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Mort imminente du terrain vague : faut qu’on se bouge contre la Cité de la logistique

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Août 312017
 

De La Fronde: Journal anarchiste montréalais La fronde est disponible à L’Insoumise et La Déferle

Des vitres brisées à Hochelag, ça vous dit quelque chose ? Les anarchistes qui résistent contre la gentrification, qui rendent les nouveaux résidents yuppies anxieux et qui fatiguent les flics du poste 23, se sont passé le mot pour faire la vie difficile à ceux qui observent tous ces bâtiments et ces terrains vacants avec des signes de piasse dans les yeux.

Pourquoi Hochelag est un quartier auquel on tient tant ? Parce qu’on le connait par cœur, on est familiers, on fait plus ou moins confiance à nos voisins, tout le monde se parle, on est proches les un.es des autres, y’a des loyers pas chers, des friperies et des banques alimentaires, beaucoup de gens criminalisés ou précaires avec qui on peut partager une analyse contre la police, les prisons et la vie chère. C’est un quartier populaire avec ses recoins. À l’heure où les commerçants, les élus et les promoteurs voraces tentent d’imposer leur monde par tous les moyens, une solidarité se tisse entre les habitants pour résister au développement commercial et à la hausse des loyers. À tous ceux qui luttent, peut-être devrions-nous nous préoccuper de l’avenir du terrain vague à l’est d’Hochelag, ce lieu où nous aimons tant aller traîner depuis belle lurette. Si nous ne le défendons pas, il sera sous peu envahi à son tour par un immense projet industriel : la Cité de la logistique.

Le terrain vague situé complètement à l’est du quartier est une ancienne gare de triage du CN peu utilisée. Parsemé d’anciennes fondations sur lesquelles la végétation a poussée, de vieilles ruines devenues un skate-park sauvage recouvert de graffitis, de boisés où plusieurs individus ont posé leurs tentes et avec les tracks de chemin de fer qui le traverse, c’est notre lieu favori pour aller faire des feux de camp.
Le projet de développement industriel envisagé serait dans les faits, une extension du port de Montréal, gérée par un partenariat d’entreprises privées et de l’État. Selon les élus, la Cité de la logistique serait, due à sa location, un pôle stratégique pour le transport qui attirerait des entreprises de manipulation et de traitement de marchandises. Il implique un prolongement du boulevard l’Assomption jusqu’à la rue Notre-Dame, et de l’avenue Souligni, à côté du chemin de fer déjà existant, ce qui faciliterait l’accès au port par les camions de conteneurs. La Cité de la logistique occuperait un vaste territoire qui comprendrait en plus du terrain vague, un autre secteur s’allongeant jusqu’à l’autoroute 25.

L’entreprise Ray-mont Logistique a déjà acheté au CN une part du terrain vague, soit un lot de 240 000 mètres pour la somme de 20 millions de dollars. Le propriétaire Charles Raymond possède aussi le terminal de conteneur situé sur la rue Wellington dans le Sud-Ouest de la ville en plus d’autres terminaux portuaires du genre à Vancouver. Paraîtrait-il qu’il a l’intention de déménager son terminal du sud-ouest vers cette Cité de la logistique. Aucun projet de construction officiel n’a encore été déposé à l’arrondissement. Le maire de l’arrondissement Réal Ménard insiste pour que le projet soit à « valeur ajoutée », c’est-à-dire qu’il crée de l’emploi et contribue à l’économie. Un groupe de citoyens du quartier a récolté 5000 signatures afin de demander une audience publique qui aura sans doute lieu cet été. Ceux et celles-ci ne s’opposent pas au développement en général, mais à une nuisance industrielle dans leur cour. Ils et elles préféreraient probablement un développement commercial avec des petites boutiques et restos chics.

Le projet est sur la glace jusqu’aux audiences publiques, mais le paysage a déjà commencé à se métamorphoser sur une grosse partie du terrain. La décontamination préalable à toute construction future a débuté. Il y a d’immenses montagnes de roches ressemblant à des tranchées. Des camions y circulent du matin au soir. Pour faire face aux plaintes de bruit des gens qui habitent tout prêt, l’entrepreneur Ray-mont propose de construire un mur entre les habitations et le futur quartier industriel.

Certes, le projet de la Cité de la logistique fait mal au cœur. Le développement de l’industrie ne cesse jamais, d’autant plus que pour s’accroître, le capital a besoin d’élaborer ses infrastructures de transport de marchandises et de rendre toute circulation plus fluide et plus rapide, par son réseau d’autoroutes, de ports, d’aéroports, de chemin de fer, de lignes de transport d’électricité et de câbles de fibre optique d’internet. Même si en ville, il n’y a presque pas de nature à protéger, on peut quand même mettre un frein à la colonisation par le capital et ses industries en attaquant ses infrastructures et en bloquant ses flux. Ce sont ces infrastructures qui contribuent à l’exploitation des ressources pillées des terres et des forêts puis au génocide des peuples autochtones qui luttent pour leur survie et leur autonomie. Nous devons faire ces liens entre notre réalité et celle d’autres, construire un rapport de solidarité dans la lutte et enraciner la lutte dans nos vies, dans notre réalité, en solidarité avec tous ceux et celles­ qui sont déterminés à vivre libre.

Nique les promoteurs, les compagnies qui contribuent au développement et les flics qui les protègent. Ne laissons pas les ruines du terrain vague se faire envahir par de nouveaux projets de développement, que ce soit pour mettre en place de nouvelles industries ou pour embellir l’espace avec de nouveaux condos et commerces. Nous ne voulons ni du travail qu’ils nous proposent, ni de leurs nouveaux produits et services trop chers.

