Montréal Contre-information
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Journée d’action le 17 janvier #StopLine3

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Jan 102020
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Depuis la source du fleuve Mississippi, un appel résonne dans l’Île de la Tortue : stoppez la ligne 3 !

Bien avant la fondation des Etats-Unis, les peuples Dakota et Anishinaabeg vivaient et prenaient soin des eaux dans ce qui s’appelle actuellement « le Minnesota ». L’entreprise canadienne Enbridge propose aujourd’hui de construire un oléoduc sur les terres et eaux des peuples autochtones du nord du Minnesota – un projet nommé « la ligne 3 ». Il est prévu que cet oléoduc traverse 211 plans d’eau et des cultures de riz sauvage parmi les plus riches du monde, violant alors les droits des traités des Anishinaabeg négociés en 1837, 1854 et 1855. Le segment de la ligne 3 au Minnesota est le dernier obstacle à cet oléoduc qui enverra chaque jour un million de barils de pétrole provenant des sables bitumineux de l’Alberta sur la rive ouest du lac Supérieur. La ligne 3 représente une augmentation de 10 % de la production des sables bitumineux.

Alors que le Minnesota se trouve présentement en train d’examiner les derniers permis de traversées de cours d’eau, nous vous invitons à vous joindre à nous pour une journée d’engagement publique joyeuse, exubérante et ludique, et à envisager les possibilités d’une vie sans pétrole. Personnes autochtones, colons et migrant-e-s – nous sommes tous d’accord : un monde d’extraction n’est pas le monde que nous voulons !

Agir pour soutenir les peuples Dakota et Anishinaabeg à préserver leurs terres patrie et leur culture permet d’ouvrir ensemble des possibilités de réinventer nos vies au-delà du colonialisme et du capitalisme. Vous n’avez pas besoin de faire partie d’une organisation, d’un gouvernement ou d’un autre type de système pour vouloir un changement. Ce que nous revendiquons est simplement une éthique de notre liens entre nous et à la terre, car la terre est notre unique lieu de vie.

Entre le 17 à 19 janvier nous faisons donc appel à tous ceux qui aimeraient voir un monde de différent à se rassembler et à démontrer ce désir en utilisant le hashtag #StopLine3. Des déploiements de banderole aux manifestations en passant par des déambulations festives dans les rues et des journées d’éducation – tout ce qui nous aide à répandre notre joie et notre esprit de défi est bienvenu.

Un autre monde est possible, maintenant.

https://lifewithoutline3.home.blog

Instagram: @WaterIsLifeJ17

Rêvons en grand: un appel à l’action pour les Wet’suwet’en

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Jan 072020
 

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

À lire également: Rien (d’important) ne change: Une analyse des changements de propriétaires de l’oléoduct CGL – texte en anglais

Où êtes-vous parti·e·s?

Janvier dernier, nous étions si nombreux·euses.

Dans la rue. À bloquer les ponts, les ports, les autoroutes, les quartiers des affaires, les terminaux de carburant et même à prendre d’assaut le complex de TC Energy. On fonçait sur des immeubles de bureaux, on pendait des banderoles, harcelait des politiciens, la police et les tribuneaux. On sensibilisait, engageait, incitait. Des réunions se tenaient sans doûte tard le soir et nos rêves nous gardaient éveillé·e·s. On développait des stratégies. Nous étions en colère, passioné·e·s et déterminé·e·s. C’était tellement beau! Ça nous a inspiré, nous a donné de l’espoir.

Qu’est-ce qui s’est passé?

Pas possible que ce soit fini, car tout continue! La force n’est pas le consentiment. La GRC — les mêmes commandants qui se sont octroyé le droit de tuer — sont encore implantés dans le territoire Wet’suwet’en à harceler les gens. Leur audace est telle qu’ils ont établi un poste de surveillance dans un lieu où ils n’ont pas affaire et où ils n’ont aucune juridiction.

Le poste 9A fonctionne déjà au dela de la zone autour de Unist’ot’en et CGL anticipe d’en construire un autre plus important, dans les environs du printemps prochain. Une centaine de personnes liées à l’industrie sont installées à 9A et d’autres arrivent tous les jours par camion, tandis que d’autres prennent des hélicos qui polluent par leur bruit et particule.

CGL et ses sous-traitants détruisent la terre tous les jours avec des coups-à-blanc et en faisant sauter les montagnes avec de la dynamite tout au long du droit de passage de l’oléoduc. Cette activité stresse les animaux sauvages et les poussent vers de nouvelles zones et sur les routes, où la circulation ne cesse de croître.

Rien de cela ne devrait arriver.

Ces terres sont des terres autochtones non cedées.

Pour tout le monde qui y a mit pied, il est facile de vouloir défendre le yintah, facile d’en tirer de l’inspiration.

On peut boire directement des sources des rivières Skeena et Bulkley, lieux de reproduction pour 30% des saumons. Dans le silence des journées d’hiver, les pins imposants laissent tomber de leurs branches tout en douceur des couches de neige et les corbeaux sautent d’arbre en arbre. En août, les sommets des montagnes glaciales restent enneigés, l’eau du Wedzin Kwah coule froid et turquoise et les fleurs magentas de l’épilobe s’ouvrent comme des taches de peinture sur le paysage tandis que les aigles parcourent la longueur de la rivière.

C’est pittoresque — et il faut que chaque détail soit maintenu tel quel pour permettre au Wet’suwet’en de survivre et prospérer. Et à cette heure, à ce moment même, il nous est possible de les aider à rendre ceci possible. Et ils nous demandent de les appuyer, ils n’ont jamais cesser de le demander. C’est nous qui avons arrêté·e·s.

Pourquoi?

Si vous avez arrêté parce que vous n’étiez pas sûr·e·s quel camp soutenir, soutenez-les tous.

S’il n’est pas clair ce qui est voulu:

  • Ils ont besoin de gens sur place, surtout à long terme (il y a de l’argent dispo pour aider des personnes autochtones à s’y rendre);
  • Des actions respectant le droit naturel et avec les accords d’allié en place (ce qui ne veut pas forcement dire de demander la permission);
  • Les camps ont aussi publié des listes de souhaits sur leurs sites web;

Si vous ne savez pas par où commencer, commencez ici (les liens sont tous en anglais):

L’alternatif à essayer (ce qui n’est pas la même que l’abilité) c’est la complicité. Nous sommes nombreux·euses à profiter de nos vies et des privilèges qui vont avec, tel la possibilité de voyager, avancer sa carrière, aller en classe ou avoir du temps de loisir.

Ceci n’est pas un argument à se culpabiliser et « tout sacrifier pour la révolution » — c’est un argument à faire de cette lutte une priorité et d’y accorder autant d’importance que les autres élèments de sa vie: carrière, études, sociabilité, aventures, voyages… C’est un argument à prendre ceci au sérieux, car ce l’est, et il faut qu’on se prenne donc nous-même au sérieux; on parle de la survie des gens et de leur culture. On parle de souverainté et guérison autochtones. Cette lutte est anticoloniale, mais elle est aussi anticapitaliste et antiétatique, avec de la place pour plein d’actions différentes.

Considérez ce texte donc comme un appel à l’action.

Considérez-le un encouragement ponctuel à construire des réseaux et un momentum capable de s’adapter, prendre des risques et ainsi capturer l’énergie.

Retrouvez-vous entre proches et discutez:

Qu’est-ce qui vous permet de prendre des risques? Comment peut-on mettre ces choses en place? Comment peut-on incorporer plus d’énergie et de capacité dans nos actions sans se compromettre au niveau de la sécurité? Quelles pratiques et cultures voulons-nous développer pour nous permettre de procéder? Qu’est-ce qui a bien marché ici ou ailleurs? Si ailleurs, quelles leçons sont pertinentes à en tirer?

