Commentaires fermés sur Retour sur la vague bleue – Critique de la raison masquée
Août082019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Le samedi 27 juillet se tenait à Trois-Rivières la 2e manifestation de la « vague bleue », une tentative de mouvement citoyen, en réalité pilotée par des groupes d’extrême droite en appui au projet raciste de loi 21 de la CAQ. La journée s’est somme toute bien déroulée : on était beaucoup plus à la contre-manif appelée par le groupe Trois-Rivière TRès inclusif (environ 3 fois plus), on a pu bloquer leur manif, les faire niaiser dans un stationnement pendant des heures (encore) pis en plus, des ami.es leur ont calissé des œufs pourris dessus, ont volé et détruit la caméra d’un média d’extrême droite (Radio-Québec), pis ont tabassé un de leurs goons qui tentait de s’en prendre à nos ami.es. Des gens sont aussi venus la veille tagger des insultes à leur point de départ. Ceci étant, on voudrait revenir sur un aspect de la manif qui nous a semblé poser problème : la séparation qu’on a nous-même créée entre le « black bloc » et le reste du monde qui était venu manifester.
Pour préciser un peu ce qui s’est passé, avant même que la manif commence, on s’est regroupées, toutes les personnes masquées, dans la rue. On était ben crinqué.es et excité.es d’être là. Mais avant même qu’on puisse commencer le trajet, avant même que la police fasse le moindre move, on avait déjà créé une scission au sein du groupe rassemblé. Y’avait le monde qui était masqué, en noir, dans la rue. Ceux et celles que les fachos pis les médias appellent les « antifa », les « casseurs ». Pis y’avait encore dans le parc, en train de nous checker, les gens qui probablement partageaient nos idées pis nos convictions, mais étaient pas masqués.
Il nous semble que ce geste de séparation, impose une délégation de la violence dans les mains du « black bloc » et nous prive collectivement d’une possibilité d’intensification du niveau de conflictualité général.
Explications : si celles et ceux qui sont allé.es à Trois-Rivières pour faire obstacle à la vague bleu mais qui n’adoptaient pas spontanément l’esthétique antifa sont resté.es stoïques face à nos tentatives de déplacement et de percée à travers la ville, c’est parce que se jouait devant eux une scène leur étant à la fois familière et étrangère. Familière puisque Trois-Rivière devenait, l’instant de quelques heures, le théâtre d’un spectacle déjà joué 1000 fois à la télé, où des antifas violents affrontent des nationalistes dégénérés, sans qu’aucun brin de vérité ne puisse percer l’écran. Étrangère parce qu’ils et elles se trouvaient alors dépossédées de la possibilité d’entrer en confrontation réelle, d’assumer ce qui était nécessaire pour arriver à bloquer la « vague bleue ».
Nous écrivons ce texte pour tenter d’élaborer une réflexion sur ce qui fait en sorte qu’une (contre-)manif est explosive ou ennuyeuse et pour essayer de ne plus se sentir impuissant.es lorsque nous nous retrouverons parmi une foule aussi hétérogène que celle du 27 juillet. Nous voulons revoir des vrais débordements, et nous savons que la manière dont nous agissons dans ces contextes peut favoriser ou nuire au surgissement d’intensités dans la foule. Nous aimerions que cette discussion, dans laquelle nous sommes largement redevables d’une internationale de fouteuses de trouble, de transformateurs de manifs en émeutes, dépasse ici aussi les positions de principe ridicules (pour ou contre le black bloc, pour ou contre les masques) et se déploie sur un plan tactique (comment agir efficacement, en telles ou telles circonstances, pour arriver aux buts fixés – bloquer la « vague bleue »).
Pour nous, la possibilité d’un débordement se situe bien sûr dans le débordement du dispositif policier, dans la destitution des forces de l’ordre par une foule en colère et dans la neutralisation de leurs uniformes, de leurs armes, de leur virilité par la puissance collective. Mais ce que nous désirons surtout provoquer, c’est un débordement des identités politiques. Que nous soyons toutes et tous débordé.es par la situation. Un débordement de la foule par elle-même. En quelque sorte que les gens soit mis face à l’exigence de la situation. Dans le cas de la Vague Bleue, que toutes les personnes qui étaient venues pour bloquer les fachos, soient mises face aux gestes qu’il faut poser pour le faire : il est question de tactiques de rue et de groupes, d’usages des objets, de jeu sur les ambiances, de faire émerger une disposition existentielle à l’affrontement.
C’est ce qu’on a été incapables de faire advenir ce jour là. On a bien sûr renforcé nos bandes, aiguisé notre complicité, ridiculisé des bouffons racistes, mais on a été loin d’amener des gens dans notre délire révolutionnaire. Il s’est joué cette journée là ce qui s’est déjà passé des tonnes de fois à Montréal et à Québec dans les dernières années. Chaque fois que la police suit le contingent « radical » parce qu’il s’est lui-même dissocié de la foule, on a déjà perdu. On se neutralise nous-même dans l’allure, l’identité qu’on se donne. Cette dynamique nous éloigne toujours doublement de l’insurrection. D’une part parce qu’il est alors impossible d’enjoindre la foule dans un débordement massif. D’autre part parce qu’on se condamne à un affrontement direct avec l’État, terrain sur lequel on est sûr.es de perdre.
À partir de ces constatations, il nous semble qu’on pourrait faire un parallèle avec l’évolution de l’idée de personne. Dans la Rome antique, le masque porté par l’acteur sur scène est nommé persona et est synonyme de visage. En dehors du théâtre, le terme persona désigne le rôle d’un individu dans la société, sa situation juridique. Mais cette catégorisation ne désigne pas l’essence de l’individu, simplement un rôle qu’il prend, une posture qu’il adopte, relativement à la configuration sociale, aux jeux relationnels. C’est avec la science coloniale/moderne que la persona devient l’identité individuelle, que le masque se fond sur le visage et que chaque forme-de-vie devient alors essentiellement séparée, individualisée et objectifiée. La criminologie et les autres sciences des pathologies et des races, grâce aux dispositifs biométriques et policiers, créent les figures du criminel, de l’homosexuelle, du déviant. Ironiquement, la répétition en toutes les circonstances de ce que certain.es militant.es s’époumonent à appeler « tactique » montre plutôt que la pensée tactique nous fait souvent défaut et que ces logiques relèvent réellement de l’identification avec le personnage.
À Trois-Rivières, nous avons senti que nos masques s’étaient fondus sur nos visages. Que notre inclinaison éthique à la guerre pour affirmer ce à quoi nous tenons n’était alors résumable qu’aux prédicats, aux identités que la police sous ses différentes formes nous attribue et que nous adoptons à notre tour. Nous avions l’impression de livrer à la société spectaculaire marchande le divertissement qu’elle réclamait. Celui nécessaire à sa démocratie, à son bon fonctionnement économique. C’est parce que les masques se sont fondus sur nos visages, que nos existences se sont repliées sur nos catégories, qu’il est, pour l’instant, plus facile d’aller au contact avec les fachos que d’entrer en contact avec celles et ceux qui manifestent avec nous. Qu’il est plus attendu de voir trois « black bloc » discuter ensemble et agir de leur côté que de voir une masse déchainée aux allures lambda poursuivre des militants d’extrême droite.
Le défi devant nous est évidemment plus complexe que notre bonne volonté le voudrait. Il nous faut arriver à se dissimuler de l’œil fasciste – policier ou nazi – sans pour autant rentrer dans une logique d’incommunicabilité avec des potentiel.les complices. Être capables de faire monter la tension sans avoir à se battre avec des paciflics. Cela repose à la fois sur des aspects tactiques et des manières d’être. Apprendre à mieux connaître le terrain, se cacher le visage sans être en black block, être habillé de couleur et pouvoir se changer quand ça chauffe, dialoguer ouvertement avec ceux et celles qui marchent à nos côtés, distribuer à tout le monde des masques festifs ou des costumes et ainsi rendre la foule ingouvernable avant même le premier feu d’artifice. Le black block est une tactique bien évidemment toujours pertinente – nous l’utilisons et nous allons continuer à le faire – mais elle n’est pas la seule clé de notre victoire. Elle est une arme à double tranchant qui peut se retourner contre nous.
Lorsque nous voulons créer du désordre et que nous nous identifions comme tel, la police a la main haute. Au contraire, lorsque l’origine du désordre est imperceptible, la police est mise hors d’état de nuire. Les manuels de stratégie contre-insurrectionnelles posent l’identification des sources de la contestation comme la première étape pour sa neutralisation. Doit suivre la séparation entre cette source identifiable et « la masse » susceptible d’y être entraînée. On peut trouver de la force en embrassant l’esthétique antifa – ou militante, anarchiste, communiste, etc. – mais c’est toujours au prix de cette auto-identification et de cette séparation. Nous devons apprendre à nous rendre imperceptibles. Contre les scénarios attendus, arriver à frapper n’importe où, n’importe quand. Apprendre à se laisser déborder, à être destitué de notre posture de militant.es professionnel.les par le dépassement même auquel nous avons contribué. Parce qu’il est évident que pour l’instant nous restons beaucoup moins redoutables que ce que le spectacle aimerait même nous voir.
« Le nom scientifique de la Wawa est le Capybar et il est le plus grand rongeur au monde. Les communautés afro-colombiennes du Choco en Colombie appellent ‘Wawa’ un animal de la forêt tropicale qu’elles chassent à l’aide de chiens pour se nourrir. Au Chili, on appelle les bébés des ‘Wawa’. À Cuba, la ‘Wawa’ est un autobus populaire où les gens s’entassent tous les jours pour se déplacer. On dit à Cuba que le meilleur journal populaire est la ‘Wawa’ parce que c’est là qu’on apprend les nouvelles du peuple… ‘Le cri de la Wawa’ c’est le mélange de toutes ces voix qui s’expriment… le bébé qui essaie de se faire comprendre, l’animal qui crie dans la forêt, le peuple qui veut se faire entendre et qui crie justice… »
C’est ainsi que les auteur.es du journal militant Alerta ! Le cri de la Wawa présentent l’origine du nom de leur publication. Le journal, dont la parution s’échelonne de 2003 à 2006, est publié à l’initiative du « Komiteal » (Comité CLAC – Amérique Latine). Son objectif : tisser un réseau de solidarité transnational en articulant les luttes d’ici et d’ailleurs, servir de journal alternatif aux grands médias et faire entendre les voix de ceux et celles qui luttent, notamment contre le capitalisme, le colonialisme et l’impérialisme. C’est entre autres dans ce but que le journal est publié en trois langues (français, anglais et espagnol) qui s’enchevêtrent au gré des numéros..
