Montréal Contre-information
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White Lives Matter : un nouveau projet néonazi fait des petits au Québec

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Mar 192022
 

De Montréal Antifasciste

Avertissement : Cet article reproduit des bribes de conversation et des éléments visuels à caractère antisémite et raciste

« White Lives Matter » (WLM — la vie des Blancs compte) est un projet de mobilisation/actualisation néonazie qui s’est répandu au cours de la dernière année dans plusieurs régions des États-Unis et du Canada ainsi qu’en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux Pays-Bas, en Angleterre et ailleurs dans le monde. La première action documentée du réseau a été une série de manifestations décentralisées organisée le 8 mai 2021. La faible participation à ces événements a mené certains observateurs à conclure que l’entreprise était un échec, mais ce constat optimiste fut prématuré, puisque le réseau a continué à grandir et a multiplié les actions au cours de la dernière année.

WLM signale une volonté de reconsolidation du milieu néonazi par la multiplication de chaînes et de salons de discussion décentralisés et réseautés sur l’application Telegram. Cette initiative relève en partie d’une volonté d’échapper à diverses formes d’opposition, dont la censure des grandes entreprises de médias sociaux, le doxxing et d’autres formes de résistance du camp antifasciste ainsi que d’éventuelles poursuites criminelles. Elle correspond également à une tendance de la nébuleuse néonazie internationale à progresser vers des formes d’activisme plus clandestines, décentralisées et « sans leaders », une tendance dont on peut retracer l’origine aux années 1970 et qui au fil des années a donné lieu à l’émergence du courant « accélérationniste » et à la multiplication de tueurs de masse de type « loup solitaire ».

Le projet WLM reflète par ailleurs une grande frustration avec le statut marginal de l’extrême droite et une volonté de dépasser la sous-culture néonazie et les querelles idéologiques entre différentes tendances pour former un réseau militant exerçant une réelle influence.

Si WLM est sans l’ombre d’un doute un phénomène néonazi, l’intention initiale des organisateurs américains était d’adoucir l’image du mouvement. Cela se traduit concrètement par une inhibition superficielle à revendiquer l’héritage historique du nazisme et à afficher le swastika ou d’autres symboles nazis dans les discussions publiques ou sur les autocollants que les militants posent dans le domaine public. Les participants ont aussi la consigne (très souvent ignorée), de ne pas parler de la « question juive » ou d’inciter à la violence sur les chaînes publiques. En revanche, les salons de clavardage (chat rooms) sont complètement saturés de mèmes d’Hitler, de références explicites au nazisme historique et d’expressions débridées du racisme le plus grossier – des blagues sur le lynchage des Noir·e·s, des vidéos « prouvant » que la Shoah n’a jamais eu lieu, des discussions sur le fait que les Juifs ne sont pas humains et doivent être exterminés, etc.

Le monde à l’envers que s’imaginent les participants au groupe White Lives Matter.

WLM n’est pas une organisation formelle; chaque groupe local ou régional anime sa propre chaîne Telegram, chacune modérée par son propre administrateur ou groupe d’administrateurs. Le projet est toutefois bien coordonné, car toutes les chaînes ont été créées en 2021 par un petit groupe original, qui est ensuite allé chercher des militants dans chaque région pour en assurer la gestion. Il y a une unité de but et d’action également sur le plan de la propagande; le choix des dates de certaines actions concertées et les décisions relatives au messaging semblent centralisés.

En générale, les chaînes Telegram peuvent être strictement unidirectionnelles (un peu comme une infolettre dont tout le contenu est publié par un admin) ou peuvent prendre la forme d’un salon de clavardage ouvert, un peu comme un groupe Facebook public. Dans bien des cas, les chaînes unidirectionnelles comportent un salon de clavardage parallèle. C’est de cette manière que sont structurés les maillons régionaux du réseau WLM. Depuis ces espaces virtuels, les participants sont encouragés à imprimer des affichettes et autocollants WLM (essentiellement, diverses variations sur le thème raciste central du « remplacement » et de l’oppression des Blancs par d’autres groupes), à coordonner des sorties de visibilité/propagande, à prendre des photos de leurs coups et à relayer ces photos sur Telegram pour motiver les autres à les imiter.

Certaines de ces sorties ont déjà fait l’objet de reportages dans les médias canadiens (par exemple : à Kitchener-Waterloo, Ontario, à New Battleford, Saskatchewan, à Toronto lors de manifestations contre les mesures sanitaires, et ailleurs au pays; voir aussi le reportage récent sur les activités WLM à Montréal par la revue Pivot), mais la plupart sont passées inaperçues. Dans certains cas, les groupes locaux décident par la suite de se rencontrer en personne et de coordonner des actions plus ambitieuses, comme l’accrochage de bannières WLM dans le domaine public.

Cette structure et cette approche n’ont rien d’unique au projet WLM, et il existe de nombreux parallèles au sein de l’extrême droite actuellement. Telegram offre une plateforme pratique où les individus peuvent s’impliquer selon leur niveau de confort personnel, sans être obligés de se rencontrer en personne ou de parler à qui que ce soit, sont intégrés à une sorte de communauté et sont encouragés à y développer leurs propres activités.

Au moment d’écrire ces lignes, si plusieurs chaînes WLM sont essentiellement inactives, avec moins d’une douzaine de membres, d’autres aux États-Unis ont vu leurs activités passer de l’Internet à la rue, sous la forme d’accrochages de bannières, de randonnées organisées, de distributions de tracts, etc. Dans ces régions où l’activité est plus vive, WLM s’entremêle à d’autres projets néonazis, comme le Folkish Resistance Movement (dont la propagande a été distribuée en Saskatchewan et en Alberta)[1], le groupuscule Canada First, en Ontario, qui a reçu une certaine visibilité lors des actions du soi-disant « convoi de la liberté » à Ottawa et ailleurs au pays, et la tentative d’organisation « Nationalist 13 » (« 13 » pour anti-communiste) dans le sud de l’Ontario.

En étudiant les journaux internes des organisateurs de WLM que nous ont relayé des camarades de Cornwallis Antifa, on a pu apprendre qu’au Canada, l’utilisateur « McLeafin » a été recruté par les organisateurs américains en avril 2021 et a par la suite créé de nombreuses chaînes pour les différentes provinces et régions. Il a ensuite cherché des recrues locales pour les administrer.

Poursuivre la lecture sur le site de Montréal Antifasciste

15 mars 2022 – 26e manifestation annuelle pour la Journée internationale contre la brutalité policière

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Mar 172022
 

Du Collectif opposé à la brutalité policière

Le soir du 15 mars se tenait la 26e édition de la manifestation annuelle contre la brutalité policière. 26 ans de marche, 26 ans de répression systématique à son endroit, comme une tradition annuelle de mauvais goût. Les manifestant-e-s ont décidés de garder le contrôle des trottoirs plutôt que de se faire chasser de la voie publique par des policiers violents et méprisant, et ont attaqué des entreprises nuisibles du quartier: Dollarama et la Banque Nationale. Rappelons que si Dollarama est une épicerie de dernier recours pour les pauvres, ça reste qu’ils vendent de l’ostie de marde pas bonne pour la santé et que l’entreprise est une des pires entreprises au Québec pour les abus envers ses travailleur-euse-s. Et de son côté, la Banque Nationale investit à coup de milliards dans plusieurs projets pétroliers importants. Face à cette autodéfense des pauvres face à leurs oppresseurs, les policiers se sont attaqués violemment à la manifestation: matraques, gaz et coups étaient au rendez-vous.

Nous avons manifesté dans St-Henri, un quartier pauvre, ouvrier, et massacré de plus en plus par la gentrification, comme plusieurs autres à travers la ville. L’arrivée de nouveau commerces de bobos a chassé les vieux espaces abordables, et les loyers montent maintenant en flèche. Mais St-Henri, c’est aussi ce haut lieu du colonialisme, à proximité des voies de chemin de fer, du canal Lachine … bref de tout ce qui sert à piller le territoire autochtone. Les ouvrièr-e-s de St-Henri le savent bien, elleux qui ont travaillé très longtemps dans les « sweatshops » du secteur pour transformer ce pillage en cochonneries trop chères pour elleux. Et si la plupart des « sweatshops » sont parties, le pillage a toujours lieu, que ce soit à travers la construction de condos en territoire Kanien’kehá:ka ou, la construction d’un pipeline en territoire Wet’suwet’en, où la coupe de bois en territoire Pacheedaht.

La police c’est colon en crisse, effectivement. C’est colon, parce que c’est à ça que la police sert, défendre les colons. C’est le bras armé de l’état israélien qui défend les colons en Palestine. C’est le bras armé de l’arabie saoudite qui envahi le yémen. Et c’est le bras armé de la russie qui a envahi l’ukraine. Et si le canada supporte l’ukraine — et c’est tant mieux — il n’hésite pas en même temps à armer le bras de la répression, autant en israël qu’en arabie saoudite. Et le canada arme sa GRC, sa police coloniale, pour intervenir en territoire autochtone, que ce soit chez les Wet’suwet’en ou chez les Pacheedaht.