Qu’est-ce que l’État? Quels sont ses composants, aux niveaux physiques et symboliques? Quels sont les autres éléments et participants dans cette lutte? Si c’est le capital qui pousse ce projet vers l’avant, comment peut-on entraver soit les capitaux, soit les profits?

Dormez bien les ami·e·s et rêvez en grand. Une autre fin est possible.

Tous les regards sur les Wet’suwet’en : Appel à une semaine de solidarité internationale !

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Jan 052020
 

Du Camp Unist’ot’en

Voir aussi :

Du MARDI le 7 JANVIER 2020 (date anniversaire de la descente de la GRC et de CGL) au DIMANCHE le 12 JANVIER 2020

Nous appelons toutes les communautés qui défendent la souveraineté autochtone et qui reconnaissent l’urgence de freiner les projets extractivistes menaçant la vie des générations futures à entreprendre des actions de solidarité.

Le territoire souverain et non cédé des Wet’suwet’en est sous attaque. Le 31 décembre 2019, la juge Marguerite Church de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé une injonction contre les membres de la nation Wet’suwet’en, laquelle assume l’intendance et la protection de ses territoires traditionnels contre de multiples pipelines destructeurs, dont celui de Coastal GasLink (CGL), qui transporte du gaz naturel liquéfié (GNL). Les chefs héréditaires des cinq clans Wet’suwet’en rejettent la décision de Church, qui criminalise les Anuk’nu’at’en (loi Wet’suwet’en) ; en ce sens, ils ont émis et appliqué une ordonnance d’expulsion des travailleurs de CGL du territoire. Le dernier entrepreneur de CGL a été escorté hors du territoire par les chefs Wet’suwet’en le samedi 4 janvier 2020.

En janvier 2019, lorsque la GRC a fait une violente descente sur nos territoires et nous a criminalisés pour avoir assumé nos responsabilités envers nos terres, nous avons vu des communautés du Canada et du monde entier se soulever en solidarité avec nous. Aujourd’hui, notre force d’action découle du fait que nous savons que nos alliés du Canada et du monde entier se lèveront à nouveau avec nous, comme ils l’ont fait pour Oka, Gustafsen Lake et Elsipogtog, en fermant des lignes de chemin de fer, des ports et des infrastructures industrielles et en faisant pression sur les représentants élus du gouvernement pour qu’ils respectent la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. L’État doit cesser d’imposer sa violence en soutenant les membres du 1 %, qui volent nos ressources et condamnent nos enfants à un monde rendu inhabitable par les changements climatiques.

À l’heure où la GRC se prépare à commettre de nouveaux actes de violence coloniale contre le peuple Wet’suwet’en, allumez vos feux sacrés et venez à notre aide.

Nous demandons que toutes les actions entreprises en solidarité avec nous soient menées de façon pacifique et dans le respect des lois de la ou des nations autochtones du territoire en question.

Pour plus d’informations :

Wet’suwet’en Supporter Toolkit

Faire un don à Unist’ot’en

Faire un don à Gidimt’en

Extinction Rebellion, le Black Friday & l’environnement

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Déc 082019
 

De Contrepoints

«On aurait dû rentrer dans le H&M et tout choper!»

Coin Peel et Ste-Catherine, en plein centre-ville de Montréal, le 29 novembre 2019.
Drôle de journée: après mes trois heures de cours, j’avais prévu aller faire un tour à la manif étudiante pour l’environnement, même si mon cégep était pas en grève, même si je savais que le métro serait bondé en plein Black Friday. Après tout, c’était une journée symbolique contre le capitalisme, ça semblait logique d’y participer.

Arrivée sur place un peu en retard, j’étais plutôt surprise de constater qu’au lieu d’une manifestation étudiante, j’étais plutôt entourée d’une ribambelle de drapeaux d’Extinction Rebellion, accompagnés d’une poignée de militant-es arborant les mêmes couleurs qui criaient dans un mégaphone. De chaque côté de la rue, des masses de gens étaient amassées, et scandaient des slogans en direction des magasins. «Ah, enfin, un peu d’action!» me dit alors mon ami, enthousiaste. Mais rapidement, on se rend compte qu’en terme d’action, on allait être déçu-es: la foule, statique, exprimait son soutien à une douzaine de jeunes militant-es aux mains collées sur les vitrines, à travers une ligne de policiers. Ces derniers, quand on balayait la scène du regard, étaient très nombreux aux alentours; une tasse de café à la main, plusieurs d’entre eux se préparaient lentement à décoller les protestataires, le sourire aux lèvres.

«On va bloquer le magasin?» demande mon ami, plein d’espoir, à sa voisine. «On dirait pas» répond-t-elle, en nous pointant les flots d’acheteurs qui continuent d’entrer et de sortir de la boutique, des sacs de vêtements à la main. «Mais ça sert à quoi alors ce spectacle-là?» lui lance-t-il, abasourdi. Elle hausse les épaules, désinvolte, et s’éloigne pour rejoindre une petite bande enjouée qui danse au milieu de la rue. «This music is really commercial» me glisse un passant, les sourcils froncés. J’éclate de rire, le bonhomme n’a visiblement rien compris, car l’ambiance est de plus en plus lit. Traversant la foule, j’accoste alors une militante qui distribue du chili vegan, pour lui demander ce qui se passe exactement. «En ce moment, XR fait son show: on était supposé-es arriver ben plus tôt au square Dorchester, mais y font rien qu’à leur tête, y’ont complètement take over la journée. Là, on attend juste que leur grande mise en scène de jeunes martyrs soit finie pour aller faire le party au square. Sont tous-tes mineur-es, ceux qui ont les mains collées dans les vitrines, savais-tu? Y paraît que ça fait plus cute dans les médias» me dit-elle, ironique. «C’est quand même une drôle de stratégie, quand on y pense, pour contrer la catastrophe écologique, envoyer des jeunes se coller les mains sur des magasins de grandes chaînes. Ça crée des martyrs, c’est juste bon pour faire un show, mais ça change rien en bout de ligne. Nous, on aurait voulu que ça brasse un peu plus, mais on s’est même fait rabrouer quand on criait des slogans anticapitalistes tantôt!» ajoute-t-elle, un peu amère. Au moment où elle me dit ça, la musique arrête, et une militante portant le dossard d’Extinction Rebellion nous informe au micro que la première militante vient de se faire relâcher par les policiers, provoquant une salve d’applaudissements. La soirée a continué au rythme des jeunes relâché-es, jusqu’à ce qu’on se déplace finalement au square Dorchester, à moitié transi-es de froid, pour boire une bière avant de quitter. «On aurait dû rentrer dans le H&M et tout choper!» beugle un garçon hilare, visiblement prêt à en découdre avec les policiers. C’est drôle, me dis-je alors: la soirée (et donc l’action d’éclat d’Extinction Rebellion) était tellement inoffensive que les policiers l’ont laissée se dérouler longuement, sans lui mettre les bâtons dans les roues une seule fois.

Avec un peu d’ambition, pourtant, une manifestation au centre-ville pendant que la rue Sainte-Catherine débordait de client-es aurait pu porter un bon coup au capital, envoyer un message clair au gouvernement, réellement enrayer le pouvoir. L’heure n’est plus à la sensibilisation, le consensus est là: on court à notre perte. Ce qu’il faut, dorénavant, c’est s’inspirer des manifestations un peu partout dans le monde, et bloquer l’économie. Occuper des places, des squares, des rues, les tenir envers et contre les assauts de la police, et prendre les choses en main, sans attendre que l’État nous protège du désastre écologique. Êtes-vous game?

