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Nouvelle action de perturbation, en solidarité avec les Wet’suwet’en, qui s’attaque aux franchises Banques Royale du Canada (encore)

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Fév 102022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le 6 février 2022, à Montréal (Tio’Tia:Ke), des allié.e.s allochtones ont fait des actions de perturbation en solidarité avec le clan Gidimt’en de la nation Wet’suwet’en sur plusieurs guichets automatiques de différentes succursales de la Banque Royale du Canada dans la région du soi-disant Montréal.

Nous avons utilisé-es différentes tactiques : briser des vitres, mettre de la colle dans des serrures, insérer des cartes dans les insertions des guichets et utiliser des «tags» #FuckRBC à l’intérieur. Maintenant, les clients de la RBC vont être conscient des raisons pour lesquelles leurs banques sont constamment ciblées depuis maintenant 5 mois. Les instigateurs.trices de cette action répondent en effet à l’appel des chefs traditionnels Wet’suwet’en à perturber le Canada (#ShutdownCanada) en réaction à l’invasion de leur territoire, le Yintah, pour la troisième année consécutive par la GRC.

Le peuple Wet’suwet’en s’oppose actuellement à la construction d’un oléoduc par Coastal GasLink, une compagnie de TransCanada Energy – qui est connue ici pour avoir tenté la construction de l’oléoduc Énergie Est -, sur leur territoire traditionnel. Entre autres choses, la construction de l’oléoduc met en danger la rivière Wedzin Kwa, source d’eau et de poisson, et lieu central aux pratiques ancestrales des Wet’suwet’en, sous laquelle il doit passer.

Ce sont des petites actions faciles à reproduire et nous vous encourageons à faire vos propres tests avec des ami.es de confiance afin de trouver différentes façons de lutter contre la RBC.

Plusieurs actions de solidarité ont en effet eu lieu à différents endroits, au Canada, dans les dernières semaines. L’appel à des actions de solidarité est toujours d’actualité: « le Clan Gidimt’en invite à l’organisation de manifestations et d’actions dans votre région. Il appelle également [à] mettre de la pression sur les gouvernements, les banques et les investisseurs […] et à venir au campement.»

Solidarité avec tous les peuples qui résistent! Non à Coastal GasLink! #Fuck RBC!

Compte-rendu de voyage : Le samedi 5 février à Ottawa

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Fév 102022
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

Nous avons pris le train en ville pour éviter d’être pris dans l’embouteillage de la manifestation elle-même. J’ai passé le trajet à me préparer pour ce que nous allons voir en passant mentalement en revue toutes les choses que je dois m’attendre à voir et à entendre dans les prochaines heures à la manifestation du convoi et à me distraire en me demandant si j’aime ou non le nouveau système de transport en commun d’Ottawa. Je n’ai pas été au centre-ville d’Ottawa depuis avant la pandémie. Je sais à quel arrêt nous nous rendons, mais il est de toute façon immanquable, une vague de personnes vêtues de capes du drapeau canadien, sans masque et portant des pancartes se prépare à descendre en même temps que nous. Je me souviens avoir utilisé une tactique similaire pour trouver le bon arrêt de métro afin de me rendre au parc Zucotti en 2011. Il y a tellement de similitudes superficielles entre ici et là que je ne peux m’empêcher de ressentir une pointe de jalousie et peut-être même d’empathie envers les manifestant-es que j’ai vécus toute la semaine, en regardant leur moment se dérouler et en me rappelant des moments où j’ai ressenti de la joie, de la camaraderie et de l’anticipation du genre de celles que j’imagine qu’iels ressentent cette semaine.

La première chose que je remarque lorsque nous sortons du train, c’est un grand homme blanc portant un chapeau « Make America Great Again » et agitant le drapeau « Fuck Trudeau » qui est un emblème important de la droite depuis quelques années. Évidemment, je déteste son chapeau Trump, mais cela me rappelle aussi à quel point je déteste que l’extrême droite m’ait enlevé un slogan aussi pur et bon que « Fuck Trudeau », de sorte que je ne peux pas insulter l’homme qui est peut-être le premier ministre que je préfère le moins dans l’histoire du Canada sans d’abord déclarer que je ne soutiens pas l’extrême droite. La deuxième chose remarquable, ce sont deux jeunes familles qui se croisent, l’une se dirigeant vers le train et l’autre s’en éloignant, les enfants sautant de haut en bas en marchant et scandant « LIBERTÉ » si fort que leurs voix se brisent. Je peux dire qu’iels ont fait cela toute la journée et le mec MAGA se joint à eux avec un bruyant « FREEDOM ! FREEDOM ! » et salue les enfants avec enthousiasme.

J’ai suivi cette manifestation en ligne toute la semaine et, bien que je sache que c’est en ligne que se déroule une grande partie du badinage des manifestant-es, je savais aussi que ce serait différent d’être parmi elleux au centre-ville d’Ottawa. Je voulais le voir de mes propres yeux et me faire une idée de l’ambiance, ainsi qu’évaluer à quel point la présence du mouvement d’extrême-droite qui, je le sais, est à l’origine de ces manifestations, est évidente. Je suis ici en tant qu’observateur, je n’essaie pas de me fondre dans la masse ou de les infiltrer de quelque manière que ce soit, mais je ne les provoque pas non plus. Il est évident que je ne peux pas tirer grand-chose de ma présence sur place pendant une journée, et je ne prétends pas ou n’espère pas être un expert des convois de la liberté, mais j’espérais que le fait de le voir en personne m’aiderait à me faire une opinion à ce sujet d’une manière que les médias sociaux seuls ne peuvent pas faire.

Il y a ici beaucoup de drapeaux et de pancartes représentant diverses causes wingnut, nationalistes et de droite, mais les deux symboles les plus largement partagés de ce mouvement sont clairement le drapeau canadien et l’absence de masque facial. Le rouge et le blanc sont partout et de nombreux manifestant-es ont pris l’habitude de s’en draper, paradant avec une cape en forme de feuille d’érable. Je ne comprends pas vraiment quand l’État canadien est supposément la chose qu’iels combattent, mais encore une fois, je n’ai jamais vraiment « compris » le nationalisme canadien et ce n’est pas nouveau – la même pléthore de drapeaux canadiens était le symbole le plus commun à deux importants prédécesseurs de ce mouvement, le « mouvement patriote » populiste et islamophobe qui a émergé en opposition au projet de loi M-103 et le mouvement des « Gilets jaunes du Canada » financé par le pétrole et le gaz.
L’absence de masque facial est un symbole frappant qu’iels partagent tous et beaucoup d’entre elleux l’ont porté au-delà de la manifestation, refusant avec défi de remettre leur masque lorsqu’iels montent dans les transports en commun ou entrent dans les quelques commerces qui restent ouverts au centre-ville. Je n’en porte pas non plus et c’est tout ce qu’il semble falloir pour se fondre dans cette foule. Dans le train, j’imagine qu’iels se retrouvent ainsi, partageant des regards conspirateurs avec d’autres membres de leur nouvelle communauté qui se sont également réveillés de la stupeur conformiste et pro-restrictions dans laquelle iels imaginent le reste d’entre nous. Dans les rues, j’ai entendu parler de nombreux passants et contre-manifestant-es qui se sont fait engueuler parce qu’iels portaient le leur, et je ne suis pas du tout surpris.

Je sais qu’il y a du racisme sous-jacent, car je sais que leurs organisateurs-trices sont enraciné-es dans les mouvements plus ouvertement racistes qui ont ouvert la voie à celui-ci, mais je ne pense pas qu’un passant naïf le remarquerait nécessairement, à moins qu’il ne se trouve au bon endroit au bon moment. J’ai entendu parler de personnes racisées harcelées par des membres du convoi, mais ce n’est certainement pas leur activité principale la plupart du temps, et je ne vois pas un seul signe concernant l’immigration, la race ou le colonialisme pendant tout le temps où je suis là. J’ai remarqué deux pancartes ouvertement antisémites, principalement du type « liste de complots » que j’ai déjà vu sur des complotistes lors de manifestations de gauche à grande échelle. Il y a un certain nombre de symboles de droite parsemés dans la foule, y compris un nombre surprenant de drapeaux « Don’t Tread On Me », mais aucun signe d’organisations canadiennes connues d’extrême droite ou néo-nazies affichant leurs couleurs et leurs symboles. Plus tard, sur Twitter, j’ai remarqué que quelqu’un avait posté une photo de six membres de l’organisation patriote d’extrême droite « Canada First », cagoulés, dans les rues le même jour, mais je ne les ai pas rencontrés en personne. Je m’attendais à voir plus de preuves des fascistes déclarés du Québec et du Canada qui recrutent, mais je n’en ai pas trouvé samedi. Peut-être qu’iels se cachent ou peut-être que la foule était simplement trop grande pour que je puisse les trouver. Il y a beaucoup de blancs ici mais ce n’est certainement pas une foule homogène, peut-être même pas beaucoup plus blanche que beaucoup de manifestations écologistes ou d’autres manifestations de gauche auxquelles j’ai assisté par le passé.

C’était énorme samedi. Vendredi, la police a fait état d' »environ 350″ manifestant-es dans le centre-ville et n’a rien dit sur le nombre de manifestant-es samedi, mais il y en avait certainement des milliers. Le succès des camions en tant que tactique de revendication d’espace pour ce groupe ne peut être sous-estimé. Toutes les rues autour du Parlement sont bloquées par de grands véhicules, ornés de pancartes et de drapeaux, avec des manifestant-es dans les cabines, klaxonnant, souriant et saluant la foule, dont beaucoup portent des pancartes « Merci aux camionneurs » et réservent leurs plus grandes expressions d’enthousiasme pour les rencontres avec les camions eux-mêmes. Même les jours où iels sont moins nombreux, il est difficile d’imaginer quelle tactique de la police ou des contre-manifestants pourrait réussir à saper leur contrôle sur les coins de rue entourant la colline du Parlement. Iels sont nombreux sur et devant la colline, où une sorte de « scène principale » a été installée à l’arrière d’un camion pour les orateurs et les annonces, mais iels ont tout le quartier. Plusieurs rues plus loin, un parc fait office de centre logistique, des gens y sont installés avec de la nourriture gratuite, du bois de chauffage et d’autres fournitures. Toutes les rues entre les deux et, en fait, une grande partie du centre-ville font activement partie de la zone de manifestation, remplie de gens qui crient et chantent et du son omniprésent des klaxons de camions qui a tant attiré l’attention des contre-manifestant-es locaux.