Concrétisons nos idéaux

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Juin 292017
 

De La Fronde: Journal anarchiste montréalais
La fronde est disponible à L’Insoumise et La Déferle

Le territoire (lequel, du soi-disant «Canada») a connu divers actes d’insoumission face à la domination de l’État et du Capital dans les dernières années. Notamment, on a qu’à penser aux sabotages de projets pétroliers un peu partout, tels qu’à l’île d’Anticosti et les sabotages de nouvelles lignes de haute-tension. En passant aussi par les différentes résistances des Mi’kmaq contre la fracturation hydraulique ou de plusieurs nations autochtones contre les traités modernes destinés à compléter l’assimilation et le projet de génocide culturel. Et à la grève étudiante de 2015, les nombreuses attaques contre la gentrification dans les quartiers populaires ou les révoltes ayant éclaté suite à la mort de Bony Jean-Pierre dans Montréal-Nord. Considérant le contexte dans lequel on vit, c’est-à-dire la réalité montréalaise ainsi que les quelques projets de vie collective émergeant à la campagne, de la Gaspésie à Lanaudière, nous avons pour objectif de détruire l’État et la domination sous toutes ses formes. Nous avons l’intention de nous attaquer aux fondements idéologiques et culturels qui sont à la base de la reproduction du monde autoritaire, afin que celui que nous souhaitons construire prenne racine ici et maintenant. Néanmoins, une perspective multidimensionnelle à moyen-long terme a le potentiel de créer le contexte d’une lutte pouvant matérialiser ces idéaux. C’est là où nous nous trouvons. Nous voyons les limites que contiennent autant les actions sporadiques que des manifestations rituelles telles le 15 mars ou le premier mai. Seront donc exposées ici certaines réflexions dans une perspective de contribution à la guerre sociale en cours. Plusieurs actes de rupture ont lieu face à l’ordre que tente d’imposer l’État et ces chiens de garde en uniforme. La rage contre ce monde n’est pas seulement portée par les anarchistes et nous avons l’intention de tisser des relations de solidarité, de réciprocité et d’amitié avec quiconque a un cœur insoumis, peu importe sa réalité, sa couleur, son quartier ou son milieu.

Le territoire du soi-disant Canada est vaste et peu peuplé, par contre, son rôle dans le capitalisme mondialisé est primordial, puisque tout est mis en place pour favoriser l’extraction de ses ressources naturelles ; bois, pétrole, minerai, gaz naturel. L’exploitation se fait majoritairement dans les régions éloignées des grandes villes, vers le nord ou il y a peu d’opposition. Quant à elles, les métropoles situées au sud longeant la frontière américaine servent de point de transit pour les produits extraits. Il est impératif pour l’État-Capital de pacifier les régions urbaines afin que les marchandises puissent y circuler sans entraves. Nous avons la certitude que cette économie destructrice est néanmoins fragile et qu’il est facile de l’entraver. Les derniers territoires encore non-exploités se font décimer peu à peu par l’industrie. De nombreux moyens de résistance sont possibles pour déstabiliser ce système destructeur dans ses projets expansionnistes.

Afin de tracer cette perspective, il nous faut faire un léger retour en arrière. Les événements de printemps 2015 furent assez déterminants pour certains anarchistes à Montréal. Pour une fois, la grève ne s’appuyait plus seulement sur des enjeux corporatistes axés sur la condition étudiante, mais s’opposait à l’austérité en générale. Elle ne fût pas organisée par les syndicats étudiants réformistes, mais par des groupes affinitaires autonomes appelant à des assemblées générales de grève dans lesquelles des anarchistes ont pu intervenir. Par l’absence intentionnelle d’interlocuteur officiel avec l’État, de grand leader étudiant lançant des appels au calme et par l’insouciance de garder une belle image devant les médias, la situation a permis l’ouverture de nouvelles possibilités. Somme toute, c’est dans la rue que la contribution anarchiste fut la plus effective. Les réflexes acquis durant 2012 n’avaient heureusement pas été perdus et une nouvelle génération a pu se radicaliser à travers ce mouvement. Les masques sont réapparus sur les visages. Les affrontements avec la police et la destruction de symboles du capital reprirent leur souffle après l’accalmie de la période post-2012 qui avait été marquée par une répression acharnée des manifestations. Chaque rassemblement était encerclé par un cordon policier ne permettant aucun déplacement sous peine de réprimande. Cela eut pour résultat de calmer la rue et d’alimenter la peur des flics. Bien que la grève ne soit pas éternelle, les liens entre les compagnons et la mémoire des expériences restent, ce qui contribue entre autres à consolider les idées et pratiques de lutte anarchistes dans la durée.

Dans les moments où il est relativement plus difficile de nous rassembler, où le contexte semble absent, il y a toujours des situations et des points conflictuels sur lesquels nous pouvons intervenir afin de continuer à créer une tension avec l’Existant. La révolte ne doit pas être limitée uniquement aux journées spécifiques ou aux contextes de mobilisation sociale large. Bien que l’on doit donner une certaine importance à ces journées symboliques ou aux mouvements de masse, c’est dans notre quotidienneté que nous devons continuer d’agir. La société nous a enseigné que seules, nos idées n’ont aucune valeur. Elle nous a appris que l’opinion de la majorité nous est indispensable. Nous avons choisi de faire rupture avec elle et d’agir selon nos désirs et volontés. Les systèmes de domination et d’exploitation continuent d’enterrer la révolte sous plusieurs couches d’illusions et nous refusons d’attendre que les bonnes conditions soient réunies pour lutter. L’anarchie est avant tout une forme de vie. Il n’est pas toujours possible de prévoir les effets d’une action. Parfois, elle sera l’étincelle qui mettra le feu aux poudres de cette société pourrie.

Par la volonté de quitter le carcan étudiant réformiste afin d’expérimenter de nouveaux lieux conflictuels, plusieurs compagnons ont choisi.es de partager leurs différentes perspectives et de coordonner leurs efforts afin de créer un contexte de lutte prenant racine dans notre quotidien, dans nos quartiers en plein processus d’embourgeoisement. Au-delà du fait que plusieurs d’entre nous sont précaires et habitent ces quartiers populaires en périphéries du centre-ville, nous y avons vu un potentiel intéressant d’intervention. Les nouvelles populations bien nanties viennent s’établir alors que les personnes plus défavorisées sont poussées à quitter leurs logements en raison de la hausse des loyers. Ces problématiques affectent la vie de beaucoup de gens. La lutte contre l’embourgeoisement nous offre de multiples angles d’approches, en plus de la possibilité de partager nos idées et projets avec nos voisins qui habitent à proximité. Plutôt que de revendiquer des logements sociaux en optant pour une posture citoyenne, nous avons l’envie d’aller de l’avant avec un projet offensif ayant le potentiel de se généraliser. Nous envisageons une rupture totale avec le capital, ce qui implique d’assumer un conflit permanent sans concession pour libérer ces espaces. Nos ennemis sont autant les promoteurs de condos, nos propriétaires de logement, les propriétaires des commerces yuppies, les flics, les banques ou les élu.es qui prennent des décisions. Soit, notre ambition n’est pas tant l’obtention de plus de logements abordables. Nous proposons de nous organiser pour occuper tous ces bâtiments vides en attente de spéculation foncière, de se rencontrer dans des assemblées autonomes de quartiers, d’aller remplir nos sacs dans les commerces bobos, de détruire les caméras de sécurité qui apparaissent dans tous les recoins, de construire une culture et des pratiques de lutte nous permettant réellement de libérer notre temps et nos espaces de vie du travail, de la nécessité de payer tout, tout le temps, du contrôle de la police et de l’État.

