Montréal Contre-information
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Fév 142015
 

Le 14 février un événement va avoir lieu dans le Museo de la memoria indómita avec pour objectif de récolter de l’argent pour les prisonnier-es politiques et anarchistes. Étant en prison, l’information que nous avons sur cet événement est minime. Nous ne savons pas qui l’organise, mais nous savons que nos noms apparaissent sur la liste des prisonnier-es pour lesquel-les il est prévu.

Nous souhaiterions expliquer qu’il nous semble étrange que des personnes que nous ne connaissons pas et avec lesquelles nous n’avons pas d’affinités utilisent nos noms sans nous prévenir. Ce n’est pas parce que nous sommes en prison que nous n’avons pas de voix. Ces cérémonies de solidarité où sont mélangé-es tou-tes les prisonnier-es nous font penser à une récupération aveugle de personnes emprisonné-es. Qu’elles soient “Politiques” ou “Anarchistes”. Depuis le début, nous sommes restées fermes sur nos positions et dans nos ruptures. Il nous semble très bizarre de voir nos noms à côté de ceux de Brian Reyes, Jacqueline Santana [1] et de Jamspa [2] dans un évènement public de solidarité. Leur intention est peut-être de construire des relations entre différentes bandes. Nous le comprenons, mais nous savons aussi que cette absence de relations a des raisons. Certaines méthodes et intentions sont bien différentes et il y a des ruptures probablement irréconciliables.

Pour nous, le sentiment d’affinité est primordial dans la lutte que nous menons. Nous ne nous considérons pas comme des « Prisonnier-es Politiques » et n’attaquons pas les institutions du pouvoir afin d’améliorer cette société.

D’ailleurs, à l’intérieur de la prison nous avons des relations avec toute sorte de personnes, avec lesquelles nous ne partageons pas nécessairement des “affinités de lutte”. Des personnes qui ne s’occupent pas de “politique”, qui pour la plupart croient en dieu, et qui n’ont jamais été à l’école. Avec elles nous construisons aussi des forces et nous vivons de multiples moments de subversion de l’ordre existant. Il serait ridicule de nous organiser uniquement avec celles et ceux qui se revendiquent “Prisonnier-es Politiques”. La majorité des prisonnier-es politiques ne nous sont pas sympathiques et de fait la plupart des anarchistes non plus. L’histoire drôle, c’est de partir de là, avec l’énergie qu’il y a. Si nous faisons rupture avec le groupe qui organise cet événement, cela ne signifie pas que nous coupons avec tout le monde. Nous faisons rupture avec ceux qui se revendiquent de tendance autoritaire, partidaire ou gauchiste. De plus nous avons appris que l’événement va avoir lieu dans le Museo de la memoria indómita, Institution d’État.

Nous ne souhaitons pas de médiation avec l’État.

Ceci dit, nous n’avons d’affinités avec aucune des personnes mentionnées -sauf Carlos-, pas plus qu’avec celles qui organisent l’événement. Elles ne prennent pas en considération les ruptures existantes, mais ne font que reproduire le “prisonniérisme”. Nous ne voulons pas être récupéré-es. Qu’ils fassent leurs événements de solidarité, mais sans nos noms. Ceux qui nous soutiennent savent pourquoi et ont des affinités avec nous.

La meilleure Solidarité est toujours l’Attaque.
Pour la Destruction Totale de l’Existant.
Feu à la Civilisation.
Jusqu’à l’infini et au delà.

Fallon et Amelie
Reclusorio de Santa Marta, México DF.

[Traduit de l’espagnol de contrainfo par brèves du désordre, 15 February 2015.)

P.-S.

[On notera qu’à Paris également, un « repas solidaire » mêlant tout le monde (« prisonniers adhérents à la sexta zapatiste, les anarchistes incarcéré-e-s à Mexico et les étudiant-e-s arrêté-e-s suite aux dernières manifestations pour Ayotzinapa – Mexique ») est organisé le 28 février (au CICP), sachant qu’une partie de l’argent ira « aux comités locaux de soutien aux prisonnier-e-s de la sexta ».]
Notes

[1] Etudiants arrêtés suite aux manifestations pour les 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa.

[2] Jesse Alejandro Montaño Sánchez, dit Jamspa sur les médias sociaux, a été condamné à 7 ans et 7 mois de prison le 12 janvier 2015 pour « outrages à l’autorité ». Le 12 juin 2014, il avait exhibé du haut d’une structure métallique qui accueillait un écran géant lors d’un match du mondial de foot, une pancarte exigeant la liberté des prisonniers politiques & Fifa go home. C’est un activiste qui crée des coups médiatiques en escaladant depuis 2012 des structures et monuments afin d’exhiber devant les caméras des « messages politiques ».

Fév 142015
 

De les médias de masse

MONTRÉAL – Un bâtiment abritant le bureau du ministre de l’Environnement a été vandalisé, tôt vendredi matin, dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, à Montréal.

C’est lorsqu’il est entré au travail, vers 6 h 30, que le concierge de l’édifice a constaté les méfaits commis au 3750 du boulevard Crémazie est.

«Une banderole avait été apposée sur la devanture de l’édifice et un produit noir, qui a une texture semblable à celle du goudron, avait été répandu sur la porte et sur la vitrine», a indiqué l’agent Louis Héroux du Service de police de la Ville de Montréal. Comme la substance a été relativement facile à nettoyer, il ne s’agissait finalement pas de goudron, selon les autorités.

Des techniciens en identité judiciaire se sont rendus sur place pour examiner la scène et relever des éléments de preuve. Le SPVM n’avait identifié aucun suspect vers la fin de l’avant-midi.

Malgré la forte présence policière à l’entrée du bâtiment, les employés du bureau de circonscription du ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel, étaient en poste, vendredi matin, a indiqué son cabinet.

Les vandales ont agi au lendemain du rassemblement citoyen organisé par le collectif «Refusons l’austérité», qui avait convié plus de 1000 personnes devant l’Assemblée nationale, jeudi après-midi, pour dénoncer les politiques d’austérité du gouvernement libéral. Les participants avaient promis des perturbations économiques afin de faire réagir le premier ministre Philippe Couillard.

Le ministre Heurtel n’a pas été en mesure de prendre connaissance des méfaits perpétrés à son bureau de conté vendredi matin, puisqu’il était à la conférence scientifique Futurearth sur les changements climatiques, à Montréal.

Sans toutefois établir de lien avec le rassemblement contre l’austérité de jeudi, il a tenu à réagir. «Peu importe qui est responsable, le ministre dénonce tout acte de vandalisme, dont celui-là», a indiqué Guillaume Bérubé, l’attaché de presse de David Heurtel.

L’édifice, qui est situé entre les boulevards Pie IX et Saint-Michel, héberge également le Centre local d’emploi (CLE) de Saint-Michel ainsi qu’un centre d’éducation des adultes de la commission scolaire de Montréal.

Jan 092015
 

Il s’agit d’un mois pour réfléchir à la question des prisons comme méthode de répression et de contrôle social. L’idée est de faire de l’éducation populaire et de sensibiliser les gens à cette méthode oppressive, patriarcale, colonialiste, raciste et capitaliste. Tout en essayant de réfléchir collectivement à comment ça devrait être dans un monde libertaire et anti-oppression.

Il est important de noter que nous sommes un groupe autonome, indépendant et qu’en aucun cas nous laisseront de côté cette autonomie que ce soit pour recevoir des subventions ou pour créer des collaborations. Nous sommes tou.tes des militant.es provenant de divers milieux se réunissant dans ce projet avec un but commun : réfléchir à la prison dans une perspective abolitionniste et libertaire. Nous sommes d’ancien.ne.s détenu.es politiques, des proches de (ancien.ne.s) détenu.es et des camarades solidaires. Nous souhaitons lancé la réflexion dans les milieux militants (particulièrement dans le milieu francophone) car nous considérons qu’il s’agit d’un thème trop peu abordé mais très important, surtout avec le contexte de surjudiciarisation post-G20 et de la grève étudiante de 2012.

En ce qui à trait aux activités proposées, elles visent à faire réfléchir sur la question des prisons comme méthode de répression et de contrôle social. L’idée est de faire de l’éducation populaire et de sensibiliser les gens à cette méthode oppressive, patriarcale, colonialiste, raciste et classiste utilisé par l’État pour contrôler le peuple. Tout en essayant de réfléchir collectivement aux alternatives possibles dans une perspective de liberté, anti-oppressive et d’égalité. L’idée étant de faire des activités entre le 8 janvier et le 8 février 2015, à question de deux activités les soirs de semaine et une durant la fin de semaine. Le mois se terminerait par une dernière journée complète d’activités et de pannel.

Déc 222014
 

Ces temps-ci il y a une forte tension à des endroits du pays, le mécontentement que ressentent des individus et des groupes contre l’État-Capital s’étend, créant ainsi un contexte idéal pour continuer nos luttes pour la liberté totale. Nous vivons dans une soi-disant « démocratie », dans laquelle ses représentants redoublent d’efforts pour consolider une « paix sociale » inexistante, qui dans la pratique n’est rien de plus qu’un plus grand contrôle et pouvoir sur nos vies. Mais ce même contrôle est ce qui génère la haine et la rancœur qui tôt ou tard exploseront en révoltes.

Nous pouvons voir que nous sommes face à un gouvernement qui s’est senti vulnérable et à qui ça fait mal de se voir momentanément dépassé face à l’action de ceux et celles qui combattent son oppression, et que l’idée que le conflit puisse se généraliser pour laisser place à une insurrection sociale le remplit de terreur.

À travers le pays il y a des dizaines de meurtres et d’injustices, de cas isolés qui ne reçoivent pas le soutien médiatique ni la force sociale pour provoquer l’indignation qui ouvre le conflit, ce qui nous laisse penser que nous continuons de préférer le spectaculaire et quantitatif. Le conflit le plus récent dans ce sens là c’est l’affaire d’Ayotzinapa, qui a provoqué toute une série d’émeutes qui ont eu lieu à différents endroits du pays suite à la disparition de 43 étudiants. Disparition commanditée depuis les sphères du pouvoir local, ce qui nous prouve que la guerre sale n’appartient pas qu’au passé, mais qu’elle est toujours une pratique courante comme le montre le Chiapas, Atenco, Oaxaca.