Semaine d’action climatique : prendre place !

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Oct 262019
 

De Les temps fous

Les militant-es d’Extinction Rebellion ont entrepris des actions de perturbation et de blocage un peu partout en Occident dans le cadre de la semaine d’action « La rébellion d’octobre ». À Montréal, le groupe a fait la une des journaux, en arrivant à faire fermer le pont Jacques-Cartier durant plusieurs heures en matinée et en bloquant le boulevard René-Lévesque en fin de journée. De l’aveu des manifestant-es, c’était l’objectif visé par leurs actions : faire un coup d’éclat, donner de la visibilité à la cause environnementale et obtenir une tribune pour parler de l’urgence climatique.

« Un moindre mal pour avoir une tribune »

L’attention médiatique est toutefois une arme à double tranchant, et on a pu le constater dans les jours qui ont suivi ces actions de blocage : on a bien peu parlé d’écologie, et beaucoup plus du dérangement causé par les actions de perturbation. Sur toutes les tribunes, on a vu les militant-es de XR se confondre en excuses et essuyer — parfois bien maladroitement — une pluie d’insultes venant d’animateurs-trices, de chroniqueurs-ses, de citoyen-es ou de politicien-es. 

Bloquer un pont qui relie une métropole et sa banlieue à l’heure de pointe, c’est pourtant bien plus qu’un stunt médiatique. Si cette action a pu convaincre qui que ce soit de la nécessité de prendre acte face l’urgence climatique, ce n’est certainement pas en lisant le Journal de Montréal ou en écoutant Dutrizac crier des bêtises que c’est arrivé. On doit arriver à détourner le regard des médias pour comprendre ce qui est mis en jeu par de telles actions de blocage. C’est un grain de sable dans l’engrenage, qui arrive à stopper la machine capitaliste pendant un moment. C’est ça qui dérange tant, c’est l’interruption de ce monde effréné qui nous entraîne tous et toutes avec lui dans le désastre écologique. Un monde organisé autour du travail et de la voiture — autour des marchandises et de leur circulation — qu’on arrive à interrompre si facilement dès qu’une de ses courroies de transmission se coince. Suffit de quelques crinqué-es avec du matériel d’escalade. 

Au-delà de l’attention médiatique qu’on amène à la cause environnementale, on doit arriver à assumer les blocages pour ce qu’ils sont : une critique de l’organisation spatiale et temporelle de notre société et une attaque envers les infrastructures sur lesquelles repose la destruction organisée de la planète. On ne devrait pas s’excuser de remettre en question le fait que des centaines de milliers de personnes prennent leurs voitures, matin et soir, cinq jours semaine, pour faire plusieurs dizaines de kilomètres vers le boulot. Au contraire, assumons la critique portée par ce type d’action et incarnons les changements qu’on souhaite voir arriver. C’est ainsi qu’on arrive à « convaincre » les gens de se rallier à notre cause : en démontrant que c’est possible de mettre ce monde qui nous tue en déroute, possible de s’organiser et d’agir pour construire d’autres façons de faire et de vivre.

De Hong-Kong à Santiago: Bloquer la métropole planétaire

La puissance contenue dans l’interruption des infrastructures de circulation de main-d’oeuvre et de marchandises n’est pas unique au territoire montréalais. De par le monde, ceux et celles qui résistent à l’ordre existant s’emparent des autoroutes, ronds-points, métros, gares, ports et aéroports afin de briser la mécanique de la métropole et de réinventer leur rapport au territoire urbain. À cet égard, les blocages par des milliers de manifestant-es des aéroports internationaux de Hong-Kong et Barcelone, ou le saccage de plus de 40 stations de métro dans la capitale du Chili, ont mis en lumière la puissance que peut dégager l’interruption des flux de main-d’oeuvre et marchandises à l’échelle de la métropole planétaire. Un militant de Hong Kong défendait, à ce titre, l’importance du blocage des flux pour la suite du mouvement en affirmant que « l’insubordination continue dans le métro, dans les zones commerciales très fréquentées, dans des endroits comme l’aéroport […] peut avoir des effets perceptibles sur l’économie, le flux de touristes, l’investissement étranger, et ce genre de choses ». À la suite de ces actions d’envergure, le discours public porté par les militant-es de Hong-Kong et Barcelone était empreint d’une détermination qui permettait de transmettre le courage dont les forces vives du mouvement ont besoin pour donner suite à la lutte. 

Le territoire du soi-disant Québec est entrelacé entre la métropole et son extension extractiviste qui colonise toujours davantage et poursuit l’entreprise de destruction écologique en cours. Prendre place dans le théâtre de la fin du monde, c’est aussi quitter notre rôle de spectateur métropolitain pour s’imposer sur la scène des espaces mortifères de l’industrie extractiviste. Il s’agit non seulement de bloquer les flux des marchandises vers la métropole, mais aussi d’occuper avec détermination et sans concessions les territoires balafrés par les minières, pétrolières et autres industries extracitviste.

« Quand nous aurons appris à aimer le monde, à aimer la vie plutôt que l’argent »

Dans une lettre ouverte aux militant-es d’Extinction Rebellion, un camarade français de la ZAD écrivait il y a quelques mois que « peut être l’une des meilleures manières d’être rebelle aujourd’hui implique de tomber amoureux-se de quelque part, de s’y attacher si profondément que l’on est prêt-e à tout pour défendre la vie qui s’y trouve ». Derrière la question environnementale, c’est le rapport au territoire qu’on entretient, qui se doit d’être radicalement transformé. Mais que reste-t-il à défendre dans les rues quadrillées des métropoles nord-américaines ? Comment les 500 000 manifestant-es qui déambulent entre les gratte-ciel du centre-ville financier, le port commercial qui borde le fleuve sur des kilomètres et les tours à condos des anciens quartiers ouvriers, peuvent aspirer à prendre racine dans des espaces aussi inhospitaliers à toute forme de vie à même de rompre avec l’ordre des choses ? Comment penser la lutte dans le contexte colonial qui se réactualise sans cesse, et arriver à l’inscrire dans des territoires volés, aseptisés et disputés ? C’est là tout le défi qui se pose aux écologistes montréalais-es : arriver à bloquer et habiter la métropole dans un même mouvement.

Prendre place sur le territoire métropolitain ne consiste ainsi pas uniquement en un blocage, une interruption des activités de celle-ci, mais aussi en une subversion des manières que l’on a d’habiter chaque place, chaque ruelle, chaque parcelle, afin de s’y inscrire dans toute notre vitalité. On doit se réapproprier les rues, les parcs, les bâtiments, en changer l’usage et les faire nôtres : transformer une autoroute en festival, une place publique en lieu de vie, un centre commercial en jardin ! Refusons de jouer le « mort » dans un énième die-in et d’habiter le territoire tel des « images » ternes et sans volonté. Au contraire, nous voulons habiter pleinement avec toute la puissance de notre mouvement les brèches que l’on fracturera dans la métropole. Lorsque les forces de la mort tenteront de nous réduire au silence, nous défendrons inlassablement le territoire et la vie qui l’habite. Nous assumerons une image qui n’est pas le reflet de ce qu’attend de nous le pouvoir, mais le reflet de ce qu’exigent de nous les périls de notre temps.

Extinguishing Rebellion

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Oct 242019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Extinction Rebellion [XR], une mouvance internationale écologiste se disant non-violente et aussi extrême que la situation, a fait son apparition sur la scène montréalaise il y a environ un an. Le 8 octobre 2019, une poignée de leurs activistes ont réussi un coup d’éclat, forçant la fermeture du Pont Jacques-Cartier pendant plus d’une heure en pleine heure de pointe matinale. Leurs actions démontrent une volonté de se mettre physiquement en jeu devenue nécessité incontournable dans la lutte écologique. En ce sens, leur courage et leur détermination ne peuvent qu’être rassurants. Cependant, des critiques fusent d’un peu partout à l’endroit de leur idéologie et leurs pratiques, soulevant des enjeux importants à aborder.