Basé sur des principes pluriels, donnant la parole à ceux et celles qui luttent dans les Amériques, le Komiteal s’inscrit dans la continuité des anarchistes inspirés par l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) et la révolte menée par celle-ci au Chiapas. Le journal, lancé à la suite des mobilisations de 2001 contre le Sommet des Amériques à Québec, reprend les thèmes, les objectifs et les idées popularisées par les contre-sommets de Vancouver (1997), Genève (1998) ou Seattle (1999). Le manifeste du Cri de la Wawa, paru dans le premier numéro, pose immédiatement les bases politiques sur lesquelles se fondent le comité : contre l’impérialisme et le paternalisme Nord-Sud, il se place d’entrée de jeu contre les multinationales qui exploitent les territoires et les vies ; et pour la démocratie directe et l’organisation horizontale. Le comité soutient toute « initiative locale de réappropriation et d’autogestion collective des usines, des terres et des richesses naturelles », s’oppose au colonialisme, à l’interventionnisme du FMI et soutient l’abolition des plans et accords néocolonialistes comme le Plan Puebla Panama, le Plan Colombie, l’Initiative Régionale Andine, la ZLÉA ou encore l’ALÉNA. Les militant.es réclament aussi le retrait immédiat des bases américaines et étrangères en Amérique Latine et aux Caraïbes. À la jonction entre les luttes décoloniales, la mouvance altermondialiste et le mouvement anarchiste, le comité se place en opposition à toute forme d’autoritarisme de la part des États ou des institutions. À travers les sept numéros du journal se révèlent les problématiques politiques et les initiatives qui marquent la grande période de lutte contre le capitalisme et la mondialisation du début du XXIe siècle. Mais, pour comprendre la teneur de ce manifeste, il est nécessaire de faire un peu de généalogie…
Le 1er janvier 1994, un mouvement insurrectionnel indigène et paysan qui réclame le droit à la terre et le respect des communautés autochtones au Mexique déclare la guerre à l’État mexicain. Il s’agit de la première grande apparition publique, largement médiatisée, de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN). Les zapatistes, dont l’appellation provient du nom du leader paysan et héro de la Révolution mexicaine Emiliano Zapata (1879-1919), est issue de l’organisation clandestine, dans la forêt Lacandone, des paysan.es et des indigènes du Chiapas, une des zones les plus défavorisées du Mexique. Se posant comme les héritèr.es de 500 ans de luttes contre l’impérialisme et le colonialisme, les militant.es de l’EZLN réclament l’autonomie du territoire, la redistribution des terres et le respect des droits, de la culture et de l’autonomie des populations indigènes de la région. En effet, de la colonisation aux agressives politiques néolibérales du gouvernement de Salinas de Gortari dans les années 1990, les populations autochtones et les communautés paysannes du Mexique n’ont cessé de subir les contrecoups du développement capitaliste. Dans la région du Chiapas, pourtant riche en ressources naturelles, une grande partie de la population n’a alors ni accès à la propriété de la terre, ni aux soins médicaux, ni au travail, ni à l’éducation. La région, perçue par le gouvernement mexicain comme une poudrière, est la cible de la répression féroce d’un gouvernement qui entend bien en contrôler les ressources et la population. C’est contre cette guerre génocidaire larvée que mène l’État mexicain contre les Chiapanèques que se pose l’EZLN qui réclame travail, terre, toit, alimentation, santé, éducation, indépendance, liberté, démocratie, justice et paix. Depuis plusieurs années déjà, les zapatistes opposent au néolibéralisme et à la colonisation un autre mode de vie, autonome et communautaire. Dans les zones contrôlées par l’EZLN, on met sur pied des « caracoles », des municipalités autogérées, avec leurs propres systèmes de santé, d’éducation et de vie collective.
« De quoi compte-t-on nous pardonner ? De ne pas mourir de faim ? De ne pas nous taire dans notre misère ? De ne pas avoir humblement supporté le poids historique écrasant du mépris et de l’abandon ? D’avoir pris les armes après avoir constaté que toutes les autres voies étaient closes ? […] D’avoir montré au reste du pays et au monde entier que la dignité humaine existe encore et qu’on la trouve chez les habitants les plus démunis ? […] D’être en majorité indigènes ? D’appeler le peuple mexicain tout entier à lutter de toutes les façons possibles pour ce qui lui appartient ? De lutter pour la liberté, la démocratie et la justice ? De ne pas suivre la voie des chefs des guérillas précédentes ? De ne pas nous rendre ? De ne pas nous trahir ? »
Sous-commandant Marcos, porte-parole de l’EZLN
Ce n’est pas un hasard si la la date du soulèvement zapatiste coïncide avec l’entrée en vigueur de l’ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain). Cet accord, conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique est alors le plus grand accord commercial de libre-échange au monde. Il élimine de très nombreuses barrières aux échanges commerciaux et aux investissements entre les trois pays, augmente les possibilités d’investissements transnationaux, favorise la circulation des capitaux et des biens et encourage la sous-traitance. De plus, une clause permet aux entreprises de poursuivre les gouvernements dont les réglementations (environnementales, sociales, syndicales…) menacent de nuire aux investisseurs. Mais le plus grave impact de l’accord de libre-échange pour les zapatistes est le fait qu’il annule l’article de la constitution mexicaine qui donne droit aux Autochtones à leurs terres communales, un droit pourtant acquis depuis 1917. En effet, l’abrogation de l’article 27 constituait un prélude à la signature du traité par le Mexique. En modifiant le statut de l’ejido – propriété collective de la terre par les communautés paysannes et indigènes – le gouvernement mexicain ouvre alors la voie à la commercialisation de la propriété collective et à l’arrêt de la distribution de la terre aux paysans.
Autrement dit, l’ALÉNA, en imposant la libre circulation de la propriété privée, vient abolir une pierre d’assise du mode de vie agraire des communautés du Chiapas, bafoue leurs droits et contribue à l’appauvrissement d’une population déjà durement touchée par la destruction capitaliste. C’est contre cet hydre du libéralisme que se lèveront les combattant.es de l’EZLN : le 1er janvier 1994, ill.es descendent des montagnes et prennent par les armes plusieurs localités, dont la ville de San Cristóbal de Las Casas et émettent un manifeste, la Déclaration de la Forêt Lacandone. Après un affrontement de douze jours, l’État mexicain entame des négociations qui aboutiront, en 1996, aux accords de San Andrès, accords accordant une large autonomie aux provinces zapatistes du Sud du Mexique. L’impact de cette apparente victoire, largement médiatisée, ouvre alors la voie à un large mouvement de contestation du capitalisme mondialisé. Dès lors, partout où la bourgeoisie tente d’imposer ses mesures néolibérales, elle rencontre de la résistance. Cette révolte mondiale s’incarnera de manière flamboyante dans les nombreux contre-sommets et manifestations contre les accords de libre-échange qui sont alors en voie de transformer durablement le paysage industriel et social de plusieurs pays.
Émergeant de la solidarité avec les communautés en lutte au Chiapas, l’Action Mondiale des Peuples (AMP) est fondée en 1998. Il s’agit d’une coordination mondiale de mouvements sociaux radicaux en lutte contre la restructuration néolibérale et le capitalisme. L’AMP se veut un espace de communication pour tous les groupes qui combattent le capitalisme global dans une perspective anti-autoritaire. La coordination, qui appelle ouvertement à la désobéissance civile et à l’action directe, organise plusieurs Journées d’Actions Globales, qui participeront des formidables mobilisations contre le sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce à Genève (1998) ainsi qu’à celles de Seattle (1999), Prague (2000), Gênes (2000) et Québec (2001).
L’AMP, en Amérique Latine, appuie les mobilisations pour le droit à la terre et la défense de l’identité propre des populations autochtones en luttant logiquement contre l’extractivisme et la destruction des espaces et des formes de vies ancestrales. En milieu urbain, des collectifs voient le jour avec comme but d’appuyer le processus d’autodétermination des communautés zapatistes. Partout on s’organise : qu’il s’agisse des expropriations populaires menées par les sans-terres au Brésil, de la lutte contre la guerre à la feuille de coca des Autochtones boliviens, de la résistance civile des communautés noires et métisses de Colombie ou encore de l’organisation des sans-emplois en Argentine, la résistance s’amplifie. La diffusion de ces luttes par le biais de caravanes militantes (dont l’une fait escale à Montréal le 25 octobre 2003) et des médias engagés pousse un grand nombre de militant.es des pays impérialistes du Nord à agir en solidarité avec ceux et celles qui luttent plus au Sud. Mais la vague néolibérale n’est pas terminée et ce sera contre un énième projet d’accord de libre-échange, la ZLÉA, que devront se mobiliser les miliant.es contre la mondialisation.
C’est dans ce contexte que sera formée, en 2001 au Québec, la Convergence des Luttes Anticapitalistes (CLAC) pour s’opposer au Sommet des Amériques. Ce sommet compte rassembler 34 chefs d’État dans la ville de Québec pour discuter de la future ZLÉA (Zone de Libre-Échange des Amériques). Successeur de l’ALÉNA, la ZLÉA prévoit créer une zone de libre-échange à l’échelle du continent américain, qui regrouperait tous les pays des Amériques à l’exception de Cuba. À l’image de l’ALÉNA, la ZLÉA compte imposer un sévère programme de déréglementation et de privatisation englobant l’agriculture, l’industrie, les services privés et publics, les investissements et les ressources primaires. Tout comme l’ALÉNA, la ZLÉA permet aux investisseurs de poursuivre les États dont les réglementations sociales et environnementales peuvent nuire à leurs profits. Ces politiques ont non seulement comme objectif de favoriser l’exploitation des territoires, mais aussi de faciliter la circulation des marchandises, de la main-d’oeuvre et des capitaux. Parallèlement (et sans surprise) elles participent aussi de la destruction des territoires et modes de vies de plusieurs peuples autochtones et communautés paysannes sur les territoires de l’Amérique.