Des tas d’informations sont diffusées chaque jour sur l’abus d’Ayotzinapa où l’on spécule au sujet du destin incertain de ces jeunes. Ainsi pour le moment tout ce que je peux dire c’est que la disparition des 43 étudiants a lieu dans un contexte compliqué dans lequel interviennent des facteurs qui contribuent à ce que la situation soit ce qu’elle est : disputes entre cartels de la drogue présents sur la zone pour le contrôle du trafic d’opium et de cannabis, qui voient dans le trafic de drogue un moyen pour obtenir non seulement des armes et de l’argent, mais aussi du pouvoir et du prestige pour réaliser leurs objectifs.
En mélangeant cela avec le thème de la politique, car comme on le sait, les représentants de la démocratie trament avec les mafias pour agrandir leur pouvoir politique et économique, devenant ainsi un narco-gouvernement. En plus de la présence historique de groupes politico-militaires qui ont une base sociale dans cette région.

Nous, individus opposés à toute forme d’autorité, nous ne pouvons accepter aucun pouvoir ni visible ni de facto, ainsi nous refusons catégoriquement toute sorte d’assassinat ou disparition pour des raisons politiques ou d’intérêts mafieux.

La disparition des 43 étudiants a eu beaucoup d’échos au sein de l’opinion publique et dans les médias de masse, devenant le mouvement « Nous sommes tous Ayotzinapa » et déchaînant une vague de manifestations, rassemblements avec discours émouvants, critiques sur internet des institutions de l’État pour son « inefficacité », de groupes citoyennistes demandant la démission du fasciste Peña Nieto ; des familles et amis exigeant la présentation de leurs proches vivants et menant une grande partie de la lutte sur le terrain de la légalité, mais aussi à travers des formes violentes, surtout à Guerrero et dans le District Fédéral.

Personnellement je me solidarise avec la douleur que les familles des disparus doivent ressentir sans aucun doute, car la situation qu’ils traversent n’a rien de facile, et qu’ils réclament justice aux autorités me semble évident lorsqu’on n’a pas une posture acrate. Et si je comprends, même si je ne le partage pas, que la majorité du mouvement préfère manifester de façon pacifique et non violente, ce que je ne peux pas accepter c’est que ce même mouvement, ou une partie, signale et dénonce des compagnons qui décident de participer par des méthodes illégalistes.

De mon point de vue anarchiste, je considère que le pacifisme est une lutte facilement récupérable par l’État, en plus d’être opposée à nos principes. Nous ne voulons mettre personne en prison, car nous luttons pour la destruction des prisons, car nous les considérons inutiles. Pour l’anarchiste, se mouvoir dans cette société ne nécessite aucun accomplissement, car c’est plutôt une tension constante que nous cherchons à étendre à tous les domaines de nos vies, c’est pour ça que nous devons être prudents avec nos prises de position et savoir mener une lutte à côté de ceux qui se rebellent mais sans abandonner nos convictions, sans chercher à être acceptés ni agréables, et encore moins à chercher de la reconnaissance.

Par exemple, nous soutenons la révolte qui a surgi à l’occasion d’Ayotzinapa mais nous ne tomberons pas dans des méthodes et formes qui nous sont étrangères afin d’être happés par le courant. Nous ne sommes pas tous Ayotzinapa. Nous participons pour intensifier le conflit sans pour autant porter l’étendard d’un mouvement qui ne nous représente pas. Je rejoins le compagnon Mario López “Tripa” sur le fait que notre lutte n’est pas pour obtenir des améliorations ni pour rendre le gouvernement plus juste, nous ne concevons aucun mauvais ou bon gouvernement, nous ne cherchons pas à développer nos luttes afin qu’elles soient « cools ». Nous cherchons plutôt une rupture totale, à couteaux tirés avec toute manifestation de pouvoir, d’où qu’elle vienne, une rupture jusqu’aux dernières conséquences.

Nous ne cherchons pas à réclamer quoi que ce soit, à qui que ce soit, mais seulement profiter des conditions pour continuer nos luttes, vu qu’à chaque coup assené au pouvoir nous devenons plus libres. Nous croyons fermement que les attaques solidaires sont la meilleure forme de montrer notre soutien. Nous ne croyons pas aux conjonctures pour prouver notre solidarité, mais nous voulons et nous nous efforçons de mener en pratique l’insurrection quotidienne et sociale.

Être prisonnier est souvent dur, en plus de réduire significativement la quantité d’informations que l’on reçoit sur les événements de l’extérieur, mais ça n’empêche pas que nous puissions émettre des avis, malgré le sentiment d’impuissance que l’on ressent car on ne peut pas soutenir côte à côte les compagnons. Lorsque nous voyons que les conditions sont là pour réaliser cette insurrection à laquelle je me réfère, bien sûr le moment que beaucoup d’anarchistes disent attendre, comme le revendique l’anarchisme de synthèse ou ces « révolutionnaires anti-système » qui se vantent de chercher un monde meilleur, eh bien dans ces moments-là ils ne peuvent pas trouver de prétexte pour sortir de cette attente éternelle et bondir de la zone de commodité qui se justifie d’elle-même.

Ce dont il s’agit maintenant c’est de perpétuer la tension et de ne pas permettre que le feu libérateur ne s’éteigne. Nous devons continuer d’avancer, pas seulement en levant le poing et la voix, mais en lançant tout son corps et sa volonté, en sachant que s’il n’y a pas une foule ou des compagnons pour agir, nous avons la courageuse option de continuer par des attaques avec la complicité de la nuit et l’anonymat, avec des engins artisanaux et simples mais efficaces, et les objectifs c’est pas ça qui manque.

Cependant, l’orgueil et le capitalisme sont souvent des facteurs qui dénaturent ce qu’est la solidarité, en la prenant pour des actions banales comme faire une partie de foot ou des concerts, cherchant à apparaître sur la photo et être connu pour un bref instant, ou bien à ressentir un grand courage momentané après avoir écouté un artiste ou un intellectuel tenir un discours bon marché et applaudir frénétiquement pour ensuite rentrer à la maison et continuer de mener sa vie routinière. Ou ceux qui affichent leur soutien en achetant un tee-shirt avec un petit texte, sans comprendre qu’avec ça au lieu de soutenir la lutte on ne fait que soutenir l’industrie capitaliste. Et il y aurait encore d’autres exemples à citer .. mais ça, ça ne se passe pas parmi les anarchistes … ou si ? Il est clair pour moi que l’insurrection doit être sociale, du côté des gens, même avec différentes idéologies, étant donné que la lutte doit être généralisée et chercher une satisfaction individuelle, mais ça ne veut pas dire que nous soyons en recherche d’alliance, car comme le dit bien Bonanno : « nous, anarchistes, sommes étrangers à tout type d’alliances ». Je considère cette union juste momentanée et dans le but d’amplifier le conflit et pas seulement d’écorner l’État, mais de le détruire totalement. C’est la raison de mon désaccord avec les alliances, car elles sont souvent impossibles vu les divergences de principes.

Un exemple de ces divergences c’est l’EZLN, où l’on voit une contradiction évidente, car tout un tas d’anarchistes, ou anarcho-zapatistes, de posture soi-disant anti-autoritaire, soutiennent et s’identifient avec cette armée, de tendance communiste et de structure autoritaire. Ces anarcho-zapatistes deviennent influencés par des slogans comme « gouverner en obéissant ». Soit, mais nous, nous disons que le fait de gouverner entraîne forcément du pouvoir, et par conséquent il y aura toujours quelqu’un qui devra obéir, même si les cadres zapatistes s’entêtent à dire que « c’est le peuple qui gouverne et le gouvernement qui obéit ». Bien sûr que je ne nie pas et n’ignore pas la lutte qui a eu lieu en 1994 entre l’EZLN et l’État, gagnant des centaines de sympathisants dans le monde pour leur cause. Et même certains anarchistes ont été séduits par la « Sixième déclaration de la forêt Lacandone », mais le désenchantement n’a pas tardé à pointer lorsque nous nous sommes rendu compte que leur pratique autoritaire persistait, bien que soi-disant libertaires.

N’importe quelle armée, aussi révolutionnaire qu’elle veuille bien se dire, y compris des armées noires qui se disent soi-disant anarchistes, aura toujours des bases autoritaires (maoïstes ou marxistes léninistes) qui sont contraires à l’anarchisme et donc je considère que c’est superflu et stérile de chercher ces alliances. Cela nous parait nécessaire de prendre ses distances avec le gauchisme qui cherche à renverser le pouvoir uniquement pour en imposer un autre après, théorie classique marxiste-léniniste.

Pour conclure nous ne voulons pas oublier de rappeler que dans la conjoncture actuelle plusieurs groupes ont réalisé des actions, des anarchistes, des groupes politiques et citoyennistes et même des guérillas ont contribué séparément au conflit et comme toujours, il y en a qui cherchent à en tirer profit, comme c’est le cas d’une guérilla qui s’est donné comme objectif de recruter, même parmi les anarchistes, pour agrandir son cercle guerrier. Ils promettent des entraînements en stratégie militaire, logiques d’attaque, et maniement d’armes. C’est inquiétant que certains anarchistes se laissent séduire et consentent à participer, allant ainsi à l’opposé des convictions, ou c’est peut-être par manque d’information. Les guérillas sont des avant-gardes spécialistes qui ont accepté volontairement la clandestinité comme mode d’action.

Nous devons bien garder à l’esprit que la spécialisation n’est pas du tout nécessaire, car nous ne sommes pas des professionnels et nous ne cherchons pas à l’être. Nous nous contentons d’attaques simples et permanentes en faisant le nécessaire pour rendre la lutte efficace, car la fin ne justifie pas les moyens et jamais nous ne devons perdre la cohérence entre qui nous sommes et comment et pourquoi nous agissons.

Carlos López “Chivo”

[Traduit de l’espagnol par non-fides de la CNA du Mexique]

Déc 152014
 

lundimatin

La nature et l’enchaînement des évènements qui se sont produits ces deux dernières semaines dans la baie de San Francisco sont inédits. On peut parler d’une révolte. Celle-ci s’inscrit dans le cadre du mouvement national grandissant déclenché par les émeutes de Ferguson suite à l’exécution par la police de Michael Brown ; mais elle est à placer aussi dans la continuité des luttes qui se sont développées depuis 2009 à Oakland à la suite de la mort d’Oscar Grant.