À Paris, où des militant.es de XR ont, entre autres, effacé des tags anti-police pendant l’occupation d’un centre commercial, une lettre ouverte note une banalisation des violences policières, une non-violence dogmatique qui révèle une violence insidieuse, et l’exclusion des classes populaires du cadre d’action. On leur reproche aussi un manque de lecture stratégique de la situation et des rapports de force.

Une critique de la branche anglaise de XR fait état de leur incompréhension profonde du fonctionnement et des impacts de la répression judiciaire des militant.es.

À peu près tout le monde se moque de leur envie de se faire arrêter par la police, mais il ne s’agit pas d’une blague : c’est le fruit d’une interprétation bizarre et dangereuse de l’histoire des mouvements sociaux, et ça favorise la construction d’un mouvement blanc et de classe moyenne peu importent les efforts pour donner à l’organisation une apparence intersectionnelle.

Même face à des partisans d’un pacifisme particulièrement intransigeant, il est bouleversant de constater à quel point on peine à distinguer entre une vraie initiative de XR et un canular :

D’autres ont abordé les justifications que XR font de la non-violence. Regardons ceci de plus près. Le groupe cite une étude académique de Erica Chenoweth intitulée « Why Civil Resistance Works », pour affirmer que les mouvements non-violents ont réussi deux fois plus souvent que les mouvements ayant eu recours à la violence, entre 1900 et 2006, dans le cadre de conflits entre des forces étatiques et non-étatiques. On aimerait bien que, dans un monde si complexe, des statistiques aussi claires puissent nous guider dans le choix de nos moyens d’action. Il y a juste quelques petits problèmes.

Numéro un : l’étude définit « un mouvement violent » là où plus de 1 000 combattants armés sont morts sur le champ de bataille. Ainsi sont exclus les émeutes urbaines, de même que des groupes armés allant de la Fraction Armée rouge aux Zapatistes. Et effectivement, les luttes qui entraînent plus de 1 000 morts ont tendance à témoigner de la militarisation profonde d’un conflit insoluble, ce qui rend extrêmement difficile pour le camp non-étatique d’atteindre les objectifs qui l’ont poussé à se mobiliser au début. La force d’une insurrection est sociale, non pas militaire.

Deuxièmement, pour les fins de l’étude les « mouvements non-violents » incluent ceux qui sont principalement, mais pas entièrement non-violents. Notons que personne ne propose un mouvement pour le climat qui serait principalement violent, il s’agit plutôt de faire place à une diversité de tactiques, où plusieurs types de moyens d’action sont valorisés et se renforcent idéalement les uns les autres.

C’est-à-dire un mouvement qu’un statisticien pourrait en effet classifier comme principalement non-violent, mais où il y a bien des gens en black bloc sur la ligne de front affrontant la police, et des bandes nocturnes sabotant les infrastructures sans se faire prendre, ce qui leur permet d’attaquer à plusieurs reprises. Nulle part dans l’étude la non-violence ne se traduit-elle par l’obligation de se rendre à la police lorsqu’on enfreint la loi.

On pourrait aussi se questionner sur :

  • la tendance du pouvoir à nommer comme « violente » toute contestation qui perturbe réellement le cours normal des choses, sans égard aux gestes concrètement posés;
  • le fait que c’est souvent la violence des forces policières qui suscite une réponse « violente » d’un mouvement social, autrement dit la violence est souvent imposée à un mouvement lorsqu’il pose une vraie menace aux pouvoirs en place;
  • la définition de la victoire vis-à-vis nos objectifs pluriels à moyen et à long terme, ainsi que la capacité du pouvoir à offrir des concessions au prix de la pacification et la récupération : lorsqu’il s’agit du futur de la vie sur terre, le compromis est-il possible?

En tout cas, se baser sur « Why Civil Resistance Works » pour justifier qu’on doit s’asseoir dans la rue en faisant des signes de paix aux flics est une insulte à l’intelligence des militant.es. Que les leaders de XR n’essaient pas de nous faire croire qu’ils.elles sont guidé.es par la science sociale quant ils.elles ne font qu’acter une moralité arrimée à l’état policier ou un désir de servir d’interlocuteur légitime du pouvoir. XR demande aux gouvernements de « dire la vérité », mais lorsqu’il est question de stratégies de contestation, ils ne s’intéressent pas à une réflexion honnête sur les choix qui se présentent à nous.

Pourtant, il suffit de regarder à peu près n’importe où ailleurs où les rebelles ont réussi à faire reculer le pouvoir dans les derniers mois, que ce soit à Hong Kong, en Équateur, au Chili, ou les gilets jaunes en France, ou bien de comprendre les luttes autochtones de défense des territoires au « Canada », pour faire un simple constat : il est essentiel d’avoir une capacité d’auto-défense si on veut forcer l’État et le capital à réellement céder du terrain.

Nous ne voulons pas trop répéter les critiques de XR qui ont déjà été bien exprimées ailleurs. De plus, XR présente ses apparitions locales comme étant autonomes, donc on aimerait donner à leurs structures au Québec le bénéfice du doute et ne pas trop les juger à partir des actions des groupes dans d’autres pays, même si celles-ci semblent souvent être les conséquences logiques de l’idéologie fondatrice du groupe, à laquelle les différentes branches souscrivent.

Nous sommes aussi conscient.es que des lignes de fracture existent au sein de toute organisation politique de masse, donc cette intervention ne vise pas l’ensemble des individus du groupe. Au contraire, nous n’avons pas de doute que plusieurs de ces militant.es seront des camarades et des complices formidables qui nous apprendront beaucoup au cours des prochaines années de développement d’une lutte acharnée et diversifiée contre le monde qui détruit la planète.

En observant les débuts de XR à Montréal, par contre, nous entretenons quelques craintes vis-à-vis l’organisation locale.

En entrevue à TVA Nouvelles suite au blocage du Pont Jacques-Cartier, un porte-parole de XR Montréal défend les activistes ayant grimpé sur le pont contre l’accusation d’extrémisme en précisant que « c’est des gens comme vous et moi, qui ont été 100% non-violents, ils n’ont pas résisté à la police, ils ont discuté raisonnablement. » On a des questions quant à ce qui est sous-entendu par « comme vous et moi » et quelles personnes ou classes de personnes échapperaient à cette désignation. Il faut aussi penser aux effets de ce genre de discours sur ceux et celles qui ne sont pas 100% non-violents, qui résistent à la police, qui ne voient pas l’avantage de discuter raisonnablement. Logiquement, ce serait ces gens-là les « extrémistes », et ils.elles mériteraient le traitement médiatique et judiciaire plus sévère appelé par ce terme.

Ce discours alimente la construction d’une division entre la bonne et la mauvaise militance, ce qui a tendance à augmenter la répression subie par ceux et celles qui prennent déjà les plus gros risques, qui cherchent une rupture totale avec l’ordre dévastateur du capital et de l’État, sabotant du même coup le tissage de liens entre les groupes et individus qui renforcerait la lutte.

