes), ne sont pas écervelés : ils montrent seulement qu’il y a des dimensions de la vie à laquelle ils et elles ne sont pas près à renoncer totalement, que la vie est une affaire éthique. Ou, dans un langage plus clinique, qu’on ne saurait subsumer indéfiniment la santé mentale et les relations sous la santé physique (et les suicides? les dépressions? les violences intrafamiliales? les mutilations? c’est moins important parce que ça ne se chiffre pas en nombre d’hospitalisations?). Cet aspect de l’existence qui se voit constamment rabattu depuis des mois, en attendant…

Parce que ça commence à faire longtemps. Longtemps qu’entre la santé et l’économie, il ne reste plus de place pour grand chose. Que tout ce qui ne tombe pas dans ces deux catégories est limité, dissout, écrasé. Et à force d’être contraintes et isolés, on en vient à se demander ce qui reste de notre dignité, jusqu’où peut-on peut mettre la vie de côté? Quelles zones de l’existence va-t-on encore devoir mettre sur pause, voir disparaître? Combien de temps on pourra rester des zombies, chacun sur notre écran pour travailler, « voir » ses ami.e.s, se divertir, et rebelote? Deux mois? Six mois? Un an? Cinq ans? Parce que depuis le début, on nous dit que c’est un sacrifie à faire, pour un court laps de temps, pour sauver les plus démuni.e.s et éviter que le réseau de santé s’effondre. Ok, mais là ça va faire un an. Un an qu’on pourrit de l’intérieur. Et soyons réaliste, personne ne peut garantir qu’il n’y aura pas de 3e, 4e, 5e, voire même de 6e vague. Que les vaccins accordent une immunité de plus de six mois. Que le virus ne va pas muter, rendant certains inopérants. Pendant que le gouvernement fait de la gestion de la population (« il faut diminuer la probabilité des rassemblements ») et de la morale de crise, les yeux rivés surs les sondages, la vie s’écoule, dans un petit bruit qui ne reviendra pas.

Il faut bien se le dire, à un moment donné : on ne saurait « limiter tous les contacts » sans que la vie perde un peu de son sens. Il va falloir apprendre à re-vivre, à vivre-avec. Pas comme les conspis balançaient, en tout début de pandémie, qu’il fallait laisser le virus faire ses ravages, sans contextualiser, sans penser le soin, la complexité de l’immunité collective, etc. Non, vivre avec au sens de mettre fin à l’effritement de nos vies communes, de tracer une ligne, chaque fois singulière, derrière laquelle les mesures sanitaires ne passeront pas, de prendre soin de ces parts de nous qui meurent à petit feu enfermées. En fait, la question est déjà là : on « vit » déjà avec cette maladie depuis des mois. Mais on vit très mal. La question est de savoir comment vivre avec. Et ça, aucun gouvernement ne pourra nous l’imposer.

D’ici là, on lâche pas, on continue : à faire attention et à trouver des zones d’ombres, pour occuper les interstices, à prendre soin de nos proches et à retrouver le sentiment fuyant de la liberté, partager une intensité commune quelques instants, trouver les manières de contourner leurs cloisons.

Ces feux-là ne se recouvrent pas.

P.S. Oh, et pour celles et ceux qui reprendront la morale gouvernementale pour nous traiter d’égoïstes, de privilégié.e.s ou d’irresponsables (encore une fois), sachez que ces quelques lignes s’adressent à tout le monde : on le souhaite particulièrement pour les employé.e.s du réseaux de la santé, qui se font enfoncer des heures supplémentaires dans la gorge, pour les enseignantes et enseignants forcés de rentrer au travail, les itinérants et itinérantes, les fameuses gens vulnérables, qui peuvent aussi ne plus être capables de supporter l’isolement et la zoomification de l’existence… Va falloir arrêter de cliver le débat, de rabattre tout questionnement des mesures sanitaires-répressives dans l’imbécilité ou l’égocentrisme (ce qui revient souvent au même). Ce texte n’est qu’une amorce pour ouvrir des espaces de réflexion que trop de gens voudraient voir se refermer illico.

1 Notamment celui de Jaggi Singh (https://ricochet.media/fr/3431/pas-de-couvre-feu-ni-police-ni-delation), de Montreal Antifasciste (https://montreal-antifasciste.info/fr/2021/01/16/position-de-montreal-antifasciste-sur-le-couvre-feu-decrete-par-quebec) et du blogue L’Éteignoir (https://www.leteignoir.com/2021/01/ton-couvre-feu-de-marde.html), pour ne mentionner que ceux-là.

2 Une des premières mesures, plutôt : en fait le mode même d’imposition des confinements pandémiques vient implicitement poser l’unité familiale et le couple comme formes appropriées du vivre-ensemble. Sans rentrer dans le fait que la science implique souvent sa propre morale…

3 Le président français, qui semble servir d’exemple à notre mononcle national, a au moins eu l’honnêté de déclarer, lorsqu’il fut question d’imposer un nouveau couvre-feu, « Le problème, c’est la convivialité ».