Nous n’avons rien à perdre que nos chaînes. Toutes les attaques envers l’État et le Capital sont justifiés.

Pour terminer, nous faisons un appel à témoins : si vous avez été arrêté·e, brutalisé·e ou si vous avez été témoin d’une arrestation ou d’un cas de brutalité policière, svp communiquez avec le COBP à : cobp@riseup.net
Nous vous rappelons également de faire attention à ce que vous publierez comme photos et vidéos sur les médias sociaux.

* Nous remercions André Querry pour les photos

LE COBP

Le verger au complet : Le féminisme anticarcéral

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Mar 142022
 

De la Convergence des luttes anticapitalistes

Ce deuxième épisode de la seconde saison du Verger au complet porte sur le féminisme anticarcéral et prend la forme d’une entrevue avec Lux, qui est juriste et féministe antiraciste.

MUSIQUE

*Samuele – « La Sortie », tiré de l’album « Les filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent », 2017, https://samuele.bandcamp.com/, utilisé avec la permission du groupe.

*Tribade – « Las Desheredadas », tiré de l’album « Las Desheredadas », 2019, https://www.tribaderap.com, utilisé avec la permission du groupe.

Ressources complémentaires

Pour elles toutes – Gwenola Ricordeau

Beyond Survival – Ejeris Dixon et Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha (à l’édition)

Becoming Abolitionists – Derecka Purnell (voir le chapitre Sex, love & violence et la conclusion)

Alternatives au 911


Transcription

Blocage des coupes forestières sur le Nitaskinan

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Mar 082022
 

De Mobilisation Matawinie

Appel à la solidarité en soutien aux Atikamekws pour la protection des territoires ancestraux non-cédés !

Mobilisation Matawinie Ekoni Aci est un mouvement populaire autogéré qui a vu le jour très récemment, en Juin 2020.  La protection des forêts, les enjeux d’extraction des ressources et les enjeux coloniaux sont au coeur de nos inquiétudes. Les peuples autochtones sont les premiers à subir les conséquences de cet extractivisme colonial. Entre autres, dans la région de ‘’Lanaudière’’ les Atikamekw n’ont jamais cédé le territoire ancestral Nitaskinan, qu’ils habitent depuis toujours. C’est pourquoi il est primordial d’accorder une grande importance à leurs enseignements et revendications. Au sein de ce mouvement, nous apprenons humblement à travailler ensemble, autochtones et allochtones, afin d’aller vers la justice sociale et climatique.

La covid, les conspis et nous

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Mar 062022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Ce texte se veut une réaction à une tendance visible dans certains milieux d’extrême gauche ces derniers temps, c’est-à-dire un soutien aux mouvements contre les mesures sanitaire, fortement ancrées dans les discours conspirationnistes. Cette tendance est notamment visible dans quelques textes récemment publiés sur la plateforme Contrepoints.média, qui a entre autres publié un texte du Cercle de lecture camarade reprenant un chapitre complet du « Manifeste conspirationniste », publié anonymement en France, et partagé sur des plateformes d’extrême droite, dont une plateforme proche d’Alain Soral. On pense également au récent texte « Le pass n’était qu’un exercice », qui soulève des enjeux très importants, mais qui joue le jeu de la droite en invisibilisant complètement la composition du soi-disant Convoi de la liberté. Ce qui surprend encore plus de la part de Contrepoints média, une plateforme se présentant comme « une invitation à investir l’hétérogénéité et la diversité des inclinaisons actuelles dans la lutte », c’est que l’article soit précédé d’une prise de position dans un commentaire éditorial, qualifiant le soi-disant convoi de la liberté de « mouvement qui se bat contre le contrôle numérique des identités, et plus largement contre le contrôle des comportements », une interprétation qui est très loin de faire l’unanimité au sein de nos milieux. Qu’une plateforme qui se veut rassembleuse et diversifiée prenne position de manière aussi claire sur un enjeu aussi polarisant que le « convoi de la liberté » nous dérange énormément. En publiant ce texte ici, on espère ainsi arriver à contre-balancer une tendance à l’homogénéisation des positions diffusées sur Contrepoints depuis un certain moment.

Ce texte s’inscrit finalement dans une réflexion née des nombreux débats et discussions qu’a suscité le « convoi de la liberté » dans nos milieux, et de la difficulté à se forger une compréhension commune de ce que représente ce mouvement pour nous, en tant que gauche radicale. Si des tensions émergeaient déjà de nos différentes attitudes face à la pandémie, le convoi semble les avoir cristallisées. Nous espérons que ce texte contribuera à pallier à ces difficultés, et nous aidera à dépasser la polarisation qui entoure actuellement ces enjeux dans nos milieux. On aurait aimé ouvrir un espace de discussion sur ces questions là plus tôt dans la pandémie, mais bref, nous voilà.

Tout d’abord, mettons certaines choses au clair: la formulation d’une critique de l’État par rapport à ses agissements sécuritaires et ses dérives de plus en plus autoritaires depuis le début de la pandémie est un point qui doit être mis de l’avant. La surveillance de plus en plus sévère et insidieuse de plus en plus de personnes par des moyens nouveaux est dangereuse et problématique en soi. La création du pass sanitaire et de son régime de droit différent, créant une nouvelle catégorie de personnes auxquelles des droits sont retirés est aussi une aberration qui mérite d’être dénoncée. Rajoutons à ça l’amplification du discours sur les non-vaccinés comme étant le problème numéro 1 en contexte de covid et on a une recette d’hypocrisie assez monumentale considérant la gestion purement capitaliste de cette pandémie par notre gouvernement. Nous encourageons la critique de cette gestion économique dans un objectif de rendement, peu importent les coûts humains, les coûts sur la santé physique et mentale, la priorisation des milieux de travail et la volonté de développement d’une société encore plus néolibérale et surveillée.

Ces textes et discours nous semblent aussi chercher à créer des ponts avec des groupes sociaux qui ne seraient pas habituellement des groupes avec lesquels on s’organise, et on a envie de nommer qu’on trouve ça important de diversifier la base militante et de chercher de nouvelles alliances. C’est malheureusement trop vrai que la gauche (et l’extrême gauche) battent de l’aile et qu’on a un besoin flagrant d’aller recruter dans de nouvelles sphères de la société, considérant l’intensification des discours de droite et d’extrême droite ici et ailleurs. Élargir la gauche n’est pas un luxe dans le climat politique actuel, il s’agit d’une nécessité. Il faut que nous devenions une force sociale d’envergure pour faire barrage à la droite et proposer un monde dont nous pourrons être fier.es.

Sur « Le pass sanitaire n’était qu’un exercice »

Nous avons cru comprendre, à la lecture du pamphlet distribué à Québec, que son objectif était d’éveiller les manifestant.es du convoi à la menace que représentent les projets de zones d’innovations un peu partout sur le territoire soi-disant québécois. Bien que nous partageons ces critiques concernant l’avancement d’un capitalisme de surveillance, nous considérons que c’est un choix stratégique au mieux naïf, au pire dangereux. En effet, n’importe qui s’intéresse au convoi peut constater que les revendications visaient principalement à un retour à la vie normale, la vie d’avant la covid. Ce constat à lui seul témoigne du fossé qui nous sépare de ce mouvement. Est-ce qu’on n’a pas passé toute la pandémie à crier « pas de retour à la normale » ? Le monde allait déjà très mal avant la Covid pour beaucoup de monde. En outre, les personnes itinérantes, racisées, les travailleuses du sexe, les personnes migrantes et les militant·es autochtones étaient déjà soumises à une surveillance et à un contrôle inhumain, et ce, bien avant l’apparition du passeport sanitaire.

Bien que nous soyons conscient·es que les personnes ayant participé à la manifestation de Québec sont toutes différentes, et qu’elles n’appartiennent certainement pas toutes à l’extrême droite, il demeure intéressant de noter que le pamphlet joue sur les mêmes codes que la droite, probablement dans l’espoir de mieux résonner dans une crowd qui ne se reconnait pas dans nos habituels discours. C’est ainsi qu’on voit apparaître dans un texte publié sur une plateforme d’extrême gauche des phrases telles que « Ni de gauche ni de droite » ou encore « rejoignant les réfugiés, les non-vaccinés deviennent des ennemis publics », une phrase qui résonne très bien avec les discours victimisant de la droite comparant les mesures sanitaires aux politiques de l’Allemagne nazie. On s’entend, être obligé de se faire vacciner, bien que ce soit critiquable, ne peut en aucun cas être comparé aux chambres à gaz, ou encore aux prisons pour migrant·es qui enferment chaque année des personnes pas assez blanches, ou avec pas assez de documents officiels pour satisfaire notre État colonial. Nous croyons qu’une opposition aux mesures sanitaires autoritaires est nécessaire, mais celle-ci ne peut faire l’économie d’une analyse antiraciste, anticapitaliste et féministe.