On a aussi vu des efforts de conscientisation et quelques actions de style « sit-in », la dernière ayant eu lieu l’après-midi du 8 octobre suivant le blocage du pont en matinée. Le rassemblement de 250 personnes a été incapable d’atteindre le cible de l’action après que les lignes de l’escouade anti-émeute du SPVM n’ont pas cédé face à des cris de « nous sommes non-violents, s’il-vous-plaît, laissez-nous passer ! », suivis du slogan « Police, doucement, on fait ça pour vos enfants ». La scène mortifère en disait long sur les limites de la désobéissance « civile », celle-ci de fait enfermée dans une servilité éteignant toute réelle perspective de rébellion.

Nous serions ravi.es si des événements à venir nous contredisaient, mais nous croyons voir les mêmes dynamiques ayant suscité des critiques légitimes de XR ailleurs dans le monde s’installer dans leurs discours et leurs modes d’action à Montréal. Il ne s’agit pas d’écarter toute façon de faire qui diverge des nôtres, mais plutôt de nommer des échecs stratégiques et tactiques pour ce qu’ils sont, de refuser la désolidarisation à l’encontre des militant.es qui n’adoptent pas un pacifisme total, et de poser les bases d’une réelle intelligence collective de lutte. À l’heure de l’urgence climatique, on n’a pas le temps de se faire des illusions.

Grève climatique : reprendre le temps!

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Oct 202019
 

De Les temps fous

Au matin du 27 septembre, les rues de Montréal et du Québec ont été prises d’assaut par une marée humaine historique. Par centaines de milliers, jeunes et moins jeunes, ont battu le pavé et ont répondu à l’appel international de la Global Climate Strike. Cet appel à la grève planétaire a fait son chemin dès le printemps 2019 jusqu’au Québec, alors que les premières associations étudiantes et syndicats d’enseignant-es votaient un débrayage pour le 27 septembre. Au cours de l’été, les administrations collégiales, menacées par la tenue de grèves illégales par le corps enseignant, ont décidé de faire de la journée du 27 septembre une « journée institutionnelle » et d’aménager en conséquence le calendrier. Les journées institutionnelles, tel un « capteur de grève », ont peu à peu contaminé l’ensemble du réseau d’éducation québécois, des écoles primaires aux universités. Si, a priori, on pouvait être satisfait que plus de 600 000 personnes soient « libérées » par les autorités afin de participer à la manifestation du 27 septembre, on ne peut qu’être dubitatif quant à l’avenir du mouvement et à son autonomie. La grève comme interruption volontaire et collective du quotidien a été travestie par les directions scolaires qui se sont assurés avec les journées institutionnelles de garder le contrôle de l’agenda et de la temporalité de la lutte.

Le 17 septembre la direction de la CSDM faisait parvenir une lettre aux parents afin de les informer qu’une journée pédagogique serait déplacée afin de permettre la participation des élèves à la manifestation du 27. Au-delà du changement de calendrier, cette lettre a été l’occasion pour la CSDM de menacer ouvertement les élèves qui voudraient faire grève au-delà du 27 septembre :

2. Aviser votre enfant qu’en aucun cas, il ne peut empêcher les autres élèves de l’école d’assister à leurs cours, puisque la scolarisation des élèves est un droit fondamental qui doit être respecté ;

3. Rappeler à votre enfant qu’il doit faire preuve de civisme et ne pas participer à bloquer l’accès à l’école de quelque façon que ce soit, à l’égard de quiconque, car cela pourrait constituer un méfait au sens de la loi.

Tout en aménageant le calendrier pour permettre de manifester le 27 septembre, la CSDM s’assure ainsi que les grèves du vendredi ayant affecté plusieurs écoles au printemps dernier ne se reproduisent pas. Elle nous rappelle ainsi que les journées institutionnelles décidées par le haut permettent justement aux pouvoirs intermédiaires que sont les commissions scolaires, cégeps et universités, de délégitimer les journées de grève décidées par le bas.

Au niveau universitaire, la situation à Polytechnique a dévoilé avec lucidité les craintes du pouvoir quant à la suite du mouvement. Malgré un vote électronique des étudiant-es à plus de 78 % en faveur d’une levée de cours, l’administration de polytechnique a refusé de répondre positivement à la « demande » de levée les cours. Le directeur général de Polytechnique, Philippe A. Tanguy — un ancien ingénieur de la pétrolière française Total — a justifié le refus d’accepter la demande de levée de cours en affirmant que :

« Polytechnique soutient cette cause, mais nous sommes aussi conscients que, malheureusement, cette journée mondiale ne sera pas suffisante pour résoudre les enjeux climatiques ; il y en aura d’autres et nous ne pourrons pas lever invariablement les cours pour toutes ces journées.

Cette justification démontre bien la limite de demander aux autorités en place de lever les cours. Malgré l’adoption de journées institutionnelles dans plusieurs établissements, on ne peut se permettre d’oublier qu’une grève n’a jamais attendu l’approbation des patrons et autres autorités pour se dérouler et qu’il est tout à fait normal que celle-ci perturbe le calendrier et le quotidien de l’institution et plus globalement de la société.

Le rôle des centrales syndicales dans la disparition de la grève du discours public a également été prépondérant. Alors que plusieurs syndicats commençaient à adopter, au-delà du cadre légal du Code du travail, des mandats de grève pour le climat, les centrales syndicales sont explicitement entrées dans le mouvement en exigeant que les organisateurs de la manifestation arrêtent d’appeler à la grève des travailleurs et travailleuses. Au collectif la « planète en grève », formé de travailleurs et travailleuses de la base, s’est substitué le collectif « La planète s’invite au travail », coordonné par les directions des centrales syndicales. Alors que la Planète en grève visait à bousculer le droit de grève au Québec en assumant à la fois la nécessité et l’illégalité de la grève, le collectif la planète s’invite au travail avait pour objectif de mobiliser le monde du travail en faisant disparaître des affiches, tracts et communications toutes références à la grève. Durant la conférence de presse du 27 septembre, Serge Cadieux, porte-parole du collectif « la planète s’invite au travail » et secrétaire général de la FTQ, nous a rappelé le manque de courage politique des centrales en refusant de faire mention de la dizaine de syndicats ayant décidé de faire grève et en réaffirmant la soumission des centrales syndicales au Code du travail. Au-delà du manque de courage politique des centrales syndicales à se réapproprier la grève hors du cadre légal, Serge Cadieux nous a aussi rappelé la dépolitisation du syndicalisme contemporain. Il a ainsi affirmé « qu’il n’y a pas d’opposition entre l’économie et l’écologie » et que le monde syndical travaille notamment avec « le monde patronal » et « le monde de la finance » afin de faire face à la crise climatique.

Le copinage entre les centrales syndicales et le pouvoir économique et politique ne date pas d’hier, cependant on aurait pu s’attendre à ce que dans le contexte actuel de crise climatique les centrales assument la nécessité d’une rupture avec le système économique capitaliste. Il n’en est rien ! Nous ne nous faisons d’ailleurs aucune illusion sur le rôle des centrales syndicales dans le mouvement de grève climatique qui en a été et en sera un de pacification et de récupération.

En appuyant le mouvement, les administrateurs, politiciens ou patrons s’efforcent de saper tout le caractère politique de la question environnementale. On en fait une « lutte » lisse, sans conflictualité, ou il n’y a ni coupables ni responsables. On s’entend tous et toutes sur l’importance de l’environnement et on marche ensemble pour le souligner, comme si le développement des énergies fossiles, l’appropriation et la destruction des territoires ou le saccage des mers et rivières étaient des processus naturels qui échappent à notre contrôle. Desjardins, la Banque Nationale et la CIBC mettent en place des mesures permettant à leurs employé-es de quitter le travail pour prendre part à la marche, MEC ferme boutique, ainsi qu’une panoplie d’entreprises allant d’un cabinet d’avocat à une agence de publicité. Alors qu’ils se joignent aux manifestant-es, les chefs d’États, ministres ou PDG sont des citoyen-es comme les autres, qui s’engageront à ne plus acheter de pailles en plastique pour l’avenir de leurs enfants. Ils renient le caractère politique du mouvement écologiste, comme si l’avenir de la planète dépendait plus de la bonne volonté de tout un chacun que des décisions qu’ils prennent. En aplanissant et pacifiant ainsi ce qui devrait être une lutte, on assure que la cause environnementale ne sorte pas du carcan de la consommation individuelle, où chacun-e doit faire sa part, et que les 500 000 manifestant-es ne réalisent pas la puissance collective qui pourrait se dégager de leur rencontre.