Je suis passé plusieurs fois devant la scène principale et chaque orateur que j’ai entendu était un militant anti-vaccins de quelque sorte. C’est en fait assez ennuyeux – bla bla ivermectine bla bla conspiration bla bla produits chimiques toxiques dans votre bras. Je ne peux pas dire si beaucoup d’entre elleux écoutent même les orateurs et dans les rues éloignées de la scène, le seul slogan que j’entends est « Liberté ! », il est donc très difficile de dire si les gens sont tous ou principalement des anti-vaccins, mais j’imagine que beaucoup le sont. En bas de la route, un autre haut-parleur diffuse du rock classique et un groupe tout aussi important a créé une fête dansante, agitant leurs pancartes de conspiration et leurs drapeaux canadiens et scandant « liberté » tout en dansant ensemble de manière extatique par -25 degrés. Je n’ai jamais vu notre camp se gonfler avec autant de succès en si grand nombre par un temps aussi pourri.

J’imagine que tous les complotistes que j’ai rencontrés dans la région sont ici, et bien d’autres encore. J’ai l’habitude de voir de telles personnes seules dans une foule, mais c’est un peu troublant de constater à quel point elles sont nombreuses maintenant qu’elles sont toutes réunies au même endroit. Il y a des panneaux et des brochures partout sur toutes les théories du complot d’extrémistes que j’ai entendues et même certaines que je n’ai pas entendues – les puces électroniques dans les vaccins, les juifs, les lézards, et j’en passe. Un panneau me dit qu’une triade de fouines travaillent ensemble pour contrôler la population avec la puce des vaccins : le gouvernement Trudeau, les médias grand public et l’Alliance de la fonction publique du Canada. J’espère que quelque part, un membre de l’AFPC est fier d’être élevé à un si haut statut. J’avais l’intention de parler à plus de gens, mais toutes les conversations que j’ai entendues portaient sur une théorie du complot connue – trois gars derrière moi qui parlaient de la 5G et de la Chine, une femme qui expliquait le « Great Reset » à ses enfants d’âge scolaire, un père francophone qui disait à ses enfants que les masques sont mauvais pour leurs poumons. À la fin de la journée, dans le bus du retour, je me prépare à demander à deux manifestant-es derrière moi de m’expliquer leur mouvement, mais j’abandonne quand je les entends chuchoter entre eux pour dire qu’il y a encore beaucoup à dire sur les chemtrails. Je suis frappé par une évidence à laquelle je n’avais pas vraiment réfléchi auparavant, à savoir que de nombreuses personnes d’apparence très normale, avec des familles, des emplois et de beaux sourires, sont en fait des adeptes de certaines des théories du complot que je considère comme les plus irrationnelles et impossibles à croire. Je suppose que ce phénomène a beaucoup augmenté depuis la pandémie, mais je ne peux pas le prouver.

Je soupçonne qu’une grande partie de la croissance de ce mouvement se produit parmi les personnes qui ne se sont pas manifestées et ne se seraient pas manifestées pour les mouvements de droite du passé, mais qui sont simplement véritablement fatiguées des restrictions du Covid. À un moment donné, j’ai vu un groupe d’enfants avec de jolies pancartes portant le contour d’un camion rempli de listes des choses qu’iels ont manquées depuis 2020 – le football, voir mes amis, sourire à ma grand-mère, la pratique de la chorale. Mon cœur se serre quand j’imagine les visions du monde que ces enfants rencontrent lors de ce qui pourrait bien être leur première manifestation. J’ai beaucoup d’empathie pour leur désir de s’engager dans des activités normales, ludiques et collectives après deux années à faire semblant de se satisfaire d’appels Zoom, de conversations masquées et de rencontres en plein air dans un froid glacial. Je déteste le fait qu’une grande partie de la gauche agisse comme si ces préoccupations n’existaient pas, en disant aux gens que s’iels se soucient un tant soit peu des personnes vulnérables, âgées et handicapées, iels doivent simplement faire avec et passer à autre chose. Une pancarte dit « C’est l’existence, je veux vivre ». Moi aussi, mec, à 100%. Si seulement c’était vrai ce que disent les complotistes de ce mouvement, qu’en fait le Covid n’est qu’un rhume, que le gouvernement a gonflé le nombre de morts et que tout ce que nous devons faire pour mettre fin à la pandémie, c’est prendre la pilule rouge, retirer nos masques et danser à nouveau dans les rues. Si je plisse les yeux, je peux presque voir ce qu’iels voient, iels sont enfermés à l’intérieur depuis si longtemps et les camionneurs sont les premiers à avoir le courage de s’exprimer et de dire « ça suffit », nous devons sortir. S’il n’y avait pas les racistes de droite qui dirigent le mouvement, sans parler des millions de morts réelles dues au Covid-19 qu’aucune quantité de bonnes vibrations et de mensonges ne pourra empêcher, cela aurait beaucoup de sens.

Dans l’après-midi, nous nous rendons à une contre-manifestation organisée principalement, semble-t-il, par des résidents du centre-ville d’Ottawa qui en ont assez du bruit, de la circulation, des discours haineux, du harcèlement et de l’intimidation de la part de certains manifestant-es. Il est très, très important de contrer le mouvement des camionneurs avant qu’elle ne devienne un mouvement révolutionnaire néo-fasciste à part entière, mais honnêtement, je n’ai ressenti aucune affinité avec cette contre-manifestation en particulier. La plupart des pancartes demandaient plus de policiers, se plaignaient de désagréments comme le bruit et le trafic, ou se moquaient des manifestant-es parce qu’iels n’étaient pas vaccinés et/ou étaient stupides. « Honk if you failed civics », « Self-driving trucks can’t spread covid », « Ottawa police act now », « Make Ottawa boring again ». Une dame avec une pancarte verbeuse sur la façon dont les vaccins obligatoires sauvent des vies me prend pour un membre du convoi et me réprimande parce que je suis apparemment analphabète : « Ça t’a pris quelques minutes pour lire ça, chérie ? ». J’ai un diplôme d’études supérieures et je n’ai pas à être aussi personnellement offensée, mais je ressens un élan de rage envers les élites libérales du centre-ville qui pensent que le problème est que ces gens ne sont tout simplement pas allés à l’école assez longtemps. Nous partons avant la fin de la manifestation, alors que certains manifestant-es sont engagés dans une impasse verbale – les antis scandent « Rentrez chez vous, bande d’idiots » tandis que les manifestant-es du convoi leur répondent « On vous aime toujours ! On vous aime ! Love ! » et la police forme une ligne plus forte entre les deux foules.

Je pense que le convoi de camionneurs est une manifestation. Je ne suis pas d’accord avec celleux qui disent qu’il s’agit d’un siège, d’une insurrection ou de tout autre terme exagéré, et je pense que ces idées viennent principalement d’Ottaviens outrés que quelqu’un puisse être aussi bruyant et aussi agaçant pendant aussi longtemps. Je n’hésiterais pas à organiser et à participer à une manifestation aussi bruyante et ennuyeuse si elle était organisée par d’autres personnes pour une autre cause. Je ne vois donc pas le bien-fondé de ces préoccupations et je ne pense pas que le fait d’être très bruyant ou très ennuyeux fasse de cette manifestation autre chose qu’une manifestation. Il y a toujours eu des libéraux qui nous traitaient de terroristes lorsque nous occupions l’espace, ou qui prétendaient que nos cornes d’alarme étaient des armes et qu’iels étaient attaqués par notre refus de partir. Il s’agit d’une « occupation », dans le sens où le mouvement Occupy était une occupation, c’est-à-dire qu’il cherche à occuper l’espace comme une tactique de protestation et cherche à créer un conteneur pour que les personnes partageant les mêmes idées puissent se rassembler, à la manière d’un campement. Comme beaucoup de mouvements sociaux, il y a des éléments révolutionnaires qui aimeraient le voir se transformer en quelque chose de beaucoup plus important. Cela pourrait arriver – c’est une manifestation très importante et réussie et beaucoup de personnes présentes semblent très inspirées et engagées. Mais cela ne s’est pas encore produit. Il faut l’arrêter avant que cela n’arrive, idéalement par la résistance de la base et non par la répression policière.

J’ai beaucoup de pensées décousues à ce sujet et je pourrais probablement écrire plusieurs longs essais sur le sujet si j’avais le temps et la foi en ma propre compréhension et autorité pour le faire. Pour aujourd’hui, je vais me contenter de partager mon expérience et quelques grands thèmes de questionnement que j’aimerais approfondir, sans ordre particulier :

(1) La liberté est un objectif très réel et très important, et les restrictions de Covid contraignent véritablement les gens, souvent de manière véritablement contraire à l’éthique. Je ne soutiens pas les mandats de vaccination, même si je suis favorable à l’idée d’encourager les gens à se faire vacciner par d’autres moyens moins coercitifs. Contrairement à la droite, nous savons que la vraie liberté ne peut être atteinte que collectivement, qu’il ne s’agit pas d’un simple choix individuel. Refuser de porter un masque lorsqu’un ami ou un voisin vous demande de le faire pour sa propre santé est une conception erronée de la liberté. Mais je pense que le monde est devenu encore moins libre depuis la pandémie, que les gouvernements ont acquis de nouveaux types de pouvoirs et de nouvelles formes de surveillance. Au Canada, je pense qu’ils bénéficient également d’un nouveau niveau de sourdisme, de pacification et d’obéissance de la part d’une grande partie de la population qui ne peut pas imaginer une solution au problème du Covid-19 qui soit plus complexe que de simplement faire ce que le gouvernement dit de faire et de faire honte à celleux qui ne le font pas.

(2) Les gens vont toujours croire des choses fausses. Les théories du complot sont très ennuyeuses, mais elles fournissent des réponses faciles et sont très convaincantes. Personne ne va se sentir obligé de se faire traiter d’idiot. Nous avons besoin de meilleurs moyens de contrer la désinformation que les brimades mesquines et les reproches exagérés.