Pour dire l’ampleur de ce qui s’est déroulé depuis le rendu du grand jury à Ferguson, il ne nous est simplement plus possible de faire le décompte des autoroutes bloquées, des magasins pillés et des affrontements avec la police. Ce genre de chose arrive désormais quasiment toutes les nuits depuis plus de deux semaines. Environ 600 personnes ont été arrêtées, de nombreux quartiers d’affaires de l’Est de la baie ont leur façades recouvertes de planches et on s’est désormais habitué au survol constant des hélicoptères de police et de télévision qui chaque nuit traquent une potentielle nouvelle émeute. Des forces de police militarisées venues du nord de la Californie sont désormais régulièrement déployées dans nos rues. Oakland, Berkeley, San Francisco, et Emeryville ont toutes connues des affrontements et des pillages.

Beaucoup d’entre nous avons connu les différentes luttes de cette dernière décennie à Oakland et dans la baie de San Francisco. Mais ce qui se passe en ce moment est différent. Bien que les rassemblements ne soient pas massifs – entre 500 et 1500 personnes en moyenne chaque nuit – la consistance et le niveau d’intensité de ce mouvement n’a pas de précédent depuis des décennies.

Tout se déroule hors du contrôle d’une quelconque organisation ou parti politique. Au point qu’il n’y a même plus d’appel particulier pour telle manifestation ou tel rassemblement : les gens des quartiers, les étudiants, les activistes et les militants se retrouvent chaque nuit, de leur propre (et chaotique) initiative. Une alliance informelle de bandes de taggeurs, de bandes de potes essentiellement noirs et latinos, d’anarchistes de diverses sortes a émergé et compose la tendance la plus vibrante et combattive au sein du soulèvement. Ceux qui viennent pour suggérer que l’énergie de la foule pourrait être utilisée à meilleur escient sont écoutés et parfois leurs propositions sont mises en œuvre. Ceux qui tentent de calmer et de gérer la situation sont ignorés et souvent attaqués lorsqu’ils essaient d’empêcher les actions des autres.

Voici la chronologie des évènements de ces deux dernières semaines :

24 novembre : À Ferguson, un grand jury refuse de poursuivre l’officier Darren Wilson pour avoir tiré sur Michael Brown. Ferguson s’embrase. Plus de 2500 personnes se retrouvent dans le centre ville d’Oakland et vont bloquer l’autoroute 580 pendant plusieurs heures. La foule repart alors vers le centre ville afin de rejoindre le commissariat. Des affrontements éclatent sur Broadway. Les manifestants érigents des barricades, les enflamment et pillent plusieurs magasins de grandes chaines. Des dizaines de personnes sont arrêtées.

25 Novembre : Un petite manifestation bloque l’autoroute 880 à Oakland. Plus tard dans la nuit, une manifestation plus importante se rend sur l’autoroute 580, une centaine de personnes sont arrêtées. Le reste de la foule érige d’énormes barricades enflammées sur Telegraph Avenue afin de tenir la police à distance. Dans le nord d’Oakland de nombreux magasins de grandes chaines sont pillés, et les vitrines des magasins symboles de la gentrification sont défoncées. Une autre arrestation de masse a lieu près de Emeryville en fin de nuit.

26 Novembre : Dans le centre ville et dans l’ouest d’Oakland, une manifestation offensive joue pendant plusieurs heures au chat et à la souris avec la police avant d’être dispersée. De nombreux commerces du centre ville sont dégradés, et il y a de nouvelles interpellations.

28 Novembre : Une action de désobéissance civile coordonnée bloque la station de metro de West Oakland. Tout le trafic qui permet de sortir ou de rentrer à San Francisco est suspendu pendant plus de deux heures. Cette nuit là, à San Francisco, un millier de manifestants assiègent le quartier commerçant de Union Square pendant le Black Friday. Des affrontements ont lieu avec la police et les magasins de luxe sont attaqués. La marche se poursuit jusqu’au quartier de Mission où des magasins sont pillés et des banques éclatées. La nuit se termine par l’arrestation en masse des derniers manifestants.

3 décembre : Un grand jury à New York refuse de poursuivre les policiers ayant étouffé Eric Garner. À San Francisco, la foule bloque Market Street. À Oakland, une manifestation serpente dans le centre ville, la police anti-émeute parvient à empêcher la foule d’atteindre le bâtiment central de la police. Les manifestants se replient pour rejoindre le quartier riche de Piedmont.

4 décembre : Une nouvelle manifestation se ballade dans le centre-ville d’Oakland puis se dirige vers le quartier de Fruitvale où une confrontation avec la police éclate. Nouvelle arrestation de masse. À San Francisco, un « die-in » bloque Market Street pour la seconde nuit consécutive.

5 décembre : Des centaines de personnes manifestent dans le centre ville d’Oakland. Un rassemblement a lieu devant la prison afin de soutenir les personnes arrêtées les jours précédents. La foule se remet en branle et va bloquer l’autoroute 880 avant d’être repoussée par la police. Puis la manifestation assiège la station de metro de West Oakland et détruit les portes qui protègent les policiers anti-émeutes retranchés à l’intérieur. La station reste fermée pendant une heure jusqu’à ce que la manifestation reparte en direction du centre ville où des dégradations, des affrontements et des arrestations ont lieu.

6 décembre : Une manifestation partie du campus de Berkeley s’affronte à la police à proximité du commissariat central. Plusieurs magasins sont pillés. La foule grandit au fur et à mesure que les étudiants prennent la rue. En retour, les différentes polices de la région se regroupent toutes dans le centre de Berkeley et attaquent violemment la manifestation comme les passants. Il y a de nombreux blessés graves.

7 décembre : Le dimanche soir, une nouvelle manifestation part de Berkeley et rejoint le nord de Oakland. Des affrontements éclatent avec la police et plusieurs voitures de la police des autoroutes sont détruites. La foule bloque l’autoroute 24.
La police tente de dégager les manifestants à l’aide de flash-ball et de gaz lacrymogènes. Les gens répondent par des jets de pierre et de feux d’artifices avant de retourner dans le centre de Berkeley tout en détruisant les vitrines de banques et les distributeurs de billets automatiques. Des magasins de téléphones portables et d’informatique sont attaqués et un Whole Food est pillé. La foule termine la nuit autour de feux improvisés sur Telegraph Avenue. On débouchonne les bouteilles de champagne pillées. La police n’ose pas attaquer la foule mais quelques manifestants ciblés sont arrêtés.

8 décembre : La troisième manifestation de Berkeley est la plus importante. Plus de 2000 personnes vont bloquer l’autoroute 80. Le trafic est interrompu pendant deux heures alors qu’une autre partie de la manifestation bloque la voie ferrée qui longe l’autoroute. La foule tente de rejoindre le pont de la baie mais se fait repousser dans Emeryville où plus de 250 personnes sont arrêtées.

9 décembre : La quatrième manifestation de Berkeley rejoint une nouvelle fois Oakland et ferme l’autoroute 24 et la station de metro MacArthur. Des affrontements de plus en plus violents ont lieu avec la police des autoroutes affublée de tout son équipement anti-émeutes. La police tire sur la foule avec des balles en plastique et des « bean bag rounds ». De nombreuses personnes sont blessées et la foule finie par quitter l’autoroute. La manifestation repart à travers le centre ville d’Oakland puis rejoint Emeryville où de nombreux magasins de chaines sont pillés. La nuit se termine par de nouvelles arrestations qui dispersent la foule.

10 décembre : Des centaines de lycéens de Berkeley désertent les salles de classe et se rassemblent devant la mairie. Une cinquième manifestation, plus modeste, part de Berkeley, rejoint Oakland en pillant et attaquant de nombreux magasins. Des manifestants repèrent et dénoncent un policier infiltré. Il sort son arme de service et la pointe sur la foule tout en arrêtant un manifestant.

Le rythme des troubles a souvent changé de tempo ces 20 derniers jours mais ne montre aucun signe de retour au calme. Le mouvement est composé de différentes formes de résistances : des manifestations relativement calmes aux blocages d’autoroutes, des batailles de rues très violentes aux expropriations ciblées. Cela a rendu le mouvement souple et résistant à la fois. C’est ce qui a permis que jour après jour, de nouveaux participants très divers se retrouvent, et cela malgré des désaccords parfois forts sur les tactiques appropriées à la situation et un consensus assez minimal sur la direction que le mouvement doit prendre.
Il est difficile d’anticiper ce qu’il va se passer après. Et personne n’aurait prédit que cette révolte maintiendrait un tel niveau d’intensité pendant plus de deux semaines. Pour le moment, on peut imaginer que l’élan va continuer sous une forme ou une autre, au moins jusqu’à la semaine de Noël.

Les répercussions à long terme sont floues. A minima, il paraît certain que la période de suspension et de décomposition sociale de ces dernières années est bien terminée et que quelque chose de nouveau et d’acharné est en train de prendre forme. Nous pouvons aussi imaginer que la tactique de blocage des infrastructures majeures s’est répandu bien au-delà de ce qu’avait amorcé le blocage du port lors du mouvement Occupy. Au moins dix blocages d’autoroutes ont eu lieu dans la partie Est de la baie ces deux dernières semaines. Désormais, même les manifestants qui tiennent à s’identifier comme « pacifistes » sont favorables à cette pratique.

Aussi, le rythme régulier des manifestations combatives qui ont traversés les frontières des différentes municipalités ont poussé à bout l’organisation des forces de l’ordre. La police semble de plus en plus réticente à s’engager dans des affrontements avec la population. Les agents de police qui se retrouvent pris dans les batailles de rue battent en retraite beaucoup plus fréquemment. Les médias rapportent que ces deux premières semaines de manifestations ont coûté 1 360 000 dollars d’heures supplémentaires à la ville d’Oakland.
Évidemment, l’enchaînement soutenu des évènements a tout autant éprouvé les infrastructures de l’anti-répression qui se sont révélées être une force et un soutien vital au mouvement dans son ensemble. Il est intéressant de noter que celles-ci sont un des héritages qui a perduré depuis les premières arrestations lors des émeutes de 2009 suite à la mort d’Oscar Grant. Des arrestations ont encore lieu tous les soirs, des présentations devant le juge tous les jours, des transports doivent être coordonnés quotidiennement vers la prison de Santa Rita et il y a besoin d’énormément de soutien financier pour pouvoir payer les cautions des personnes inculpées. La manière dont va se poursuivre la solidarité et le soutien matériel pour les personnes arrêtées devrait dire quelque chose de la force que le mouvement a accumulé pendant cette vague de soulèvement.