On veut nous faire croire que seul.es nous ne sommes rien et que chaque action que l’on pourrait porter est vaine. La société libérale cherche à nous rendre dociles en nous apprenant dès le plus jeune âge que les changements adviennent grâce aux partis politiques ou aux ONG. Dans cette logique, sans organisations nous ne sommes rien. La politique n’est pas là pour changer les choses, mais pour maintenir le statu quo. Regardez qui s’assoient au parlement. Ce ne sont pas des gens issus des classes populaires. Même si c’était le cas, cela ne changerait pas le fait que plusieurs personnes ont faim tous les jours, que d’autres se fassent déporter parce qu’ils sont sans-papiers ou que certains, dans plusieurs réserves autochtones, vivent encore en 2017, sans eau potable ni électricité.

D’autre part, nous sommes concerné.es par la montée de l’extrême-droite, prenant de l’importance en occident depuis les dernières années et spécialement depuis l’élection de Trump. Le soi-disant Québec ne fait pas exception. Bien que ces groupes aient toujours été dans le paysage, ils ont récemment recommencé à se mobiliser et à prendre la rue, même à Montréal. Leur stratégie semble être de récupérer la colère contre le gouvernement libéral, exploiter la précarité et le sentiment identitaire nationaliste pour faire appel à des manifestations. Ils optent pour un discours modéré dans l’apparence, mais qui s’oppose farouchement aux politiques d’accueil des personnes immigrantes, au multiculturalisme et au droit des gais et lesbiennes (ou LGBTQ). Les organisateurs de ces rassemblements mettent en place un service d’ordre composé de grands baraqués munis de casque, de bâtons et de brassards. Ils arrivent étonnamment à mobiliser quelques centaines de personnes pour prendre la rue et scander des discours xénophobes. En tant qu’anarchistes nous croyons qu’il est nécessaire de nous organiser contre ces différents groupes et contrer leurs discours. L’éducation populaire est autant nécessaire que l’attaque physique de certains fachos radicaux prônant la suprématie blanche et le meurtre raciste. Le fascisme est un symptôme de la précarité, des frontières et d’un système autoritaire dont nous combattons tous les aspects. C’est parfois une question de culture et de langage. La haine que les fachos dirigent contre les personnes de couleur vient souvent d’un sentiment d’injustice ou d’oppression. C’est comme s’ils se trompent d’ennemis. Nous avons une responsabilité d’expliquer que c’est le système de domination qui crée la hiérarchie et les injustices. C’est aussi la culture dominante qui construit des normes et les systèmes de valeurs. Bien que les groupes d’extrême-droite soient encore loin de prendre le pouvoir, c’est la menace du contrôle de la rue qui nous inquiète. En effet, chaque fois qu’ils réussissent à marcher en grand nombre dans les rues, cela renforce leur sentiment de force et d’unité. On ne sera pas surpris.es de voir une radicalisation du discours d’extrême-droite dans un futur proche, car plus il y a de gens qui les suivent, plus ils se permettront de montrer leur vrai visage. Nous voulons éviter que leur mouvement prenne de l’ampleur et cela se fera dans la rue.

Ainsi, nous avons pour objectif de faire des liens pour que différents angles de luttes s’entrecroisent et de propager des formes d’attaques des plus variées pour maintenir constamment une tension afin de favoriser les moments de ruptures. Pour nous, l’anarchie n’est pas une plateforme d’idées, ni une construction historique, mais une manière d’être dans le monde, de vivre en lutte, de s’attaquer à la domestication de la pensée et des gestes.

L’autre souveraineté – Les Innus

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Mar 042017
 

De La Fronde: Journal anarchiste montréalais
La fronde est disponible à L’Insoumise et La Déferle
Extraits choisis, www.littor.al

Célébré de part et d’autre du monde blanc comme un tournant dans la manière de traiter avec les communautés autochtones, un « traité moderne» crucial s’apprête à être signé, si tout va mal. Le traité Petapan avec les communautés innues de Mashteuiatsh, Essipit et Nutashkuan est le résultat de 30 ans de négociations, durant lesquelles six autres communautés innues et attikamekws ont fini par se retirer du processus, laissant une poignée de chefs de conseils de Bande statuer sur l’avenir d’un territoire 16 fois plus large que l’île de Montréal.

Prévu pour être signé vers la fin de mars prochain à l’Assemblée nationale, le traité Petapan se targue de reconnaître « l’autonomie gouvernementale » du territoire d’Innu Assi, mettant supposément fin de ce fait à la longue histoire des empiètements, de l’acculturation et de l’extermination des peuples premiers. Si cette histoire brutale fut certes menée à coup de traités, le dernier en liste serait, dit-on, d’une autre nature. Au contraire de la Convention de la Baie James, qui a permis l’intégration constitutionnelle de pas moins de 20% du territoire « québécois » – près de 300 000 km2 – aux mains des Cris, le traité Petapan n’entend pas « éteindre » les droits ancestraux, mais seulement les « harmoniser » à ceux du Québec…

Englobant les bassins-versants du Lac Saint-Jean, une bonne partie du Labrador et toute la Côte-Nord, le Nitassinan, territoire traditionnel des Innus et des Attikamekws, s’étend sur près de 100 000km2. C’est là que se sont réfugiés les animaux et les poissons traqués aux confins de la civilisation – les deux tiers du Nitassinan sont zonés comme réserve à castor –, et où gisent les minéraux et rivières torrentielles qui n’ont pas encore été harnachées. D’où l’importance cruciale de ce traité pour un gouvernement qui n’en finit plus de vouloir en finir avec les ressources naturelles.