(3) Je n’ai aucun doute que si cette manifestation devenait un mouvement révolutionnaire, elle serait absolument fasciste. Les éléments qui veulent déposer le Premier ministre installeraient quelqu’un de bien, bien pire. Il n’y a aucun espoir de faire cause commune avec cette chose, mais nous devons trouver des moyens créatifs, probablement nouveaux, de la contrer. Cela n’a pas de sens de traiter ces manifestant-es comme des camarades potentiels (du moins en tant que groupe), mais cela ne fonctionnera pas non plus de les traiter comme nous avons traité les néo-nazis connus et déclarés. Quels sont les moyens de contrer ce mouvement qui ne se limitent pas (mais qui pourraient tout de même inclure) à faire honte à ses recrues potentielles et à menacer leurs événements de violence physique ?

(4) Que se passe-t-il avec la police ici, en fait ? D’une part, il est vrai qu’ils n’ont pas beaucoup essayé d’éloigner les manifestant-es (bien qu’il semble que cela pourrait changer dans les prochains jours), et le succès et la bonne ambiance de la manifestation sont en partie le résultat d’une absence quasi-totale de répression, en partie due à la blancheur et à la politique des manifestant-es. D’autre part, la police d’Ottawa ne ment probablement pas quand elle dit qu’elle n’a pas la formation ou les ressources nécessaires pour déplacer cette manifestation. Ce n’est pas parce qu’il y a trop de manifestant-es, c’est à cause de leurs tactiques, notamment les camions. Comment est-il possible qu’il n’y ait aucun plan pour empêcher la police de perdre le contrôle de la COLLINE PARLEMENTAIRE aussi facilement ? Quelles sont les leçons que nous pouvons tirer de cet événement et quelles nouvelles compréhensions de l’État canadien cela devrait-il nous donner ?

(5) Que voulons-nous faire à propos de Covid maintenant qu’il est clair que les vaccins sont un outil et non une fin ? Comment allons-nous reprendre prudemment les activités plus risquées tout en faisant preuve d’attention, d’empathie et de protection envers les personnes vulnérables au virus ? Les anti-vaccins se trompent sur les vaccins, c’est certain, mais ils ne représentent pas la totalité (ni même le principal) du problème et nous ne pouvons pas échapper au fait que le virus est probablement là pour rester. Si le virus ne disparaît jamais, nous devrons de toute façon danser ensemble dans les rues un jour ou l’autre. Cela n’a pas de sens de dire à tout le monde de simplement endurer une vie de merde indéfiniment. La liberté dont parlent beaucoup de gens du convoi est une version ennuyeuse de la liberté parce que beaucoup d’entre eux ne se soucient pas du tout que des gens meurent du Covid, mais celleux d’entre nous qui s’en soucient devront quand même trouver des moyens de vivre.

Les frontières tuent. La négligence de l’ASFC tue: Décès au centre de surveillance de l’immigration de Laval – Rage et deuil collectif

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Fév 062022
 

De Solidarité sans frontières

Dimanche 30 janvier, nous avons appris avec rage et tristesse qu’un autre décès est survenu au centre de surveillance de l’immigration de Laval. Nous ne savons rien de l’identité de cette personne qui a perdu la vie sous la responsabilité de l’Agence des services frontaliers canadien. Tout ce que l’on sait c’est qu’elle était migrante et qu’elle était détenue à des fins administratives car elle n’avait pas les bons papiers. Elle en est décédée. Cette personne n’aurait jamais dû être détenue en premier lieu. Personne ne doit être détenu-e.

C’est une mort scandaleuse qui arrive à la suite d’une autre tragique nouvelle, celle d’une famille qui est morte de froid la semaine dernière en tentant de traverser la frontière au Manitoba. Les frontières tuent. La négligence de l’ASFC tue.

Ce décès n’est pas le premier dans les centres de détention gérés par l’ASFC et les compagnies contractantes (Corps des commissionnaires canadiens, Garda World) qui empochent les contrats pour s’occuper à tour de rôle « d’assurer la sécurité » des lieux. Depuis les vingt dernières années, c’est plus d’une quinzaine de personnes qui y ont perdu la vie, parfois par suicide mais aussi à la suite de mesures de contrôles corporels ou encore par manque flagrant de soin. L’ASFC laisse mourir les personnes qu’elle détient en ne leur portant pas assistance. Cette négligence se traduit par des décès évitables. Cette mort s’ajoute à la déjà très longue liste des personnes mortes aux mains de l’ASFC depuis les vingt dernières années.

Bolante Idowu Alo
Abdurahman Ibrahim Hassan
Fransisco Javier Roméro Astorga
Melkioro Gahung
Jan Szamko
Lucia Vega Jimenez
Joseph Fernandes
Kevon O’Brien Phillip
Homme non identifié
Shawn Dwight Cole
Homme non identité
Joseph Dunn
Personne non identifiée
Sheik Kudrath
Prince Maxamillion Akamai

Cela ne fait que quelques années que l’ASFC annonce publiquement lorsqu’un décès survient sous sa responsabilité. Cependant, les circonstances de ces décès demeurent souvent opaques et l’ASFC invoque la protection de la vie privée pour ne rien divulguer sur ses pratiques toxiques. Comme à l’habitude, ce sera un autre corps policier qui mènera l’enquête puisqu’il n’existe aucune entité d’enquête indépendante qui surveille l’ASFC. Sans surprise, des policiers enquêtent sur le travail de d’autres policiers. Pendant ce temps, le centre de détention demeure comme une boîte noire dont le public ne sait que très peu de chose et où la négligence, les abus et le manque de soin physique et psychique sont fréquents. Les dernières grèves de la faim entamées courageusement par des personnes détenues à Laval sont venues mettre en lumière les difficiles conditions de détention.

La construction d’une nouvelle prison et les investissements annoncés depuis 2018 pour “humaniser” le système de détention ne changeront rien. Que des arbres soient plantés dans le stationnement des visiteurs, qu’un cours de basketball et un module de jeux pour enfants soient ajoutés à la cour clôturée et cachée de l’œil du public n’y changent absolument rien; ces lieux sont des prisons où l’on enferme des personnes, des familles, des mineur-e-s. Nous les privons de liberté à des fins administratives. La détention n’est pas une mesure exceptionnelle mais bien une composante fondamentale de la matrice répressive qu’est le système d’immigration canadien.

Les conséquences de ces politiques migratoires répressives sont multiples et meurtrières. Aucune personne ne devrait être contrainte à vivre dans l’ombre en proie à l’exploitation, à la crainte d’une arrestation et d’un enfermement. La détention ne fait que favoriser l’exploitation de ces personnes en les cantonnant dans une économie informelle caractérisée par des abus et des violences et des conditions de travail médiocres.

Cette violence doit s’arrêter! Ça suffit! Pas un mort de plus!

Nous revendiquons l’ouverture des frontières et la libre circulation des personnes en quête de dignité et de justice. La libre circulation signifie avoir la liberté de pouvoir se déplacer, la liberté de pouvoir retourner et la liberté de pouvoir rester.

Arrêtons les détentions, les déportations et mettons en place un vrai programme de régularisation! Pas de prison, un statut pour tous et toutes!!

Mathieu Bock Côté, icône médiatique de la droite Zemmourienne…

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Fév 062022
 

Du Collectif Emma Goldman

Tout récemment, dans une émission de radio française, Mathieu Bock-Côté (oui, encore lui) affirmait lors d’une de ses chroniques intitulées « Carte blanche », sur la campagne présidentielle de son ami Zemmour et la difficile union de la droite et de l’extrême droite, que: « […] même politiquement vaincue, la gauche demeure idéologiquement dominante. C’est à travers les concepts qu’elle impose que le récit médiatique de la vie politique nous est raconté. Elle parvient encore à définir ce qui est répugnant de ce que le n’ait pas. Elle prétend même maîtriser notre odorat de ce qui est nauséabond et sulfureux ». Pas besoin de se taper son dernier brûlot, en quelques lignes, le faiseur d’opinion dévoile le fond de sa pensée. Monsieur, aimerait simplement que la droite nationalo-conservatrice demeure hégémonique et que les minorités restent inaudibles afin que ses repères et ses privilèges demeurent inchangés.

Depuis plus d’une décennie, ce sociologue plus polémiste qu’universitaire, s’est fait une belle place dans les médias de masse, ici comme de l’autre côté de l’Atlantique. Inutile, de citer l’ensemble des tribunes où l’on peut lire ou entendre Bock-Côté. Rappelons tout simplement que ses livres se retrouvent sur la table de chevet du Premier ministre Legault. Ce qui peut expliquer l’arrivée du terme « woke » à l’Assemblée nationale, que le gouvernement refuse de reconnaître le racisme systémique au Québec et qu’une Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire a déposé un rapport en décembre 2021.

Il y a quelques jours, dans un énième billet sur les « Wokes » et l’université, le polémiste écrivait ceci:

Encore une fois, dans sa défense de la civilisation occidentale, Bock-Côté oublie de mentionner que cette dernière a érigé sa puissance et sa domination actuelle en spoliant les ressources et les terres des Premières Nations tout en exploitant les corps africains. « Cette forme de colonialisme a bien sûr permis aux monarchies européennes, puis aux États qui leur ont succédé, d’amasser d’immenses richesses, en plus de jeter les fondements des structures d’un commerce mondial inéquitable qui sont encore en place aujourd’hui ». (Dupuis-Déri, F. et B. Pillet ,p.76)  (voir le texte : Suggestion de lecture pour les fans de Bock-Côté… L’anarcho-indigénisme)

Et comme le soulignait le philosophe Charles W. Mills : « […] à la fois au niveau mondial et à celui des états-nations individuels, les Blancs, les Européens et leurs descendants continuent de bénéficier du contrat racial qui crée un monde à leur image culturelle, des états politiques favorisant leurs intérêts particuliers, une économie structurée autour de l’exploitation raciale des autres et une psychologie morale biaisée consciemment ou inconsciemment pour les avantager, ce qui donne au différentiel de droits en fonction de la race le statut de norme légitime ne nécessitant pas d’examen plus approfondi » (Mills, p.40). (voir le texte :[Livre] Fragilité Blanche : Ce racisme que les Blancs ne voient pas.)