La récupération des luttes environnementales par le « capitalisme vert » est bien rodée depuis plusieurs décennies. Et c’est peut-être bien parce que ces luttes pourraient avoir la capacité de remettre en question le monde colonial et capitaliste qu’elle a été neutralisée avec autant d’efficacité. Mais pour une fois, le discours de la récupération sonne drôlement faux. La génération qui a grandi bercée par ces mensonges — qui voudraient la voir étudier, recycler, travailler, manger local et s’appauvrir, pour un avenir de plus en plus incertain — refuse de continuer à jouer le jeu. Au cours des derniers mois, on a vu surgir des votes de grèves qui passent avec des majorités écrasantes dans des cégeps inattendus, des prises de mandat de grève illégale par des syndicats locaux ou l’organisation de grèves et de manifestations hebdomadaires s’étalant sur plusieurs mois par des élèves du secondaire.

Derrière la « grève pour la planète » se trament des questions qui débordent largement les enjeux dans lesquels la grève syndicale est légalement circonscrite. La grève pour la planète n’est pas un « moyen de pression » en vue d’obtenir de meilleures conditions de travail ou de bloquer une hausse des frais de scolarité. On demande aux politiciens d’en « faire plus », mais les rares tentatives de définir ce qu’on pourrait entendre par-là tombent à plat. Aucune revendication ne semble être à même de contenir l’ampleur des enjeux soulevés par le mouvement. C’est la condition même du sujet travailleur, ou étudiant, qui pourrait être remise en question par cette grève : pourquoi continuer à étudier, travailler et investir dans ces REER alors que le monde s’écroule sous nos pieds? La grève pour la planète a la capacité de s’assumer pour ce qu’elle est, une grève politique à même d’interrompre la temporalité de ce monde mortifère, une temporalité où la croissance du capital et du monde colonial est imbriquée avec l’accélération de la catastrophe écologique. À l’heure de l’urgence climatique, il ne s’agit plus de quémander aux autorités une libération, mais bien de « Faire Grève » au sens le plus politique qui soit, c’est-à-dire destituer notre quotidienneté en reprenant collectivement chaque moment de nos existences. Il ne s’agit plus de suivre la cadence d’une contestation clôturée par l’État, mais par la grève, par l’interruption, transformer radicalement notre rapport au monde et au temps.

Entre deux

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Oct 092019
 

De Lisières

MISE EN CONTEXTE

Je suis en cours et tout autour de moi les gens discutent d’agroécologie. Ils et elles nomment des concepts écologiques, citent des ouvrages, des articles… rien d’anormal, mais justement un peu ennuyant. J’ouvre mon agenda et je tombe sur l’appel à contributions de « lisières ». Je voulais pourtant écrire quelque chose, mais l’école. L’École me prend tout mon temps, calvaire! Je m’enfonce un peu plus dans mes pensées. Les discussions me semblent lointaines, étouffées, mais j’entends la conférencière parler d’un truc qui capte mon attention. Elle a une diapositive d’une forêt, bordée par un champ. Elle parle de lisières. Mind explosion. Je continue à me perdre dans ma tête et je crache un texte d’idées, comme en écriture dynamique avec les mots que j’entends autour de moi. J’ai l’impression de sculpter ce que je reçois et de lui donner une toute autre image et de faire le parallèle entre les mondes écologiques et anthropiques… Je m’amuse donc à être la lisière entre ce monde académique et celui que j’habite, à faire des analogies entre le monde biologique et politique.

LISIÈRE : endroit de transition où des mondes se rencontrent.

En agroécologie, on réfère souvent aux lisières comme étant des endroits de rapprochement, d’interaction entre différentes communautés (ex. l’endroit où la forêt laisse place au champ agricole). Les lisières sont des endroits riches, dans lesquels la diversité est foisonnante et unique. Ces lisières permettent l’existence des animaux et végétaux de deux écosystèmes différents. C’est, entre autres, dans les lisières que se créent de nouvelles associations. Une lisière peut également être nommée écotone, une région définie par son caractère transitoire entre deux mondes biologiques et physiques. Tout comme le brassage génétique à l’intérieur d’une population qu’elle soit animale (humaine ou non) ou végétale, la confrontation de nos idées crée de nouveaux assemblages, de nouvelles combinaisons qui confèrent une force de résistance aux individus. Parfois, ces nouvelles combinaisons sont gagnantes. Les interactions qui en découlent peuvent ainsi créer des liens commensalistes, symbiotiques et mutualistes qui nous rendent plus fort.es et plus résilient.es aux changements de notre environnement. En effet, une capacité de résilience permet aux organismes d’user de diverses stratégies afin de « retomber sur leurs pieds » suite à un changement majeur les affectant. Cependant, la quête simultanée d’une même niche écologique, d’un même territoire, donc de mêmes ressources à s’approprier individuellement mène souvent à la perte, à l’appauvrissement, à la compétition. Les lisières, ces espaces de co-construction biocuturels sont dynamiques, vacillant entre une multitude d’états (composition, abondance, interactions) en fonction du climat (qu’il soit bioclimatique, ou politique) et des déplacements des espèces qui les habitent (insectes prédateurs, parasites, amphibiens, petits mammifères, humains, etc.).

On sait que dans le sous-sol forestier, les arbres d’une même espèce (population) et inter-espèces (communauté) s’échangent, à travers leur système racinaire, les nutriments, l’eau et les sucres nécessaires à la survie des plus fragiles. On sait également que les comportements de soins tel que le toilettage ou le partage de ressources alimentaires entre les individus d’une même espèce de Desmodus rotundus, une chauve-souris hématophage (qui se nourrit de sang), s’orchestrent de manière à offrir ce service aux individus avec qui illes partagent une forme de parenté qui sort du modèle nucléaire. À tous les jours, ces chauves-souris bénéficient des soins de leur famille élargie et intentionnelle pour survivre. Mais encore, on sait qu’il y a des animaux marins bioluminescents, comme la seiche Euprymna scolopes, qui le devient grâce à l’association qu’elle maintient avec une bactérie (Vibrio fisheri), mais que ni une ni l’autre ne l’est lorsque séparées. Une identité nouvelle émerge alors de leur partenariat.

Ces modèles de collectivité inter et intraspécifique, de mise en commun, de mobilisation, de construction de famille intentionnelle sortant du modèle nucléaire souvent théorisé et étudié dans les communautés anarchistes se trouvent partout autour de nous. À celle ou celui qui ose observer, la subvercité du monde naturel est à couper le souffle : l’abolition des frontières, le compostage d’éléments et d’énergie, la capacité d’adaptation et de réaction à des mondes qui font violence. Il ne s’agit ni d’une initiative humaine, ni d’une nouvelle pratique. C’est dans cette perpétuelle déstabilisation du monde biologique, chimique et social que l’existence évolue. Que notre existence évolue. Nous avons tous ces beaux modèles devant les yeux, mais nous continuons de déchirer la vie quand même, de chercher à posséder plus, en prenant la part des autres. Dans cette illusion du « survival of the fittest », et du progrès unitaire, on érige des clôtures, des murs frontaliers, on achète du territoire volé qu’on cherche à délimiter et protéger.