C’est d’ailleurs sur le contenu et les impacts de cette nouvelle Zone de Libre-Échange des Amériques que porte un des premiers articles du numéro d’automne 2003 d’Alerta !, intitulé « Les Amériques à vendre ». Deux ans auparavant, au printemps 2001, plus de 2000 personnes venues de 35 pays des Amériques s’étaient rassemblées dans le cadre du Sommet des Peuples pour répliquer aux négociations tenues dans le cadre du Sommet des Amériques, bientôt rejointes par des dizaines de milliers de contestataires. L’énorme mobilisation, qui réussit à rassembler plus de 60 000 personnes, avait donné lieu à des combats intenses et à une réponse féroce des forces gouvernementales qui firent plus de 400 arrêté.es. Si la question de la ZLÉA est encore à l’ordre du jour en 2003, malgré les importantes manifestations de 2001, c’est que ces accords ne sont pas encore tombés. Ils ne feront pourtant pas long feu : avant même d’être mis en application, ils tombent en 2005, sous l’effet combiné des mobilisations contre le projet et des hésitations des gouvernements d’Amérique du Sud.
Malgré tout, le combat n’est pas terminé. En effet, la nouvelle offensive néolibérale des années 2000 s’inscrit dans le renouveau d’un impérialisme et d’un néocolonialisme en Amérique du Sud dont les États-Unis sont le fer de lance. Les accords de libre-échange n’en sont qu’une des pièces les plus visibles : ces arrangements économiques largement défavorables aux pays dominés qui voient leurs ressources pillées s’accompagnent souvent de projets de modernisation et de mesures de contrôle des territoires et des populations. Ainsi, les luttes contre la mondialisation néolibérale rejoignent-elles les luttes contre l’impérialisme et le néocolonialisme.
C’est ce que souligne le Komiteal dans son journal en abordant, dans un article intitulé « Le requin et les sardines » (no. 2, été 2004), l’impérialisme des États-Unis en Amérique Latine. En effet, mettant en œuvre la doctrine Monroe, puis invoquant l’endiguement communiste et justifiant subséquemment leurs actions par la guerre aux narcotrafiquants, les États-Unis se sont toujours immiscés dans les affaires internes des pays d’Amérique Latine dans le but de préserver leur influence et les conditions favorables à la fructification de leurs investissements. Ces interventions passent non seulement par un financement massif (de l’armée ou de groupes favorables à certaines politiques) et par une présence militaire dans certaines régions, mais aussi par le développement d’un vaste réseau d’infrastructures, comme celui proposé dans le Plan Puebla Panama en 2001. Prélude à la ZLÉA, ce plan de développement prévoit la construction d’autoroutes, de voies ferrées, d’oléoducs, de gazoducs et de ports dans neuf états mexicains et sept pays de l’Amérique Latine (Belize, Guatemala, El Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica et Panamá). De plus, il prévoit la construction de 25 barrages hydroélectriques et l’implantation de maquiladoras, immenses usines de fabrication de produits destinés à l’exportation. Ces plans, supposés « combattre la pauvreté », s’inscrivent en fait dans le cadre des traités de libre-échange et répondent surtout aux besoins des investisseurs d’Amérique du Nord, minières, pétrolières et industries agroalimentaires, qui souhaitent rendre plus facile l’exploitation des ressources naturelles et des travailleur.euses de l’Amérique Latine.
Ces projets de développement, sans grande surprise, ne tiennent compte ni des impacts écologiques, ni des impacts sur les économies rurales que leur réalisation pourrait amener, un fait largement souligné par les nombreux groupes s’opposant au projet, dont le premier forum se tient à Tapachula, au Chiapas. C’est dans la lutte et la solidarité transnationale contre ces projets de mort que s’inscrit Alerta !. Devant des combats semblables naît la nécessité de tisser des liens : l’équipe du journal, en collaboration avec l’Indigenous People Solidarity Movement (IPSM), le groupe Mexico-Montréal et le STAC (Students Taking Action in Chiapas) réunit en 2004 les ressources nécessaires pour envoyer une délégation de jeunes Autochtones du soi-disant Canada rencontrer les militant.es auto-organisé.es zapatistes.
Si Alerta ! met beaucoup d’efforts à faire circuler les informations sur les luttes en Amérique Latine, il tente aussi de mettre ces luttes en lien avec différentes problématiques d’ici. Le troisième numéro (hiver 2004) porte principalement sur les politiques du gouvernement libéral de l’époque et leur influence sur la condition des travailleur.euses d’ici, notamment leur tentative forte d’ouvrir la porte à la sous-traitance. À travers le numéro, on plonge dans le cœur du processus de restructuration néolibérale au Québec : réorganisation de la production pour faire baisser les salaires et augmenter les profits, sous-traitance et division des entreprises en plus petites unités où le travail est repris à un coût inférieur localement ou à l’international. Ici, ailleurs : ces processus du magma néolibéral se répercutent mondialement. Dans les états impérialistes du Nord, ils se traduisent par des délocalisations ; au Sud, par une exploitation renouvelée de la main-d’œuvre à bon marché. Ici, par la fragilisation des acquis sociaux. Là-bas, par des restructurations économiques pour satisfaire à la soif néocoloniale et par la destruction des formes de vies non-capitalistes. Alerta ! démontre aussi avec brio, dans son dernier numéro (été 2006), comment la crise écologique actuelle est intimement liée à ces processus mondiaux de spoliation et d’exploitation. La destruction des milieux de vie, loin de ne concerner qu’une nature extérieure et abstraite, est la conséquence directe des rapports sociaux d’exploitation induits par l’appétit vorace d’une classe capitaliste qui perpétue, à son profit, des structures colonialistes ; elle est donc une crise totale, autant sociale que naturelle.
Pour des raisons qui ne sont pas rendues publiques, mais entre autre par manque de fonds et de bénévoles régulier.es, Alerta ! Le cri de la Wawa cesse d’être publié à partir de 2006. Notons que l’arrêt de la publication du journal coïncide avec un certain essoufflement des luttes altermondialistes (réformistes comme révolutionnaires), un ressac dont nous ne sommes pas encore revenus, mais que la résurgence autochtone est en train de changer. Malgré sa courte existence, Alerta !Le cri de la Wawa constitue probablement un des projets les plus intéressants à avoir été menés par des militant.es anarchistes en territoires non-cédés.
D’une part, le projet se distingue par un anarchisme renouvelé, riche des perspectives non-européennes et des luttes autonomes, en particulier celles des Autochtones d’Amérique du Sud. Ces dérogations aux canons révolutionnaires blancs désenclave la lutte d’un classicisme qui mine depuis trop longtemps l’imagination des révolutionnaires. Ces perspectives prennent toute leur importance dans le contexte canadien, où la situation coloniale et la position de puissance impérialiste extractiviste du pays nous force à imaginer une position révolutionnaire décoloniale et destituante ; destituante de l’État-nation, de ses intérêts impérialistes, de son économie extractiviste et des dominant.es qui profitent de ces structures. D’autre part, le journal remplit bien son mandat de média alternatif. L’intérêt qu’il porte aux problématiques sociales et politiques qui se déploient ici et ailleurs ainsi que le soin qu’il prend à nous fournir les outils pour comprendre ces situations contribue à un enrichissement de nos connaissances sur les différentes formes de vies-en-luttes. Il permet aussi un désenclavement des débats idéologiques stériles : l’existence d’un tel journal montre bien que les théories révolutionnaires doivent toujours se réfléchir et s’appliquer à partir des réalités politiques concrètes pour répondre adéquatement aux problématiques qui se déploient sur un territoire donné.
Le travail d’Alerta ! peut par ailleurs nous servir de référent pour nos pratiques actuelles. En effet, les deux fondements de l’exploitation mondiale capitaliste reposent encore sur le (néo)colonialisme et le (néo)libéralisme. Alors que nous sommes dans une séquence de renouvellement de ces deux paradigmes (fausse réconciliation avec les peuples autochtones et nouveaux traités coloniaux, nouveaux traités de libre-échange comme l’Accord Économique et Commercial Global, attaques contre les personnes autochtones et noires aux États-Unis comme au Brésil), il faut plus que jamais s’armer intellectuellement et pratiquement pour détruire le monde colonial. En ce sens nous devons revisiter Alerta ! Le cri de la Wawa et repartir du plateau que ses militant.es ont établi pour porter notre lutte plus loin, et pour porter la décolonisation de ce monde à son aboutissement.
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Pour plus d’informations sur les luttes actuelles en Amérique Latine on consultera avec profit la revue militante Caminando, dont le dernier numéro porte sur les résistances des femmes à l’extractivisme, disponible à la librairie féministe L’Euguélionne. On écoutera aussi avec plaisir les baladodiffusions produites par le Comité pour les Droits Humains en Amérique Latine (CDHAL) dans le cadre de la série « Luttes pour le territoire : Voix de femmes en résistance ». Sur l’extractivisme canadien, on lira avec attention l’ouvrage Noir Canada d’Alain Deneault (ouvrage pilonné suite à un jugement inique, mais disponible sur Internet…) qui aborde les crimes de l’industrie minière canadienne. Sur les perspectives anarcho-indigénistes inspirées par les actions de l’EZLN, on consultera L’anarcho-indigénisme, un recueil d’interviews sur les perspectives décoloniales et indigénistes. Enfin, tous les numéros d’Alerta ! Le cri de la Wawa sont disponibles à la bibliothèque DIRA, dans leur section d’archives.