« Des tas d’histoires existent sans qu’on en parle » (Lussier)

Le rapport de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire démontre qu’il y existe bel et bien des professeur.es qui s’autocensurent en évitant d’aborder certains mots ou sujets pouvant faire controverse. En revanche, outre les quelques témoignages concernant le mot en « N », on ne retrouve rien sur les dérives conservatrices qui sévissent également dans le milieu universitaire. Dans son livre « Annulé (E) Réflexions sur la cancel culture », la journaliste et autrice féministe Judith Lussier rapporte les propos de Francis Dupuis-Déri sur la question : « les médias ne s’intéressent pas davantage aux étudiants conservateurs ou réactionnaires qui accusent les enseignantes féministes de discrimination contre les hommes et de misandrie ». ( Lussier, p.49)

Rien de nouveau sous le soleil

Bien avant l’avènement des Wokes en 2020, les féministes ont analysé le caractère hétéropatriarcal des contes de Disney nous rappelle Judith Lussier. Les films ont fait scandale à leur sortie et des œuvres ont fait l’objet de critiques. L’autrice nous rappelle notamment que dès la sortie du film « Autant en emporte le vent » (1939), celui-ci est critiqué pour sa vision idyllique de l’Amérique esclavagiste (Lussier p. 112). Pour ce qui est de la bande dessinée Tintin au Congo, elle n’a pas commencé à être critiquée en 2020. En 1946, l’éditeur Casterman demande à Hergé de retravailler certains passages de l’œuvre: « tout ce que vous faites là, c’est pour complaire non pas aux Noirs d’Afrique, qui ne demandent rien, mais pour complaire à la gauche occidentale bien-pensante », écrivait le bédéiste à son éditeur (Lussier, p.112) pour ne nommer que ceux-ci.

« Ce qui est nouveau, ce ne sont pas les critiques ou les revendications. Ce qui est nouveau, affirme Judith Lussier, c’est que l’on reconnaisse aujourd’hui les personnes qui émettent ces critiques ou ces revendications comme étant des interlocuteurs et interlocutrices assez valides pour être entendu-e-s » (Lussier, p.113). Et ce, c’est grâce aux luttes féministes, et plus récemment au mouvement « #Me too », au mouvement « Black lives matter », aux luttes 2SLGBTQ+, ainsi qu’aux luttes des Premiers Peuples.

Maintenant, pour contrer le ressac alimenté par cette élite nationalo-conservatrice et ces autres idiots utiles, nous devons lutter contre toutes les formes d’oppression, entendre les voix jusqu’alors ignorées et maintenues dans la marginalité, être à l’écoute de leurs demandes et surtout, être de meilleurs allié.e.s.

Bibliographie :

(1)https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/education/publications-adm/enseignement-superieur/organismes-lies/ANNEXES-Rapport-Document-complet-Web.pdf?1639494244

DiAngelo Robin, Fragilité Blanche : Ce racisme que les blancs ne voient pas. Les Arènes, Paris, 2020.

Dupuis-Déri, F. et B. Pillet (s.l.d.). L’anarcho-indigénisme. Montréal, Lux Éditeur, 2019, 208 p.

Lussier Judith, Annulé(e) réflexion sur la cancel culture, Les éditions Cardinal, Montréal, 2021, 254 p.

Mills, The racial contract, Cornell University Press, 1997, 171 p.

Invitation : 22.02.2022 – Vers la fin des mondes binaires – Réponse solidaire à la crise sanitaire

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Fév 042022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Actions partout au Québec

Nous ne voulons pas de retour à la normale, nous voulons un vrai changement social !

Considérant qu’après presque deux ans de pandémie, plusieurs solutions proposées par les gouvernements sont superficielles et autoritaires :

… Ils démonisent les personnes non-vaccinées;

… Ils considèrent les gens individuellement responsables de la pandémie et de ses conséquences;

… Ils mettent en place le passeport vaccinal qui contrôle nos corps et nos déplacements;

… Ils obligent le code QR qui nous habitue à la surveillance informatisée;

… Ils favorisent l’enrichissement des compagnies pharmaceutiques par la protection des brevets sur les vaccins;

… Ils s’accaparent des doses de vaccin plutôt que de proposer une distribution égalitaire dans le monde;

… Ils adoptent un couvre-feu qui vulnérabilise les personnes déjà marginalisées et qui accroît les pouvoirs policiers;

… Ils défendent le mode de vie des familles nucléaires hétéro, cis-centristes et aisées pour qui l’impact du couvre-feu est minime.

Considérant que les problèmes sociaux qui étaient déjà là ont été exacerbés par la crise sanitaire :

…changements et injustices climatiques

…crise du logement, inflation et augmentation des écarts entre les riches et pauvres

…violence conjugale et de genre

…anxiété généralisée et troubles chroniques de santé mentale

… racisme systémique et colonialisme

(À vous de compléter la liste…)

Considérant que les politiques néolibérales ont sérieusement fragilisé notre système de santé.

Considérant que l’extrême-droite profite de la situation pour faire avancer son agenda pro-pipeline, raciste et misogyne.

Considérant que la gestion de la crise sanitaire se base et encourage des binarités dont nous ne voulons plus : homme-femme bien-mal riche-pauvre malade-sain valide-invalide civilisé-primitif – (et bien d’autres)

Considérant qu’on cherche le trouble et le plaisir.

Mobilisons-nous pour :

• Abolir le capitalisme et le colonialisme

• Mettre fin aux binarités

• Transformer et se réapproprier le système de santé

• Refuser la société de surveillance

• Stopper l’écocide

• Solidariser nos communautés

Nous appelons à une multiplicité d’actions pour le 22 février 2022.

Notre objectif : reprendre la place publique de toutes les manières – soyons visibles!

Chant – Théâtre invisible – Memes – Vidéos – Murales – Bannières – Casseroles – Manifestation ET TOUTES LES ACTIONS AUXQUELLES VOUS PENSEZ!

Deux mots des morts – sur le Manifeste conspirationniste

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Fév 022022
 

De Mathieu Potte-Bonneville

à propos de : Anonyme, Manifeste conspirationniste, éd. du Seuil, 2022.

22 janvier. – Page 1 on peut lire : « La mise en scène d’une meurtrière pandémie mondiale, « pire que la grippe espagnole de 1918 », était bien une mise en scène. Les documents l’attestant ont fuité depuis lors ; on le verra plus loin. Toutes les terrifiantes modélisations étaient fausses. ». Suit une allusion au refus gouvernemental de considérer d’autre traitement que biotechnologiques (on croit reconnaître, perdu dans une allusion suffisamment faux-cul pour être inattaquable, le profil de médaille de Didier Raoult [un microbiologiste français ayant acquis une notoriété médiatique au début de la pandémie quand il a annoncé qu’un traitement à base d’hydroxychloroquine pourrait résoudre la crise sanitaire ; NdMtlCi.] ). On se pince, on tâche de se rassurer, évidemment ça ne durera pas, c’est une préface clickbait, l’ordinaire protestation amphigourique et générale dans le style grand siècle prendra le relais, mêlant rappel des infamies d’époque à l’air d’en savoir long, mais tout de même : on en sera passé par là, par la double négation consistant à réduire la pandémie à une mise en scène et à s’en détourner sitôt qu’elle aura joué son rôle de captatio benevolentiae, parce que compte moins au fond la vie et la mort des figurants de cette mise en scène (on songe aux brésiliens, aux tunisiens, aux 120000 disparus d’ici) que leur aptitude à servir de marchepied pour pérorer à leur place. 

Qu’une part de la gauche soit incapable de penser ensemble la pleine réalité de la crise sanitaire et la critique circonstanciée des effets d’aubaine autoritaires qu’elle représente ne fait pas honneur à son intelligence du présent. 

Que le torchon histrionique dont même le Comité invisible s’est vite démarqué ne se perçoive pas comme ce qu’il est, objectivement eugéniste (s’énoncant au nom de « tout ce qui ose encore respirer, les jeunes les pauvres, les dansants, les insouciants, les irréguliers ») n’étonne guère. 

Qu’il ait trouvé à se loger chez un grand éditeur est tout simplement consternant.

25 janvier. — « Mais tu ne peux pas critiquer le livre en ayant lu seulement ces vingt-cinq premières pages ! »

Il me semblait, à moi, que vingt-cinq suffisaient, que s’infuser dans la foulée trois cent cinquante pages de l’habituelle tambouille n’était pas indispensable, mais bon : puisqu’il fallait j’ai lu, du coup. Et puisqu’on me faisait reproche de dénoncer d’abord, dans cette affaire, l’absence de toute mention des morts et la déréalisation radicale de l’épidémie sous son interprétation politique, comme on en était restés là bah je les ai cherchés, les morts.  Au cas où ils auraient attendu, patients, après les vingt-cinq premières pages. J’ai même cherché, tenez, leurs occurrences dans le texte. Où t’as mis le corps, c’est toujours une question intéressante à poser. Or si l’on excepte une série de mentions dans le cadre circonscrit d’un commentaire d’Auguste Comte on peut dresser exhaustivement le relevé des neuf occurrences restantes :   

– Il est fait mention des morts du fait de la vaccination, aux 18e et 19e siècle, en bref des morts du vaccin (pages 202 et 204)
– Il est fait mention de deux morts par administration d’anthrax, en bref des morts d’autre chose (page 53)
– Il est fait mention de la surestimation du nombre de morts par les modèles projectifs, en bref des morts en moins (page 135, page 245)
– Il est fait mention de l’usage de la psychologie sociale pour manipuler les consciences dans la représentation des morts, en bref des morts hallucinés (page 143)
– Il est fait mention des vieux en EHPAD [l’équivalent français des CHSLD ; NdMtlCi.] morts… de solitude (page 243)
– Il est fait mention (c’est sans doute ma mention préférée) des « morts-vivants » page 211, en bref des morts pas morts, je vous donne le contexte : « l’Occident a fini par adopter une existence crépusculaire et à étendre indéfiniment les états de morts-vivants – malades à vie, immunodéprimés en sursis de cancer…». (Les personnes immunodéprimées ou porteuses d’une maladie chronique apprécieront cette délicate énumération, où vibre un discret hommage à ce que le regretté Louis Pauwels appelait il y a longtemps le « sida mental » ; mais juger le livre eugéniste était, parait-il, excessif et la formule « la biopolitique, tyrannie de la faiblesse », page 217, s’est sûrement glissée dans un chapitre par hasard)
– Il est enfin, in extremis, fait mention des « morts que nous n’avons pas pu enterrer ». C’est, comme un remords, à la page 306 d’un ouvrage qui en compte 316. Mais on ne saura pas de quoi ils sont morts, les morts. Faut pas exagérer.