Nous savons que nos milieux sont très homogènes, très blancs, très scolarisés, et souvent encore très empreints de nombreuses dynamiques de pouvoir, et nous croyons sincèrement que ce n’est pas en allant faire des alliances avec des personnes en très grande majorité blanches et nationalistes (en témoigne le nombre de drapeaux canadiens qui étaient visibles dans les rassemblements) que nous arriverons à rendre nos milieux plus accessibles pour les personnes les plus marginalisées de notre société. Nous pensons au contraire que nous aurions intérêt à redoubler d’efforts pour nous solidariser avec les luttes pour l’abolition de la police, les luttes pour l’autodétermination des peuples autochtones, les luttes des communautés LGBTQ et spécifiquement des femmes trans, avant d’aller chercher dans les bastions de la droite pour recruter. Malheureusement, en tant que personnes issues de groupes privilégiés, c’est beaucoup plus difficile de se solidariser avec des communautés marginalisées que de profiter de l’opportunité d’un soulèvement financé par l’extrême droite pour faire avancer nos propres agendas. Il nous semble que certaines personnes plus proches de nos idéaux fondamentaux auraient davantage de potentiel de solidarisation avec nos luttes, comme les travailleur·euses du communautaire, les travailleur·euses de la santé, les étudiant·es cassé·es, les écolos désabusé·es.

Ce qui nous inquiète de cette stratégie, c’est qu’elle tend à dépolitiser les enjeux. Nous craignons que de prôner la révolte en soi sans se demander ce que les gens vont en faire et quel sera leur état d’esprit, leurs désirs et leurs idéaux, ça manque de vision long-terme. Participer à intensifier un mouvement dirigé par l’extrême droite, c’est potentiellement contribuer à un monde bien pire que le nôtre. Au contraire du Rojava pendant le Printemps arabe, où il y avait des bases militantes de gauche larges et fortes et où un nouveau système a pu voir le jour, nous risquons de nous retrouver avec une extrême droite boostée aux stéroïdes. Chercher une révolte sans organisation en arrière pour la soutenir vers une société révolutionnaire, c’est encourager un vide de pouvoir qui sera comblé par les gens avec les plus gros guns et/ou le plus de soutien populaire. Nous ne sommes pas ces gens-là en ce moment.

Il nous semble aussi important de rappeler comment la droite grossit ses rangs en maniant particulièrement l’outil de la peur. Ils nous rabâchent constamment que les immigrants viennent voler des jobs, que les musulmans sont tous des terroristes, que les femmes trans cherchent à violer d’autres femmes dans les toilettes, etc. C’est une stratégie de mobilisation efficace pour des mouvements qui veulent promouvoir la haine contre certains groupes sociaux, mais il est bon de se demander s’il s’agit vraiment d’une voie que nous souhaitons prendre. Est-ce bien utile d’aller jouer dans cette émotion-là pour mobiliser, de dire qu’on devrait avoir peur de la ZILE, du contrôle, de la surveillance ? Alors que la droite peut brandir la peur de choses qui sont soit irréelles, soit déformées au point de n’être plus reconnaissables, les choses que nous dénonçons sont, elles, déjà effrayantes et ont des impacts réels sur nos vies. Dans un contexte où les grands médias capitalistes nous donnent déjà suffisamment de raisons d’avoir peur — et c’est encore pire lorsque l’on appartient à un groupe social qui fait l’objet de violences systémiques — il nous semble important d’essayer d’invoquer d’autres sentiments pour nous aider à nous mobiliser, et d’essayer plutôt de bâtir un monde basé sur l’entraide, la compassion, la solidarité, la responsabilité et la rage légitime.

Sur le « Manifeste conspirationniste »

Aller jouer sur les plantes-bandes conspirationnistes est une stratégie particulièrement dangereuse. Et malgré ce que ce manifeste voudrait nous faire croire, le conspirationnisme est une nébuleuse résolument située à droite. On pourrait revenir sur les origines ouvertement antisémites des théories du complot, leur glorification de figures comme Donald Trump, le choix récurrent de « la gauche » comme bouc émissaire, ou leur rôle dans la création de fantasmes néfastes comme celui du Grand Remplacement, mais d’autres le font mieux que nous (Conspiracy Watch, Mtl Antifasciste). Ce qu’il faut retenir, c’est que les théories conspirationnistes sont traversées de patterns antisémites, xénophobes, sexistes et ouvertement anti-gauche. Ce n’est pas pour rien que la défense du complotisme est un enjeu cher à des personnalités comme Maxime Bernier (qui soutient le convoi) ou Éric Zemmour, qui écrit « complotisme : ce mot des “élites” pour disqualifier toute critique ». Voir de telles personnalités propager des théories du complot et défendre le complotisme devrait suffire à nous convaincre de refuser tout engagement avec cette sphère.

Pourtant, on voit certaines personnes de gauche radicale qui persistent à fricoter avec cette tendance, ou qui semblent suggérer que l’on pourrait se réapproprier une identité complotiste. On reste perplexes devant cette idée : pourquoi vouloir réhabiliter un concept si marqué à droite, si ancré dans des positions oppressives ? On partage avec les libertariens une haine du gouvernement, mais on a jamais pensé qu’il serait utile de reprendre leur terminologie, alors pourquoi le faire avec le mot complotiste ? Le seul effet est de brouiller les pistes et paver la voie pour l’expansion d’idéologies fascisantes. Car vouloir détourner un terme qui recouvre une réalité d’extrême-droite, c’est participer à la diffusion de discours confusionnistes. Le confusionnisme, « c’est le développement d’interférences, d’analogies et d’hybridations entre des discours d’extrême droite, de droite, de gauche modérée et de gauche radicale » (Philippe Corcuff). C’est ce qu’il se passe quand certaines personnalités reprennent des critiques sociales avec un vernis antisystème, pour ensuite guider les gens qui les écoutent vers des réponses toutes faites formulées par l’extrême droite. Car c’est l’extrême droite qui est en ce moment en mesure de récupérer des individus en criss contre la société en validant leur colère et en désignant des responsables individuels (une poignée d’élites), flous (le « lobby féministe ») ou carrément inventés (la « gauche » qui serait pour certain·es derrière le coronavirus1). En effet, l’avantage des théories du complot pour la droite, c’est qu’au lieu de cibler des structures sociales et d’offrir des possibilités d’émancipation collective, on propose une poignée de responsables qui tirent les ficelles derrières les rideaux : débarassons-nous de ces quelques individus, et le problème est réglé. Pas besoin de changer quoi que ce soit à nos vies ou de nous remettre en question, pas besoin de s’organiser collectivement sur du long terme, pas besoin de lutter.

Il est impensable, dans une perspective d’extrême gauche, de nier la réalité de la pandémie, et des vies qui ont été perdues à cause de la négligence criminelle de l’État. Rappellons le, les morts sont en grande majorité des personnes âgées, des personnes immunodéprimées, des personnes racisées, des personnes autochtones, des personnes pauvres, des personnes incarcéré.es qui n’ont eu d’autre choix que de s’exposer depuis deux ans au virus, alors que la classe moyenne et ses dirigeants étaient confortablement à l’abri et continuaient de travailler du confort de leurs maisons de banlieue. Nier la réalité de la pandémie, c’est défendre un monde eugéniste, où les plus forts (lire les mieux nantis) s’en sortent, alors que la plèbe en crève, passeport sanitaire ou pas, couvre-feu ou pas. À nos yeux, nos milieux devraient, plutôt que de chercher à mobiliser dans les rangs de la droite, chercher à consolider des initiatives d’aide mutuelle afin de contribuer à la mise en place de stratégies de prise en charge collectives de notre santé, et de manières d’assurer notre sécurité qui ne dépendent pas de l’intervention de l’État et de ses mesures autoritaires.

Pour une autodéfense sanitaire collective

On ne peut s’empêcher de déceler dans l’intérêt que suscite le convoi chez certain·es camarades de gauche des relents mascu de glorification de la révolte et d’invisibilisation de formes de luttes traditionnellement prises en charge par les femmes. Aller aider des vieux à faire leur épicerie ou des mères monoparentales à se tenir face à leur proprio, c’est moins sexy et badass que de soutenir des gens qui bloquent des routes. On entend l’argument « au moins des gens se lèvent et font quelque chose, même si c’est pas parfait il faut se saisir de cette opportunité ! », comme si le convoi était la seule réaction indépendante de l’État qui avait eu lieu depuis le début de la pandémie. Pourtant, de l’organisation collective autonome en réaction à la covid-19 il y en a eu dans les deux dernières années, mais elle s’est plutôt située sur le terrain du care. Et bien que plusieurs anarchistes se soient mobilisé·es dans des mouvements d’entraide, on n’a pas vu fuser les articles qui nous invitaient à investir ces espaces-là dans une lutte combinée pour s’entraider, mobiliser les communautés et se protéger de la covid. On se demande si ce n’est pas aussi parce que beaucoup de gens dans nos communautés ont eu le luxe de ne pas se soucier de la covid-19 dans les deux dernières années. On a été tellement outré·es par la gestion autoritaire du gouvernement qu’on en est venu·es à oublier que derrière ces mesures en grande partie inutiles et répressives, il y a un vrai virus qui tue des vraies personnes. Et dans une réaction tristement binaire, certain·es ont préféré chercher des alliances avec des gens en criss contre le gouvernement quitte à minimiser ou ignorer leurs politiques réactionnaires, plutôt que de développer des positions capables de critiquer l’état d’une part, et de créer des stratégies d’autodéfense sanitaires de l’autre.