Si l’on regarde les rues d’Oakland en décembre 2014, on ne peut que voir le retour et la continuation de ce qui avait débuté il y a six ans exactement après qu’Oscar Grant a été abattu par l’officier de police Johannes Mehserle. Tout a commencé à la station de metro de Lake Merrit le 7 janvier lorsque la première voiture de police fut défoncée. Mais le mouvement a par la suite pris différents chemins et détours, à travers plusieurs vagues de contestation, qui ont souvent donné lieu à des émeutes et des affrontements avec la police autour du centre ville d’Oakland.
Des choses similaires se sont produites dans des lieux toujours plus nombreux, répondant systématiquement au dernier meurtre policier. Portland et Denver en 2010, Seattle et San Francisco en 2011, Atlanta et Anaheim en 2012, Santa Rosa, Flatbush et Durham en 2013, Salinas et Alburquerque en 2014. Dans chacune de ces villes, la nom d’un anonyme tué par l’État était arraché à l’oubli et gravé dans la mémoire collective par les actions de ceux qui ont choisi de se révolter.
Les braves de Ferguson ont été plus loin, en refusant obstinément de quitter la rue, nuit après nuit. Démontrant que ces révoltes peuvent s’étendre dans le temps et augmenter en intensité. La raison pour laquelle nous autres dans la baie de San Francisco nous trouvons dans une telle situation aujourd’hui, c’est tout simplement que nous ne sommes plus seuls. Une autre ville a établi un nouveau précédent dans la résistance face à l’État policier et raciste ; Oakland n’est plus un cas à part.

- Quelques antagonistes de Oakland, le 10 décembre 2014

Ce compte rendu est consultable ici dans sa version originale.

Déc 052014
 

Anti-dev

Cette nuit du 29 Novembre, on s’est faufilé dans le département d’ingénierie de l’Université McGill et avons bloqué les serrures du Aerospace Mechatronics Lab avec de la supercolle, comme geste minimal de solidarité avec les survivant-es de l’attaque de l’État Israélien cet été contre Gaza, dans laquelle 800 frappes de drones ont eu lieu au cours d’une période de 50 jours.

Des documents officiels obtenus d’un groupe du campus nommé «Demilitarize McGill» par une requête d’accès à l’information que le AML a reçu plus de 262000$ de l’Armée canadienne pour développer un logiciel pour un drone miniature, ou «robot de frappe» désigné pour la surveillance et la guerre en milieu urbain.

L’arrivée de cette technologie de drones a originellement offert au public inconscient l’épatante fantaisie d’une précision chirurgicale dans l’exercice de la force meurtrière, alors qu’on sait très bien qu’il existe un corpus significatif documentant le fait que les campagnes de drones des USAs et de l’Israël ont tué, blessé, et déplacé des milliers de non-combattants en Afghanista, au Pakistan, en Somalie, (en Libye) et dans les territoires occuppés.

Les frappes de drones sont aussi connues pour causer des souffrances considérables et inassumées dans les vies de gens ordinaires, en plus de morts et de blessé-es. Par exemple, les drones volent 24 heures par jour, 7 jours par semaine au-dessus de villages de zones tribales fédéralement administrées (FATA) du Nord Ouest du Pakistan, frappant maisons, véhicules et espaces publics sans avertissement. Leur présence inquiétante terrorise des populations entières, produisant un climat social de souffrance et d’horreur psychologique sans relâche. Femmes, hommes et petits enfants, dont les seules «activités terroristes» sont d’avoir été né-es du mauvais côté de la suprématie Blanche et du capitalisme impérialiste, sont forcé-es de vivre à l’ombre de ces robots assassins volants, en tentant de vivre des vies normales au sein du bourdonnement permanent de propulseurs au loin: un rappel constant de la surveillance à longueur de journée, et de la mort.

On a pris cette action, en partie, pour envoyer un message. Pas à l’Administration (à qui on a RIEN à dire, à part peut-être qu’ils aillent se faire foutre) mais plutôt à nos comparses subversif-ves; on sait que vous êtes là, dans le corps étudiant en général. Notre but est de créer une situation graduellement plus déplaisante pour l’Administration à travers une série d’actes anonymes de sabotage, desquels leur seule issue est de mettre un terme à leur projet en cours de développement d’armement pour les profits à l’Université McGill… et on vous invite à vous joindre à nous! Pour se joindre à l’AAI, tout ce que vous avez besoin est de simplement arriver avec votre propre plan et le mettre en action. Croyez-le ou non, c’est bien plus facile que vous le pensez et amusant aussi!

Apprends et mets en pratique une forte culture de sécurité. En organisant des actions, soyez conscient-es des caméras de sécurité, empreintes digitales et votre trace électronique. Travailles avec des gens à qui tu fais confiance et que vous connaissez bien ou bien travailles seul-e. Réfléchis et sois préparé-e aux possibles conséquences, et si tu travailles avec d’autres; gardes en tête que les gens viennent de différents milieux et ne pourraient pas être capables d’assumer le même niveau de risque… et c’est correct! Après cela, il y a virtuellement aucune limite d’avec quoi on peut s’en tirer.
Finalement, considérez utiliser de la peinture en pulvérisateur ou des crayons marqueurs pour tagger n’importe quelle surface sur les lieux de votre action avec l’acronyme AIA. Bien-sûr, ça ne va pas toujours être possible ou tactiquement expédient or c’est aux groupes et individus de faire cet appel pour eux-elles-mêmes. À toute instance, nous tenons cet acronyme comme ayant une importance particulière car, de cette façon, nos actions seront liées les unes aux autres, mobilisant le momentum en les plaçant dans un contexte plus global.

Les actions prennent du sens quand elles arrivent en relation avec chacunes, quand elles ne peuvent tomber dans l’isolation «d’incidents individuels». Des actions relativement innoffensives peuvent devenir politisées, et menaçantes en résultat du contexte dans lequel elles se réalisent et le discours par lequel elles sont communiquées.

Allez! Il y a plus de raison d’attendre, or organisons-nous dès aujourd’hui en un antagonisme fluide et mobile du genre à rendre les forces de sécurité de l’Administration impuissantes à nous contenir et contrôler. À partir de ce moment, le flux fluide et ininterrompu de de savoirs, capitaux et technologies ne sera plus pris pour acquis dans les environs, et l’establishment militaire va regretter le jour où il a décidé de mettre le pieds ou prendre forme sur notre campus.

L’université est en guerre; nous aussi.

AAI (Action Anti-Impérialiste)

Nov 232014
 

Depuis Anarchist News

Depuis quelques années, le quartier de St. Henri subit des changements importants: lors d’une promenade sur la rue Notre-Dame, des nouveaux restos gourmands, des magasins des vêtements de mode, des galeries d’art, et des «drinkeries» accueillant les residents des condos qui bordent le canal, et remplaçant des marchés aux puces et des magasins d’aubaines.

Bien que l’embourgoisement du quartier se fait par plus que des nouvelles entreprises et des belle vitrines, nous avons decidé de rendre notre degôut avec celle-ci en vandalisant deux entreprises exemplaires avec des extincteurs de feu remplis de peinture. L’un est le barbier Notorious, avec les patrons fiers de porter des ensembles de Versace, qui offre des services comme le rasage doré à $1000; l’autre est Campanelli, un magasin de mode haut-de-gamme et café bourg qui tient également un muraille de Louis Cyr, ancien flic et figure «héroique» dans l’histoire du quartier. Connu comme «strongman», il travaillait pour les services policiers afin de pacifier le Village des Tanneries, où se trouve Campanelli aujourd’hui. Cyr n’était pas capable d’imposer la loi et l’ordre, et a été battu et envoyé du quartier. Le choix de la part de Campanelli de glorifier cette figure est un indice de comment cette entreprise se voit dans le quartier, et est un exemple de la manière que l’histoire des quartiers populaires se déforment pour effacer tout trace de résistance et valoriser la conformité et la docilité. Nous espérons que l’avenir de Campanelli soit semblable à ce de Cyr: un échec.

Ces commerces, en tant que jouers actifs de la «revitalisation» du quartier, contribuent à repousser les pauvres et les travailleurs-euses précaires pour favoriser la venue de jeunes yuppis ayant des revenus considérables et qui sont toujours à la recherche de la nouvelle tendance-autant en terme de nourriture, de bière, de mode vestimentaire que de quartier. Incapables de débourser le prix du nouveau coût de la vie, subissant plus de harcèlement par la police qui contribue au projet de nettoyage des rues en repoussant les indésirables de plus en plus loin du centre-ville et des aires centrales, les travailleurs-euses précaires, les sans-emploi ou tout autres marginaux de la société se retrouvent toujours perdant-e-s dans ce processus de «revitalisation».

Nous percevons aussi cette action comme prenant part à la lutte contre le colonialisme et en solidarité avec l’autodétermination et la souveraineté autochtones. Alors que nous reconnaissons que notre lutte à Montréal, terre autochtone occupée, n’est comparable en aucun cas aux luttes autochtones dans sa forme ou son contenu, nous avons engagé cette action en solidarité avec celles et ceux qui luttent contre des projets exploitatifs chez eux, tels que la construction des gazéoducs et autres stratégies d’extraction de ressources naturels.