J’arrête là la collecte de ce qu’il me semble difficile de ne pas lire comme un travail méthodique d’effacement, visant à araser les points de butée d’un discours qui peut alors se dévider sans couture, relier tout avec tout, dans cette logique sans friction qu’il décrit au plus juste, mais à propos de son adversaire et se mirant en somme en lui sans se reconnaître dans le miroir (« Le pouvoir démocratique se définit implicitement par ceci qu’il garantit l’Habeas corpus aux citoyens tant qu’ils se meuvent sans friction dans l’environnement matériel et virtuel. Le cyberespace est, tout autant que l’espace urbain, pensé pour une circulation absolument libre et absolument architecturée » , page 180). 

On aimerait paraphraser : hors la mort, ça glisse tout seul.

Sans monter dans les aigus, alors, on rappellera seulement ceci : la dernière fois qu’un discours radical a prétendu à gauche non seulement mobiliser la logique du complot, mais enjamber plusieurs millions de morts parce que leur survenue n’était pas intégralement fongible dans l’analyse des contradictions du capitalisme, c’était dans une petite librairie qui faisait aussi maison d’édition, du côté de la rue d’Ulm. Elle tirait son totem d’une citation de Marx, et s’enorgueillissait d’être une vieille bête qui fait des trous. Voyez ? Dans mon souvenir, pour finir il a fallu la dégager à coups de pelle, la boutique, et je ne vois strictement rien dans ce texte qui prémunisse ses thuriféraires de pareil devenir. [L’auteur fait référence à La Vieille Taupe, une librairie négationniste à Paris, fermée en 1991 suite à des manifestations ; NdMtlCi.]

26 janvier. On m’apprend que le site Egalité et réconciliation, fédérant comme on sait les amis d’Alain Soral [un essayiste et idéologue d’extrême-droite en France ; NdMtlCi.], a publié une critique louangeuse de l’ouvrage, suggérant que ce dernier laisse entrevoir un programme commun, et saluant la réconciliation du social et du national.

Comme disait l’autre : It escalated quickly.

Révolution tranquille, luttes étudiantes et réaction conservatrice

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Jan 312022
 

De Archives révolutionnaires

Guérilla académique dans les cégeps et les universités, décapitations et dynamitages de statues, sabotages et incendies pour dénoncer l’impunité d’un professeur accusé de racisme, pressions pour abolir un centre de recherche, émeutes entraînant l’annulation du défilé de la Saint-Jean-Baptiste pour plusieurs années. Ces différents événements ne se sont pas déroulés dans les dernières années sous l’impulsion d’un militantisme woke : ils ont plutôt été au cœur des tumultes ayant caractérisé la Révolution tranquille. La culture de l’annulation et le wokisme, hommes de paille des néoconservateurs, sont-ils réellement un phénomène nouveau, et surtout, une menace particulière à l’ordre social ? Afin de répondre à cette question, nous vous proposons un tour d’horizon historique des mouvements qui ont agité les universités et la société québécoise à la fin de la décennie 1960. Nous verrons que ces actions, bien que plus sulfureuses que celles d’aujourd’hui, n’ont pas renversé l’ordre établi. Ce retour sur l’histoire des mouvements étudiants nous permettra d’illustrer comment les actions actuelles des wokes, beaucoup moins véhémentes, sont maintenant montées en épingle par la droite afin de justifier ses politiques répressives, censées répondre à cet « ennemi intérieur ».

L’université doit changer : vers « le pouvoir étudiant »

Le manifeste Université ou fabrique de ronds-de-cuir, publié en février 1968 par une dizaine d’étudiant.es de l’Université de Montréal, dont Louise Harel et Roméo Bouchard, est au fondement d’un mouvement étudiant combatif qui marque les universités québécoises jusqu’à aujourd’hui. Ce manifeste constitue une violente charge contre l’université, l’enseignement et les professeur.es. Le texte décrit l’université comme « une usine où les notables se reproduisent en série », assujettie aux « mêmes patrons que la société » et dénonce « l’enseignement imbécile par des imbéciles », un « enseignement à transmission de recettes abrutissantes et nécessaires à l’étudiant pour qu’il prenne sa place dans un rouage du système ». Les professeur.es n’échappent pas à la critique, alors que le manifeste souligne la défiance de la nouvelle génération (née après la Deuxième Guerre mondiale) envers eux : « Autrefois les vieux disaient : « le professeur, c’est le meilleur ». Ils avaient un peu tort. Aujourd’hui les jeunes disent : « à bas les professeurs ». Ils ont raison. » Au-delà de la dénonciation, le manifeste propose de passer à l’action : « On ne s’attaque pas au pouvoir en le discutant. On fesse dedans. » S’inspirant explicitement des mouvements pour la liberté d’expression[1] sur les campus américains – notamment celui de l’Université Berkeley –, le manifeste suggère de mettre sur pied un « système mobile de guérilla académique » et appelle à la tenue de sit-ins, au recyclage des professeur.es par des cours de pédagogie, voire à l’expulsion de ceux-ci à l’aide de tomates et d’œufs pourris.

Cet appel à l’action sera mis en pratique dès le printemps 1968 par des mouvements qui touchent plusieurs départements de l’Université de Montréal (philosophie, sciences sociales et lettres notamment). Les revendications mises de l’avant par les étudiant.es concernent notamment « la participation réelle des étudiants à l’orientation académique et pédagogique », dénonçant une conception verticale de l’enseignement universitaire. Les tensions sont importantes au département de philosophie où, dès le printemps 1968, des enseignants se font interrompre dans leurs cours par des étudiant.es contestataires. À l’automne 1968, cette contestation qui touchait jusque-là principalement des départements de lettres et de sciences humaines à l’Université de Montréal s’élargit au réseau collégial et à d’autres universités.

Un important mouvement d’occupation essaime à partir du mois d’octobre 1968 dans les différentes institutions d’enseignement post-secondaire du Québec. Les occupant.es des cégeps exigent la gratuité scolaire, le pré-salaire étudiant, l’ouverture d’une seconde université francophone à Montréal et plus fondamentalement le « pouvoir étudiant » et l’autogestion des établissements. L’occupation de l’École des beaux-arts est un des symboles forts de ce mouvement. Les étudiant.es y prennent le contrôle de l’établissement, expulsent l’ensemble des enseignant.es et employé.es, excepté le responsable de la chaufferie, et occupent l’école durant plus d’un mois. Le lieu est renommé « La république des Beaux-Arts ». Les occupant.es remettent en question l’ensemble des traditions, érigeant un cimetière sur la rue Sherbrooke afin d’y enterrer les valeurs du passé. Ce désir de rupture avec la tradition se révèle à la fin de l’occupation lorsqu’un étudiant profane une momie exposée dans l’école en la brisant à coup de barre de fer. Un communiqué de l’Université libre des arts du quotidien (ULAQ) fait de cette profanation un symbole de la lutte contre une culture et une société pétrifiées et exige que la momie soit remise à l’Égypte.

Les étudiant.es ébranlent Sir-George-Williams, McGill et l’UQAM

En février 1969, un nouveau conflit éclate à l’Université Sir-George-Williams (aujourd’hui l’Université Concordia), cette fois en raison du racisme d’un professeur à l’égard d’étudiant.es noir.es et d’origine caribéenne. Face à l’inaction de l’administration dans ce cas de racisme, des étudiant.es caribéen.nes de l’université et des étudiant.es francophones ayant participé au mouvement d’octobre 1968 organisent une occupation du local informatique de Sir-George-Williams. Cette occupation dure deux semaines durant lesquelles plus de deux cents militant.es appuient les étudiant.es subissant le racisme de cet enseignant. En réponse à l’occupation, l’administration appelle l’escouade antiémeute pour déloger les étudiant.es qui se barricadent et lancent les fiches informatiques à partir des fenêtres du neuvième étage. L’occupation se conclut par un incendie et l’arrestation d’une centaine de personnes, dont certaines sont condamnées à purger des peines en prison. Plus largement, cet épisode témoigne du racisme systémique à l’œuvre dans les universités québécoises, dénoncé par les étudiant.es noir.es de Sir-George-Williams, mais aussi par les étudiant.es des cégeps et universités francophones venu.es en solidarité. Après cet événement, l’administration de l’université revoit le traitement des plaintes de racisme, crée un bureau de l’ombudsman et intègre des membres étudiant.es au processus décisionnel de l’université.

Un mois plus tard, c’est l’Université McGill qui se retrouve au cœur de la tourmente. Une coalition de groupes étudiants, indépendantistes et socialistes décide d’organiser une manifestation le 28 mars 1969 afin d’exiger que McGill devienne une université francophone et populaire : la fameuse « Opération McGill ». Les organisateurs et organisatrices de la manifestation déclinent leurs revendications en sept points. Si la question linguistique et la question des frais de scolarité sont présentes dans ces demandes, les militant.es critiquent aussi l’orientation de la recherche à McGill en exigeant l’abolition du centre d’études canadiennes-françaises et la redirection des fonds de recherche vers les « intérêts nationaux ». Dans l’espace public, certains journalistes conservateurs s’évertuent à dénoncer un « nouveau dogmatisme » ainsi qu’un « terrorisme intellectuel ». De son côté, Wilder Penfield, chercheur à McGill, compare Stanley Gray, un des organisateurs de la manifestation, à Hitler et brandit la menace d’une « fin de la civilisation ». Alors que la panique et la peur d’une irrépressible violence s’emparent de plusieurs personnalités publiques, la manifestation, bien que la plus importante au Québec depuis la Seconde Guerre mondiale, se déroule sans accrocs majeurs. Quelques vitrines volent en éclats et des feux de poubelles sont allumés sur Sainte-Catherine à la suite de la dispersion de la manifestation, toutefois la bataille rangée attendue par les conservateurs n’entraîne pas, comme ils le craignaient, la fin de la civilisation.