On trouve pourtant à travers l’histoire et le monde des exemples d’organisation solidaire indépendante de l’État en contexte de crise sanitaire. C’était le cas des cliniques médicales gratuites des Black Panthers, de la mobilisation des lesbiennes pendant la crise du VIH/sida, ou plus récemment des multiples initiatives d’entraide qui ont vu le jour dans les deux dernières années. Privilégiant une posture de prévention, on a vu des groupes tels que le Common Humanity Collective en Californie se mettre à fabriquer leurs propres masques et purificateurs d’air (aussi utilisés pour faire face aux feux de forêt) et profiter de la distribution pour créer des liens avec les habitant·es et les mobiliser autour d’enjeux sociaux à travers de l’éducation populaire. Des membres du collectif décrivent dans un podcast comment des rencontres sur zoom ont pu mettre en contact des gens d’horizons politiques différents, et créer un sentiment de communauté. À Paris, un bar lesbien a mis en place des mesures sanitaires de prévention début 2020 avant le gouvernement, et est devenu un lieu de ressource pour les personnes isolées et précarisées par la pandémie.

Jouer le jeu des conspirationnistes et de celleux qui manifestent pour un retour à la normale est une erreur politique, éthique et stratégique. ​​​​​La libération collective doit primer sur les libertés individuelles à la sauce libertarienne. Nous croyons qu’il est possible d’élargir nos réseaux et de développer de nouvelles alliances politiques en maintenant des pratiques plus sécuritaires et en restant solidaires avec les personnes à risque. Faire de l’éducation populaire, des ateliers d’autodéfense sanitaire (fabrication de masques et de purificateurs d’air), maintenir les gestes barrière, réclamer la levée des brevets sur les vaccins, lutter pour le droit au logement aux côtés de celles et ceux qui ont été précarisé·es par la pandémie, sont autant de pistes d’organisation politique pour reprendre en main une situation négligée et aggravée par un État criminel, en continuant à faire communauté.

– des gouines anar blanches un peu en criss


1 : c’est la théorie de Eric Trump​​​​​​​, mais aussi celle du « Great Reset », à l’origine un énième sommet économique de merde, devenu rapidement une théorie conspirationniste qui voudrait entre autres que des socialistes aient inventé le coronavirus pour imposer des restrictions économiques, et en profiter pour prendre le pouvoir et instaurer un ordre socialiste mondial.

Pour aller plus loin

Sur le covidonégationnisme et l’autodéfense sanitaire : https://www.jefklak.org/face-a-la-pandemie-le-camp-des-luttes-doit-sortir-du-deni/

Sur la nécessité de dénoncer les mesures autoritaires, sans pour autant nier la réalité de la pandémie et ses impacts (voir la publication épinglée) : https://www.facebook.com/feministesraciseEs.

Sur l’autodéfense sanitaire : https://acta.zone/seul-le-peuple-sauve-le-peuple/

Sur le validisme et la solidarité avec les personnes handicapées : https://leavingevidence.wordpress.com/2022/01/16/you-are-not-entitled-to-our-deaths-covid-abled-supremacy-interdependence/

Sur le confusionnisme et le rôle de la gauche radicale (on peut se créer un compte gratuitement pour lire l’article) : https://aoc.media/opinion/2021/10/06/prendre-au-serieux-le-confusionnisme-politique/

Le printemps arrive : prenons la rue contre la guerre

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Mar 052022
 

De CrimethInc.

L’appel à action suivant a été initialement publié en russe sur avtonom.org, la plateforme issue du réseau anarchiste Action Autonome, qui s’étend de la Russie à l’Ukraine en passant par la Biélorussie.

Nos collaborateur·ices russes rapportent qu’en vertu d’une nouvelle loi adoptée cette semaine, les personnes reconnues coupables d’avoir diffusé de fausses informations peuvent dorénavant être condamnées à plusieurs années de prison. Cela concerne notamment les personnes qui qualifient l’invasion de « guerre » plutôt que d’« opération spéciale », comme l’exige le gouvernement de Poutine. Dans ce contexte, les manifestant·es font preuve d’un immense courage en continuant à descendre dans les rues.

La prochaine journée de rassemblement est prévue pour ce dimanche 6 mars. Nous espérons que leurs actions rencontreront un écho chez les manifestant·es du monde entier, afin de faire pression de toutes parts sur le gouvernement russe, la classe capitaliste mondiale, les profiteurs de guerre et toutes les forces qui encouragent l’invasion.

Pour soutenir les manifestant·es de Russie, vous pouvez faire un don à l’Anarchist Black Cross de Moscou ici. Pour soutenir les anarchistes en Ukraine, faites un don ici ou . Il existe également une structure d’organisation de la solidarité pour soutenir les réfugié·es qui fuient l’Ukraine.


Le printemps arrive : prenons la rue contre la guerre

L’armée russe a envahi l’Ukraine. Poutine a perdu la raison et ses troupes bombardent des villes, tirent sur des civils et tuent des enfants. Plus d’un million de personnes ont fui le pays pour échapper à ses « libérateurs ».

Nous refusons de nous soumettre à la censure de l’armée russe. Nous le disons clairement et ouvertement : c’est une guerre, une guerre de conquête menée par l’armée russe. Les armes à la main, les Ukrainien·nes se défendent avec succès contre les envahisseurs, mais nous, qui sommes à l’intérieur de la Russie, ne devons pas rester à l’écart de ces événements. Nous devons affirmer, à nous-mêmes et au monde, que nous nous opposons à cette guerre, dont seuls Poutine et sa bande ont besoin. S’opposer à la guerre en ce moment est une pratique véritablement antifasciste.

Le 6 mars, dimanche prochain, sera une journée d’actions anti-guerre en Russie. Prenez la place principale de votre ville ! À Moscou, rendez-vous à la place des gares à 15 heures. Des rassemblements auront également lieu à 19 heures et à d’autres moments. Décidez et organisez-vous par vous-mêmes, faites équipes avec vos ami·es. L’essentiel est de descendre dans la rue.

Les autorités russes paniquent. Elles réalisent qu’elles sont en train de perdre la guerre. C’est pour cette raison qu’elles menacent frénétiquement les manifestant·es anti-guerre d’expulsion, de licenciement, de conscription immédiate dans l’armée ou d’enfermement. N’ayez pas peur d’eux. Les Ukrainien·nes, dans leurs villes, sortent désarmé·es dans les rues pour protester contre les envahisseurs. Il se dressent contre des soldats armés de fusils, contre des chars. Comment pourrait-on avoir peur de la police russe et de ses équipements rouillés ?

Nous exigeons la fin immédiate de la guerre. Nous exigeons le retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d’Ukraine. C’est le préalable indispensable à tout le reste : l’agression de la Fédération de Russie doit cesser. Le massacre de la population doit cesser. Certes, Poutine ne nous a pas demandé notre avis quand il a planifié l’invasion – mais nous ne l’avons quand même pas arrêté à temps. Il est important de le faire au moins maintenant.

Bien sûr, notre objectif principal est maintenant d’arrêter la guerre en Ukraine. Mais nous devons aussi nous battre pour l’avenir de la Russie. Il ne reste plus beaucoup de temps à ce dictateur déséquilibré. Sa petite victoire facile n’a pas lieu comme prévu et sa destitution n’est maintenant plus qu’une question de temps et de moyens concrets. Mais qu’arrivera-t-il après Poutine ?

Les territoires qui constituent la « Fédération de Russie » se trouvent aujourd’hui à un carrefour historique. L’effondrement du régime de Poutine pourrait déclencher un processus de libération. Bien sûr, les idéaux anarchistes ne se réaliseront pas immédiatement, mais la Russie ne sera plus en guerre avec le reste du monde et avec sa propre population. En ces temps de changements, des opportunités existeront pour des modifications radicales du système politique, vers une plus grande décentralisation – comme par exemple l’abolition complète de la présidence, et la transition vers une république parlementaire dont nous parlons depuis longtemps.

Cependant, il existe une autre possibilité de « ce qui viendra » après Poutine : la mutation du régime sous sa forme chrysalide, fermé sur lui-même et encore plus autoritaire – avec fermeture de toutes les frontières et cessation des contacts internationaux. Le blocage ce soir de la moitié de l’internet en Russie n’en est que le premier signe. Il ne restera plus suffisamment de forces à l’État pour mener des guerres agressives, mais la vie ne sera pas meilleure pour les habitant·es : iels se retrouveront à vivre dans un État similaire à la Corée du Nord. Et il n’y a absolument aucun mouvement anarchiste en Corée du Nord. Aucun.