La brochure qui suit a été initialement publiée en anglais sur le site North Shore Counter Info Je suis tombé dessus par hasard en me promenant sur les internets. Assez vite j’ai été frappé de voir à quel point l’auteur·e pointait du doigt les mêmes problèmes auxquels j’ai pu être confronté avec Signal – pour celleux qui l’ignorent encore Signal est une messagerie chiffrée utilisable depuis un smartphone ou un ordinateur, la première partie de la brochure revient plus longuement sur son origine et son usage. Ces derniers mois, la majorité de mon entourage s’est mis à utiliser Signal. L’existence de cette application m’a pas mal convaincu de posséder un smartphone, et je ne crois pas être le seul.
Visiblement en Amérique du Nord le phénomène s’est déjà produit il y a quelques années, entraînant un certain bouleversement des pratiques et des relations sociales dans les milieux autonomes. La même chose commence à arriver ici, en France, et comme l’explique l’auteur·e, il n’y a pas que du bon là-dedans. Si j’évoque l’injonction à être joignable en permanence, la surévaluation de la protection amenée par Signal, l’exclusion sociale des personnes non pourvu·e·s de Signal, les groupes où se répandent des vents de panique, etc, je suis sûr que ça parlera à beaucoup de monde. Tout ceci, et beaucoup d’autres choses sont discutées dans cette brochure, plus quelques conseils pour éviter les erreurs les plus grossières, et à minima inciter chacun·e à questionner et discuter son usage de Signal.
N’étant pas vraiment bilingue, quelques erreurs de traductions se sont sûrement glissées à quelques endroits, notamment lorsqu’il s’agissait de retranscrire de l’argot. Le texte original ayant été écrit depuis le Canada anglophone les références ne collent pas toujours avec la France, surtout lorsque sont évoqués des textes de lois. J’ai fait le choix modifier le texte à la marge, en ajoutant parfois des notes propres au contexte français.
La dernière forêt vierge au sud du 49e parallèle se situe à la tête des rivières Batiscan, Saint-Maurice et Métabetchouane. Dans les dernières années, les coupes se sont intensifiées dans la forêt ainsi qu’autour de celle-ci, menaçant ce dernier joyau de biodiversité. Malgré plusieurs oppositions et démarches de protection de la part des Premiers Peuples et d’experts, des coupes sont prévues en 2019. En effet, des dizaines de kilomètres carrés de la forêt du lac à Moïse ont été rendus disponibles à l’industrie forestière dans le plan opérationnel 2018-2023 du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. C’est donc un autre lieu de rencontre des Premières nations et un territoire de chasse ancestral qui est dévasté par l’industrie « forestière ». Depuis des millénaires, la Nation huronne-wendat occupe ce territoire. Dernièrement, le chef du conseil de bande de Wendake, Konrad Siouï, a déclaré qu’il est prêt à tout pour protéger cette forêt, envisageant même l’occupation du territoire. La résistance s’organise. Le 12 juillet, des personnes ont organisé une rencontre à Wendake pour discuter de l’avenir de cette forêt. D’autres actions sont à prévoir.
Discours prononcé à laManif ensolidaritéavec Cedar et pour l’abandonde toutes les accusationscontre les défenseur.ses de Pride, tenue à Montréal le 28 juin.
Bonsoir tout le monde,
Merci d’être venu.es! Il est un grand plaisir de vous voir en grand nombre pour prendre la rue ensemble. Pour démontrer notre solidarité avec les accusées de Fierté Hamilton et notre amie Cedar qui reste en prison.
On est ici aujourd’hui, sur la terre ancestrale des peuples autochtones Anishnabeg et Haudonousanee, plus précisement la terre qui n’a jamais été cédée de la nation Kanien’kehà:ka pour manifester notre rage queer et trans suite aux événements de la semaine passée. Le mécanisme colonial qui a volé cette terre pour construire le ‘Montreal’ a aussi ciblé le terrain culturel du genre et de sexualité pendant des centaines d’années. Même si toutes nos identités sont différentes, les notions ou concepts de queer ou gai ou trans que les personnes non autochtones utilisent sont construites en réaction aux et à partir des cultures blanches, chrétiennes, coloniales et capitalistes. Que le tissu et la fibre de ces mots, certes imparfaits, ne sont pas nouveaux, et ils rendent hommage aux personnes qui, grâce à leur existence naturelle, ont toujours mis en question le projet hetérocolonial. On reconnait que de nombreuses cultures autochtones respectaient plus que deux genres et sexualités, souvent célébrant leurs membres de communauté qui étaient de deux-esprits. Il y a 500 ans que le projet colonial de l’État continue d’attaquer ces personnes, de les éteindre ou de les assimiler. La souveraineté autochtone de la terre est inespérable de la souveraineté autochtone corporelle, sexuelle et de genre. Nous honorons les combattants qui se luttent pour le rétablissement de diversité sexuelle et la fluidité de genre dans leurs cultures et notre lutte queer est aussi une lutte anticoloniale.
Le 15 juin 2019, un festival de Fierté de la communauté queer et transgenre de Hamilton, “Ontario” a été attaqué par un groupe de homophobes de l’extrême droite, de fondamentalistes chrétiens et de néo-nazis. Comme ils ont fait en 2018, ils sont arrivés avec de grandes pancartes et des bannières homophobes, commençant immédiatement de lancer des insultes et des injures. Ils ont agressivement harcelé les individus au festival Fierté, faisant des blagues sur le viol et menaçant la violence physique. Afin de bloquer ces bigots et de protéger la communauté, une grande bannière noire a été érigée par quelques queers. Les homophobes n’ont pas aimé ça, et ils ont attaqué ces personnes. Ils ont commencé une bagarre, mais les personnes gaies, trans, et antifascistes qui ont refusé de permettre la présence de ces cons ont fièrement riposté. Certain.e.s ami.e.s ont été blessé.e.s et ont eu besoin des premiers soins. La police de Hamilton n’a rien fait pendant le conflit d’une heure et ils se sont présentés quand il n’y avait plus rien à faire. Les homophobes ont accueilli l’escorte policière pour quitter le parc. Malheureusement, ils ont harcelé et chassé d’autres queers dans le quartier plus tard dans la journée et la semaine après ils ont attaqué d’autres gens à Fierté Toronto.
Après ces événements, la police de Hamilton ont senti menacée – les communautés qui se sentent autonomisées et capables d’utiliser de la force pour se défendre affaiblit l’autorité de la police. Par conséquent, les policiers ont focalisé toute leur énergie sur la poursuite de certaines personnes queers, trans et anarchistes de la ville, les harcelant toute cette semaine comme punition. Samedi le 22 juin la police a mis en prison Cedar, un.e ami.e qui n’a pas été au festival, mais qui la police veut cibler parce que Cedar a publiquement critiqué leurs actions. Ille a été en grève de la faim pendant 5 jours afin de protester contre cette mesure vengeresse et ille reste présentement encore en prison. Il se peut qu’il aille prendre des semaines avant que Cedar puisse avoir une audience de libération conditionnelle. Plus tard dans la semaine deux autres ami.e.s ont été arrêté.e.s et accusé.e.s de bris de probation basé sur un soupçon d’avoir été au festival. Aucun de ces homophobes n’avait été initialement accusé par la police ou appréhendé à l’événement, malgré la circulation majeure de leurs visages, leurs noms et des vidéos de leurs actions violentes, jusqu’à hier quand la pression publique a obligé la police à charger Chistopher Vanderweide avec agression armée. Le maire de Hamilton a reçu une petite visite ce matin – vingt personnes ont visité sa maison à 7h le matin pour lui faire comprendre ce que c’est une visite de la police le matin et comment ça peut être dérangeant. Ils ont placé beaucoup de pancartes sur son gazon qui disaient : Le maire s’en fou des queers. La réaction du maire? Il a publiquement annoncé que ces manifestants ne sont pas des vraies queers et il a appelé pour une enquête. Conséquemment la police a arrêté DEUX AUTRES AMIS cette après-midi. Nous opposons au système carcéral et colonial de l’État, mais la répression unilatérale dirigée premièrement vers ceux et celles que la police soupçonne d’être les défendeurs de Fierté est révélateur une fois encore de leur position et leur objectif : protéger les personnes racistes, homophobes et misogynes.