La critique de l’enseignement et du contenu des cours se poursuit à l’automne 1969 au moment de la fondation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Le département de philosophie est, lors de la première année d’existence de l’université, un lieu de conflit entre les étudiant.es gauchistes, de nouveaux enseignants modernisateurs et un vieux corps professoral jésuite et thomiste issu du Collège Sainte-Marie. Les étudiant.es du module de philosophie multiplient les coups d’éclat contre les vieux professeurs dans ce qu’un des acteurs appellera postérieurement une « guerre civile lettrée » : perturbations de cours, grandes affiches murales dénonciatrices et « procès populaires » des professeurs réactionnaires sont à l’ordre du jour. L’assemblée du module de philosophie, à laquelle participent les étudiant.es, adopte une réforme du programme qui intègre les contenus critiques désirés par les étudiant.es et abolit les examens et les travaux comme forme d’évaluation. Cette première année agitée au département de philosophie de l’UQAM se conclut avec le non-renouvellement du contrat de plusieurs professeurs, dont neuf issus de la tradition thomiste, et par la mise sous tutelle du module par l’université qui tente d’en reprendre le contrôle.

« Annuler la Saint-Jean »

En parallèle de ces importants remous dans les universités, l’effervescence de la contestation touche de larges pans de la société québécoise qui s’attaquent aux reliques du passé. Les événements entourant la fête de la Saint-Jean-Baptiste des 24 juin 1968 et 1969 sont emblématiques d’une « culture de l’annulation » portée par une jeunesse désirant dynamiter la fédération canadienne, mais aussi la tradition d’inféodation canadienne-française héritée de la « grande noirceur ». La Société Saint-Jean-Baptiste invite, en 1968, Pierre Elliot Trudeau à assister à son défilé à Montréal, rituel annuel du clérico-nationalisme avec lequel la jeunesse est en rupture. Le soir du défilé, une importante émeute éclate et la police réprime violemment les contestataires. Cette soirée a reçu, a posteriori, le nom de « lundi de la matraque ».

Toutefois, la défiance à l’égard du défilé de la Saint-Jean-Baptiste va connaître une nouvelle escalade en 1969. Les militant.es étudiant.es, socialistes et indépendantistes ayant organisé l’Opération McGill, réuni.es au sein du Mouvement syndical et politique (MSP) et du Front de libération populaire (FLP), appellent à la perturbation pour une seconde année consécutive du défilé de la Saint-Jean-Baptiste. Pour les jeunes contestataires, le défilé de la Saint-Jean est un rituel traditionaliste et bourgeois qui met en scène la soumission du peuple à l’élite. Ceux-ci suivent donc, lors d’une marche de perturbation bruyante, les chars allégoriques avant de terminer leur journée en décapitant le monument de Jean le Baptiste et en se servant de sa tête comme ballon de football[2]. À la suite de cette deuxième émeute consécutive, le défilé de la Saint-Jean-Baptiste de Montréal est annulé pour une vingtaine d’années, avant d’être réhabilité de manière régulière au début des années 1990.

« Moment 68 » : un héritage en péril

Depuis 2020, les cégeps et universités ont à nouveau défrayé la chronique. La polémique qui a touché une chargée de cours à l’Université d’Ottawa a enflammé l’opinion de droite, qui dit craindre une menace historique à la liberté académique. À la suite de cette affaire, les chroniqueurs et journalistes néoconservateurs cherchent à exposer l’ampleur de la menace qui pèserait sur les universités québécoises en publiant une série d’articles à ce propos. On y parle d’étudiant.es qui auraient laissé des tracts sur le bureau d’une enseignante, qui auraient fait circuler une pétition auprès de leurs collègues ou ayant exprimé leur opinion critique sur les réseaux sociaux. Le tour d’horizon historique que nous avons effectué nous indique toutefois que les mouvements actuels sont bien moins agités que ceux de la Révolution tranquille, et que la peur et la panique actuelles soi-disant causées par les actions étudiantes sont surtout une excuse de la droite conservatrice pour vilipender toute forme de contestation étudiante, dans le but (à terme) de pouvoir empêcher l’organisation politique étudiante. Peu importe ce que l’on pense des actions associées au wokisme, force est de constater que le mouvement n’est pas un véritable danger pour la société bourgeoise, dont les représentant.es montent en épingle la menace afin de servir leur propre agenda politique.

Le gouvernement réactionnaire de la CAQ a néanmoins profité de ces polémiques pour tenir une commission sur « la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire ». Les conclusions de la commission, dévoilées le 14 décembre 2021, sont à sens unique : les seul.es bénéficiaires de la liberté académique sont les enseignant.es, chargé.es de cours, chercheur.es et auxiliaires de recherche et d’enseignement. Les étudiant.es y ont pour seule liberté celle d’apprendre, c’est-à-dire choisir leurs cours et leur programme et participer aux échanges en classe. Le rapport Cloutier représente un recul majeur dans le projet de démocratisation de l’enseignement supérieur qui avait notamment pour objectif de donner plus de pouvoir aux étudiant.es dans l’orientation du contenu des cours et de l’enseignement. Cette conception asymétrique de la liberté académique réhabilite ainsi la tradition paternaliste et autoritaire de l’université où l’étudiant.e est considéré.e comme une cruche à remplir, conception archaïque de la pédagogie que l’on pensait éteinte avec le duplessisme. En effet, même si les projets de réformes portés par les étudiant.es des années 1960 n’étaient pas nécessairement révolutionnaires, ils tendaient vers un enseignement et une gestion moins autoritaire, que la droite politique actuelle tente d’effacer, soi-disant en réponse à la menace woke qu’elle construit de toute pièce.

Plus fondamentalement, un projet de loi issu de ces recommandations risque d’accomplir le programme réactionnaire d’enterrer l’héritage contestataire du « moment 68 ». En effet, puisque les grèves étudiantes ne sont ni légales ni illégales au Québec, l’adoption d’une loi qui imposerait des sanctions aux perturbations de l’enseignement aurait pour conséquence d’interdire de facto les grèves étudiantes. Ainsi, au-delà des polémiques entre étudiant.es et professeur.es, c’est la possibilité même de contester le pouvoir à partir de l’université qui est menacée. On ne s’étonne pas qu’un Mathieu Bock-Côté se fasse le porte-étendard de ce programme, lui qui dénonce les « techniques pédagogiques débiles » héritées des années 1960 et plus généralement les mouvements féministes, homosexuels, étudiants et antiracistes qui auraient participé au basculement de notre civilisation. Il est toutefois plus décevant de voir des syndicats (FNEEQ-CSN et FQPPU) et des enseignant.es se revendiquant de l’héritage subversif de la Révolution tranquille se faire les porte-voix de ce discours réactionnaire. Il semble que pour plusieurs, la contestation ne soit acceptable qu’au passé et que la jeunesse actuelle doive être privée de son droit à la contestation, notamment son droit acquis au débrayage.

Si le mouvement étudiant des années 1960 n’a pas achevé son programme révolutionnaire de renversement de l’institution scolaire, il a tout de même apporté certains gains objectifs (droit de grève, droit de regard sur l’élaboration des programmes d’étude et sur les plans de cours) aux étudiant.es. Alors que le mouvement woke est beaucoup moins subversif et dangereux (notamment parce qu’il a généralement des visées réformistes plutôt que de transformations structurelles, donc révolutionnaires), il est évident qu’il est monté en épingle par la droite réactionnaire afin qu’elle puisse « réagir » à cette menace et supprimer les acquis des années 1960. Le meilleur moyen de résister à cette attaque de la droite est certainement de ne pas faire son jeu (qui oppose wokisme et droite bien-pensante), mais de renouer avec un programme radical de remise en question de l’école, de l’ordre établi et de la société capitaliste, afin de nous offrir collectivement un horizon révolutionnaire et de vraies possibilités de rapport de force avec l’État. Si le wokisme sert de faire-valoir à la droite, déjouons le plan de celle-ci et répondons-lui par un programme révolutionnaire qui viendra ébranler ses fondements.

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Pour en savoir plus sur l’histoire des luttes étudiantes au Québec, et plus largement sur la subversion populaire des années 1960, nous vous suggérons les quelques titres suivants :

Nous vous recommandons finalement l’écoute du film Neuvième étage (Mina Shum, 2015, 81 minutes), disponible sur le site de l’ONF.


[1] À l’époque, ces mouvements pour la liberté d’expression ont pour objectif de permettre aux étudiant.es d’exprimer un discours critique sur leurs campus. Dernièrement, le néoconservatisme a réussi à inverser le sens de ce concept, comme il l’a fait avec la laïcité, pour en faire un mouvement contre l’expression critique des étudiant.es en milieu universitaire.

[2] Les monuments et statues symbolisent le poids du passé sur le présent et ont été régulièrement la cible des contestataires, notamment des militant.es du Front de libération du Québec (FLQ), qui vandalisent et dynamitent une dizaine de statues et monuments durant la décennie 1960.

De la nécessité d’une (bonne) traduction

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Jan 302022
 

De Infokiosques

Quelques pistes sur comment s’y prendre pour que la traduction simultanée fonctionne bien et que les personnes « à qui l’on traduit » puissent comprendre et prendre part à la conversation.

En s’organisant sur le terrain entre personnes en galère, que ce soit dans la lutte squat ou dans la lutte et l’autodéfense contre l’Etat et ses multiples frontières, physiques ou administratives, on se retrouve souvent dans des groupes aux langues multiples, et il n’est pas rare qu’il y ait des groupes qui n’ont pas de langue en commun. C’est là qu’entre en jeu lx traducteur.ice.

La traduction est censée être (quand elle est bien exécutée) un outil qui permet la communication entre groupes linguistiques qui ne pourraient communiquer (ou alors difficilement) sans. Dans ce sens, quand on veut étendre sa solidarité par delà les lignes de démarcation nationales, linguistiques et culturelles, c’est un outil indispensable, et un point de départ pour une compréhension mutuelle qui pourra se traduire en actions communes. …

lire le texte complet sur Infokiosques.net

télécharger la brochure mise en page (cahier – A5)

télécharger la brochure mise en page (par par page – A4)

Métaux BlackRock sur le respirateur artificiel, la classe politique à la rescousse !

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Jan 252022
 

Du Collectif Emma Goldman

Le projet de 1.1 milliard de la multinationale Métaux BlackRock à plus que jamais du plomb dans l’aile. Après avoir mis un coup d’arrêt en 2019 au déboisement du terrain où l’usine est censée être construite à Grande-Anse, retardé le début des travaux sur le site (travaux qui n’ont toujours pas commencé), voilà que nous avons appris le 23 décembre dernier que la multinationale a dû se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) puisqu’elle n’est pas capable de rembourser ses pourvoyeurs. En plus d’avoir fait faux bond à ses créanciers, quelques membres de la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord doivent aujourd’hui déchanter face à la situation de Métaux BlackRock.