Au-delà de ses apparences altruistes, le traité Petapan cache une anguille considérable sous la roche mère. Certes, les Innus y deviendront les « gestionnaires » de leur territoire – pas tous les Innus, évidemment tout ceci ne concerne que les chefs de bande dûment attitrés. Gestionnaires… c’est le terme qu’utilisait le gouvernement pour désigner les familles tenant un certain territoire de chasse, jusqu’à ce qu’il le remplace par « gardiens de territoire », pour éviter toute confusion. Mais si les projets de développement devront recevoir la caution des Innus, et s’ils se verront sans doute octroyer la traditionnelle « indemnité de vacances » de 3% des recettes, ce transfert de la gestion du territoire vers ses «propriétaires» ancestraux ne vise rien de moins qu’à lui forcer la main pour l’ouvrir au développement des infrastructures. Voyez l’astuce: au terme d’une période de 12 ans, le gouvernement fédéral cessera de verser toutes les prestations d’assistance auxquelles ont aujourd’hui droit les réserves, laissant au gouvernement semi-autonome, pour ne pas dire au protectorat innu, le soin de lever ses propres taxes.

Sans plus d’assistance du gouvernement fédéral — qui existe en compensation des atrocités commises par celui-ci –, les Innus devront se résoudre à ouvrir ses ressources à l’exploitation, sous peine de tout simplement crever de faim. D’autant plus que les coûts déjà engagés pour les négociations, avec ses innombrables études de terrain et avis juridiques, s’élèvent à plus de 40 millions de dollars… Sans compter que le gouvernement du Québec s’était d’abord réservé la propriété entière et exclusive des ressources hydrauliques et du sous-sol, ainsi que 75% des minéraux de surface. S’il a dû se raviser devant les protestations, laissant finalement les Innus régner seuls sur leurs ressources, le territoire de l’Innu Assi prévu par l’entente de principe a été depuis coupé de plus de la moitié, passant de 2 538 km2 à 1 250 km2. À Nutashkuan, un projet de barrage hydroélectrique de 50 méga-watts attend déjà la conclusion de l’accord avec fébrilité – l’entente de principe de 2004, devant servir de base au traité, le prend pour acquis, en soutenant au futur simple que « Le Québec s’engagera à donner priorité à la Première Nation de Nutashkuan sur le développement des forces hydrauliques de 50 MW et moins situées sur Innu Assi » . À voir la dislocation et l’éparpillement du territoire projeté de l’Innu Assi, on comprend bien pourquoi cela a pris 30 ans pour identifier et retirer de l’accord toutes les zones à fort potentiel géologique.

La résistance

Mais il n’y en aura, manifestement, « pas de facile ». Il suffit parfois d’un petit ferment d’opposition pour faire tourner au vinaigre une machination mûrie depuis des années. Contre le traité Petapan, un regroupement de « gardiens de territoire » Innus s’élève présentement, et commence à faire des vagues. En se présentant aux instances de sélection au hasard des «gestionnaires de terrains de piégeage» devant former le « comité Tshitassinu » afin de bénévolement conseiller l’application du traité, ces opposants partent des discussions qui ont tôt fait de remettre en question l’entièreté du processus. De multiples blocages de routes et de chemins forestiers, auxquels se sont rajoutés des membres des communautés Attikamekws, tout bonnement ignorés par l’entente, mettent une pression non-négligeable sur un processus dont la validation tient sur une apparence d’irréprochabilité éthique.

Si l’opposition au traité Petapan voit clair dans le jeu du gouvernement, c’est qu’elle part de son propre mode de vie éprouvé. En ce qui concerne la pratique millénaire de la chasse, de la trappe et de la pêche, le traité ne vise rien de moins que l’extinction de ce mode de vie, passé sous le vocable de « l’harmonisation » des pratiques traditionnelles avec les systèmes québécois et canadien de permis, de certificats, d’enregistrement des prises, de périodes de chasse et de quotas de captures (point 5.7 de l’entente de principe) C’est donc le mode de vie le plus propre aux autochtones d’avant la colonisation – la chasse et la pêche comme moyen principal de survie –, qui se retrouve attaqué dans un de ses derniers retranchements sur le continent. Là, où se sont réfugiés les derniers animaux sauvages pouvant subvenir aux besoins d’une population limitée de chasseurs-trappeurs, la convoitise des minières et des hydroélectriques entend détruire ce que les colonies de peuplement ont chassé partout ailleurs. Or, le rapport des Innus traditionalistes opposés au traité Petapan à la pratique ancestrale de la chasse est considéré comme « sacré ». Autant dire qu’elle ne saurait être « harmonisée » avec les normes blanches sans perdre son âme. La chasse, entendue au sens plein, comme activité spirituelle inaliénable, renferme une relation immémoriale au territoire Innu, et un savoir sur la manière d’y vivre d’autant plus durablement qu’elle se passe de tout développement. Comme le rappelle un occupant-chasseur de territoire innu : « Nos ancêtres ont vécu sur ce territoire bien avant la création des Conseils de bande par les Européens. Ils nous ont transmis les connaissances nécessaires pour vivre et s’organiser pendant des millénaires sur le Nitassinan. Nous n’avons pas besoin d’un traité et d’un gouvernement pour contrôler et limiter nos pratiques traditionnelles. La longue marche innue n’a jamais eu besoin des lois européennes sur le Nitassinan! »

Il ressort donc que ce souverainisme autochtone en réémergence au soi-disant Québec n’est pas celui qui se dit dans les conseils de Bande et se lit dans les ententes de principe. Les regroupements de chasseurs innus et attikamekws opposent une indépendance de fait à l’indépendance de jure du traité Petapan, dénoncé comme une incursion de la conception européenne de l’État. Il ne faut donc pas hésiter, s’il s’agit de supporter cette affirmation autochtone d’une indépendance ancestrale, à répondre à leur appel à la solidarité. En reconnaissant, d’abord, en quoi les structures mises en branle par les négociations du traité sont entièrement tributaires des Blancs – rappelons que plus de 50% des employés du conseil de Bande d’Essipit sont en réalité des Blancs venant des Escoumins et d’autres municipalités limitrophes; la résistance à leurs manœuvres insidieuses est ainsi tout autant du ressort de la solidarité non-autochtone que de la résistance des communautés concernées. En prenant au sérieux, ensuite, les conceptions du monde et du territoire spécifiques à ces communautés, comme incarnant le vrai visage d’une résistance continue aux agressions de la civilisation du développement, en même temps que leur cible privilégiée. Ce qui amène à se demander, concrètement, comment reconnaître leur indépendance de fait, et comment assister à leur rejet des projets extractivistes. Car cette île de la Tortue où l’on séjourne renferme nombre de manières de vivre farouchement souveraines, qui ne demandent qu’à être considérées à ce titre dans nos esprits. Quitte à devoir y dissoudre ce qu’on a pris coutume de considérer comme le Québec et le Canada.