PROTÉGER DE QUOI AU JUSTE ?

À force de vouloir tout pour toi, à vouloir te réserver ton espace privilégié « bien mérité » par ton salaire durement gagné, eh bien tu perds. Nous perdons. D’ailleurs, le concept de lisière peut avoir une tout autre signification lorsque confronté à ce délire structurel possessif de la propriété privée. On le nomme justement « l’effet lisière », ce phénomène se résume par une perte de biodiversité, de richesse et d’abondance d’interactions lorsqu’un écosystème est fragmenté par une structure anthropique (route, pont, immeuble, mine, pipeline, pylônes d’Hydro-Québec). Un écosystème dépourvu de ses interactions perd de facto son intégrité écologique. La perte de diversité découle principalement de la perte de territoire, de son fractionnement, de sa privatisation.

Alors toi, toi qui invente des frontières arbitraires, qui fractionne par ton béton, par ta haie de cèdre, par ta maison Bonneville pareil comme celle de ton voisin, par les routes construites, de l’endroit où on y a coupé la forêt qui a construit ta maison, à celles que tu empruntes tous les jours pour aller au travail. Par tes envies de villégiatures et de conquérir tous les espaces et par ton voyeurisme environnemental. Tous ces obstacles au monde naturel que tu construis (et il y en a d’autres) qui coupent le territoire de propriété privée en propriété privée, en lots, en cadastres, en droits de destruction.

Ces obstacles anthropiques à la vie et aux rencontres effacent les lisières offrant de nouvelles niches écologiques, empêchent les déplacements, le brassage génétique, la confrontation d’idées, de manières et de savoirs. Ils participent à créer de petites cellules sociales hermétiques, stables et aseptisées à l’image du traitement qu’on réserve à nos restant d’écosystèmes forestiers du soi-disant Québec. À force de se chicaner à savoir qui possède quoi, pis de vendre au plus offrant un territoire qui ne nous appartient pas, les diversités, tant animale que végétale, que linguistique et culturelle dégringolent. Les organismes vivants se retrouvent isolés, les rendant de ce fait plus « rares », ce qui justifie ensuite au gouvernement de « protéger » des territoires avec interdiction de passage ou chasse pour les communautés locales, nuisant ainsi à la diversité culturelle.

Je possède
Tu possèdes
Il/elle possède
Nous possédons
Vous possédez
Ils/Elles décèdent

 

« L’écologie a à voir avec l’amour, la perte, le désespoir et la compassion. Avec la dépression et la psychose. Avec le capitalisme et ce qui pourrait exister après le capitalisme. Avec l’étonnement, l’ouverture d’esprit et l’émerveillement. Le doute, la confusion et le scepticisme. Les concepts d’espace et de temps. Le ravissement, la beauté, la laideur, le dégoût, l’ironie et a douleur. La conscience et la perception. L’idéologie et la critique. La lecture et l’écriture. La race, la classe et le genre. La sexualité. L’idée du moi et les étranges paradoxes de la subjectivité. Elle a à voir avec la société. Elle a à voir avec la coexistence » – Timothy Morton

Comme la seiche, les chauve-souris vampires, les racines et le mycélium, les lisières cultivent la subversion, la confrontation, les associations. Elles sont des lieux de haute créativité qui défient le narratif scientifique évolutif de compétition, étouffant tout autre mode d’interaction coopératif. À cet effet, l’autrice Donna Haraway souligne judicieusement le concept de co-constitution et de socialité inter-espèces qui vient également brouiller cette croyance néolibérale du progrès évolutif unitaire au profit de l’autre, représentant une entité biologique à combattre plutôt qu’à connaître et accueillir. Haraway prône ainsi le compost de substance, ce que je compare dans ce texte au compost humain et aux nouvelles possibilités créées dans les lisières. Justement, il nous faut cultiver une diversité à l’image de celle qui nous constitue en tant qu’être humain. Cette diversité qui est à la base de notre métabolisme et elle nous maintient en vie. Si ce n’était pas de cette étrangère communauté qui habite notre estomac, notre intestin, notre système lymphatique, nous ne serions pas ici. Une communauté solide et résiliente est une communauté qui sait maintenir une richesse spécifique et qui repose sur la présence de traits fonctionnels et compétences complémentaires. Traduit au monde humain, il s’agit de décentraliser son milieu, démontrer une certaine plasticité et créer des liens associatifs innovateurs.

Cultivons la pluricité. Détruisons la propriété privée.

Un compte-rendu de la grève du climat à Montréal

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Oct 052019
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

« La lutte contre les changements climatiques doit déborder de son lit. Elle doit aussi combattre le système de frontières qui valorise certaines vies plus que d’autres. Elle doit renverser le capitalisme qui cherche toujours à produire plus. »
– Appel au contingent anticapitaliste et antiraciste

« L’air, la terre et les rivières
Ont besoin de révolutionnaires »
– Slogan entendu en manif

« Manif zéro-déchet : police dehors! »
– Slogan entendu en manif

Le vendredi 27 septembre à Montréal, entre 300 000 et 500 000 personnes étaient présentes à la marche pour le climat, des anarchistes et d’autres radicaux ont décidé d’y participer aussi. Au milieu d’un citoyennisme de masse et son défilé discipliné du Mont Royal au Vieux Port, il était difficile de faire changer le ton vers un affrontement réel avec les systèmes du pouvoir et les institutions qui rendent la planète inhabitable. Néanmoins, des milliers de copies de Vers un mouvement écologique révolutionnaire et de Climat de révolte ont été distribués, les deux argumentaient contre le réformisme, et le dernier donnait un lien vers une cartographie des points faibles de l’économie extractiviste canadienne. Puis, dans le contingent antiraciste et anticapitaliste, il y a eu des lueurres d’espoir d’une lutte pour le climat qui ne se contente pas de demander une solution imposée par le gouvernement, mais qui s’oppose aux opérations coloniales, capitalistes, et de suprématie blanche, des quelles dépendent l’écocide.

Plusieurs centaines de personnes ont répondu à l’appel pour un contingent antiraciste et anticapitaliste qui invitait les gens à se masquer et à étendre la lutte vers des perspectives libertaires. On a aussi entendu dire que beaucoup de gens qui essayaient de rejoindre le contingent n’y parvenaient pas, en raison de la grandeur et la densité de la foule. Tôt dans la journée, il était très difficile de se déplacer dans la foule dense, en particulier pour un groupe ou des gens tenant une bannière. Sachant qu’on était entouré de centaines de milliers de personnes, le sentiment semblait plus apocalyptique que libératoire. Après une heure interminable à attendre que la manif parte, le contingent a décidé de se séparer vers l’est sur l’avenue des Pins. Près de mille personnes ont décidé de se joindre à cette rupture (les flics ont averti les manifestants de ne pas se joindre aux antifas).

D’un pas plus determiné, avec des drapeaux noirs, des fumigènes vertes, et de la musique, des bannières et des slogans de qualité, nous avions l’impression de pouvoir respirer à nouveau. Les gens se sont mis à arracher des pancartes électorales avec joie, et une banque TD a reçu des bombes de peinture verte. Au même moment, dans la manif principale, un individu courageux a lancé un oeuf au premier ministre Justin Trudeau, qui s’est fait huer durant tout son absurde photo-op #marchepourleclimat protégé par des tas de flics. Environ vingt minutes plus tard, des autobus d’anti-émeutes sont apparus derrière nous, en gardant leur distance, alors que nous rejoignions la manif principale au coin de Ste-Catherine et St-Laurent.