Aujourd’hui et dans les semaines et mois à venir, nous disposons toutes et tous d’une fenêtre d’opportunités unique. Le régime autoritaire de Poutine a commis une erreur fatale et est en train de vaciller. Si le psychopathe du Kremlin n’appuie pas sur le bouton nucléaire, il ne vivra plus longtemps. Et tout dépend maintenant de nous, les habitant·es de la Russie. Si nous restons silencieux·ses, ce sont les isolationnistes et les conservateur·ices, majoritaires dans les hautes sphères du pouvoir, qui pourront dicter leur agenda. Mais si nous sommes actif·ves, nous gagnerons. Un léviathan rouillé n’a besoin que d’être poussé pour tomber en poussière.

Le 6 mars, prenez les rues. Si vous ne pouvez pas sortir le 6 mars, sortez à d’autres moments. Si vous ne pouvez pas sortir du tout, manifestez contre la guerre d’autres façons : distribuez des tracts et des affiches, collez des stickers, écrivez « non à la guerre » sur vos masques, accrochez des banderoles à vos balcons. Et surtout parlez aux gens. C’est maintenant plus important que les études, que le travail, plus important que tout autre chose dans le monde. C’est non seulement le sort de l’Ukraine, mais aussi de la Russie qui est en train de se décider. Notre avenir est en train d’être déterminé – et nous serons les seul·es responsables de ce qu’il sera.

L’hiver se termine. Le printemps arrive.

Autonomous Action

Un sticker « Non à la guerre » en Russie.
Un sticker « Non à la guerre » sur un plan de ville, en Russie.
Une pancarte accrochée à un sac par de charmants pins, appartenant à un·e manifestant·e russe.

Lettre ouverte : « Nous ne voulons pas être sauvé.e.s! Nous voulons des droits! »

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Mar 042022
 

Du Comité autonome du travail du sexe (CATS)

Les travailleuse.eur.s du sexe revendiquent la décriminalisation complète de leur travail

Les travailleuse.eur.s du sexe (TDS) ne peuvent plus être ignoré.e.s. Sur les territoires non-cédés connus sous le nom de Canada, comme ailleurs, iels continuent d’être affecté.e.s par les politiques qui les criminalisent sous couvert de sauver les victimes de la traite des personnes et de mettre fin à l’exploitation sexuelle. Loin d’atteindre leur but d’éradiquer l’industrie du sexe, ces politiques marginalisent et isolent les TDS des services sociaux et légaux et accentuent leur vulnérabilité aux violences. En réponse à cette répression, iels s’organisent partout dans le monde pour demander la décriminalisation de leur travail, et du même coup, un statut de travailleuse.eur avec l’accès à des droits du travail et les programmes sociaux qui l’accompagnent. Iels défendent  que ce n’est pas la nature de l’activité en soi (échanger des services sexuels pour de l’argent) qui expose les TDS à la violence, mais bien les lois répressives qui encadrent leur travail. 

L’adoption de la Loi sur la protection des collectivités et personnes victimes d’exploitation en 2014 a rendu le travail du sexe illégal pour la première fois au Canada. Cette loi interdit de promouvoir les services sexuels d’une autre personne, de communiquer dans certains lieux publics pour offrir ses services, de se procurer des services sexuels, de profiter matériellement du travail du sexe; et l’achat des services sexuels quelqu’en soit le contexte. Ce modèle législatif, revendiqué par plusieurs groupes féministes anti-prostitution, prétend éliminer la demande en criminalisant les personnes clientes et les tierces parties, pour abolir l’industrie du sexe. Dans les faits, depuis son adoption, cette loi a rendu la situation des TDS plus précaire qu’elle ne l’était déjà, et les a exposé.e.s à plus de violence. En les représentant comme des victimes, ces lois normalisent la violence à leur égard au lieu de la combattre.

En effet, ces législations créent des environnements de travail dangereux et propices à l’exploitation et maintiennent les conditions de travail en-deçà des normes. Ces conditions sont la source de soucis quotidiens, allant de difficultés à être payé.e.s à l’impossibilité de dénoncer la violence des personnes clientes, des employeurs et des forces de l’ordre par des mécanismes légaux. Pour celleux qui travaillent de façon indépendante, la criminalisation reste tout de même un enjeu, puisque les personnes clientes sont moins enclines à fournir des informations importantes pour la sécurité des TDS telles que leur vraie identité. Cela rend difficile pour les TDS de créer et maintenir des mécanismes de sécurité au travail et ces conditions ont mené au meurtre de plusieurs TDS. Pour celleux qui travaillent dans la rue, l’interdiction de communiquer pour la vente de services sexuels dans les lieux publics (près d’un parc, d’une école ou d’une garderie) fait en sorte qu’iels se retrouvent à travailler dans des lieux reclus, mal éclairés et loins de tout témoin, les mettant davantage à risque de violence. Les lois sur l’immigration, en plus des dispositions pénales relatives au travail du sexe, encouragent une surveillance accrue des TDS migrant.e.s, ce qui fait en sorte qu’iels peuvent faire face à la perte de leur statut, la détention et la déportation si leur métier est découvert, et ce, même si iels travaillent dans des secteurs légaux de l’industrie comme les salons de massages licenciés et les strip-clubs

La décriminalisation a été adoptée en Nouvelle-Zélande il y a vingt ans. Depuis, les TDS ont la possibilité de mettre en place des mesures de sécurité et ont accès à des recours lorsqu’iels vivent de la violence au travail. Le gouvernement actuel vient tout juste d’annoncer qu’il allait  réévaluer les impacts de cette loi, alors qu’il avait l’obligation de le faire cinq ans après son adoption. Du temps, on n’en a plus alors que les TDS continuent de souffrir des impacts de la criminalisation !

Il faut annuler la Loi sur la protection des collectivités et personnes victimes d’exploitation et décriminaliser le travail du sexe maintenant!

Pour signer la lettre ouverte, c’est ici!

Cette lettre a été endossée par 68 individus et 50 organisations, partout à travers les territoires autochtones non-cédés qu’on appelle Canada, appartenant au milieu syndical, universitaire, étudiant, culturel, de la réduction des méfaits et de prévention des ITSS, des groupes de femmes, de personnes migrantes, autochtones, trans, etc.

Organisations:

  1. Tables des organismes montréalais de lutte contre le sida (TOMS)
  2. Stella, l’amie de Maimie
  3. Sex Professionals of Canada (SPOC)
  4. Sex Workers of Winnipeg Action Coalition (SWWAC)
  5. Answer Society
  6. HIV Legal Network
  7. Peers Victoria Resources Society
  8. Projet LUNE
  9. Solidarité Sans Frontière 
  10. Après l’Asphalte
  11. Tout.e ou pantoute podcast
  12. Closet space Winnipeg
  13. Defund the police
  14. Plein Milieu
  15. Centre Associatif Polyvalent d’Aide hépatite C (CAPAHC)
  16. Chapitre Montréalais des Socialiste Démocratiques du Canada 
  17. Projet Intervention Prostitution Québec (PIPQ)
  18. Fondation Filles d’Action
  19. AlterHéros
  20. 2fxflematin
  21. Syndicat des travailleuses et travailleurs en intervention communautaire (STTIC-CSN)
  22. Aide aux trans du Québec (ATQ)
  23. No Borders Media
  24. Queer McGill
  25. Midnight Kitchen
  26. Collectif Un Salaire Pour Toustes les Stagiaires (SPTS)
  27. Collectif Opposé à la Brutalité Policière (COBP)
  28. REZO -santé et mieux-être des hommes gais et bisexuels, cis et trans
  29. BRUE
  30. PIAMP
  31. Pivot Legal Society
  32. Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)
  33. Sphère – Santé sexuelle globale
  34. Dopamine
  35. AIDS Community Care Montreal (ACCM)
  36. Defund Network 604
  37. Projet de Travailleurs de Soutien aux Autochtones (PTSA)/Indigenous Support Workers Project (ISWP)
  38. Indigenous Sex Work and Art Collective (ISWAC) 
  39. Game Workers Unite Montréal
  40. Rue Action prévention (RAP Jeunesse)
  41. Sex Worker Aotearoa Network
  42. Maggie’s Toronto Sex Workers Action Project
  43. PIECE Edmonton
  44. Moms stop the harm
  45. Collectif NU.E.S
  46. Centre for Gender & Sexual Health Equity
  47. AGIR: Action LGBTQ+ avec les immigrant.es et les réfugié.es
  48. Comité d’intervention infirmière anti-oppressive (UdeS)
  49.  Les 3 sex*
  50. Quebec Public Interest Research Group (QPIRG) Condordia
  51. Association des travailleuses et travailleurs de rue du Québec (ATTRueQ)

Individus:

  1. Maria Nengeh Mensah – Professeure
  2. Dr Gary Kinsman
  3. Kamala Kempadoo – Professeure
  4. Dr Mary Sherman – Co-coordinatrice du Projet de Travailleur de Soutien aux Autochtones
  5. Mollie Bannerman – Directrice de Women & HIV/AIDS Initiative
  6. Louise Toupin – Alliée
  7. Marlihan Lopez – Coordinatrice de l’Institut Simone de Beauvoir et vice-présidente de la FFQ
  8. Ted Rutland – Professeur et auteur
  9. Kiki Lafond – Coordinatrice du programme travail du sexe à RÉZO
  10. Robert Paris – Directeur de Pact de Rue
  11. Audrey Monette – Criminologue
  12. Mary-Anne Poutanen
  13. Christine Wingate – Directrice de Moms Stop The Harm
  14. Petra Schulz – Co-fondatrice de Moms Stop The Harm
  15. Fadwa Bahman – Coordinatrice aux communications pour Queer McGill
  16. Dr. Jess Rowan Marcotte – Organisateur communautaire et artiste
  17. Émilie Roberge – Chargée de concertation communautaire sur les surdoses et étudiante au baccalauréat en travail social
  18. Alexandre Lamontagne – Étudiant  en travail social
  19. Chacha Enriquez- Professeur.e au collégial
  20. Marie LaRochelle – Consultante pour OBNL et podcasteuse
  21. Laurence Bouchard – Éducatrice spécialisée
  22. Seeley Quest – Militant.e
  23. Ana Vujosevic – Coordinatrice de la Women and HIV/AIDS Initiative (WHAI) à Moyo Health and Community Services
  24. Jean-Philippe Bergeron – Travailleur de rue chez Dopamine
  25. Donny Basilisk – Travailleur du sexe
  26. Zakiyyah Boucaud – Étudiante et travailleuse du sexe
  27. Dawn-Marie – Aidante communautaire
  28. Megane Christensen – Travailleuse de rue
  29. Amélie Ouimet – Sexologue
  30. Anaïs Gerentes – Candidate à la maîtrise en travail social
  31. Tonye Aganaba – Musicienne et community worker
  32. Britany Thiessen – Dirigente syndicale
  33. Rosalie Vaillancourt – Hurmoriste
  34. Mallory Lowe – Artiste visuelle
  35. Léo Mary- Chargé.e des communications pour la TOMS
  36. Anne Archet- Écrivaine 
  37. Sandrine Blais – Intervenante
  38. Josée Leclerc – Intervenante
  39. Rev David Driedger
  40. Melina May – Travailleuse du sexe et militante au CATS
  41. Adore Goldman – Travailleuse du sexe et militante au CATS
  42. Samantha Knoxx – Travailleur.euse du sexe
  43. Pandora Black – Activiste et travailleuse du sexe
  44. Kristen Wiltshire – Activiste
  45. Nadia Duguay – Alliée
  46. Jelena Vermilion
  47. Francis Sheridan Paré
  48. Maxime Holliday
  49. Sam Funari
  50. Magdalene Klassen
  51. Jesse Dekel
  52. Lana Amator
  53. Rida Hamdani
  54. Gaëlle Anctil-Richer
  55. Ellie Ade Kur
  56. Valérie Comeau
  57. Mason Windels
  58. Lysandre M.G.
  59. Éliane Bonin
  60. Moriah Scott
  61. Virginia Potkins
  62. Chanelle Deville
  63. Sophie Hallée
  64. Ivy Sinclair
  65. Catherine Desjardins-Béland
  66. Jonathan McPhedran Waitzer
  67. Roxane Barnabé
  68. Raphaëlle Auger
  69. Mallory Bateman
  70. Juliette Pottier-Plaziat
  71. Charlie Fraser
  72. Geneviève Smith-Courtois
  73. Heather Day

Putes contre les prisons : ce que l’abolitionnisme pénal peut apporter au mouvement des travailleuses du sexe

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Mar 032022
 

Du Comité autonome du travail du sexe (CATS)

Par Adore Goldman et Melina May

«Si le travail du sexe était décriminalisé, nous pourrions plus facilement dénoncer les violences que nous vivons!»; «La criminalisation fait en sorte que les travailleus.eur.s du sexe (TDS) ne peuvent pas aller à la police!»; «Il existe déjà des lois pour criminaliser les violences que nous vivons sans reposer sur la criminalisation du travail du sexe

Ces phrases se retrouvent souvent dans la bouche des activistes qui militent pour la décriminalisation du travail du sexe. C’est qu’il faut convaincre nos adversaires du bien fondé de nos revendications et que nous avons à cœur la sécurité des femmes. Pourtant, on sait bien que ce ne sont que des demi-vérités; que même avec la décriminalisation, bien des TDS ne pourront jamais aller voir la police parce qu’elles sont à l’intersection d’autres oppressions; parce que la réponse des institutions judiciaires est souvent insatisfaisante en matière de violence sexuelle et genrée; parce que l’État trouvera toujours d’autres outils pour nous criminaliser et nous stigmatiser, surtout les plus précaires d’entre nous.

Alors que des théoriciennes noires comme Angela Davis remmettent en question le rôle du système pénal dans les cas de violences faites aux femmes depuis des décennies, le mouvement féministe blanc et mainstream commence à peine à se poser ces questions. Dans le cas du travail du sexe, nous considérons que ces questionnements pourraient apporter des réflexions fructueuses et importantes pour la lutte contre les violences faites aux TDS et plus largement aux femmes. Qui plus est, la criminalisation du travail du sexe repose depuis toujours sur des présupposés racistes et un effort à contrôler la migration des femmes racisées.

Face à des cas de violences, plusieurs choisiront de porter plainte à la police et de recourir au système judiciaire parce que c’est le seul moyen d’assurer leur sécurité. Nous ne posons aucun jugement sur ces situations individuelles. Nous pensons que le recours au système pénal n’est jamais un échec individuel. En revanche, nous pensons qu’il s’agit d’un échec collectif quand l’emprisonnement et la punition constituent les seules réponses à la violence. 

Les théories qui entourent l’abolition de la prison et plus largement, du système pénal dans son entièreté, peuvent servir à penser la décriminalisation de notre travail en tenant compte des besoins et des réalités plurielles qui traversent nos histoires en tant que TDS, au travail comme ailleurs.

Brève histoire politique des abolitionnismes

L’abolitionnisme pénal regroupe différentes analyses théoriques inspirées par une vaste pratique militante. Gwenola Ricordeau, chercheuse des critiques féministes contemporaines du système pénal, décline l’abolition en trois  champs : le crime, la peine et la prison.1 Elle présente le crime comme une réalité sociale, construite par l’État et définie par le Code criminel dont l’évolution historique et politique reflète les mentalités de l’époque. La peine consiste en l’ensemble des moyens pris par l’État pour punir et sanctionner une personne jugée criminelle, allant du ticketing à l’emprisonnement. Dans ses travaux, Ricordeau propose de questionner les catégories pénales telles qu’elles sont imposées par l’État qui, selon elle, détournent notre attention des pires préjudices perpétrés par les plus puissants et majoritairement liés aux rapports de domination et d’inégalités structurelles; pensons à la suprématie blanche, à la destruction de l’environnement, et aux crimes d’État.

Plusieurs activistes et écrivain.e.s font l’analyse du continuum entre le système esclavagiste et la prison contemporaine. Robyn Maynard, féministe noire et activiste canadienne pour l’abolition du système pénal, nous rappelle le rôle important des esclaves dans l’abolition officielle de l’institution de l’esclavage et aujourd’hui, celui des activistes dans la lutte contre l’incarcération massive et la surveillance des personnes noires.2 Après l’abolition de la traite des esclaves aux États-Unis en 1865, l’adoption du 13e amendement de la Constitution interdit l’esclavage, mais autorise explicitement le travail forcé des personnes condamnées. Le « complexe carcéro-industriel »3 devient alors un moyen d’organiser socialement la ségrégation raciale et « l’incarcération de masse est, métaphoriquement, le nouveau Jim Crow »4, comme l’affirme Michelle Alexander5. Le terme « abolitionniste » est donc repris dans la lutte à l’abolition du système carcéral par les activistes afro-américain.e.s pour faire écho à la lutte pour l’abolition de l’esclavage.

L’utilisation du terme « abolitionnisme » est également revendiquée par certains courants féministes pour désigner leur position à l’égard de la prostitution. Depuis les années 1980,  les campagnes et les organisations contre la traite des femmes se multiplient et sont massivement financées. Jo Doezema s’est intéressée à étudier les précédents historiques des mouvements abolitionnistes actuels dans les campagnes contre la « traite des blanches » survenues à la fin du 19e siècle.6 Elle fait l’analyse de la construction mythique à cette époque du paradigme de la victime blanche, innocente et pure et celui du trafiquant diabolique et « étranger ». Ce serait avec le début de l’immigration massive et de la circulation des femmes que serait née la panique autour de la femme européenne recrutée et exploitée à des fins sexuelles dans les colonies. L’existence de ce phénomène n’a toutefois jamais été prouvée. Cette panique, mêlée aux croisades morales et de santé publique visant à mettre fin à la prostitution, a donné l’impulsion nécessaire à la tenue de conventions et de proposition de lois internationales au début du 20e siècle pour adresser le problème de l’« esclavage des femmes blanches ». Les protocoles qui étaient alors mis en place internationalement se fondaient sur des conceptions paternalistes, sexistes et racistes; la mobilité des femmes était considérée comme dangereuse et destructrice pour l’ordre social. 