Le concept de “queer” peut comprendre notre sexualité ou notre genre, mais pour nous il veut dire beaucoup plus que ça. Il est un territoire de tension qu’il faut défendre. On est en solidarité avec Cedar et les personnes accusées en connexion avec cet événement, aussi bien que toute personne gaie ou trans qui est en prison pour une contre-attaque. On sait que les queers de hier se sont courageusement battues pour notre existence, contre les homophobes et les néonazis aussi bien que contre la police. On se souvient du 28 juin 1969, la Rébellion de Stonewall à New-York, à son 50e anniversaire aujourd’hui – comme étant une émeute de quatre jours contre la police mené en grande partie par des personnes trans de couleur. Elle a été une rébellion à la fois trans et queer parce que, dans les mots de Queen Allyson Ann Allante, une participante de 14 ans en 1969, « Il a été la première fois que les deux groupes se sont réunies pour lutter contre l’oppresseur et il a établi un bon précédent pour l’avenir. Il a été un événement marquant parce que les deux communautés étaient unies pour combattre l’oppresseur, qui était la police et la mafia, qui ont contrôlé les clubs gais. » Quand on se souvient des briques volantes et talons hauts dans l’air découlant de l’explosion de rage gaie et trans, il faut se souvenir que le militarisme gai qui a été inauguré ces jours là – donnant naissance à la Fierté que nous connaissons aujourd’hui – a essayé de faire taire et isoler les personnes transsexuelles, transgenres de couleur afin de favoriser un discours plutôt blanc, gai et cisgenre. On voit encore cette tendance 50 ans plus tard et on sait que nos communautés ont beaucoup de travail à fare pour resister le misogyne trans et le racism. Il est primordial que nous luttions les unes pour les autres, contre nos oppresseurs commun, épaule à épaule. N’oublions pas que Montréal n’était pas épargnée des descentes policières ; notons celle du bar Truxx en 1977 durant laquelle 143 personnes ont été arrêtées et accusées ou encore celle de la soirée Sex Garage en 1990, le « Stonewall québécois », où plus de 400 personnes se feront violemment charger par le SPVM et ses matraques, commençant un conflit de 36 heures. On sait que les personnes gaies et trans qui sont sans abris ou travailleur/se de sexe font face à la répression policière de jour en jour. La seule raison que le village gai est ici – dans l’est du centre-ville est parce que, avant l’Exposition ’67 et les jeux olympiques de 1976 le SPVM a mené une campagne pour nettoyer la ville – attaquant et arrêtant les queers dans les bars. On sait aussi que dans le monde les personnes gaies et trans, surtout celles qui sont racialisées, sont attaquées, criminalisées, incarcérées et même assassinées de manière disproportionnelle. Les attaques de haine américaine transphobe ont triplé pendant les derniers 5 ans. Hier, une autre personne trans a été tuée – Brooklyn Lindsey – le 11e femme trans noire tuée cette année aux États-Unies – a été trouvé à Kansas City. On se souvient de Sisi Thibert qui a été tué à Pointe St. Charles en 2017. Cette douleur et cette rage reste toujours avec nous. Notre autodéfense est nécessaire pour assurer notre existence. Les groupes marginalisés s’organisent activement et présentement et ils se défendent. Le groupe de l’extrême droite à Hamilton n’est pas si différent des groupes ici au Québec, qui se trouvent face à une résistance féroce. Les personnes queers, comme à Hamilton et maintes fois auparavant, se réunissent pour se soutenir, se nourrir, s’appuyer et se défendre. On veut mettre fin à la domination dans toutes ses formes entrelacée et on sait que Personne n’est libre avant que tout le monde soit libre. L’autodéfense et toujours légitime. Ce soir on va danser, prendre beaucoup d’espace, circuler le mot, être beau et belle et révoltante – pour exprimer notre amour et rage queer pour les attaques fucked-up à Hamilton et la répression policière. On sait que on est fort et forte ensemble, et on va le montrer. On est ici pour dire :
Liberté pour Cedar! Abandonnez toutes les charges retenues contre les défenseur.es de Fierté!
Depuis plusieurs années, nous entendons parler de projets industriels qui sont prévus au Saguenay-Lac-St-Jean sur le Nitassinan : Arianne Phosphate, Métaux BlackRock et GNL Québec. Mais voilà que depuis quelques temps, tous ces projets avancent à vitesse grand V, dû moins, c’est ce que l’industrie veut laisser croire. Entre la difficulté de boucler leur financement malgré l’aide-sociale apportée par le gouvernement (les multinationales sont les véritables assistées sociaux, financées à coups de millions par les fonds publics, donc nos poches), le manque d’investisseurs ou encore les prix du marché qui ne favorisent pas l’industrie, tous ces projets sont loin d’être aboutis. Et bien sûr, il faut ajouter à tout cela la résistance de groupes diverses qui luttent pour préserver la vie et empêcher la destruction des territoires. Cette résistance amène bien évidemment de nombreux débats et une bonne partie de la population à son « opinion » sur la venue des projets industriels dans la région.
Dans cette guerre des mots et des idées (et des insultes pour plusieurs), il y a un danger : la recherche du consensus. Il faut accepter cette fracture que créée ce débat et tôt ou tard, il va falloir choisir et mettre nos corps en jeu ou se résigner. Il y a aussi de fortes chances que des liens se créent ou se brisent dans notre entourage. Que des rapprochements ou un éloignement se produisent entre des individus. Il s’agit d’un moment crucial pour l’avenir de nos territoires et nos communautés. Tout ça laisse des marques. Il faut combattre pour nos idées et le monde que nous voulons voir naître. Le statu quo c’est l’implantation de ces projets sur les territoires et la recherche d’un consensus nous amène à continuer dans le même cercle vicieux de destruction capitaliste. « Mettre de l’eau dans notre vin », c’est-à-dire continuer à exploiter les ressources naturelles à l’infinie, mais en créant des « emplois verts » avec des champs d’éoliennes, des panneaux solaires et autres trucs du genre. Verdir les emplois, mais rarement se demander si il ne serait pas plus bénéfique de diminuer la consommation et la production et de créer une rupture dans le système capitaliste. Les emplois verts de masse seront encore gérés par des multinationales et autres riches propriétaires qui viendront diversifier leur industrie avec le secteur des énergies « vertes » [1]. Nous pourrons aussi compter sur Hydro-Québec pour venir mettre son grain de sel avec des projets « verts » hyper-destructeurs pour ensuite nous siphonner avec leurs tarifs qui ne cessent d’augmenter année après année. Tout cela sur des territoires autochtones jamais cédés.
À ceux et celles qui nous critiquent de n’avoir rien à proposer, malheureusement, la mise en place d’une société nouvelle ne se fait pas comme une recette de tarte. Nous ne connaissons pas les millilitres nécessaires et le bon nombre de cuillères à thé. Il n’y a pas de plan définitif, mais une remise en question constante de nos manières de faire, de s’organiser et de vivre. Le seul moyen de s’en sortir réside dans l’auto-organisation et l’autonomie des communautés. C’est ce que nous sommes en train de faire, du mieux que nous pouvons. Créer des réseaux, des espaces libérés, des milieux alternatifs et relier tous ces archipels en lutte pour construire notre monde sur les ruines de celui des capitalistes [2].
Pour finir, les gens qui s’opposent aux projets industriels ne sont pas des « écologistes » emmerdeurs producteurs de nuages, comme-ci ces personnes étaient en dehors de la société. Il s’agit de travailleurs-travailleuses ou encore d’étudiants et d’étudiantes. Il est même possible que vous croisiez un de ces « enverdeurs » lors d’une marche dans le centre-ville de Chicoutimi. Restez sur vos gardes!
R
[1] Pour plus d’information, faire des recherches sur la lutte contre l’implantation d’éoliennes sur des terres agricoles à Sainte-Sophie-d’Halifax au Centre-du-Québec ou sur les combats menés en Grèce et en France contre de méga-projets éoliens.
[2] Un texte à paraître va traiter de l’expérience de l’usine autogérée Vio.Me. en Grèce. Il s’agit d’une belle alternative aux usines de production capitalistes.
Commentaires fermés sur De semences contre la nouvelle prison migrante de Laval
Juin122019
Soumission anonyme à MTL Contre-info
Ce n’est plus un secret pour personne : l’État canadien a décidé d’investir plus de 56 M$ de dollars pour enfermer des centaines de personnes dans sa toute nouvelle prison migrante en cours de construction à Laval. Le 7 juin dernier nous avons décidé de nous réapproprié ce lieu de souffrance et de deuil afin d’en faire une terre d’espoir et de vie.
Grâce à un don de semences biologiques d’une coopérative agricole québécoise, nous avons semé 490 kg de l’avoine, des pois et des fèves sur les 23 700 mètres carrés du site de construction. Nous espérons ainsi poursuivre les efforts qui sont actuellement déployés par d’autres membres de la communauté. Nous désirons également inspirer d’autres actions visant à bloquer la construction de cet édifice et encourager à la réappropriation collective de ce lieu pour les fins communautaires. Ni prisons, ni frontières !
Rappelons quelques éléments :
En 2017, le Canada détenait près de six milles personnes migrantes, dont 162 mineur·e·s, dans différents types d’institutions carcérales.
La construction de la nouvelle prison à Laval fait parti d’un investissement de 138 M$ de dollars annoncé en 2016 par le gouvernement fédéral dans le cadre du nouveau Cadre national de détention liée à l’immigration (CNDLI). De ce montant, 122 M$ serviront à la construction de prisons pour migrant·e·s. À l’heure actuelle, les firmes québécoises Lemay et Groupe A ont signés des contrats d’une valeur de 5 M$ pour construire la prison de Laval. Le nom de l’entrepreneur général sera annoncé prochainement.
Véritable coup de marketing social, le CNDLI a été élaboré afin de déplacer la discussion sur la légitimité même de la détention de personnes migrantes vers les conditions de détention. Ainsi, le gouvernement fédéral se targue de construire une prison qui n’a pas l’air d’une prison.
Les personnes détenues vivent généralement plusieurs violences physiques et psychologiques aux mains des agent·e·s de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Depuis 2000, au moins seize personnes sont mortes alors qu’elles étaient détenues par l’ASFC.
Pourquoi nous nous opposons cette prison ?
La machinerie étatique canadienne est depuis longtemps au service d’élites économiques dont le seul objectif est, avec la complicité des gouvernements, d’exploiter les ressources des peuples autochtones d’ici et des pays du Sud jusqu’à l’épuisement de toute forme de vie et de richesse. Nul n’est sans savoir aujourd’hui les violences (meurtres, viols collectifs, évictions forcées, etc) et les ingérences politiques dont sont accusées les compagnies canadiennes (Barrick Gold, Goldcorp, Pacific Rim, SNC Lavalin, etc.) en Afrique, au Moyen-Orient, et en Amérique du Sud. Le colonialisme d’hier a fait place à une nouvelle forme de contrôle des corps et des richesses des pays du Sud, celle d’un capitalisme et d’un néolibéralisme débridés qui nous conduit tout droit vers un cataclysme humain et écologique.
Parallèlement, au Nord, les gouvernements favorisent une vision de l’immigration utilitariste où les immigrant·e·s sont uniquement de la main-d’oeuvre bon marché, remplaçable et temporaire. Or, cette main-d’oeuvre immigrante est constituée, rappelons-le, en raison de désastres écologiques (désertification, déforestation, contamination des eaux et de l’air par des polluants, inondations de terre, etc.), de crises économiques et politiques, de famines, de guerres, bref du dérèglement complet de la planète – résultat, disons-le franchement, de la rapacité d’un groupuscule de compagnies et de leurs dirigeant·e·s qui « structurent » l’ordre mondial.