Appuyons la lutte contre le traité Petapan!

Pour plus de renseignements,visitez la page Facebook du Regroupement des familles traditionnelles de chasseurs-cueilleurs Ilnuatsh. Restez à l’affut!

Contre la démocratie, pour la liberté totale

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Mar 042017
 

De La Fronde: Journal anarchiste montréalais
La fronde est disponible à L’Insoumise et La Déferle

Certaines idées nous sont amenées telles des vérités, des valeurs dominantes difficilement questionnables qui déterminent nos actions. Déjà au temps du christianisme, jusqu’à la société d’aujourd’hui des codes et des normes surpassent les individus, nous dictent ce qui est bien et ce qui est mal. En contrepartie, si nous voulons transformer ce monde et nos vies, on doit tout questionner, sans exception, plutôt que de s’assoir sur des vieux concepts telle la démocratie et reproduire éternellement les mêmes erreurs.

La démocratie est probablement l’un des plus grands mensonges de notre époque. On l’entend dans toutes les bouches, tant chez les libéraux que chez les militants de Gauche radicale, comme si le concept était synonyme de progrès, d’égalité, de justice et d’inclusion. C’en est devenu un adjectif, une qualité. On a cessé d’en interroger les fondements, car ça va de soi. Ce serait « le meilleur processus décisionnel », « le plus égalitaire ». Dans les faits, c’est la dictature de la majorité, avec son lot de politiciens jouant du théâtre pour convaincre les masses. Ainsi, le mythe de la démocratie, autant représentative que directe, maintient la pacification sociale et prévient les débordements. On ne vote pas l’insurrection. On la vit.

Ces origines proviennent de la Grèce antique. DēmokratÍa signifie gouvernement par le peuple ; dêmos désigne « peuple » et krátos, « pouvoir ». Mais qui donc est le « peuple »? Le langage populaire d’aujourd’hui le dépeint souvent comme étant un ensemble de citoyens provenant des classes sociales laborieuses, partageant une culture commune et un ensemble de valeur. Son sens évoque une opposition aux riches. Il est donc sous-entendu qu’en démocratie, le « pouvoir » est rendu au petit peuple – une abstraction qui ne veut rien dire. À ces origines, les gens à qui était offert le privilège du vote dans les assemblées publiques étaient les citoyens, c’est-à-dire les hommes propriétaires suivant des entrainements militaires ; ceux de qui on légitimait l’opinion. Le gouvernement par le peuple omettait les esclaves, les vagabonds et les femmes. Quoi qu’aujourd’hui, ici, il n’y ait officiellement plus d’esclavage, et que les femmes votent aux élections, il y a encore des exclus à leur démocratie. Pas de papier: pas de légitimité. Qui décide si t’as des papiers ? L’État. La démocratie, joyau du progrès libéral, devient un outil colonisateur de la domination et se dresse contre les pays quel juge barbare et fascisant. La victoire de l’occident démocratique contre l’ennemi nazi à la Deuxième Guerre, puis le discours anticommuniste durant la guerre froide, rendit l’idéologie irréfutable. Comme des protecteurs du paradis en guerre contre le diable. Ainsi, la démocratie, synonyme de civilité, construit un ennemi extérieur à combattre afin de cultiver la légitimité de son pouvoir. Ses médias nous bombardent de discours racistes et nationalistes qui renforcent l’identité et qui justifient l’existence des catégories de citoyen et d’étrangers-sans-papiers ainsi que toutes les guerres contre le terrorisme.

Le concept de démocratie a donc des origines pouvant porter son sens à confusion. C’est le mot parfait de la récupération politique des luttes. Il récupère toutes les initiatives autonomes pour les « démocratiser », ce qui peut signifier de rendre accessible à tous par une médiation de l’État-sociale. Il fonde la légitimité du pouvoir de l’État en suggérant que ce dernier agisse selon la volonté du plus grand nombre et que sans système de gouvernance et de prise de décision « incluant tous les citoyen.ne.s », on irait tout droit vers une guerre civile. De la même façon, il sabote l’autonomie en s’assurant que l’État soit au centre de nos vies. Le pouvoir reste concentré en haut de la pyramide entre les mains d’une classe dirigeante et une classe d’exploités est maintenue.

Il est déjà clair que la démocratie libérale parlementaire, avec ses députés, sa police, ses prisons, son armée, ses courts d’injustice, ses gestionnaires et ses lois favorisant l’exploitation par les entreprises privées, est un édifice imposant, trop bien rodé, qui retire entièrement la responsabilité de l’action politique des mains des gens pour la laisser à disposition de spécialistes du verbiage qui en font leur profession. Cette parodie prescrivant le vote au 4 ans mène à l’imbécilité généralisée. À part faire des commentaires à propos d’articles du Journal de Montréal, les gens cessent de se poser des questions et de développer leur esprit critique. Une rupture totale contre l’État, sa démocratie et les médias de masse nous apparait fondamentale afin de développer des bases d’auto-déterminations individuelles et collectives.

Chez plusieurs anarchistes et militant.e.s révolutionnaires, la démocratie directe reste à la base de leur forme d’organisation. La démocratie directe, en opposition à la démocratie représentative, prétend tendre vers une « vraie démocratie », en donnant le pouvoir décisionnel à chacun.e de façon égalitaire sans passer par l’entremise de partis politiques et de représentants pour favoriser des prises de décision horizontale. C’est ce qu’on appelle de l’auto-gestion (de l’auto-gouvernement). Alors on organise des assemblées, on utilise des codes de procédure, on fait encore de la politique en parlant au micro, en utilisant les bons mots, en espérant faire passer l’opinion de la majorité du côté désiré et on passe au vote. Boum! La décision est prise et aucune action individuelle n’est reconnue ou encouragée, sous prétexte qu’elle nuirait à l’éruption du mouvement. Il faut tolérer les autres et agir de façon civilisée. Combien de grèves on connut la mort de cette façon? Combien de gens tombent dans la déprime à la fin d’un mouvement parce qu’ielles se sentent dépourvu.e.s d’agir par le manque de légitimité ? La démocratie est une posture morale qui accuse tout acte de révolte isolé ou allant à l’encontre de la décision prise par la majorité, d’être autoritaire et despotique. En d’autres mots, cette logique nous soumet tous.tes à l’ultime verdict de l’assemblé, composé de personnes qu’on n’a pas choisies, et de le respecter. Ce processus a pour résultat de pacifier toute forme de révolte et de faire disparaitre les conflits sous le tapis.