En marchant vers le sud sur St-Laurent, des graffitis « fuck le capitalisme » et « Miguel Peralta libertad », appelant à la liberté pour l’anarchiste autochtone prisonnier de l’état mexicain, ont embelli les murs. Sur le boulevard René-Lévesque, le contingent a pris le côté gauche de la rue alors que le reste de la manif se tenait à droite, séparés par une haute clôture au milieu. D’autres bombes de peinture ont frappé une banque HSBC. Peu de temps après, des gens les ont aussi utilisés pour redécorer les bureaux d’Immigration et Citoyenneté Canada, qui ont aussi été couverts de graffitis « migrant.es bienvenus », « fuck CBSA », et « queer and trans resistance » en or. Un communiqué publié le jour suivant a expliqué les liens entre les changements climatiques et le régime frontalier. Le contingent encourageait ces actions alors que ceux et celles de l’autre côté de la rue semblaient soit curieux ou s’en foutaient. On se demande ce qu’il serait arrivé si une attaque comme celle-ci en pleine journée se serait intensifiée.

Au lieu de s’attarder autour de la fin de manif sur Robert-Bourassa pour écouter des heures de discours, le contingent a divergé vers l’est vers le Square Victoria. Là, nous avons trouvé des gens en train d’occuper l’espace autour de la statue de la Reine Victoria avec plein de bouffe à donner gratuitement, une bannière lisant « Zone d’autonomie temporaire » drapée sur la statue, et des barrières de contrôle de foule détournées pour bloquer la rue traversant le square. C’était magnifique de pouvoir s’étendre dans le gazon après tant d’heures sur nos pieds, un écart apprécié avec nos expériences de fin de manif plus habituelles. Au cours de l’après-midi, la statue a été vandalisée un graffiti à la fois, les gens ont dansé autour d’un système de son, et une structure en bois a été construit dans la rue. Il y avait beaucoup de flics qui nous observaient, mais il n’a jamais paru probable qu’ils attaqueraient le rassemblement festif, étant donné qu’on était à un coin de rue d’où des dizaines de milliers de gens de la manif principale se rassemblaient toujours, et que notre impact perturbateur n’était forcément rien comparé à celui de la manif monstre.

Une manif de soir anticapitaliste avait été appelée pour 18h30 à Square Victoria. L’incendie de la structure en bois au milieu de la rue voulait donner le ton. Malheureusement, l’ambiance générale n’était pas forte. Les centaines de flics mobilisés pour la manif principale avaient pu se concentrer sur le square pendant des heures, attendant 18h30 quand ils s’attendaient à ce que la majorité de la foule soit parti. De plus, les gens se masquaient de manière inefficace, souvent avec des bandanas, ceux-ci souvent retirés autour du cou. Des pratiques de masquage laissant à désirer multiplient les risques quand les flics ont eu des heures pour établir la surveillance d’un point de rassemblement immobile. Ça affaiblit notre capacité d’agir et d’agir pendant de longues périodes dans la rue. La manif a duré trois minutes, un beau feu d’artifice et quelques roches ont atteint un groupe de flics à vélos, l’anti-émeute a fermé une station de métro en tirant du poivre de cayenne près du système de ventilation, et deux personnes ont été arrêtées.

Les questions d’où, quand et comment participer et intervenir dans les mobilisations de grève pour le climat méritent encore de la réflexion et de l’expérimentation. Toutefois, le 27 a démontré que les initiatives anticapitalistes et antiautoritaires pendant une grosse manif, à l’intérieur de celle-ci et en marges, ont quand même le potentiel de donner de nouvelles dimensions à la lutte. La possibilité de diverger et de rejoindre la manif principale de façon imprévisible brouille les calculs policiers relatifs à une attaque sur la manif. Un gros contingent clairement démarqué permet une séparation d’espace entre les tactiques combatives et les manifestant.es cherchant à participer avec moins de risque. Et l’immense nombre de gens dans la rue veut dire que plusieurs se font exposé.es directement à d’autres moyens de lutter au lieu de par le biais des images déformées médiatiques.

Plus de 3000 personnes à Chicoutimi contre le projet destructeur de GNL Québec (Énergie Saguenay)

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Oct 052019
 

Du Collectif Emma Goldman

Le 27 septembre, nous étions plus de 3000 étudiant.e.s, retraité.e.s, enfants, travailleurs et travailleuses à marcher dans les rues du centre-ville de Chicoutimi pour dénoncer l’inaction environnementale des gouvernements et le projet destructeur de GNL Québec (Énergie Saguenay). Ce dernier consiste en la construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel à Grande-Anse et d’un gazoduc de 750 km.  Parallèlement dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, 3000 personnes ont pris part à la manifestation à Alma et des centaines d’individus ont marché à Saint-Félicien ainsi que dans le quartier Saint-Coeur-de-Marie (Alma). À Québec, c’est  25 000 personnes qui ont pris part à la manifestation et à Montréal une mobilisation d’une ampleur historique au Canada a réuni près d’un demi-million de personnes. Sentant la pression, le premier sinistre du Québec, François Legault, a cru bon de tendre la main aux jeunes, pendant que sa vice-sinistre fait des appels au calme et agite des hommes de paille. Le sinistre de l’environnement parle d’un troisième lien-pont-tunnel « vert » pour  la ville de Québec et du préjugé favorable de son gouvernement au projet de gazoduc et d’usine de liquéfaction de gaz naturel. Dans ce dossier, le gouvernement affairiste de François Legault reprend les demi-vérités et les omissions volontaires du promoteur. Il affirme qu’hypothétiquement (en effet rien garantie que des usines au charbon vont fermer en Chine comme le laisse croire Énergie Saguenay) le projet de gazoduc réduira les gaz à effet de serre (GES) ailleurs dans le monde… Mais tout comme les promoteurs, François Legault omet de dire que ce projet produira des GES ici et ailleurs au Canada. Il faut aussi prendre en compte le péril mortel que la réalisation de ce projet fait peser sur la population menacée de bélugas.

 

« Comment osez-vous  ?» – Greta Thunberg

Évidemment, quelques politicien.ne.s opportunistes étaient présent.e.s aux différentes manifestations. À Chicoutimi, le candidat du Bloc québécois Mario Simard et le conseiller municipal de Chicoutimi, Simon-Olivier Côté, ont bien patiné et usé de la langue de bois politicienne lorsqu’ils ont été questionnés sur le projet de GNL.  « Je ne vois pas une opposition entre aller marcher et être pour ou contre les grands projets. Je ne suis pas en faveur ou en défaveur d’aucun projet. Ce que j’ai, c’est qu’on assure de respecter les normes et l’évaluation environnementales. » (lien) a déclaré le conseiller du district 8 et le king des stationnements du centre-ville de Chicoutimi.

En 1970, ce genre de propos aurait peut-être été préférable aux commentaires de l’ancien candidat du Parti libéral du Canada, maintenant passé chez les conservateurs, et conseiller municipal de Saguenay, Marc  Pettersen. Mais nous ne sommes plus là. Il y a une urgence climatique.

« Si nous ne changeons pas d’orientation d’ici 2020, nous risquons […] des conséquences désastreuses pour les humains et les systèmes naturels qui nous soutiennent.»  a déclaré Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies. Notre époque oblige, pour le bien du plus grand nombre, que notre société délaisse les énergies fossiles et entame une nécessaire décroissance économique. Que notre économie soit basée sur la satisfaction des besoins individuels et collectifs réels, orientée vers le maintien dans la durée et selon les ressources existantes.

Des membres et des ami.e.s du Collectif anarchiste Emma Goldman ont profité de l’occasion pour distribuer des dizaines de copies du  journal Cause Commune express no 31 (lien)