Dans ce contexte, la prison, avec tout ce qu’elle porte en elle de déshumanisant et de mortifère, apparaît comme une stratégie mondiale des pays occidentaux. Leur objectif est double : d’abord, poursuivre un programme économique caractérisé par la spoliation et la capitalisation à outrance par le secteur privé de ressources là où il en reste; ensuite, l’établissement de zones extrajudiciaires dans lesquelles confinées des individus jugés « jetables » ou trop encombrants.
L’investissement de millions de dollars dans la construction de prisons pour migrant·e·s n’est donc pas fortuite, mais répond à des exigences strictement économiques. Il est aussi l’héritage de plusieurs décennies de politiques racistes, xénophobes et coloniales.
En somme, notre opposition à la détention des personnes migrantes s’inscrit donc dans les luttes contre l’impérialisme et le colonialisme.
— Le Collectif Lève-toi contre les prisons et les frontières
Dans les années 1960, aux États-Unis tout comme au Canada, l’homosexualité est toujours interdite ; au niveau légal, on la considère comme un crime. Les personnes homosexuelles sont donc fichées, pourchassées et fréquemment emprisonnées. En plus d’être interdite au niveau légal, l’homosexualité est aussi réprimée au niveau moral. Considérée comme une déviance, elle est pathologisée comme une fonction anormale de l’individu. Avec l’essor de la psychologie au XIXe siècle, l’homosexualité en était venue à être considérée, en Occident, non plus comme un pêché commis délibérément, mais plutôt comme une maladie à guérir. C’est sur cette vision de l’homosexualité comme pathologie, à la jonction entre l’hétéronormativité et la hiérarchie patriarcale, que se fondent la majorité des lois homophobes des états occidentaux au XXe siècle. Bien qu’en Occident, les personnes homosexuelles aient lutté pour leur droit à l’existence depuis le XIXe siècle, cent ans plus tard, bien peu de choses avaient changé. Au tournant des années 1960, on pouvait toujours être licencié pour ses orientations sexuelles ou encore arrêté dans sa chambre à coucher. Les lois régissant l’homosexualité s’étendaient par ailleurs à tout comportement susceptible de remettre en cause les normes de genre.
À New York, notamment, des lois régulaient toujours la façon dont les individus pouvaient (ou ne pouvaient pas) se vêtir. Ainsi, une personne dont l’habillement ne correspondait pas aux normes de genre en place était passible d’arrestation. En 1964, l’Exposition universelle qui se tient à New York fournit l’excuse miracle au maire de la ville, qui en profite pour « nettoyer » la ville de ses « vices » : des mesures sont prises qui comprennent l’arrestation de nombreux homosexuels dans les espaces publics, piégés par des policiers en civils. Quelques années plus tard, le maire de Montréal, Jean Drapeau, instaurera lui aussi une opération de « nettoyage » dans le cadre des préparatifs de l’Exposition universelle de 1967 : en plus de cacher les taudis derrière des panneaux de bois, plusieurs établissements qu’on estime « louches » se verront forcés de fermer, dont plusieurs bars LGBTQ+.
Dès les années 1950, aux États-Unis, sont créées deux associations qui militent pour les droits des homosexuels et des lesbiennes : The Mattachine Society, fondée par des militants communistes à Los Angeles et The Daughters of Bilitis, une organisation lesbienne basée à San Francisco. À la fois lieux de lutte et de socialisation, ces organisations restent pourtant marquées par un conservatisme social et une homophobie internalisée qui minent leurs efforts. Ainsi, on joue dans la conformité en se gardant bien, par exemple, de se montrer en couple en public. On insiste sur la « respectabilité » pour contrecarrer l’image de « déviant.e » associée aux personnes homosexuel.les et on se rassemble dans le secret. Dans une société où les pratiques hétérosexuelles sont érigées en normes absolues et où tout autre type de pratiques sexuelles ou de rapports amoureux sont considérés comme des déviances et réprimés avec violence, ces organisations inspirées par le mouvement des droits civiques cherchent surtout à faire en sorte de convaincre le grand public que les homosexuel.les sont des citoyen.nes ordinaires qui méritent le respect. Ce n’est que quelques années plus tard, vers le milieu des années 1960, qu’émerge une véritable affirmation de soi homosexuelle, en rupture ouverte avec les normes conservatrices des sociétés occidentales. Dès lors, il n’est plus question d’adhérer aux dires homophobes des « scientifiques » ; par le biais de journaux et d’autres médias, de l’information politique contestant l’hétéronormativité est diffusée et les militant.es manifestent ouvertement pour leurs droits à l’existence et à la différence. Le droit à l’emploi, le droit de ne pas être maltraité.es par les autorités ainsi que plus largement les droits à la considération et à la dignité sont mis de l’avant. C’est dans ce contexte qu’auront lieu les émeutes de Stonewall, en juin 1969. Considérées comme « l’acte de naissance » d’un nouveau mouvement de lutte radical, ces émeutes de la dignité propulseront les luttes LGBTQ+ au rang de lutte de libération.
Le Stonewall Inn, situé à Greenwich Village, est dans le New York des années 1960 un des principaux lieux fréquentés par une foule éclectique LGBTQ+. Gais et lesbiennes de toutes origines, trans, drag-queens et travesti.es de New York s’y retrouvent pour danser ; la danse entre couples homosexuels étant proscrite dans tous les autres bars de la ville. Bar semi-privé tenu par la mafia, le Stonewall Inn reste un des seuls établissements relativement épargnés par les rafles policières, les propriétaires du bar tirant de faramineux profits de leur arrangement avec la police et de la fréquentation ininterrompue de l’endroit par une population marginalisée partout ailleurs.
Au tournant des années 1960, les descentes de police sont affaire courante dans les bars gais – ou dans tout autre lieu considéré comme espace de rencontre pour les personnes LGBTQ+. Avec la prétention de contrôler « les bonnes mœurs », la police fiche tous ceux et celles qu’elle estime contrevenir à celles-ci ; la répression s’abat particulièrement sur les personnes ne respectant pas les normes de genre en place. Mais au Stonewall Inn, les raids habituels des policiers sont connus à l’avance (grâce à la mafia qui profite de son rôle d’entremetteur entre les flics et les personnes fréquentant le bar), et un système efficace de prévention est établi pour réduire les arrestations. Lorsque les policiers entrent, les lumières blanches du bar (habituellement fermées) s’allument – dès lors, tous les couples homosexuels changent de partenaire pour former un « couple » hétérosexuel « acceptable ». Malgré tout, les raids policiers font beaucoup de dégâts : une fois entrés, les policiers somment les occupant.es du bar de se mettre en rang et de présenter leurs pièces d’identités. Ceux et celles qui n’en ont pas sont arrêté.es. Au delà du contrôle des mœurs sexuelles, les raids cherchent aussi à contrôler et à maintenir les normes de genre. On impose, par exemple, aux lesbiennes de porter au moins trois pièces de vêtements genrés féminins. Quant à la procédure de contrôle de l’apparence physique, elle relève de l’horreur : les personnes considérées comme travesties sont amenées aux toilettes par une agente, afin de vérifier que « leur sexe » correspond bien à leur présentation extérieure. Toutes les personnes habillées de la « mauvaise manière » sont aussi arrêtées. À ces violences homophobes et transphobes s’ajoutent les violences racistes que vivent une grande partie des client.es du Stonewall. Malgré tout, le Stonewall Inn est un des seuls établissement qui persiste à rouvrir ses portes après les raids – l’arrangement entre la mafia locale et la police constituant probablement une des causes majeures de la longue existence du bar dans ces années de répression féroce.
Pourtant, dans la nuit du 28 juin 1969, tout ne se passe pas comme à l’habitude. Prétextant une violation des réglementations concernant les permis d’alcool et cherchant à coffrer à la fois les propriétaires du bar et les client.es, la police organise une descente surprise. Ce soir là, c’est plus de 200 personnes qui se trouvent dans le bar. D’abord, tout semble aller comme à l’habitude. Mais les policiers rencontrent soudain de la résistance. Les travesti.es refusent pour la première fois de suivre les agentes aux toilettes. Puis, les autres occupant.es refusent de présenter leurs cartes d’identité. La police arrête conséquemment presque l’entièreté de la clientèle, qu’elle sort au compte-goutte du bar. Bientôt, une foule formée de curieux.ses et de ceux et celles qu’on a relâché.es s’amasse à l’entrée du bar. Encouragé.es par la foule, les arrêté.es résistent de plus en plus aux policiers. Alors qu’à l’intérieur les gens s’opposent à leur arrestation, à l’extérieur, c’est sous une pluie de sous, de verres et de bières, aux cris de « Gay Power ! » que la police doit opérer. Dépassée, elle doit appeler des renforts, pendant que les arrêté.es laissé.es sans surveillance s’enfuient de la camionnette où on les a placé.es. Dehors, la foule trouve bientôt un chantier de construction dans lequel elle s’équipera en munitions. L’insurrection spontanée prend de l’ampleur, et bientôt, la dizaine de policiers présents doit se barricader dans le bar, pour éviter les briques et la foule enragée.