Ce processus semble bien loin de ce qu’est l’anarchie qui vient de an « sans » et d’arkhos « gouvernement ». L’anarchie est une pratique collective de liberté totale qui s’oppose à toute forme de domination et d’exclusion en faveur d’une décentralisation radicale des pratiques du pouvoir. Elle privilégie l’auto-détermination individuelle et collective et l’association volontaire plutôt que la soumission à tout cadre non-désiré tel que la religion, la société, l’assemblé, le mouvement, la norme, le genre, etc. Il semble que même dans les milieux radicaux, les racines du pouvoir sont toujours présentes. On cherche à gouverner ce qui est accessible, notre révolte. On scande qu’il faut une stratégie commune et on discrédite et se désolidarise des actions décentralisées. Mais qui choisit de la stratégie commune ? Il n’est peut-être pas faux qu’une guerre civile éclaterait sans forme de gouvernance. Et pourquoi pas ? Les conflits existent et on doit les laisser émerger. Il y aurait certainement une tension palpable, parfois conflictuelle et d’autre fois créatrice. Dans les faits, en annihilant le conflit, en légitimant une « bonne » gouvernance, en tuant la liberté et l’autodétermination, la démocratie n’est que l’autre visage du fascisme. Les règles sont tellement bien intériorisées que la répression est presque désuète. Jusqu’au moment où il y a rupture et que la tension monte d’un cran. C’est alors que le fascisme refait surface avec ses lois spéciales et ses mises en garde contre le terrorisme, isolant le fauteur du reste de la population en en faisant un ennemi intérieur. En démocratie directe, c’est pareil ; les fauteurs seront accusés d’être contre-révolutionnaires et de se foutre des autres. La raison pour laquelle il n’y a pas de distinction claire entre démocratie directe et démocratie parlementaire, c’est que nous y voyons un même schème, celui de l’aplanissement du conflit qui dérobe à l’individu la libre-détermination de ses propres actions, fondement même de la domination.

Il n’est pas simple de s’organiser pour lutter ensemble, certes. Notre objectif est de questionner certaines idées afin de transformer nos pratiques pour laisser place à un débordement irréversible et irrécupérable pour que vive l’anarchie, la beauté, la vie pleine de créativité. Nous proposons de tenter des formes d’organisation sur des bases d’association volontaires, informelles, horizontales et autonomes des institutions, entre compagnons d’affinité ou pas, autant que c’est volontaire. Organisons des assemblées, des espaces de rencontres, de débats et de discussions pour partager nos idées tout en valorisant l’auto-détermination dans nos façons de lutter !

Syndicat collabo

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Mar 042017
 

De La Fronde: Journal anarchiste montréalais
La fronde est disponible à L’Insoumise et La Déferle

Quand on pense à la lutte au Québec, une des premières choses qui nous vient en tête en est une prenant une forme syndicale, avec ces grandes assemblées générales et ces manifestations bondées de gens partant de la place Émilie-Gamelin, que ce soit des travailleur.e.s qui revendiquent un salaire de 15$ de l’heure ou des étudiant.e.s voulant bloquer une hausse de frais de scolarité. Le but de ce texte est d’amener une critique de cette forme de lutte si bien implantée dans l’horizon québécois et qui est devenue la seule façon de lutter pour une bonne partie de la population.

Depuis les années 1980, on n’a pu constater un lent déclin des syndicats, entre autres en observant le nombre de grèves qui diminue d’année en année. Les litiges deviennent de plus en plus corporatifs et portent majoritairement sur les salaires, la question politique s’éloigne progressivement du décor et les syndicats n’osent pas se mouiller dans une grève sociale. Les centrales syndicales ont aussi un grand rôle à jouer dans ce déclin notamment en signant des ententes à rabais et en s’imbriquant de plus en plus dans les rouages du système capitaliste. Les grandes centrales refusaient de se mettre en jeu lors de la campagne du 1 mai 2015 en appelant à participer à la manifestation anti-capitaliste. Comme à l’habitude, les directions ont préféré organiser un concert dans le Quartier Latin. Il faut les nommer ; que ce soit la CSN ou la FTQ, ces grandes centrales sont indéniablement ennemies de tout.tes révolutionnaires conséquent.e.s. On a même pu entendre un certain Jacques Létourneau dénoncer la grève étudiante au printemps 2015 à nulle autre station que Radio X. Ces grosses têtes ne sont que des bureaucrates cherchant à garder l’ordre des choses telles qu’elles sont. On ne voudrait tout de même pas que les gens soient trop en colère et veuillent déborder des ordres de la direction, car il faut le dire : ces syndicats agissent dans la même logique que les patrons et les banques. Nous pouvons citer l’exemple du fonds de solidarité FTQ qui est de connivence avec la mafia, avec nul autre que Toni Accurso, et qui remplit bien plus le rôle d’une grande banque que d’un syndicat.

L’objectif des grands financiers et des gouvernements a toujours été de réussir à ce que les travailleurs.es acceptent le capitalisme comme système idéal dont on ne pourrait se passer. En effet, en infligeant des conditions de vie tout à fait déplorables, il était difficile pour les patron.e.s de vendre leur salade aux ouvriers.ères en leur faisant accepter un système où la propriété privée est maître et où l’on a simplement à travailler plus fort si l’on veut s’enrichir. Au long du 20e siècle, on a pu constater une lente progression des conditions d’existences des gens employés sur le marché du travail. Bien sûr, au Québec les gens meurent moins de faim qu’avant, mais l’exploitation reste. Ce n’est pas parce que l’on peut s’acheter une maison et une voiture que la lutte devrait désormais se baser sur la conservation des acquis du passé. C’est ici que le rôle des syndicats est devenu très important au sens où, désormais, on ne cherche plus vraiment à être en conflit permanent contre les patrons, mais plutôt à négocier. On peut notamment citer leur slogan qui était en 2015 « La négociation, pas la confrontation ». On peut constater à quel point ces organes sont devenus mous et sans grandes ambitions, avec une attitude de bonne foi au lieu d’être déterminé à lutter. Malgré tout on peut dégager une tendance générale, du moins au Québec, les centrales syndicales n’ont jamais mis de l’avant la question d’un changement radical de la société. Il faut déserter ces structures qui ont littéralement miné la construction d’un projet révolutionnaire conséquent en ne mettant que l’emphase sur de meilleures conditions de vie qui n’ont jamais fin à l’exploitation qui se perpétuent encore aujourd’hui.