En 2019, lors de l’arrêt des travaux, Sandra Rossignol, alors directrice générale de la Chambre, déclarait : « Ils mettent vraiment toutes les chances de leur côté pour éviter les dépassements de coûts parce qu’ils savent que la construction hivernale, ça coûte cher. La Chambre croit que c’est une bonne décision. On connaît bien l’équipe de Métaux BlackRock. On a confiance en ses capacités de mener à terme le projet. » (1). J’imagine que depuis le temps, la confiance a dû s’effriter…

Cependant, il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour la bourgeoisie locale puisque la majorité du temps, quand des projets destructeurs sombrent, il y a toujours les gouvernements pour venir les sauver et y injecter des deniers publics. Comme le rapporte La Presse : « Depuis 2018, la société Métaux BlackRock a sollicité sans succès 150 investisseurs institutionnels, incluant le Fonds de solidarité FTQ et la caisse de retraite Teachers. Elle a aussi pris contact avec une cinquantaine de gestionnaires de fortunes familiales et une dizaine de fonds de capitaux européens. (…) Au fil des ans, BlackRock a recueilli environ 67 millions US en actions pour un total de 149 millions d’actions. » (2). Visiblement, les investisseurs ne se poussent pas au portillon et l’argent amassé est une maigre somme face au milliard nécessaire. Malgré tout, le gouvernement québécois, via Investissement Québec, souhaite racheter 100% de Métaux BlackRock avec la société Orion Resource Partners.

Chibougamau et Saguenay veulent le projet dans leur cour

Devant les difficultés rencontrées par Métaux BlackRock, les divers paliers de gouvernements y vont de leur grain de sel afin de redonner un petit boost, voire une deuxième vie à ce projet destructeur. Andrée Laforest, la ministre caquiste des Affaires municipales et de l’Habitation, y va de sa petite tape dans le dos afin d’encourager la multinationale à ne pas lâcher : « Dans la foulée des informations sorties récemment concernant le projet de Métaux BlackRock, je tenais, à titre de ministre responsable de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, à réitérer mon appui au projet dans sa forme actuelle, tel qu’approuvé par le décret. Ce projet est très important pour notre région et le Québec. » (3). De son côté, Jean Rainville, l’ancien président-directeur général PDG de BlackRock, est en beau fusil et veut saborder le processus de restructuration, croyant qu’Investissement Québec et la société Orion profite de la situation pour évincer tout le monde et prendre le contrôle de la multinationale (4).

Au Saguenay-Lac-St-Jean, les mairesses de Chibougamau-Chapais et de Saguenay font des courbettes pour avoir le projet dans leur cour. Manon Cyr croit qu’une des solutions serait de construire la fonderie près de Chibougamau : « Le projet prévoit que l’on devra transporter le minerai sur des centaines de kilomètres avant de le transformer véritablement. Pourquoi ne pourrions-nous pas le transformer plus près de la mine? […] J’ai toujours eu de la misère à comprendre comment on pouvait justifier sur le plan environnemental et financier le fait de déplacer autant de minerais sur une longue distance avant de le transformer de façon adéquate » (5). Malgré sa petite fibre écologiste, la mairesse ne semble pas comprendre que le problème ne réside pas dans le transport des matériaux.

Que l’usine soit à Chibougamau ou à Grande-Anse, les matériaux devront faire des centaines de kilomètres par train dans les deux cas, soit pour acheminer le produit brut à La Baie pour le transformer près du terminal ou amener le produit fini jusqu’au port où il pourra être transbordé sur des bateaux et envoyé à l’international. Le problème environnemental se trouve dans le projet même : creuser une mine à ciel ouvert, construire une usine qui sera la deuxième plus polluante au Québec et transporter les matériaux d’abord par train et ensuite dans des bateaux qui devront utiliser le fjord comme autoroute.

La Chambre de commerce de Chibougamau-Chapais (CCCC) abonde bien évidemment dans le même sens que la mairesse Cyr. Le président de la CCCC, Sébastien Valdal, emploi lui aussi le langage visant à justifier en douce ce projet sous un couvert de capitalisme vert : « Considérant que le potentiel du camp minier de Chibougamau-Chapais démontre un potentiel de fer-titane-vanadium, nous croyons que développer une expertise locale serait un apport important au développement économique de la région et un positionnement essentiel dans la course à l’électrification des transports et au développement d’une économie plus verte » (6). 

L’électrification des transports, on parle ici de la voiture solo et ce n’est pas avec les automobiles électriques que l’on va rendre l’économie plus verte. Ces dernières demandent, tout comme l’auto à essence, la multiplication d’immenses infrastructures (des boulevards, des autoroutes, de nouvelles rues et artères de contournements, etc.) et l’exploitation infinie de ressources pour fabriquer sans cesse de nouveaux modèles. À la place, nous devons miser sur le transport en commun et les moyens alternatifs de se déplacer ainsi que de mettre en commun le plus possible nos autos afin d’en maximiser l’usage. Après tout, les voitures passent la majorité du temps à l’arrêt dans des stationnements. 

Du côté de Saguenay, la nouvelle mairesse, Julie Dufour, a réitéré par communiqué son « soutien entier au projet dans sa forme actuelle ». Elle enchaîne avec : « Les études réalisées par Métaux BlackRock ont démontré que la zone industrialo-portuaire de Grande-Anse était le meilleur site pour établir l’usine. C’est aussi ce qui a été présenté au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et qui a obtenu tous les permis et autorisations auprès du gouvernement du Québec. Nous nous sommes également engagés à un congé de taxes dégressifs sur 10 ans pour la mise en opération du projet. » (7). 

Cela fait suite à la sortie de Gérald Savard, préfet de la MRC du Fjord-du-Saguenay, qui a déclaré dans les médias soutenir le projet tout en interpellant le Premier ministre du Québec pour qu’il s’assure que le projet voit bien le jour à Grande-Anse.

Comme si ce n’était pas assez, Marc Bouchard, chef par intérim de l’Équipe du renouveau démocratique (ERD) et conseiller désigné du parti, a lui aussi lancé son appui par voie de communiqué en suppliant les membres du conseil de ville « de tout mettre en oeuvre pour que ce projet de 1,1 milliard de dollars puisse voir le jour et que son usine de transformation soit érigée sur le site de Port Saguenay » (8). 

Mais à part l’endroit où devrait avoir lieu le projet, le consensus est total chez la classe politique locale. C’est le capitalisme extractivisme version turbo qu’ils et elles aimeraient instaurer au Saguenay-Lac-St-Jean sur le Nitassinan.

L’État, un pilier dans l’économie extractiviste 

Les différents paliers de gouvernements jouent un rôle majeur dans l’extractivisme et ils viennent en aide aux multinationales de diverses manières. D’abord en les finançant directement via des prêts d’argent ou en construisant, avec l’aide des deniers publics, des infrastructures pour les compagnies privées. Au Québec, cela se traduit, entre autres, par la construction de routes, de lignes hydroélectriques, d’aqueducs (branchement des usines à l’eau de la ville), etc. (9).

L’État vient aussi en aide aux multinationales en mettant en place des lois qui font la part belle à l’extractivisme. Voter des lois  ou en enlever, de manière à favoriser le plus possible les compagnies extractivistes. L’État vient aussi en aide aux multinationales en mettant en place des lois qui font la part belle à l’extractivisme. Voter des lois  ou en enlever, de manière à favoriser le plus possible les compagnies extractivistes. Ainsi, le Canada est le pays où le plus de minières sont enregistrées puisque la loi canadienne leur est très favorable (10). En s’établissant au pays de l’unifolié, les minières savent qu’elles ne seront pas importunées par la justice et elles auront le champ libre pour exploiter les territoires (très majoritairement du Sud) et les populations qui y vivent. Ensuite, une fois les ressources pillées, c’est bien souvent le gouvernement qui doit payer pour nettoyer et décontaminer les sites exploités. Au Québec, ce genre de scénario se compte par milliers (11). Finalement, comme c’est le cas pour Métaux BlackRock, quand les multinationales sombrent et n’arrivent pas à mener à termes leur projet, il y a toujours le gouvernement pour venir injecter de l’argent public pour les financer ou les racheter et éviter, pendant un temps, le naufrage.

Cependant, que ce soit Métaux BlackRock ou une compagnie de façade appartenant au gouvernement du Québec, nous serons toujours là pour nous opposer à ce projet. Plusieurs actions ont déjà eu lieu : blocage d’une voie ferrée à Chicoutimi, peinture lancée sur les bureaux de BlackRock, action à Grande-Anse, des conférences, etc. Notre monde ne réside pas dans la destruction engendrée par ce projet écocide.

Pour une décroissance libertaire 

Tant qu’il y aura un arbre à raser, une rivière à harnacher, une montagne à raser pour le minerai, les multinationales, alliées des gouvernements, seront présentes pour en tirer d’importants bénéfices. Bien sûr, elles  »créeront »  en échange quelques emplois dans des régions qui connaissent des taux chômages importants depuis de nombreuses années et qui sont le produit d’un développement basée sur la mono-industrie. Mais que valent ces emplois dans un environnement saccagé et  invivable?  Mais surtout qu’allons-nous faire quand la multinationale aura plié bagage une fois le sol épuisé et les millions amassés? Si nous persistons dans cette voie,  nous retournerons à la case départ.

La seule alternative : décider maintenant de briser ce cycle de misère et d’exploitation et construire  une économie basée sur la satisfaction de nos véritables besoins et la pérennité des ressources. Face aux grands projets inutiles que veulent mettre de l’avant gouvernements et multinationales, nous devons non seulement résister, mais créer nos propres alternatives à ce système autodestructeur. Nous ne pouvons plus accepter les miettes de pain que la grande entreprise est disposée à nous offrir pour  »assurer »  pendant un temps notre  »bien-être ». Car ne nous leurrons pas, la seule chose de durable dans leur système c’est la misère et la désolation qu’il engendre. Une décroissance libertaire, c’est-à-dire non pas l’arrêt du développement de nouvelles technologies qui facilitent et améliorent nos vies, mais l’arrêt de la fabrication de marchandises inutiles (12) qui alimentent cette société consumériste et qui nécessitent de plus en plus de ressources bien souvent exploitées dans les pays du Sud. Une société horizontale et égalitaire basée sur nos besoins réels et construite en complicité avec les Premières Nations.