Nous pensons que l’une des meilleurs façons d’agir en solidarité est de lutter dans notre propre contexte contre des ennemis communs: les forces de répression et de déplacement de population, incluant le capital et la police. En ce sens, inspiré-e-s en partie des luttes contre des menaces du territoire et de l’eau qui se produisent sur des terres ayant déjà été volées aux peuples autochtones, des menaces qui pérpetuent un processus sans fin de colonisation et de génocide des peuples autochtones au Canada, nous avons attaqué des forces qui nous rendent aliéner de ce qui nous entourent et qui nous poussent hors des espaces dans lesquelles nous habitons.

quelques anarchistes

Nov 202014
 

Aujourd’hui ça fait plus de 10 mois que nous sommes en taule. Au cours des dernières semaines les deux sentences, fédérale et locale, ont été rendues. Le premier novembre le juge Manuel Muñoz Bastida, du huitième tribunal du Reclusorio Sud, a prononcé la sentence de 7 ans et demi de prison sous l’accusation “d’incendie de bâtiment public avec des personnes à l’intérieur”, ça c’est pour les dommages qu’il y a eu sur le “Secrétariat des Communications et des Transports du Mexique”. Les “gens à l’intérieur” ce sont les deux porcs fédéraux en charge de la sécurité du lieu. Ensuite, le 7 novembre, nous avons reçu la seconde sentence sous les accusations de la juridiction locale qui sont “atteinte à la propriété privée aggravé en bande” et “atteinte à la paix publique”. Ces accusations font référence à l’attaque contre le concessionnaire Nissan. Puisque nous avons été arrêté-e-s à l’angle du Secrétariat des Communications et des Transports et du lieu où nous avons brûlé les voitures. La juge Margarita Bastida Negrete du tribunal de la juridiction locale #18 du Reclusorio Orient a prononcé une sentence de deux et sept mois de prison, joignant les deux délits, et de cette façon les atteintes à la propriété privée deviennent des réparations de dommages et on reste avec le délit d’atteinte à la paix publique et la réparation des dommages qui s’élève à 108 000 pesos. Selon la loi, pour toutes les sentences de moins de 5 ans pour les primo-délinquants il y a droit à des aménagements. Dans notre cas, si nous payons l’amende de 43 000 pesos on sera immédiatement libéré-e-s ou bien nous pourrons sortir en payant 10 000 pesos de caution chacun et en pointant chaque mois au tribunal pendant les 2 ans et 7 mois.

Nous sommes en appel dans les deux procès parce que le parquet a fait appel pour la sentence de la juridiction locale et nous avons fait appel pour la sentence fédérale. D’ici 5 mois la justice rendra sa décision. En fait c’est la sentence fédérale qui nous retient en prison. Pour pouvoir sortir, la sentence fédérale doit être inférieure à 5 ans. Ainsi dans les prochains mois nous verrons s’il y a une possibilité de sortir de cet endroit.

On a été informées de la parution d’un article de Philippe Teisceira-Lessard dans le journal québécois “la Presse”, l’un des journaux les plus lus au Québec. Nous sommes énervées par la parution de cet article qui parle de notre affaire, qui cite en partie nos lettres publiques, et aussi que notre avocat a parlé avec le journaliste. Jamais nous n’avons demandé à un média de masse de parler de l’affaire, et nous n’autorisons pas notre avocat à communiquer des informations sur nous à des journalistes. Si nous avons quelque chose à dire nous préférons le faire nous-même. Les médias sont des ennemis au même titre que la police, les outils les plus puissants de contrôle social qui puissent exister jusqu’à maintenant. Ceci étant dit, que ce salopard de Philippe Lessard arrête de harceler nos familles et qu’il se mette bien dans la tête que nous n’avons pas besoin de ses articles pour parler de notre situation.

Ainsi on a toujours cette force dans le cœur, emmerdant la justice et l’État. Nous n’attendons rien de la justice même si nous avons très envie de sortir dans la rue. Force et courage à notre complice Carlos Lopez Marin (au Reclusorio Orient), au compa Luis-Fernando (Reclusorio Sud), à Fernando et Abraham (Reclusorio Nord). Un coucou aussi à Mario Gonzales, qui est aujourd’hui dans la rue et une grosse bise à Felicity, Tripa et à la sorcière.

Feu à la civilisation, guerre à la société.
Jusqu’à la liberté et même au delà !

Amelie
Fallon
Santa Martha

[Traduit de l’espagnol par Camotazo de Contrainfo.]

Nov 112014
 

de Avalanche

Ce qui suit est la transcription d’une conversation entre deux amis peu de temps après le soulèvement de Ferguson, Missouri. (+++) était là, et (***) n’y était pas, mais nous avons tous les deux participé à des soulèvements anti-policiers au cours des dernières années dans la West Coast et le Midwest. Nous publions ce texte dans le but d’explorer la complexité des événements récents aux Etats-Unis, mais aussi de contribuer aux discussions et attaques en cours contre l’ordre existant, partout.

*** L’expérience la plus intéressante faite par des rebelles dans la région de Bay Area au cours des dernières années a été d’établir Oscar Grant Plaza (la base d’Occupy Oakland aussi connu comme la Commune d’Oakland) comme une police-free zone à l’automne de 2011. La logistique de cette expérience était en fait assez simple : chaque fois que la police a tenté d’entrer dans le campement, une foule se rassemblait autour d’eux et les forçait à la quitter. Parfois, cela signifiait crier, tandis que d’autres fois c’était simplement une question d’informer les officiers qu’ils auraient une émeute sur les mains s’ils y pénétraient. Les gens du campement ont pris plusieurs mesures pour se défendre de la présence de la police. Matériellement, les communards stockaient du matos pour construire des barricades et des projectiles à utiliser contre toute présence policière indésirable. Ils se réappropriaient les barricades de police pour leurs propres besoins et construisaient les leurs. Ils ont arraché les pavés de la place pour qu’ils puissent être lancés contre les raids de la police. Culturellement, l’ambiance de police-free a été produite en favorisant l’hostilité envers la police, et à partir de la culture de résistance de rue contre eux. Lorsque le campement a été placé en état de siège, les flics et leurs commissariats ont été victimes d’une vague chaotique de représailles. Comme les manifestations et les émeutes contre la police finissent toujours par atteindre leurs limites avec le temps, nous nous sommes demandés comment maintenir ces suspensions de l’ordre plus longtemps que quelques jours. Une possibilité est que la culture des zones libérées de la police pourrait apporter une réponse à ce dilemme.

Si par le maintien d’une zone sans police, la Commune d’Oakland a offert une contribution à la lutte de tous ceux qui travaillent à créer des territoires contre la police – à rendre leurs maisons, quartiers et villes entièrement hostiles à l’occupation de la police – on pourrait faire valoir que le récent soulèvement à Ferguson a considérablement élargi cette expérience. Il semble que la révolte à Ferguson est sans précédent au cours des dernières années, ou même dans la vie de beaucoup de gens, en termes de durée mais aussi d’intensité de ce qui est arrivé. Il semble également que, tout comme à propos de la situation à Oakland, les gens de Ferguson ont réussi à aggrandir l’espace et à créer une zone sans police de façon plus combative que ce qui avait été fait auparavant.

+++ Je suis d’accord jusqu’à un certain point seulement. Je pense qu’il y a eut des pas en vue de la création d’un espace libéré, ou d’une zone autonome. En général, je pense que l’émeute est une situation où un espace est ouvert à l’abri de la police ou les lois de l’Etat. Ainsi, chaque nuit où il y avait des émeutes, restaient temporairement ouvertes ces zones sans lois et sans police. Ce qui a été différent des autres émeutes, était la persistance du caractère émeutier. Même après trois jours d’émeutes, les gens revendiquaient le QT brûlé comme pivot central de l’activité du soulèvement. Je pense que l’importance du QT a été qu’il a élargi l’autonomie et le désordre des émeutes de la nuit à la journée. Il serait malhonnête de dire que le désordre et le sentiment anti-police des émeutes a intégralement été transmit au QT. Il y eu des moments où des policiers de haut rang sont venus sur le parking pour faire des déclarations à la presse. Mais cela a au moins permis de créer un environnement qui leur était incroyablement hostile, et en général chaque fois qu’une patrouille ou un agent de bas rang était en vue, ils ont été attaqués ou dégagés de la zone. Il était évident pour la police comme pour les participants de la rébellion, que le QT était notre espace, pas l’espace de la police ou des capitalistes.

*** Il semble plus facile pour les gens qui n’étaient pas là de voir les choses les plus spectaculaires – le pillage, les incendies, les molotov -, mais malheureusement les efforts pour créer un espace sans police sont plus difficile à voir de loin pour les gens. Il semble évident que c’était vraiment central dans la férocité de ce qui se passait. Comment vous avez ressenti le fait d’être à la QT ? A quoi ressemblait cet espace ? Mais aussi, quels étaient des moyens plus spécifiques utilisés par les gens pour empêcher la police de venir là ou dans d’autres zones ?

+++ Eh bien, pour la plupart d’entre eux, le QT était ce lieu incroyablement festif et joyeux pendant la journée, où les gens faisaient des graffitis, apportaient des barbecues géants et distribuaient des centaines de hot-dogs ; tout le monde apportait de l’eau à partager, rien ne coûtait de l’argent, tout était gratuit. C’était devenu un centre culturel bizarre aussi. Il y avait des rappeurs, les gens qui font de la break dance, un step-crew des adolescent est venu. Il y avait une atmosphère de fête de rue joyeuse parfois. En même temps, des gens distribuaient des masques pour la nuit, partageant les histoires des nuits passées. A un moment, j’ai traîné avec un homme qui partageait des photos de toutes les chaussures qu’il avait pillé la nuit d’avant, et nous avons échangé des histoires. Les gens parlaient de ce qu’il faudrait faire s’ils envoyaient des gaz lacrymogène de cette direction, quoi faire si ils arrivaient de l’autre direction. Ainsi, en même temps qu’il y avait cette atmosphère festive et de célébration, c’était aussi clairement un espace où les gens formaient des stratégies et parlaient et s’engageaient. Comme c’était le point central de rassemblement, chaque jour où tu y retournais, tu commençais à voir des gens et à reconnaître des visages; peut-être certains auxquels tu avais parlé la nuit précédente ou avec lesquels tu t’étais engagé dans quelque chose, et que tu serais en mesure de revoir et de parler avec ; on commençait à établir des relations et à partager des idées. Ce fut vraiment excitant.