Le pire ennemi des révolutionnaires : la social-démocratie

Au Québec, nous avons la merveilleuse formule Rand qui s’applique au syndicat. Il s’agit du fait que si un syndicat est implanté dans une usine, un cégep ou une université, il détient le monopole. C’est-à-dire que s’il représente la majorité des travailleurs.euses. Ils et elles devront alors tous.tes être englobé.e.s dans le même syndicat. Cette loi datant de 1946 a été émise par le juge Rand qui trancha lors d’une grève de 17000 travailleurs.euses de Ford. Elle obligea dorénavant tous les patrons à prélever une cotisation du salaire des employé.es pour ensuite la verser au syndicat officiel de l’entreprise. Elle fut évidemment perçue comme une grande victoire pour les syndicats. Maintenant, ils allaient pouvoir remplir leurs coffres. Remettons certaines choses au clair. Elle est en fait le pire ennemi de tout personne voulant lutter contre le système dominant, car désormais le droit de grève était encadré et la grève illégale était perçue par la majorité comme un moyen illégitime. En effet, le gouvernement pouvait plus facilement lancer des injonctions pour mettre fin à la grève ou bien forcer la négociation avec les patrons. Les syndicats sont devenus des organes de plus en plus corporatifs qui ne cherchent plus vraiment à lutter, mais plutôt à syndiquer des lieux de travail sous leur propre bannière dans le maximum de secteurs possibles. Les syndicats non-officiels sont devenus peu populaires, vu le manque de budget. Les quelques journées de grèves officielles votées par les assemblées se transforment en piquetage immobile ; journée de congé payé par le fonds de solidarité. Tout acte de lutte non-légitime devient un danger d’être isolé et de se faire congédier. Il est possible de s’affiler avec un autre syndicat symbolique, mais ses décisions n’auront aucune légitimité si celui-ci n’est pas reconnu et officialisé par l’entreprise. Ainsi le but n’est plus de faire avancer la cause des gens qui doivent travailler pour survivre, mais seulement de représenter le plus de gens possible. Maintenant, les grèves ont une vocation davantage défensive, car le gouvernement peut faire plus facilement pression sur les syndicats en les menaçant de couper les cotes que ceux-ci perçoivent. La formule Rand existe toujours et fait en sorte que tous ces organes corporatifs ne font que s’asseoir sur de grosses sommes d’argent qui servent à donner des salaires à des permanents syndicaux bureaucrates, d’ailleurs souvent recrutés chez des jeunes carriéristes ayant été dans le conseil exécutif de l’ASSÉ afin de pouvoir redorer leur C.V. et se trouver des emplois à 80 000$ par année. « J’ai eu une vie de lutte », nous dirons ces sociaux-traitres, mais nous ne tomberons pas dans leurs fourbes piègent. Nous savons que ces gens sont les pires ennemies de la lutte révolutionnaire, car ils seront les premiers à appeler à se retirer d’un conflit et tireront tout le crédit d’avoir négocier une entente à rabais du haut de leur bureau, alors que les gens seront dehors à manifester, à recevoir des coups de matraque et à s’affronter avec la police.

Nous comprenons tout à fait la critique légitime de certains.nes travailleurs.euses qui remet en question le monopole de leurs syndicats ne les défendant plus. Il est maintenant possible pour les patrons d’implanter un syndicat « de boutique », c’est-à-dire que le patron d’une compagnie peut lui-même implanter un syndicat afin de donner un semblant de défense à ses employé.e.s. Lorsqu’un syndicat a déjà le monopole dans un lieu de travail, celui-ci est très difficilement dé-logeable. C’est un syndicat qui reçoit des côtes, qui ne défend personne et qui bloque l’avenue d’un autre syndicat plus combatif.

Un autre point important de la culture syndicale est l’assemblée générale. Ces assemblées sont souvent d’une platitude à en dormir. Le code Morin agit comme « lois » qui régissent ces assemblées. Plusieurs codes y sont écrits, qu’il faut respecter pour le soi-disant bon déroulement de l’assemblée. Lorsqu’on analyse avec profondeur le mode de fonctionnement de ces assemblées on peut constater qu’il s’agit surtout d’une petite élite bureaucrate qui peut tenter de jouer sur les règles afin d’avoir la salle de son côté ou de retarder le processus. Dans ces assemblées on nous vente les bienfaits de la démocratie-directe soit le fait que chaque décision soit prise par l’assemblée au lieu d’avoir des représentants comme au parlement. Derrière ce mode de fonctionnement se cache une complète hypocrisie. Nous devrions toujours être critiques de la loi du nombre, comme le fait que s’il y a une majorité de gens votant contre la grève, on prendra la décision collective de ne pas la faire. Le fait de vouloir lutter ne devrait jamais être entre les mains du plus grand nombre de personnes dans une assemblée, mais quelque chose qui nous fait vivre. Nos rêves ne doivent pas nous filer entre les doigts. La démocratie est une arme de pacification afin de délégitimer notre désir d’aller plus loin.

Depuis quelques années nous ne pouvons omettre la présence de syndicats tels le IWW-SITT (syndicat industriel des travailleurs et travailleuses) qui prennent plus de place dans le paysage politique notamment avec la syndicalisation des Frites Alors. Bien sûr, il s’agit d’un syndicat prônant la révolution en ayant pour objectif de faire la grève générale qui nous y mènera et qui fera tomber le pouvoir. Le problème est que cette fameuse grève ne se discute que dans les petits cercles fermés entre militants. On n’ose jamais le dire trop fort de peur d’effrayer les gens qui voudraient rejoindre le syndicat. Notre critique se base aussi sur la culture qui veut qu’une organisation forte soit une organisation composée de beaucoup de membres. En effet nous ne croyons pas arriver à une situation révolutionnaire en faisant signer le plus de cartes de membre possible. Nous croyons à des groupes affinitaires qui se multiplient et se coordonnent afin d’attaquer toujours plus fort l’État-Capital. Nous ne voulons plus de l’idéologie qu’il faudrait une plateforme avec des demandes concrètes pour se battre contre le patronat. Nous voulons aussi rester critiques de la culture de l’ouvriérisme qui reste dans la logique où le prolétariat serait le sujet révolutionnaire. Soit la seule classe pouvant faire la révolution. Nous ne percevons pas non plus la révolution comme le paradis ; cette illusion que tout sera parfait après le grand soir.