« Nous avions tous le sentiment collectif que nous en avions assez de ce genre de merde. Ce n’était pas quelque chose de tangible, que quiconque ait dit à qui que ce soit ; c’est un peu comme si tout ce qui s’était accumulé au fil des années était arrivé à son paroxysme au cours de cette nuit particulière à un endroit donné, et ce n’était pas une manifestation organisée… Tout le monde dans la foule sentait que nous ne reviendrions jamais en arrière. […] Et nous avons senti que nous avions enfin la liberté, ou la liberté de montrer au moins que nous réclamions la liberté. Nous n’allions pas marcher tranquillement dans la nuit et les laisser nous brutaliser – c’est comme si vous vous teniez debout pour la première fois et avec force, et c’est ce qui a surpris la police. Il y avait quelque chose dans l’air, la liberté attendue depuis longtemps et nous allions nous battre pour l’obtenir. Ça a pris différentes formes, mais l’essentiel était que nous n’allions pas nous en aller. Et nous ne l’avons pas fait. »
Michael Fader
Le reste de la nuit se déroule comme une partie de chat-et-souris entre policiers et émeuti.ères, qui sont maintenant plus de deux milles. À la fin de la nuit, le verdict est tombé : les émeuti.ères ont gagné. Les policiers sont vaincus et humiliés par ceux et celles qu’ils humiliaient chaque jour depuis des années. L’annonce de cette victoire se répand rapidement : le lendemain, c’est encore plus de gens qui se rassemblent devant le lieu de la première émeute et continuent les festivités. Et il en est ainsi chaque soir jusqu’au 2 juillet…
Les émeutes de Stonewall ont ceci de particulier, que les premier.es acteur.ices de cette lutte de résistance faisaient aussi partie des populations les plus marginalisées et les plus violentées de la société : de jeunes homosexuels racisés et poussés à l’itinérance par l’exclusion, des femmes trans, souvent elles-aussi racisées qui n’avaient « nulle part où aller », des butchs, des drags-queens… Stonewall fut réellement le moment où tout ceux et celles dont l’identité et l’existence faisaient constamment l’objet de la répression et de la violence de la part de l’état et de la société se sont levé.es. Les nouvelles de l’émeute font bientôt le tour du monde et donnent le coup d’envoi de centaines d’initiatives pour la libération LGBTQ+. En plus de l’effervescence spectaculaire autour des organisations pour les gais et lesbiennes se développent des organisations centrées sur les besoins et les revendications des drags-queens et des personnes trans et queer, longtemps invisibilisées (et rejetées) dans les luttes des décennies précédentes, non seulement au sein des organisations gais et lesbiennes, mais aussi au sein des organisations féministes.
L’effervescence née des émeutes de Stonewall donne l’impulsion à une critique radicale, par les organisations nouvellement crées, de l’hétéronormativité et des normes sociales de genre. Le mouvement pour les droits civiques se transforme rapidement en un véritable mouvement révolutionnaire. Celui-ci prône non seulement le renversement des normes conservatrices définissant les genres, la famille et la sexualité et l’auto-organisation des personnes LGBTQ+ pour répondre à leurs propres besoins, mais aussi la contestation des autres inégalités sociales et systèmes d’oppressions. C’est dans ce but que sont créées des organisations comme le Gay Liberation Front. Au niveau de l’auto-défense, des militant.es comme Storme DeLarverie arpentent les rues de New York et défendent par les armes les lesbiennes des violences homophobes. À New York, notamment, Sylvia Rivera et Marsha P. Johnson fondent l’organisation STAR (Street Transvestite Action Revolutionaries), un collectif révolutionnaire qui développe un réseau d’entraide pour les travailleur.euses du sexe trans et pour toute la jeunesse queer qui n’a nulle part où aller. D’abord installé dans un stationnement, l’espace collectif déménage bientôt dans un réel bâtiment, où non seulement les jeunes de la rue sont accueilli.es, mais où les tendances socialistes de l’organisation se déploient : on s’auto-organise pour s’offrir des cours de lecture et d’écriture, on offre vêtements, nourriture et soins à ceux et celles qui en ont besoin… Dans son manifeste (publié en 1970), STAR réclame une éducation, des logements et des soins de santé gratuits pour toutes les personnes opprimées, prennent position contre la violence policière et conçoivent la libération LGBTQ+ dans un tout, ce qui les distingue des groupes plus réformistes qui cherchent surtout la reconnaissance de leurs droits dans la société civile. Sylvia Riviera et STAR rejoignent bientôt le Young Lords Party, une organisation révolutionnaire de la jeunesse porto-ricaine.
Au Canada, le mouvement pour la libération LGBTQ+ suit à peu de différence près la même évolution qu’aux États-Unis. Là aussi, les émeutes de Stonewall viennent donner force et courage à une génération de militant.es qui mettent sur pied de nouvelles initiatives. Si les luttes des années précédentes ont permis de décriminaliser l’homosexualité, la partie est loin d’être terminée. Au Québec, c’est surtout les luttes des gais et lesbiennes qui domineront le paysage politique : en 1971 est fondé le Front de Libération Homosexuel. L’organisation, liée à la revue contre-culturelle Mainmise, est le premier groupement de gais et lesbiennes francophones de Montréal. Le FLH, dont le nom rappelle volontairement celui du Front de Libération du Québec, est influencé par le nationalisme révolutionnaire en vogue a l’époque. Mais malgré la large popularité du FLH (en quelques mois, plus de 200 personnes y adhèrent), la répression féroce et des désaccords internes sur la vocation et la structure du groupe viendront à bout de l’organisation en moins d’un an…
En 1972, c’est Gay McGill qui prend le relais du FLH, en organisant surtout des soirées dansantes. Face au sexisme des hommes dans les organisations, plusieurs femmes font sécession et fondent en 1973 l’organisation Montreal Gay Women. En 1973 également ouvre la librairie l’Androgyne (1973-2002) première librairie gaie et lesbienne au Québec, fruit des efforts collectifs et bénévoles de militant.es, qui deviendra en 1983 une entreprise privée. Ce large mouvement de libération verra aussi son lot de publications militantes et l’établissement de plus en plus manifeste de lieux ouvertement gais et lesbiens. Pourtant, pendant longtemps (et encore aujourd’hui) la répression des établissements publics associés aux communautés LGBTQ+ reste prégnante : en décembre 1977, à Montréal, le bar Truxx est la cible d’une violente descente policière qui mène à l’arrestation de centaines de personnes. En réponse à cette descente brutale, des manifestations sont organisées qui rassemblent des milliers de personnes dans ce qui deviendra un véritable « Stonewall montréalais ». Mais la répression des établissements publics LGBTQ+ se poursuit pourtant à Montréal, et en 1990 a lieu une énième une descente, cette fois-ci au Sex Garage, où les 400 client.es principalement trans, gais et lesbiennes du bar sont une fois de plus brutalisé.es et humilié.es par la « police des mœurs ».
Le mois de juin marque, chaque année, l’anniversaire des émeutes de Stonewall. Ces jours d’émeutes, dont la nouvelle s’est diffusée comme une traînée de poudre, ont été le catalyseur d’un mouvement de libération sans précédent et mondial. Elles ont permis à des millions de gens de retrouver la fierté d’être soi, malgré l’opiniâtre opposition d’une société patriarcale, homophobe et transphobe. L’émergence d’une critique radicale des catégories de genre et de l’injonction à l’hétérosexualité ont contribué à remettre en question des normes longtemps déterminées par le pouvoir et régies par les lois des états. Cette critique, encore et souvent bien mal reçue tant à droite qu’à gauche, est pourtant fondamentale si nous voulons nous permettre de repenser les rapports sociaux, le rapport à soi et le rapport aux autres. Cette réflexion est partie prenante d’une lutte pour la transformation radicale d’un monde qui nous fait violence. Les initiatives militantes impulsées par Stonewall, qui adressent non seulement les questions de sexualité et de genre, mais aussi les questions du racisme, de l’impérialisme et des classes sociales le montrent bien.
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Pour en savoir plus sur l’histoire des luttes gaies et lesbiennes au Québec, on consultera avec profit le remarquable travail des Archives gaies du Québec, qui proposent, en plus du centre physique d’archives dont ils s’occupent, de nombreux documents numérisés et des fiches informatives en ligne. On consultera aussi (en anglais) le site d’Arquives, qui rend disponible en ligne des documents et images d’archives des luttes LGBTQ2+ au Canada. La plupart des articles sur les émeutes de Stonewall, ainsi que plusieurs interviews de figures phares de ces années de luttes (Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera, Miss Major Griffin-Gracy, entre autres) sont aussi en anglais. Nous vous proposons cet article (également en anglais), qui rappelle le caractère collectif des émeutes de Stonewall, au delà des figures mythiques auxquelles on en attribue l’origine.
Nous reproduisons ci-dessous le message du Collectif 7 À NOUS (que vous apercevez sur la photo prise au Bâtiment 7) qui tient à se dissocier d’un événement (22 au 24 mai 2019) que certains auraient tendance à mêler volontairement, pourtant deux projets aux antipodes quant aux buts et à la philosophie.
DUR LENDEMAIN
Cette semaine s’est ouvert à Pointe-Saint-Charles, sous le thème de « demain », la version 2019 de C2 Montréal (C2, pour commerce et créativité). C2 Montréal, c’est la foire commerciale « la plus avant-gardiste au monde » (intelligence artificielle, biotechnologie, « écoresponsabilité », yoga avec chèvres, menu végétalien et ainsi de suite), à 1 600$ la journée. Alors que notre quartier est décimé depuis des années par l’embourgeoisement, la grande classe d’affaires vient se pavaner chez nous pour se donner une image d’avant-garde. C2 Montréal est en effet un habitué des lieux excentrés au fort potentiel de « développement » et de « créativité ». Il est donc tout naturel que la Pointe leur soit tombée dans l’œil.
De fait, l’embourgeoisement utilise comme l’un de ses moteurs une fausse image de marque créée de toute pièce par les promoteurs immobiliers, la classe d’affaire en général et les instances étatiques et municipales. Alors qu’il y a 20 ans, la Pointe était parsemée d’édifices en ruine ou abandonnés et que la misère y était partout visible, le quartier est maintenant présenté comme le nec plus ultra de la vie urbaine, en effaçant son histoire et sa vie ouvrière, sa misère qu’on a déportée à coups de hausses de loyers. C’est beau la démocratie; pas besoin d’armée ou camps pour déplacer des gens, on n’a qu’à laisser « le marché » faire le travail « naturellement » en montant le coût de la vie, logement en premier.