Dans la nuit la police finissait toujours par pousser les gens vers le QT, mais même si le QT était à moins d’un kilomètre de l’endroit où la plupart des affrontements se produisaient, ils n’étaient souvent capables de l’atteindre qu’après des heures et des heures de combats de rue. Ça leur prenait autant de temps parce qu’ils étaient terrifiés de venir dans la foule, en particulier de jour quand il y avait des milliers de personnes autour d’eux. La région de Saint-Louis a toute une histoire de policiers pris pour cibles, et la police était très consciente de ça. Les policiers savent que les gens sont armés et prêts à tirer. Dès le début du soulèvement, les rebelles l’ont posé très clairement : l’une des premières choses qui s’est passée après qu’ils aient assassiné Mike Brown a été des coups de feu en l’air. Et puis le dimanche, la première nuit d’émeute, les gens ont de nouveau tiré des coups de feu pendant le pillage. Je pense à une situation particulière où la police a essayé de pénétrer dans le coin, et les gens ont formé une ligne pour les affronter. Quand l’échauffourée s’est terminée, la police a lâchement gazé la foule et est partie. Il y a immédiatement eu des coups de feu en direction de la police tout au long de leur retraite. On pouvait entendre des coups de feu partout, et voir des gens sauter des voitures pour tirer ; tirer sur eux, tirer dans leur direction. Les gens ont appris qu’on n’a même pas besoin de tirer sur eux : le simple fait de tirer dans leur direction ou de leur faire savoir qu’on était armé était suffisant pour maintenir la police à distance. Les armes les tenaient ainsi à l’écart. C’est la première fois de ma vie que j’ai vu ce niveau d’action armée flagrante dans une émeute ou une manifestation, ou comment vous voulez appeler ce qui se passait là-bas.

Deuxièmement, l’autre chose que je n’avais jamais vu auparavant, spécifique à cette situation, était la culture de la voiture et la façon dont les voitures ont été utilisées de plusieurs manières pour emmerder la police, la bloquer ou juste l’entraver. West Florissant, la rue principale où toutes les émeutes, les pillages et les combats se passaient, est une autoroute à quatre voies. Et donc de haut en bas de la route, les gens y naviguaient avec d’innombrables voitures remplies de gens, de la musique tonitruante à fond, une demi-douzaine de gamins sur le capot, et en klaxonnant pendant que tout le monde hurlait. Cela a créé une situation où il était impossible pour la police de conduire au milieu de la foule ; la quantité de voitures était si dense. Et aussi le bruit général s’ajoutait à la folie de la situation, de sorte que c’était complètement dingue d’être là. C’était une situation qui était complètement incontrôlable, et ils ne savaient pas du tout quoi faire. S’ils venaient à pied, ils étaient attaqués; s’ils venaient en voiture, leurs voitures seraient vite coincées et ils seraient attaqués. Beaucoup d’armes étaient aussi planquées dans les voitures, les gens étaient donc mobiles et armés. Parfois, les voitures étaient elle-mêmes des armes. Une nuit, les voitures ont enfoncé les lignes de police. Les gens utilisent les voitures comme des barricades; tout le monde conduisait et garait les voitures dans les rues pour former des lignes derrière elles. Je me souviens d’un moment où deux jeunes filles ont garé leurs voitures capot à capot en bloquant les quatre voies de la circulation, et que de l’autre côté des voitures, face à la police, tout le monde avait des fusils. Les voitures ont été utilisées comme des barricades à partir desquelles tirer, comme moyen de rester mobile, comme des véhicules de parade, et en général de façon à semer la confusion et à intimider la police. Je pense donc vraiment que ces deux choses particulières à Ferguson, la culture des armes à feu et la culture de la voiture, ont contribué à créer et à préserver cette police-free zone autonome. Sans oublier le fait qu’il y avait des milliers de personnes qui y participaient.

*** J’ai l’impression, à partir de quelques comptes rendus, qu’il n’y avait pas seulement dans le QT où la police avait peur d’entrer. J’ai entendu dire qu’ils limitaient essentiellement leur activité à West Florissant, et qu’il y avait certaines rues et certains quartiers où ils n’entreraient pas.

+++ C’est totalement vrai. En particulier, le quartier où vivait Mike Brown, Canfield Appartements, à côté de Canfield Avenue. La police ne pénétrait pas dans cette rue. Les gens l’ont vite appris, mais l’ont aussi imposé. A la nuit tombée, lorsque la police chassait les gens de la rue principale, les gens reculaient d’un bloc ou d’un demi bloc, et c’était souvent à partir de là où ils tiraient sur la police. Quand les flics patrouillaient sur la rue principale, ils se faisaient tirer dessus à partir des rues latérales. Chaque fois qu’un policier s’aventurait dans les rues secondaires, les gens se repliaient un peu plus loin encore dans les quartiers, et s’il essayait de les suivre, il se faisait tirer dessus à partir des buissons, des maisons, des voitures. Les gens ont brûlé des ordures dans les rues afin qu’ils ne puissent pas entrer. C’est donc ce qui s’est répété nuit après nuit : les gens combattaient à West Florissant jusqu’à ce que la présence policière écrasante (y compris avec les gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc) les chassent de cette rue principale. Ensuite, soit ils se battaient pour garder la police hors des quartiers, soit ils attendaient que le gaz se disperse pour aller se battre à nouveau dans la rue.

*** En repensant au campement de la Commune d’Oakland, il est évident que la création d’un espace où la police ne pouvait pas entrer a été crucial pour cette lutte. Mais ce que je trouve encore plus merveilleux était que c’était plus qu’un simple zone défensive; c’est devenu une base où d’autres attaques pouvaient être menées. A plusieurs reprises, des manifestations ont pu partir du campement; et parce que les caméras des médias n’étaient pas autorisés à l’intérieur, c’était relativement sûr pour les personnes de changer de vêtements et de mettre des masques. Dans près d’une douzaine de cas au cours des premières semaines du campement, des bureaux et des véhicules de police à proximité ont été saccagés. Penses-tu que l’espace arraché à Ferguson, au QT et ailleurs, a contribué à diffuser des manoeuvres offensives, au-delà d’être un espace pour se rassembler et se défendre ?

+++ Je pense qu’il y avait un peu des deux. Il y avait des moments pendant la nuit où les gens pouvaient être là et s’organiser pour aller piller plus loin. Les gens auraient peutêtre pris l’initiative de le faire, même s’ils n’avaient pas été à Ferguson sur cette route, mais je pense vraiment qu’être là ensemble avec tout le monde a permis aux gens de commencer à agir collectivement. Nous étions là-bas une nuit et les gens ont commencé à scander « Walmart ! Walmart ! » et tout le monde a commencé à courir vers sa voiture, à faire des donuts, et à décoller. Walmart était à six kilomètres de l’endroit où les émeutes avaient lieu, et sans le contexte d’un endroit où les gens peuvent discuter de « oh nous devrions aller piller Walmart ! » et se sentir en sécurité et suffisamment à l’aise pour le faire, je ne pense pas que cela se serait passé. A certains égards, ça a permis ce type de diffusion. Mais, à d’autres égards, je pense que ça ne l’a pas fait, parce que les gens étaient si attachés à cet espace qu’ils avaient libéré (et ça sentait vraiment comme un espace libéré) que les gens ne pouvaient pas imaginer de le diffuser ou de le quitter. Les gens étaient tellement concentrés sur le QT et Canfield et West Florissant, qu’il semblait difficile d’imaginer les émeutes se propager à un autre endroit. Cet espace était devenu si important pour les gens, et pour cela aussi qu’ils étaient prêts à faire beaucoup pour le défendre. Donc, dans une certaine mesure ça a été utilisé comme un espace pour planifier des attaques ou des expropriations dans d’autres parties de la ville, mais la rébellion ne s’est jamais vraiment propagée bien au-delà de la zone centrale.

*** C’est une source d’inspiration que de t’entendre parler d’une partie de Ferguson comme d’un espace libéré, parce que c’est de la même façon que beaucoup d’entre nous considéraient le campement de la Commune d’Oakland. La première chose qui est arrivé quand nous avons pris la place a été de changer son nom en Oscar Grant Plaza, et c’était presque comme si une incantation avait été prononcée. Les choses semblaient différentes quand on y était. Beaucoup de gens ont parlé du fait qu’ils sentaient le temps différemment lorsqu’on était dans cet espace ; les préoccupations et les pressions de leurs relations et de leurs boulots et toutes les choses qui pèsent habituellement sur eux semblaient s’évanouir lorsque les gens entraient dans le campement. Je pense que plus de choses semblaient être possibles dans cet espace, et pour moi c’était quelque chose que je n’ai pas connu ailleurs – cette immense ouverture de possibilités et la capacité de parler aux gens d’une façon qui semblait auparavant impossible. Cela sent comme un monde entièrement différent, si loin d’une vie de travail et des responsabilités et des indignités. Dans un sens, c’est peut-être ce qui est en jeu dans la création d’espaces comme celui-ci : la création de lieux magiques où on peut découvrir de nouvelles choses sur nous-mêmes.

+++ Complètement. De beaucoup de façons, cela semblait similaire. Un des petits rôles que les anarchistes ont eu était d’insister sur un changement de nom pour le QT; les gens ont commencé à l’appeler Mike Brown Plaza, comme une sorte de réminiscence du mouvement d’occupation. Il était clair que nous n’avions pas reçu le droit de nous réunir, de manifester ou d’autre chose. Tout le monde savait que nous ne pouvions faire ce que nous faisions parce que nous l’avions pris. Et à cause de cette connaissance que nous avions pris le pouvoir des mains de la police, du maire et du gouverneur, l’espace est devenu incroyablement important pour les gens. Donc oui, une chose semblable est arrivée. Le temps n’avait plus de sens. D’une certaine manière vous étiez là et tout d’un coup huit heures avaient disparu. Je me souviens d’une nuit, nous étions tous à traîner, il y avait eu beaucoup de pillages, le magasin d’alcool était en feu et nous étions tous assis autour en train de le regarder brûler, et cet homme dit : « fuck, quelle heure est-il !? Je dois aller travailler demain. » Notre amie riait parce qu’elle devait aussi aller travailler le matin et elle a demandé, « vous voulez vraiment savoir » et il a répondu « non, fuck that ; on s’en fout du temps. Nique le travail, ça n’a pas d’importance. » Et il est reparti faire la fête. Donc oui, les choses ont changé, et comme tu l’as dit, la capacité de parler aux gens a vraiment changé. Saint-Louis est un endroit où la ségrégation est incroyablement forte, où la tension raciale est réelle et viscérale, mais là la pression est redescendue. Les gens pouvaient voir qui était là. Les gens pouvaient voir, oh tu es ici, je suis là aussi, c’est une chose que nous partageons en commun et qui peut nous lier. Cela était particulièrement vrai entre les gens qui militaient dans le soulèvement. Un respect mutuel s’est développé parmi les gens qui se battaient. Donc, c’est devenu beaucoup plus facile de parler aux gens. Ces identités, ces contraintes que la société met sur nous pour nous maintenir séparé, ont commencé à disparaître, même juste pour de brefs moments. Evidemment, il y avait encore pas mal de dynamiques intenses autour de la race et des genres ou des motivations perçues par les gens, mais d’une certaine façon cela commençait à se dissoudre.