Allons plutôt vers les grèves sauvages et le sabotage comme moyen de lutte contre le patronat et surtout contre le travail et le monde qui en a besoin. N’acceptons plus le fait que nous devons représenter une majorité afin de nous battre. Nous ne représentons personne. Luttons sur nos propres bases, anti-autoritaires et en libre-association volontaire. Souvent, certains acquis améliorent nos conditions d’existences à court terme, mais si nous voulons réellement en finir avec le travail et l’exploitation, nous devons aller de l’avant et faire rupture totale avec les patrons et les syndicats qui contrôlent la révolte. Mener une grève, ça veut dire bloquer les entrées, saboter les équipements et empêcher les scabs de passer, en considérant les conséquences potentielles sur nos vies, et surtout construire une solidarité révolutionnaire entre travailleurs.euses et chômeurs.euses de plusieurs lieux afin de coordonner nos efforts. Organisons des assemblées pour partager nos idées, mais ne reproduisons pas la dictature de la majorité ; valorisons les initiatives décentralisées et volontaires. Les demandes spécifiques pour de meilleures conditions de travail sont trop limitatives. Ne tombons plus dans le piège d’une lutte soi-disant victorieuse au niveau des demandes qui finit par mettre à terre tout désir de voir tomber ce monde, car on a voulu nous donner des miettes. Par contre, on peut partir de là pour nous rencontrer et pousser la lutte révolutionnaire toujours un peu plus loin afin de répandre l’anarchie. Faisons guerre à l’État-Capital et mettons fin à l’esclavage salarié.

Tue le flic dans ta tête

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Mar 042017
 

De La Fronde: Journal anarchiste montréalais
La fronde est disponible à L’Insoumise et La Déferle

« La meilleure des polices ne porte pas l’uniforme »
– La rumeur, groupe de hip-hop français

La haine des flics ? Vous l’avez aussi ? Ils vous cassent les pieds, vous donne des tickets, vous harcèle, vous arrête, vous embarque, vous matraque, vous vaporise du poivre de cayenne, ou vous lance des lacrymos, vous tabasse, vous surveille, vous suivent, vous agresse, vous font chanter, vous menotte, vous jette en cage, vous crève un œil, vous terrorise?

Ils se sentent importants en se pavanant en uniforme à mettre leur nez dans les affaires de tout le monde. Ils représentent l’autorité de l’État. Ils détiennent le monopole de la violence légitime. Ils font respecter la loi et l’ordre, sous menace de te dérober ta vie et de te foutre en cage. Ils sont les chiens de garde du pouvoir.

Les flics te font chier. Mais au-delà de se foutre le nez dans tes affaires, ils existent pour maintenir le système tel qu’il est et empêcher les gens de se révolter. Malgré ce qu’on en dit, c’est leur fonction principale. On entend souvent l’argument classique évoquant que « les policiers sont gentils, mais comme partout il y a des pommes pourries qui entachent leur réputation ». On justifie leur utilité en exposant sans cesse leurs exploits d’avoir arrêté un tel pédophile ou un proxénète. Ce type d’interventions font certes partie des tâches policières parce que nous avons été historiquement dés-appropriés de nos capacités de gérer les conflits de façon autonome, mais en réalité, le pouvoir se fout du bien-être des gens. Plus un quartier s’embourgeoise et plus ses nouveaux citoyens et commerçants réclameront un quartier propre et sécuritaire. Les flics ne vont pas aller tabasser un proprio qui fait des augmentations de loyer illégales, mais le crackhead au coin de la rue on lui réserve un tout autre sort. « La police au service des riches et des fascistes », nous rappelle le bon vieux slogan.

Le 15 mars arrive vite, et comme chaque année, une manifestation sera organisée par le C.O.B.P. – le collectif opposé à la brutalité policière. Et chaque année, il y a de la confrontation et des arrestations. Le C.O.B.P., comme son acronyme l’évoque, ne s’oppose pas à la police en tant qu’institution, mais à une police brutale. Le collectif s’acharne depuis des années à proposer un discours citoyen quémandant de faire respecter les droits. Ils poursuivent en déontologie policière les policier.e.s aux comportements déviants, ils tentent de faire des recours collectifs contre des arrestations de masses et transformer certaines lois, comme ça a été le cas pour le règlement P-6 qui interdisait le port de masque lors des manifestations. Ce règlement a finalement été invalidé en 2016, grâce aux efforts de plusieurs compagnons et avocats. Néanmoins, une police moins brutale n’existe pas, car sa fonction ultime est de maintenir l’ordre en infligeant la peur. C’est-à-dire que si une révolte incontrôlable éclate, ces chiens armés nous tireront dessus sans hésiter. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas lutter, sinon que nous devrions affronter la réalité telle qu’elle est. Un flic représente une institution répressive servant au maintien du pouvoir de l’État sur nous. Il n’y a pas de bon flic. Il n’y a aucune bonne loi. Nous voulons combattre tous les germes et les fondements du monde autoritaire, incluant l’État, ses lois, la logique du droit et sa police.

Le pire de tout, c’est que le pouvoir est tellement bien rodé que la police n’a presque jamais besoin d’intervenir afin de faire respecter le statuquo. Le contrôle est intériorisé dans nos corps et dans nos têtes. Nous sommes domestiqués depuis notre naissance à respecter les règles, à aller à l’école, à aller travailler, à respecter l’autorité, à nous conformer. On nous fait croire que nos actes n’ont aucun impact et on nous fait savoir que si nous choisissons d’en finir avec ces institutions ; les propriétaires, l’État, la police, les patrons, etc., c’est la misère et la prison qui nous attend. Beaucoup baissent les bras. Mais la réalité, c’est qu’ils ne peuvent pas être partout et tout le temps comme Big Brother. En s’organisant un peu, il est toujours possible de déjouer les tentacules du pouvoir et de tenter l’irréversible. Il s’agit d’abord d’une dose de courage pour chasser la police de nos têtes et confronter nos peurs.

Expulsons d’abord la police de nos têtes, de nos quartiers et de nos vies. À l’attaque !