Dans ces conditions, pas surprenant que Stephen Bronfman soit l’un des promoteurs de C2 Montréal, lui qui veut nous achever par la construction d’un stade de baseball à nos portes. Pas surprenant non plus que Guy Laliberté se retrouve parmi les conférenciers invités, lui qui avait voulu nous faire le même coup il y a 15 ans en déménageant le Casino de Montréal à l’endroit où on se trouve actuellement. Pas surprenant enfin qu’en plus du 1 600$ par jour (alors que l’événement fait appel à des bénévoles), on offre aux participant-e-s de payer un 25$ supplémentaire pour la réduction de l’empreinte écologique, comme si l’argent suffisait à faire un monde meilleur, comme si on pouvait acheter sa bonne conscience et sa vertu.
Voilà tout C2 Montréal : du tape-à-l’œil et de l’argent; du vent et rien d’autre. « Demain » ne se trouve pas dans le flot déraciné, impersonnel et éphémère du gros argent; il est dans l’enracinement dans une communauté forte, dans un tissu humain vivant, dans la (re)construction d’une collectivité capable de prendre son avenir en main. “Demain” n’est pas à C2 Montréal; il est dans le présent qu’on construit ensemble, et nous voyons comme une agression et une menace sa présence dans notre quartier.
Montréal Antifasciste a récemment publié un long dossier sur l’organisation néofasciste Atalante Québec. On peut notamment y découvrir les liens avec des organisations à l’internationale, le projet politique du groupe inspiré du fascisme ainsi qu’une identification des principaux membres du groupe à Québec et à Montréal.
La partie consacrée au band RAC Légitime Violence nous a montré que ce genre d’organisation a besoin d’investir certains terrains, notamment des scènes musicales contre-culturelles, en particulier la scène métal, le tatouage, la politique, les universités, les jeux grandeur nature pour recruter. Le travail d’identification est donc encore loin d’être terminé.
Nous publierons dans les prochains mois une série de courts articles intitulée « Atalante et ses partisan.e.s ». L’objectif est d’y présenter des personnalités publiques, membres ou proches d’Atalante, qui participent à leur façon à populariser et à normaliser l’organisation.
Dans cette seconde partie nous nous penchons sur la scène folk et nous vous présentons le groupe FolkYou, dont au moins trois de ses membres ont des liens avec l’extrême-droite et notamment avec Atalante Québec. Ces liens permettent d’expliquer pourquoi Légitime Violence trouve facilement une salle lorsqu’elle veut jouer à Québec : le Studio Sonum.
Sylvain « Vevin » Cloutier, le « repenti »
Sylvain Cloutier, alias « Vevin » avec ses tatouages bien visibles du Ste-Foy Krew, 1488 et du soleil noir.
La plus récente photo sur le compte Facebook de Sylvain « Vevin » Cloutier le montre avec un t-shirt du groupe métal d’extrême-droite Graveland. La photo date du 25 janvier 2019 lors d’un concert de son autre groupe, Neurasthene.
« De suprémaciste blanc à chanteur folk », c’est ainsi que Le Soleil titrait un article consacré à Sylvain Cloutier, chanteur du groupe FolkYou en mars 2018. Cet article nous faisait part de la supposée rédemption du musicien après plusieurs années passées au sein de l’extrême droite la plus radicale de la ville de Québec.
Ste-Foy Krew, la Fédération des Québécois de souche, les groupes de musique néonazis Prison Bound, Elyab et Dernier Guerrier ont tous pu compter dans leur rangs « l’étudiant au baccalauréat en musique de l’Université Laval ». Ce dernier est également apparu dans des groupes comme La Ferraille dans lequel il se déguisait en pirate..
«Être un gros chr… de raciste et être un nazi, c’est stupide. Du racisme et du nazi, tu n’en trouveras jamais dans Folk You.» assurait « Vevin » Cloutier tout en ajoutant : «S’il y a des gens qui veulent me faire tomber moi, fine, mais pas le reste de Folk You. Je ne veux pas que la m…. retombe sur le reste de mon band, car ils n’ont absolument rien à voir là-dedans».
Après enquête, nous pouvons affirmer que ces déclarations étaient bel et bien fausses. En effet, il n’a pas fallu chercher longtemps pour trouver non pas un mais bien deux autres suprémacistes blancs associés à FolkYou et ce, depuis la fondation du groupe.
Sylvain « Vevin » Cloutier (à droite) accompagné du membre d’Atalante, Mathieu Bergeron. La photo est prise lors d’un concert du groupe Légitime Violence au Studio Sonum. À noter que Cloutier porte un t-shirt néonazi Vinland Misanthropic Division.
Steve « Rebel », le co-fondateur
Fondé en 2014, FolkYou semble surtout être composé d’un noyau dur formé par Sylvain Cloutier, Félix Latraverse et un autre individu surnommé « Steve Rebel ». Si les liens avec l’extrême droite de FolkYou n’ont pas toujours été évidents à démontrer, ce n’est vraiment pas le cas pour monsieur « Rebel ».
En effet, le joueur de banjo affiche fièrement un tattoo « 1488 » sur ses jointures. Sa photo de profil la plus récente publiée sur Facebook ne laisse d’ailleurs aucun doute sur ses allégeances politiques néonazies, lui qui porte une patch de la Totenkopf.
Étrangement, « Steve Rebel » semble quitter le groupe quelques semaines avant la publication de l’article du Soleil, en 2018. Coïncidence?
Félix Latraverse, le guitariste
Le trio fondateur de FolkYou, Steve Rebel, Sylvain Cloutier et Félix Latraverse (de gauche à droite).
En décembre 2018, Montréal Antifasciste publiait un dossier complet sur le groupuscule néo-fasciste Atalante Québec. C’est au sein de ce dossier que nous retrouvons un peu plus d’informations sur le troisième membre fondateur de FolkYou, Félix Latraverse, qui a notamment paradé avec Atalante Québec en septembre 2016.
En effet, en plus de jouer dans FolkYou depuis la fondation du band, Latraverse se trouve également à être le plus récent guitariste du groupe phare d’Atalante, Légitime Violence. Il a d’ailleurs pu en profiter pour se rendre en Europe en novembre 2018 avec ces derniers pour une tournée musicale. Ensemble, ils ont pu visiter les plus belles destinations néo-fascistes des vieux continents.
Félix Latraverse lors de sa tournée européenne aux côtés de Légitime Violence.
Latraverse est également un musicien ayant participé à de nombreux projets musicaux, particulièrement dans la scène métal. C’est exactement le genre de personne qui peut faciliter les liens entre Atalante, c’est-à-dire la politique, et les contre-cultures musicales. Sous le pseudonyme de « Fix », ou encore « Ti-Wis », le musicien a pu jouer dans les groupes Neurasthène (avec Sylvain Cloutier, également de FolkYou), Haeres, Aborgnon, Délétère, Blood Plot, Hollentur, Hymen, Dimentia et Dèche Charge, notamment.
Félix Latraverse a participé à un défilé d’Atalante dans les rues de Québec en 2016.
Studio Sonum, le dernier retranchement
Le dossier produit par Montréal Antifasciste nous apprenait également que Félix Latraverse travaille au Studio Sonum à Québec. Bizarrement, les derniers concerts de Légitime Violence (qui ne semblent plus être les bienvenus dans la majorité des salles de spectacles de la capitale) semblent tous avoir eu lieu justement au Studio Sonum. Encore une drôle de coïncidence, n’est-ce pas?
Studio Sonum, ce sont des locaux de répétition et des studios d’enregistrement pour musiciens qui sont situés dans le quartier Saint-Sauveur à Québec. Plusieurs bands y ont des locaux, dont La Corriveau, Never More Than Less et Sons of Disgrace. Selon un vidéo promotionnel produite par l’entreprise et diffusé sur Youtube, il semble également que les membres de Légitime Violence soient des clients réguliers du Studio.
Pourquoi Studio Sonum, non seulement, tolère d’avoir un groupe de musique d’extrême droite entre ses murs, mais va même jusqu’à utiliser l’image de Légitime Violence dans ses publicités? Pourquoi l’entreprise accepte-t-elle que des concerts abritant la crème de la mouvance néo-fasciste québécoise y soient tenus? Est-ce seulement une manigance de leur employé, Latraverse, ou est-ce que l’administration est au courant? Dans tous les cas, il est troublant de voir un commerce ouvert au public permettre le déploiement de drapeaux d’Atalante en son sein.
Le groupe Légitime Violence qui apparaît dans une vidéo promotionnelle du Studio Sonum produite en 2017.
En haut, photo promotionnelle de la salle de spectacle de Studio Sonum. En bas, Légitime Violence lors de leur dernier concert à Québec. Difficile de ne pas reconnaître l’endroit.
Une infiltration réussie
À travers le temps, FolkYou a réussit à s’infiltrer au sein de la scène musicale de Québec et à passer pour un groupe lambda. Chemin faisant, la formation a pu se produire en première partie de groupes folk n’ayant rien à voir avec l’extrême droite tels que Québec Redneck Bluegrass Project, Les Chiens de Ruelles, Irish Moutarde et Capitaine Salaud.
De plus, le groupe a aussi réussit à jouer à La Ninkasi, à l’Anti, à La Barberie, au Festival celtique de Québec ainsi qu’aux festivités de la St-Patrick organisés par la ville de Québec. Ils ont également pu se produire lors d’événements organisés par les municipalités de Sorel-Tracy et de Sainte-Flavie.
Ne nous laissons pas berner, aucun milieu n’est imperméable aux idées d’extrême droite, comme nous pouvons le voir avec la scène folk, une scène qui est généralement assez progressiste. C’est en jouant sur la confusion que le groupe a pu aussi bien réussir à passer entre les mailles du filet et se produire dans des salles qui n’auraient certainement pas tolérer la présence de groupes ouvertement d’extrême-droite.
Il incombe donc à tout le monde impliqué au sein d’une scène culturelle de faire attention et de se renseigner sur les groupes qui existent en son sein. Il est temps que les producteurs, les propriétaires de salles de spectacles, les groupes de musique soient mis au courant du vrai visage de FolkYou. À notre humble avis, ce band devrait être barré de l’ensemble du réseau musical, tout simplement.