*** En repensant à la Commune d’Oakland, et à quel point le campement a été important dans la création de ce type de possibilités et de relations, il devient évident que le revers de la médaille est que tout a semblé disparaître après que le campement ait été attaqué et repris. Une fois que la police a imposé une occupation militarisée totale de l’espace et rendu impossible de le récupérer, ça a vraiment été ressenti comme le début de la fin. A partir de là, il a semblé que toute tentative de créer des espaces similaires ou de maintenir l’élan seraient purement et simplement écrasé. Je me demande donc comment l’encerclement et la ré-occupation (par la police) du QT a touché ce qui se passait dans les émeutes, voire pas du tout.

+++ Ça pourrait être une coïncidence, mais il me semble exact que le jour où ils ont clôturé le QT (une dizaine de jours environ après le début des émeutes), a été la première nuit où la paix sociale est revenue dans les rues de Ferguson. Après avoir été dépossédés de cet espace, les gens ne se sont plus sentis en capacité de se rassembler et ont perdu cet espace très important socialement. Donc beaucoup de la combativité a disparu. Les gens étaient aussi fatigués, et la garde nationale était dans les rues, tout cela combiné avec la récupération des gauchistes et des chefs religieux a permis d’en finir. Ce fut vraiment un coup dur pour le soulèvement de perdre le QT, et ensuite de perdre les rues de West Florissant.

*** Pour moi, cela soulève la question de la relation des anarchistes aux espaces comme ceux-ci, où des types de rébellions auparavant inimaginables se jouent. D’autres qui ont participé à des moments semblables, où l’activité des gens ordinaires dépasse largement ce que les anarchistes font, ont posé la question de savoir comment agir avec eux ou pas. Il semble qu’il y ait au moins deux idées. L’une est d’être présents, au milieu des autres, de partager les connaissances et les perspectives tactiques que nous avons; être dans la foule en aidant à pousser les choses plus loin là où nous le pouvons. Une autre idée est que plutôt que de participer dans les rues à ces lieux spécifiques (les plazas, etc.), nous pourrions avancer notre propre projectualité ailleurs et pourrions trouver d’autres ouvertures et des moments pour agir et mener à bien nos intentions. Sur la base de tes expériences à Ferguson, que penses-tu sur cette question ?

+++ Je ne pense pas qu’il s’agisse vraiment d’une dichotomie où on devrait choisir l’une ou l’autre. A Ferguson, je pense qu’il était vraiment très important d’être là, en particulier en tant que groupe en grande partie blanc, à faire des pas pour dissoudre la ségrégation et la tension raciale qui existent dans cette ville en agissant en solidarité avec les autres ; et aussi pour créer des liens. En outre, beaucoup d’entre nous n’ont jamais connu ce type de rébellion et je pense que c’était important d’avoir ce genre d’expérience dans les rues; d’expérimenter à quoi ressemble de lutter collectivement et de se battre. Je ne pense pas que cela signifie nécessairement que les gens ne devraient pas faire d’autres choses aussi. Quand nous étions là-bas, nous nous sommes retrouvés rapidement dépassé par d’autres rebelles. Donc, même si vous croyez en une avant-garde anarchiste, cela n’a pas été possible parce que les gens étaient déjà beaucoup plus avancés que ce à quoi la plupart des anarchistes étaient préparés. De plus, en raison de certaines tensions raciales, ceux qui étaient perçus comme des personnes extérieures blanches ont dû limiter leurs façons de participer, à suivre plutôt que de prendre l’initiative. C’était un contexte tellement tendu que les choses pouvaient vraiment aller dans chaque direction à tout moment, ce qui était vraiment bizarre. En même temps c’était incroyable d’être là avec les gens et de lutter ensemble. Donc, je pense que c’est très important pour nous en tant qu’anarchistes de participer au coeur du soulèvement.

En outre si, en tant qu’anarchistes, nous avons développé un ensemble d’outils spécialisés que nous avons forgés au fil des ans comme anarchistes dans les rues, nous devrions réfléchir à la façon de les utiliser dans des moments critiques dans différentes parties de la ville, ce qui pourrait avoir un grand impact ou aider les choses à se propager à un autre endroit. Une des choses plus chouettes qui ont eu lieu dans un endroit différent a concerné l’approvisionnement en lacrymos et en gaz au poivre qui étaient expédiés. Il y avait un centre de distribution dans le Minnesota où des travailleurs en grève sauvage ont refusé de livrer tout gaz à Ferguson. Ceci ne concerne pas spécifiquement les anarchistes, mais il est intéressant de remarquer qu’il existe des endroits clés où nos ennemis peuvent subir un coup critique en ne recevant pas les fournitures ou les renforts dont ils ont besoin dans les rues. Cela peut limiter leur capacité d’action. Je pense que les anarchistes devraient faire les deux, nous devrions être dans les rues et nous devrions penser à des façons d’aider la situation à se développer et à durer plus longtemps; saboter les tentatives de la police de recouvrer la paix sociale; imaginer comment les choses peuvent se propager; regarder et étudier la ville pour que d’autres étincelles puissent s’allumer; montrer des signes de perturbation à travers toute la ville, même des tags ou de petits attaques – tout a compté lors de ces semaines-là.

*** Il semble que certains des autres trucs que les anarchistes peuvent faire dans ces situations inclut d’encourager les gens à porter des masques, attaquer les systèmes de surveillance, essayer de saper les manières les plus sinistres ou subtiles de récupération ou les tentatives gauchistes de reprendre le contrôle. Ces choses sont presque constantes, que nous devrions nous y attendre et avoir une perspective stratégique sur cette question.

+++ Je peux dire avec certitude que les anarchistes ont créé la culture – presque à eux seuls – de porter des masques. Alors que les premières nuits des gens disaient ouvertement « pourquoi devrais-je porter un masque !? Je suis fier de ce que je fais, je veux que les gens sachent que je suis en train de faire cela » en commettant les délits les plus fous, plus tard dans la semaine, c’était presque devenu une mode d’avoir une chemise autour de la tête. Je pense qu’une autre contribution des anarchistes pour créer un espace sûr pour que les personnes puissent engager des actions plus combatives a été d’attaquer les équipes des médias et de les dégager de la rue, ou au moins derrière les lignes de police. Avant ce moment, il y avait des dizaines d’équipes de tournage prenant des images de pillards, dont beaucoup ne portaient pas de masques ou avaient des tatouages visibles.

*** Il semble qu’il existe des possibilités pour toutes sortes de gens, y compris les anarchistes, lorsque ces situations éclatent – à la fois dans l’épicentre et à la marge -, pour trouver une sorte d’auto-réalisation individuelle mais aussi pousser ses propres projets un peu plus loin. Ce faisant, ils pourraient également aider à étendre le conflit social, et je pense que c’est à l’intersection de ces possibilités que certaines des choses les plus palpitantes se produisent. Il semble plutôt clair que beaucoup de ce dont nous avons parlé jusqu’à présent porte d’une manière ou d’une autre sur l’identité, et je pense que dans ces situations conflictuelles nous pouvons comprendre comment l’identité joue contre nous. Un constat de base qu’ont beaucoup de gens issus des luttes de la Bay Area, qu’il s’agisse de la rébellion à Oscar Grant ou des occupations, est l’idée que l’identité est un instrument utilisé par l’Etat pour continuer de séparer les gens et renforcer les rôles sociaux que les gens sont censés jouer. Il était aussi évident que, dans ces moments de rupture, les identités ont commencé à s’effriter et à tomber. C’est pour cela que l’Etat tente d’abord de reprendre le contrôle à travers la logique de l’identité, en rétablissant les catégories d’identité qui étaient précédemment mises de côté. D’après ton compte-rendu et celui d’autres, il semble que cela était également en jeu à Ferguson.

+++ Ceci est certainement vrai, et je pense que l’Etat dans la Bay Area a perfectionné l’utilisation moderne de l’identité comme une forme de contrôle, en particulier dans des situations comme la Rébellion Oscar Grant. Après avoir vu ce qui c’est arrivé là, c’est très intéressant de voir les parallèles, mot pour mot, dans la façon dont l’Etat a répondu ici. Après la première nuit d’émeute, le shérif est venu presque instantanément pour dire : « il s’agit d’un petit groupe d’agitateurs blancs, anarchistes, extérieurs qui sont venus et ont suscité les choses ». Pour moi, il était évident que c’était une tentative préventive de mettre un terme à toute sorte d’unité raciale. Historiquement, le racialisation des situations a été l’une des premières mesures prises par l’Etat pour étouffer les rébellions. Qu’il s’agisse des rébellions de classe contre l’Etat au 17e ou 18e siècle ou des rébellions anti-police de la dernière décennie. Le terme « agitateurs extérieurs » a été utilisé effectivement pour la première fois aux Etats-Unis dans les années 60 par un shérif du sud pour décrire des blancs qui descendaient pour collaborer et se battre avec les noirs contre la ségrégation. En étant dans ce soulèvement, je ne me suis jamais senti aussi proche de gens qui faisaient des pas concrets pour briser leurs identités fondées sur la race, le genre, la classe, le fait d’être anarchiste, etc. Bien sûr, ces identités n’avaient pas entièrement disparu, et il y avait encore beaucoup de dynamiques en jeu basées sur elles, mais elles commençaient à faiblir. Et c’est donc l’une des premières choses que l’Etat (et les nombreux micro-Etats, ou ceux qui cherchaient à prendre le contrôle de la situation) a tenté de rétablir. C’était visible comment lorsque la police a parlé d’« anarchistes blancs », certains groupes gauchistes ont immédiatement adopté le même langage. Il y avait aussi un fort encouragement de plusieurs groupes plus « radicaux » comme la Nation of Islam et le New Black Panther Party pour racialiser les choses. Ils étaient dans les rues en tentant de développer l’axe que cette question serait une question des noirs, et que c’était une lutte pour le black power. Contrairement aux gauchistes et aux politiciens, ces groupes étaient dans les rues tous les soirs, mais c’était toujours plus évident que leurs tentatives de racialiser les choses visaient seulement à prendre le contrôle d’une foule et à pousser leur agenda politique.