1. Radio-Canada: Métaux BlackRock retarde le début de ses travaux à La Baie

2. André Dubuc, La Presse: Investissement Québec propose d’acheter Métaux BlackRock

3. Solveig Beaupuy, Le Quotidien: Andrée Laforest soutient toujours le projet de Métaux BlackRock

4. Gilles Munger, Radio-Canada: BlackRock: l’ancien PDG tente de bloquer le processus de restructuration

5. Isabelle Tremblay, Le Quotidien: Métaux BlackRock: Manon Cyr propose un complexe intégré à Chibougamau

6. Isabelle Tremblay et Marc-Antoine Côté, Le Quotidien: Métaux BlackRock: la communauté d’affaires de Chibougamau ne veut pas d’une usine à La Baie

7. Vicky Boutin et Myriam Gauthier, Radio-Canada: L’usine de BlackRock doit être à Saguenay, réitèrent Julie Dufour et la MRC du Fjord

8. Idem

9. Radio-Canada: Plan Nord : Québec construit une route vers les monts Otish

10. Sarah R. Champagne, Le Devoir: Minières canadiennes à l’étranger: la création d’un poste d’ombudsman se fait toujours attendre

11. Alexandre Shields, Le Devoir: L’héritage toxique des minières explose

12. Le cellulaire est un bon exemple. Le téléphone portable est utile pour nos vies, mais nous n’avons pas besoin d’en sortir des dizaines de nouveaux modèles à chaque année.  En plus de cela, ils sont énergivores en métaux rares et demandent beaucoup de ressources et d’infrastructures. Dans une décroissance libertaire, le but n’est pas de faire disparaître les cellulaires et de ne plus en produire, mais d’arrêter de fabriquer à l’infini des modèles qui sont extrêmement similaires d’année en année et qui servent simplement à vendre de la marchandise et à faire des profits pour des compagnies privées milliardaires.

S’initier à l’action non-pacifique vu depuis l’intérieur

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Jan 252022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Nous sommes un groupe de jeunes militant.es, nous ne militons que depuis quelques années. Ayant participé à différentes organisations écologistes, nous avons, de cette expérience, réalisé les limites de ces organisations dans l’efficacité de nos luttes. Dans les derniers mois, nous avons donc décidé vouloir chercher à affaiblir économiquement les entreprises fossiles par nos actions. Ceci a donc impliqué plus de questionnements, de préparation, de réflexions et d’idées. C’est de ces choses que nous aimerions parler dans ce texte.

Au départ, la plupart d’entre nous sommes arrivé.es à un constat. La lutte écologiste est dans une embûche. Nous répétons des actions d’une même intensité (que l’on soit 20 000 ou 500 000 dans les rues) pour une cause qui devient radicalement plus urgente. Nous nous plaignons du manque d’écoute du gouvernement, mais nous choissisons de rester dans une position passive, toujours dans une position de demande alors que nous avons déjà accumulé toutes les preuves pour déchanter. Souhaitant être lucides tant sur l’efficacité de nos méthodes que sur le peu de marge de manoeuvre qu’il nous reste, nous avons senti la nécessité d’en faire plus et de faire mieux. Ces réflexions ont également émergées à la suite de lectures telles que « Comment saboter un pipeline » d’Andreas Malm; de lectures sur l’historique du mouvement d’Earth First : « À bas l’empire vive le printemps ! » et de lectures sur les réflexions des ZAD ainsi que des groupes écologistes actuels.

Certain.es nous diront que cette réflexion aurait dû nous venir bien avant. Peut-être ont-iels raison. Il en reste qu’il est absurde de demander à un.e militant.e de passer de l’inaction à l’action la plus radicale. Chaque militant.e accumulera ses expériences qui lae mènera à une réflexion sur l’efficacité de ses actions. Chacun.e de nous pourra ensuite évaluer ce qu’iel peut faire en fonction de ses désirs et ses capacités.

Nous avons donc commencé à réfléchir sur ce qui serait à notre portée et aurait une certaine efficacité. La première barrière évidente qui se dresse est celle de la loi. Nous estimons qu’à l’heure actuelle, chacun.e doit réfléchir à sa capacité et à sa volonté à transgresser les lois en vue d’une action impactante. Accepter de prendre des risques légaux demande du temps, c’est un processus psychologique qui n’est pas à négliger, être à l’aise avec les actions qui s’en suivent d’autant plus. Cette prise de risques peut remettre en cause certaines de nos aspirations et nous remettre en face de nos privilèges et de ce que ceux-ci peuvent impliquer comme responsabilités. Nous invitons donc toute personne ayant une volonté d’intensifier son militantisme à réfléchir aux risques légaux qu’elle est prête à prendre. Ultimement, nous y voyons une nécessité afin d’avoir un plus grand impact. Il s’agit de faire un juste équilibre entre le risque pris et l’impact envisagé. Nous ne cherchons toutefois pas à nous faire arrêter « pour se faire arrêter » ou dans une optique de désobéissance civile devant public. Nous ne voulons plus être dans une position de demande aux dirigeant.es, mais dans une optique d’affaiblissement économique direct en vue du forçage d’une prohibition des énergies fossiles.

La deuxième barrière qui se dresse est celle de la préparation. Nous n’avons pas été préparé.es pour faire ce type d’action et l’information reste (avec raison) cachée. Nous avons dû creuser différentes sources par nous-mêmes afin d’apprendre certaines techniques, afin d’avoir une bonne protection légale, afin de communiquer entre nous de manière sécurisée. Toute cette préparation demande plus de temps. Toutefois, si nous souhaitons intensifier notre lutte, il nous faut sortir des sentiers battus et tenter d’apprendre du mieux que nous pouvons par nous-mêmes. Au travers de ce processus, il va y avoir des essais ainsi que des erreurs et nous ne serons pas tous.tes des militant.es parfait.es du jour au lendemain. Ce manque de préparation et de connaissances ne doit pas être un frein à l’intensification de nos actions, il nous demande seulement de nous libérer du temps afin d’apprendre par nous-mêmes et de partager nos connaissances.

La troisième barrière qui se dresse est celle de notre (in)expérience liée à notre âge et notre réseau de connaissances. Nous faisons partie d’une nouvelle génération de militant.es qui, essentiellement, n’a pas connu les grandes dates des luttes militantes du « Québec ». Cette inexpérience nous amène à avoir moins de pratique, mais aussi moins de connaissances sur les structures et les manières de faire militantes (le dit « savoir militant »). Cette inexpérience peut également susciter la méfiance de camarades militant.es plus âgé.es nous percevant comme naïf.ves ou inaptes à militer en vue d’une augmentation des moyens de pression. Cette méfiance a ses raisons d’être, mais il en reste que nous aurions plus à gagner en nous unissant autant que possible et en partageant des savoirs qui ont été effacés avec la dissolution de l’ASSÉ et l’épuisement militant. Nous ne mettons toutefois pas de côté la nécessité de s’organiser en groupe affinitaire pour bâtir la confiance et être plus sécuritaire.

Finalement, la quatrième barrière qui se dresse, que l’on sent à l’intérieur de nous peut-être sans se partager, est une barrière émotionnelle. Abaisser ses craintes face aux actions que l’on fait ; faire face aux confrontations avec la police et aux techniques d’intimidation de celle-ci (nous reconnaissons par le fait même que, pour certaines personnes, confronter la police n’est pas une question de choix); développer le courage nécessaire pour se faire confiance dans les nouveaux chemins que l’on emprunte au-delà de l’approbation sociale : toutes ces choses demandent un travail émotionnel qui prend du temps d’autant plus que l’on peut porter en nous l’image du parfait révolutionnaire qui n’a peur de rien, qui confronte la police sans gêne, peut-être même avec le sourire et que l’on croit que cela n’est qu’une question de nature. Alors que nous, dans nos vies, nous souhaitons prendre soin les uns des autres, favoriser la compréhension des points de vue et faire émerger la bienveillance, notre travail à l’extérieur nous demande de nous raffermir, de faire face à nos peurs, d’exprimer notre colère et de prendre notre place légitime même si cela demande de se confronter à l’ordre du monde. Ce travail sur notre nature et sur nos émotions doit être vu non comme une barrière, mais comme une invitation à développer des cercles de partage pour faire ce travail ensemble plutôt que seul.e. Il faut voir qu’ultimement, le développement de ses qualités va nous permettre de vivre une vie qui se rapproche de nos idéaux et nous permettre d’être plus heureux.ses.

En repoussant le plus possible ces barrières, nous avons donc préparé minutieusement notre action. Celle-ci visait à nuire à des stations à essence en vue de les rendre inopérables pour quelques jours. En cours de chemin, nous avons eu nos difficultés. Un endroit était finalement surveillé et un autre a été fermé quelques semaines avant notre action, rendant celle-ci inutile. Nous avons toutefois acquis une expérience de terrain par laquelle nous avons affronté nos peurs et retenu des leçons de nos erreurs. Il est donc nécessaire de se mettre à l’action, même si nous ne sommes pas des militant.es parfait.es, même si nous ne connaissons pas tout. L’important, c’est de s’organiser du mieux possible, mais surtout, de passer à l’action puisqu’essentiellement, ce qui finit par nous retenir, ce sont nos propres peurs ou notre manque de temps.

En conclusion, nous croyons en la nécessité de faire évoluer la lutte vers une pluralité d’actions directes. Nous voulons, par ce texte, témoigner qu’il n’est pas nécessaire de tout connaitre, qu’il est normal qu’il y ait plusieurs barrières qui se dressent sur ce chemin et que nous pouvons, tous.tes par nous mêmes, acquérir le savoir et les réflexions nécessaires à cette fin. Les luttes écologiques sont à l’agenda pour les prochaines années. Ce sont des luttes que nous n’avons pas le choix de gagner. Nous aimerions que les prochaines personnes qui vont s’organiser dans le contexte de la crise écologique ne prennent pas le cheminement pacifique type. Nous souhaitons également faire un appel aux militant.es de générations précédentes à nous partager leurs savoirs afin d’avancer ensemble. Nous ne mettons toutefois pas de côté l’impact qu’a eu la répression chez certain.es de nos ami.es. Nous reconnaissons le courage des personnes qui participent ou ont participé dans toutes les formes de tâches des luttes passées et présentes.

L’Histoire Nous Regarde