Dans un récent rapport de recherche supporté par Réseau juridique VIH et Butterfly, qui intervient auprès de s travailleuses du sexe migrantes asiatiques, on apprenait que les politiques d’immigration canadiennes ont historiquement fermé les frontières aux travailleuses du sexe en introduisant plusieurs catégories de personnes interdites dans la Loi sur l’immigration.7 Par exemple, la catégorie « les femmes et les filles qui viennent au Canada pour des “raisons immorales” »8 est introduite en 1910. Cette catégorie a été maintenue et élargie en 1976 pour inclure « les prostituées, les homosexuels ou les personnes vivant des produits de la prostitution ou de l’homosexualité, les proxénètes ou les personnes venant au Canada à ces fins ou à toute autre fin immorale »9. Si les critères de rejet qui régulent actuellement la migration ne sont plus autant explicitement basés sur des critères de normativités sexuelles et sur la désirabilité morale, ils sont surtout formulés dans le langage de la sécurité publique10. Reste que les figures racialisées du proxénète et de la femme trafiquée restent dans l’imaginaire collectif blanc et continue d’influencer les politiques en matière de travail du sexe.

Aujourd’hui, les ambassadeur.rice.s contre l’exploitation humaine se servent du narratif raciste lié à l’esclavage transatlantique dans leur appel à plus de criminalisation des clients et des proxénètes. Comme l’affirme Maynard, ces groupes 

s’approprient les horreurs de l’esclavage pour justifier les pratiques racistes de l’État et créent des conditions qui maintiennent les femmes noires en général et les travailleuse.eur.s du sexe noir.e.s en particulier vulnérables au harcèlement, au profilage, aux arrestations et à la violence.11  

Dissimulé derrière les discours antitraite se trouve également le mythe raciste de l’homme noir violeur et trafiquant. Dénoncé par Angela Davis dans son livre Femmes, race et classe12, ce mythe demeure bien présent aujourd’hui. En témoigne notamment le taux de condamnation abusif, et la surreprésentation des hommes noirs judiciarisés. Au Canada, les personnes noires ne représentent que 3% de la population, mais représentent plus de 9% de personnes détenues au sein des établissements fédéraux.13 Même si les prisons provinciales ne divulguent pas leurs statistiques raciales, les données accessibles montrent des taux similaires au fédéral, et même souvent pire.14 On retrouve également ce stéréotype dans la figure racialisée du proxénète. En reprenant les comparaisons malhonnêtes avec l’esclavage, les défenseurs anti-prostitution détournent la discussion sur les conditions de travail pour faire entendre leurs préoccupations morales sur le sexe, la race et la migration. Ce sont des millions de dollars qui sont investis dans ces organisations15 et ce sont également ces groupes qui sont invités sur les tables de discussion lorsque l’on parle de la criminalisation de notre travail.  

Nous criminaliser pour nous protéger

L’amalgame entre traite sexuelle et travail du sexe met en danger les TDS. Au Canada, ce qui en découle est un ensemble de lois fédérales, provinciales et municipales qui visent à cibler et à éliminer l’exploitation sexuelle. Les supposés objectifs de cette approche pénale et répressive sont de protéger les femmes vulnérables, en leur interdisant de travailler dans l’industrie du sexe et en réduisant la demande par la criminalisation. Concrètement, il existe très peu de preuves qui confirment que ces lois protègent les victimes de traite. Bien au contraire, plusieurs études démontrent que la criminalisation a des impacts négatifs notoires sur la qualité de vie des personnes que ses défenseurs prétendent « sauver ».16

Au Canada, le code criminel inclut spécifiquement une catégorie pénale et des infractions qui interdisent la traite des personnes. Selon un rapport de Statistique Canada, entre 2009 et 2018, sur 1708 incidents de traite humaine, 97% des victimes sont des femmes et filles avec une grande prévalence de cas d’exploitation sexuelle.17 De telles statistiques résultent d’une définition très limitée du trafic et très peu de réponses en ce qui à trait aux abus dans d’autres secteurs de travail non-sexuels comme le travail domestique ou encore l’agriculture.

En plus, le code criminel comprend des infractions spécifiques à la prostitution. Sous la Loi sur la protection des collectivités et personnes victimes d’exploitation, il est interdit de communiquer dans certains lieux publics18 pour offrir ses services sexuels, de se procurer des services sexuels, de profiter matériellement du travail du sexe et de promouvoir ces services. Du même rapport, on apprend que 63% des rapports de police sur la traite comportaient des infractions secondaires impliquant une infraction liée à des services sexuels. Cette statistique démontre bien comment ces lois sont profondément liées aux récits qui ancrent le travail du sexe comme étant naturellement abusif et que très souvent, la criminalisation de la traite des personnes sert avant tout à cibler les TDS. 

L’industrie du sexe est également surveillée et criminalisée par les projets et plans d’action de sauvetage des victimes mis en place par les forces de l’ordre des provinces. En Ontario, l’Opération Northern Spotlight coordonnée par la Gendarmerie Royale du Canada et la police provinciale de l’Ontario a été vivement critiquée par les groupes de travailleuses du sexe.19 Sous prétexte de lutter contre l’exploitation, les policiers, se faisant passer pour des clients, s’introduisaient dans les salons de massage et les hôtels pour piéger les travailleuses du sexe, les intimider, faire des fouilles injustifiées et les détenir de façon arbitraire. Non seulement, ces opérations traumatisent et rendent les TDS d’autant plus méfiant.e.s à l’égard de la police, mais elles n’aident également en rien les supposées victimes d’exploitation. L’opération Projet Crediton, une initiative menée par l’équipe de lutte contre la traite des personnes de la police d’Ontario en 2020, n’a pas donné lieu à une seule accusation de traite humaine, alors que 7 personnes ont été arrêtées et poursuivies pour 32 infractions liées au travail du sexe.20

En addition aux lois fédérales et aux politiques provinciales, les municipalités font de plus en plus l’usage des règlements en termes de zonage et de licence pour cibler et fermer les salons de massage. À Toronto, plusieurs travailleuses ont dénoncé l’utilisation abusive des règlements municipaux par les forces de l’ordre. Par exemple, certaines travailleuses ont témoigné avoir reçu un ticket pour avoir barré la porte de leur salle de travail puisque plusieurs règlements municipaux interdisent de barrer toute porte dans les salons de massage.21 Pour les personnes qui reçoivent dans leur appartement ou dans un salon de massage, barrer la porte est un moyen important pour assurer leur sécurité et « screener » les clients qui se présentent à leur porte. Certains salons de massage à Toronto ont également été soumis aux exigences de zonage les plus strictes, les autorisant à s’établir seulement dans les « zones industrielles d’emploi », qui sont habituellement réservées aux entreprises de fabrication, d’entreposage et d’expédition. Des tactiques similaires ont été utilisées à Laval en 2018 pour faire fermer les stripclubs, les sex-shops et les salons de massages des grandes artères et les reléguer dans des zones industrielles.22 Ces zones sont extrêmement isolées, peu populeuses et peu éclairées, laissant les travailleuses particulièrement vulnérables aux vols et aux violences.  

Celleux qui travaillent dans la rue sont également ciblées par les agents de police comme le témoigne cette personne : 

« Ils sont sortis de nulle part et m’ont arrêté parce qu’ils ont dit que je traversais à un feu rouge. C’était l’hiver, et personne n’était dans la rue, mais ils m’ont donné une contravention. Ils étaient très durs, très très insistants pour se débarrasser de nous dans la rue à l’époque »23

Les agents de la loi utilisent une variété d’outils pour cibler les communautés criminalisées, racisées et marginalisées, ce qui peut les empêcher d’accéder au système de justice : 

si elles vendent de la drogue ou vivent avec des personnes qui le font, elles peuvent craindre le risque d’accusation de trafic; si elles ont été victimes d’abus dans le cadre du travail du sexe et qu’elles sont séropositives, elles peuvent craindre le risque d’accusation d’aggression sexuelle aggravée pour ne pas avoir divulgué leur statut sérologique; si elles ont un statut d’immigration précaire, elles peuvent craindre de perdre leur statut et d’être déportées. 24

Ainsi, les TDS en situation d’itinérance qui utilisent et vendent des drogues ou qui sont séropositives ont toutes plus de chance d’avoir des mauvaises expériences avec les corps policiers – qu’elles soient directement en lien avec le travail du sexe ou non –  et ainsi, de ne pas porter plaintes en cas d’agressions. C’est particulièrement le cas pour nos collègues migrantes qui sont exposées à la répression policière, sous couvert de les sauver.  