*** Il semble que le genre était aussi un facteur clé. J’ai entendu des comptes-rendus d’Al Sharpton et d’autres appelant à ce que des « hommes noirs forts » aillent aider la police lors des manifestations, et à ce que les jeunes hommes qui participaient aux émeutes « grandissent et deviennent des hommes » en aidant à mettre fin à l’émeute, ou appelant aussi les femmes à rentrer chez elles « pour être avec leurs enfants ». Il semble que le genre était un axe aussi évident que la race utilisé par les politiciens pour essayer d’étouffer les choses.

+++ Ouais, c’était en fait vraiment drôle de voir le va-etvient de ces mêmes groupes. Les gauchistes qui tentaient de prendre le contrôle étaient là à parler de comment tous les émeutiers étaient des jeunes hommes et qu’il n’y avait pas de personnes âgées ou de femmes afin de discréditer les émeutes. Tout d’abord, ce n’était pas vrai, il y avait beaucoup de types différents de gens là-bas pour se battre. Encore plus drôle a été leur proposition de créer des choses comme « les disciples de la justice » d’Al Sharpton, qui se composaient de 100 hommes noirs qu’il a appelé à reprendre les choses en main. Ils ont vraiment poussé ces rôles de genre, en disant que les femmes étaient censées rentrer à la maison ou rester à l’arrière, « il y a des femmes et des enfants ici, c’est dangereux », ou une nuit lorsque la Nation of Islam était là pour dire « ramenez vos femmes à la maison! ». Quand tu prends du recul et que regardes la situation, il est évident que les personnes qui discréditent les émeutes parce qu’elles comprenaient en grande partie des hommes dans la vingtaine, étaient les mêmes partis ou travaillaient avec les mêmes partis qui tentaient de dégager la nuit les femmes et les enfants hors des rues, en essayant d’arrêter les combats au nom de la défense « des femmes, des enfants et des personnes âgées » présents dans les rues. Mais le fait est que dans les rues la nuit, quand c’était conflictuel, les gens ne l’acceptaient pas. Chaque fois que des gens ont essayé de racialiser les choses ou de renforcer des rôles de genre stricts du type les hommes devraient être les combattants et les femmes doivent rentrer à la maison, les gens l’ont activement refusé, leur ont gueulé dessus, leur ont dit de se casser, leur ont dit « fuck you, c’est notre lutte ».

*** Il y a une façon vraiment subtile, très intentionnelle, que l’on peut voir dans la Bay Area comme à Ferguson, où l’Etat, les médias, les gauchistes, la police, poussent tous la même ligne. C’est une tentative de saisir cette folle violence racialisée, cette campagne quotidienne d’extermination contre principalement les jeunes hommes noirs, et de la transformer en une « question » limitée autour de quelques flics racistes ou du besoin d’une poignée de petites réformes de la police ou de la justice. Ce faisant, ils mystifient le fait que la race n’est pas une « question », mais que la race et la violence raciale sont le fondement de …

+++ La société américaine !

*** Oui, toute la misère qui est imposée aux gens ici.

+++ Ouais, c’est pour cela qu’ils essaient immédiatement de réduire les choses à une seule question. Parce que ces rébellions et des moments comme celui-ci font éclater vraiment le potentiel de ce qui peut arriver. Les gens parlaient de comment ce n’est pas une question, que ça ne concerne pas seulement Ferguson, que ce n’est pas une chose de noirs et de blancs. Ce sont les gens contre les bleus, c’est quelque chose de systémique. Cela a cessé d’être une question, ça a été un point de rupture. Ce n’était pas qu’une émeute antipolice, c’était une insurrection contre la société dominante, contre la façon dont les choses existent, contre la classe, la suprématie blanche. Ça ne concernait plus juste un mauvais flic, ou la justice. Ce que veulent les gens c’est la liberté, et nous avons commencé là-bas à nous imaginer comment faire des pas dans cette direction. Et cela est terrifiant pour les gauchistes, les politiciens et tous ceux avec toute sorte de confort dans ce monde qu’ils pourraient perdre. Il est donc logique que ces groupes aient unifié leurs forces afin de calmer les choses et de rétablir la paix. La gauche parle de prendre des mesures réformistes et toutes ces conneries, mais les gens ont pu voir qu’à travers elles, il ne s’agissait que d’une tentative de les renvoyer dans les mêmes bonnes vieilles cages de toujours.

*** A côté de cela, une autre manière de penser la question concerne le regard sur l’identité anarchiste. Et que de la même manière que les barrières genrées et raciales qui nous séparent et nous empêchent parfois d’agir, l’identité anarchiste se dissout aussi dans ces moments. D’une part vous avez toutes sortes de gens, des anarchistes ou non, propageant des activités anarchiques, des incendies, des pillages. Et puis de l’autre côté, vous avez toutes sortes de gens qui ne sont pas anarchistes mais sont pointées comme tels par les médias. Donc, pour ceux d’entre nous qui sont anarchistes et ont choisi de participer à ces luttes, cela cesse presque d’avoir de l’importance qui est anarchiste et qui ne l’est pas. Ou peut-être que cela nous importe, mais pas au sens large.

+++ Idéalement, j’aimerais penser que l’identité anarchiste se dissolve également dans une telle situation. Quand il y a un soulèvement, cela fait sens de perdre sa propre identité. Ne pas perdre son éthique ou ses idées ou ses désirs ou les tensions qu’on possède contre le monde d’un point de vue anarchiste, mais perdre la manière dont toute identité peut être utilisée contre nous. On l’a vu quand l’Etat a collé une étiquette d’anarchistes sur les gens et a essayé d’utiliser cela pour séparer les militants dans la rue. Je pense que c’est important d’abandonner ces identités et de laisser tomber tout bagage social que nous avons en participant à un milieu anarchiste, pour le meilleur ou pour le pire. Une chose à laquelle je pense, et je n’entends en aucun cas en parler mal, mais je me souviens que pendant les émeutes de Londres, une situation où le pays tout entier était en feu, la FAI a revendiqué une attaque contre deux ou trois voitures. Et bien que je respecte hautement l’attaque et les personnes qui ont risqué leur sécurité pour mener à bien cette opération, cela ne fait pas sens dans mon esprit de s’isoler et de se démarquer de cette façon. Nous devons agir, mais nous ne devons pas agir afin de nous séparer des gens. Donc oui, je pense que c’était important pour l’identité anarchiste de se dissoudre aux côtés de toutes les autres identités.

*** Dans un certain sens, des moments comme ceux-là sont une clarification en termes de pourquoi nous nous battons et pourquoi nous faisons ce que nous faisons. Je dirais que pour les anarchistes, en particulier ceux d’entre nous qui désirent l’insurrection, ce qui est en jeu n’est pas une lutte pour affirmer une identité anarchiste ou une idéologie, mais pour réellement se battre pour l’anarchie.

+++ Certainement.

*** Les dernières réflexions et questions que je me pose concernent ce qui peut arriver dans les prochains mois et ce qu’on peut faire maintenant. L’espace qui a été créé à Ferguson n’est plus là, mais les tensions qui ont conduit à cette révolte existent toujours. Et les milliers de personnes qui ont participé à cette révolte portent en eux leurs expériences et les transformations qu’ils ont traversé. Tout cela continue, et il semble tellement intuitif que les choses vont continuer aussi. C’est juste une question de comment nous pouvons propager les choses et comment ceux d’entre nous qui ne sont pas à Ferguson peuvent exprimer notre solidarité quand c’est nécessaire.

+++ Franchement, je n’en sais rien. Il semble que la ville ne sera plus la même après ce soulèvement. Les choses semblent différentes et les tensions sont toujours là. D’une manière, on a l’impression qu’un bouchon de vapeur a explosé et qu’un peu de colère a été libérée au cours des douze jours d’émeute. C’est difficile de communiquer avec les gens à cause de l’étendue et de l’aliénation de la ville, mais je pense que c’est important de continuer à montrer des signes de désordre, qu’il y ait des attaques visibles et des gestes de résistance. Même la gauche commence à y prendre pied et à organiser de grandes journées d’action. C’est entièrement de la récupération, mais il reste encore de grands groupes de personnes qui refusent d’être contrôlées par ces politiciens et activistes, et c’est donc logique de s’y engager. Simplement pour les perturber ou pour les pousser dans des directions différentes. Je pense aussi que c’est logique d’agir conjointement, mais en dehors de ces événements. Nous sommes à un moment crucial, où tout est remarqué, et cela nous donne une situation où, comme anarchistes, nous pourrions être en mesure d’introduire de nouvelles analyses, de nouvelles tactiques et étendre avec succès les choses sur de nouveaux terrains, à la fois littéralement et métaphoriquement. Quant à ce que les anarchistes ailleurs peuvent faire … bien que je pense que les attaques de solidarité sont toujours impressionnantes et que je ne veux pas les décourager, je pense qu’en général seuls les anarchistes les voient. Cela n’est pas nécessairement une mauvaise chose, cela nous donne de la chaleur et de la force de voir que d’autres attaquent, mais je pense que ça fait du sens pour les rebelles de réfléchir sur comment les choses pourraient se propager et comment ils peuvent agir afin d’inspirer la révolte là où ils vivent. Et pas que d’une manière qui pourrait avoir une incidence ou décourager les efforts de la police à Ferguson. Donc, je ne suis pas entièrement sûr de savoir à quoi cela pourrait ressembler, mais je sais que les gens sont créatifs.

Nov 082014
 

Le 31 octobre Amélie, Fallon et Carlos ont été jugé-e-s au cours d’un procès fédéral pour destruction de bien d’autrui sous la forme de l’incendie. La sentence qui leur a été dictée est de 7 ans et 6 mois. Leurs avocats vont faire appel dans un délai de 15 jours.

Le 6 novembre la sentence est tombée dans le procès qui dépend de la juridiction locale pour atteinte à la paix publique et dommages aggravés en bande (l’attaque sur le concessionnaire Nissan).

La sentence est de 2 ans, 7 mois et 15 jours de prison, en plus de devoir payer une réparation de dommage de 108 mille pesos.

Les avocats vont faire appel de cette décision.

Solidarité avec Carlos, Amélie et Fallon !
À bas les murs des prisons ! Liberté pour tous !