Borders, what’s up with that ? 25
Trafic sexuel et contrôle de la migration des femmes

Par tous les moyens possibles, les forces de l’ordre font des pieds et des mains pour judiciariser les travailleuses du sexe. À travers la constellation de lois, la criminalisation des travailleuses migrantes peut résulter en des pénalités importantes : sous l’article 36 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, toute personne, y compris celles qui ont leur résidence permanente, déclarée coupable d’une infraction punissable par les lois fédérales peut se voir emprisonnée jusqu’à 10 ans et déportée. En 2012, le gouvernement conservateur a réformé la loi sur l’immigration afin d’interdire aux personnes migrantes qui se voient délivrer un permis de travail le droit de travailler dans l’industrie du sexe, même dans les secteurs légaux comme les salons de massage licenciés et les stripclubs et ce, même si ce sont des emplois sans services sexuels (cuisinier, concierge, barmaid, etc). L’Agence de services frontaliers du Canada joue également un rôle important dans le contrôle de l’immigration des TDS. Effectivement, il a été largement documenté que les agents frontaliers font usage de leur pouvoir discrétionnaire pour refuser l’entrée au pays à des personnes jugées comme engagées dans l’industrie du sexe, notamment les femmes migrant de l’Europe de l’Est ou d’Asie de l’Est, souvent profilées comme vulnérables et passives. 26

Si le discours anti-prostitution prend racine dans la xénophobie et le racisme autour de la traite des blanches, il n’est pas étonnant que les lois encadrant le travail du sexe, encore aujourd’hui, servent particulièrement à réprimer les TDS migrantes.27 En 2001, le gouvernement canadien introduit des pénalités spécifiques pour la traite dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Contrairement à ce qu’elles prétendent – protéger les victimes de l’exploitation – ces lois servent plutôt à protéger les citoyen.ne.s canadien.ne.s des personnes migrantes vues comme indésirables. 

En 2000, alors que les préoccupations internationales sur le trafic humain prennaient de l’ampleur, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.28Si ce protocole fournit un cadre qui permet aux États signataires de mettre en œuvre leur propre système de lois en terme d’exploitation humaine, il reste flou quant à la définition du travail du sexe. En 2012, le gouvernement fédéral annonçait la mise en place d’un Plan d’action national de lutte contre la traite de personnes. La plus récente formule, la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes alloue un budget de 75 millions pour la période de 2019 à 2024.29 Malgré toutes les ressources et l’argent investi dans la lutte contre le trafic humain, on apprend qu’entre le 1er janvier 2006 et le 13 juillet 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada enregistrait un total de 8 accusations portées en matière de traite de la personne et aucune condamnation.30 Les enquêtes, le profilage et les descentes de police en matière de lutte contre la traite des personnes ne permettent que rarement, voire jamais, de découvrir des « trafiquants ». Il ne fait aucun doute que ces pratiques et politiques répressives servent surtout à maintenir un climat de peur parmi les personnes en contexte de migration.

Nous aussi: les victimes de la criminalisation

Le modèle légal canadien en matière de prostitution est généralement justifié sous le couvert d’aider les victimes d’exploitation sexuelle et d’éradiquer l’industrie du sexe, décrite comme la parfaite illustration du patriarcat et de l’exploitation des femmes. Défendu également par plusieurs groupes de féministes carcérales, le préambule de ces lois présente les TDS comme des victimes qu’il faudrait à tout prix sauver des proxénètes et des clients, qui encouragent cette exploitation. 

Il est impossible de nier que les travailleuses du sexe vivent des violences dans leur travail. Plus encore, il faut reconnaître que ces violences ont un caractère genré, racialisé et de classe: les TDS pauvres, racisées, migrantes, autochtones, trans et qui travaillent dans la rue sont plus susceptibles de subir cette violence et de subir des formes plus graves de violences.31 32 Toutefois, rarement questionne-t-on les réelles capacités du modèle carcéral et pénal à protéger les TDS.

C’est une vérité de la Palice de dire que le système de justice est inefficace pour traiter des violences genrées: au Canada, on estime que 3 agressions sexuelles sur 1000 se soldent par une condamnation. Avec un taux de 5% de déclarations à la police, il s’agit du crime le moins rapporté. Il s’agit également du seul crime violent dont la proportion n’a pas diminué depuis 1999. 33

De telles statistiques sont évidemment révoltantes. Devant ces chiffres, différentes tendances du mouvement féministe revendiquent davantage de justice, de nouvelles lois, une reconnaissance du féminicide comme catégorie juridique, un tribunal spécial, des peines plus sévères… Mais la capacité du système de justice à traiter de ces violences est rarement interrogée dans son ensemble.

Dans ses travaux, Gwenola Ricordeau montre que non seulement les victimes sont souvent revictimisées34 devant les tribunaux, mais que la forme du procès est en elle-même contraire aux besoins des victimes. En effet, en se soumettant au système de justice, les victimes subissent en quelque sorte un « vol de leur préjudice ».35 Ainsi, elles seront remises en question, interrogées sur la véracité des actes qu’elles allèguent, et l’accusé aura tout avantage à ne pas reconnaître le préjudice causé pour ne pas être reconnu coupable. Cette façon de faire va le plus souvent à l’encontre du besoin de reconnaissance des souffrances des victimes. Plus encore, il est attendu qu’elles remplissent le rôle de la victime parfaite. Ainsi, les femmes les plus pauvres, les femmes racisées, les travailleuses du sexe et celles qui utilisent des drogues sont moins susceptibles de voir leur agresseur puni. 36

Même lorsqu’une condamnation est prononcée, cela ne veut pas dire que les TDS sont protégées. En 2020, à Québec, Marylène Lévèsque, travailleuse du sexe, fût assassinée par son client. Ce dernier était en liberté conditionnelle après avoir purgée une peine d’emprisonnement pour le meurtre de sa conjointe. Son agente de libération conditionnelle savait qu’il fréquentait des travailleuses du sexe et trouvait normal et sain que ce dernier obtienne de la sexualité de cette façon, malgré son passé extrêmement violent et les taux importants de victimisation des TDS. Cette intervention a été défendue par le syndicat des agents de libération conditionnelle.37 Le rapport du coroner, sorti en novembre 2021, recommande le port du bracelet électronique, mais n’interroge nullement les conditions de travail des TDS et l’impact de la criminalisation sur celles-ci.38 Ainsi, le contexte de criminalisation n’empêche pas les hommes dangereux et violents d’accéder aux services des TDS – c’est même ce qui a été encouragé dans ce cas et défendu par l’institution carcérale! C’est que les TDS sont perçu.e.s comme des victimes collatérales, censé.e.s protéger les autres femmes des hommes violents en leur servant de défouloir. 

L’autodéfense des femmes est également criminalisée lorsqu’elles ripostent à des actes de violence. Parce qu’évidemment, les femmes ne demeurent pas passives. Une étude américaine estimait en 2005 que 67% des femmes incarcérées pour l’homicide d’un proche avaient d’abord été victimes de ce dernier.39 Pour les TDS, la légitime défense est souvent un motif de criminalisation et d’emprisonnement. Le cas de Cynthoia Brown est particulièrement révélateur à ce sujet. Mineure au moment des faits et forcée à vendre du sexe par un partenaire abusif, elle a été condamnée à une peine de 52 ans pour avoir tiré sur un client qui l’avait menacé et agressé.40 Après avoir passé quinze ans derrière les barreaux, Cynthoia a été libérée, après que le travail acharné de militant.e.s de Black Lives Matters ait porté son cas devant les médias, puis soit partagé par Kim Kardashian et Rihanna. Si l’accusée a réussi à obtenir la clémence, la majorité des TDS qui utilisent la légitime défense ne bénéficie pas de ce traitement médiatique, entre autres parce qu’elles sont adultes ou sont dans l’industrie de leur propre gré. En juillet 2021, Nichole Hover, une travailleuse du sexe d’Ottawa, a plaidé coupable à un chef d’accusation d’homicide involontaire, après avoir été accusée de meurtre au deuxième degré.41 Elle était avec un client qui a refusé de la payer, prétextant qu’il n’avait pas pu atteindre l’orgasme. Un conflit a éclaté et le client d’Hover est devenu violent. Elle a été condamnée à sept ans de prison. Bien qu’on ignore pourquoi Hover ait choisi de ne pas aller en procès et si elle a eu accès à de la représentation légale, l’issue de cette affaire ne devrait pas nous étonner: au Canada, on estime que 90% des personnes accusées déposent un plaidoyer de culpabilité.42 Les personnes détenues avant procès sont également plus susceptibles de plaider coupable que celles libérées sous caution. Le fait de détenir les personnes avant procès a été qualifié de « stratégie pour arracher un plaidoyer de culpabilité »43 dans certaines recherches. En effet, « [l]es gens vulnérables ayant des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale, de déficience cognitive, de pauvreté ou d’itinérance peuvent subir des pressions accrues en faveur d’un plaidoyer de culpabilité. »44

Plus encore, la violence contre les TDS est souvent utilisée pour pousser des lois qui les criminalisent elles-mêmes. Les dernières tueries dans des salons de massage à Toronto en 2020 et à Atlanta en 2021 en sont des exemples. Dans le premier cas, le présumé tueur de Ashley Noelle-Arzaga a été accusé de terrorisme après que la police ait découvert les motifs misogynes et violents associés aux « incels45 ».46 Ces charges peuvent avoir l’air progressistes à première vue; ce n’est pas tous les jours qu’un homme blanc est accusé de terrorrisme. Toutefois, ce n’est pas ainsi qu’elles ont été perçues par la communauté visée par l’attentat. Selon Elene Lam, la fondatrice de l’organisme Butterfly, « les forces de l’ordre sont les plus grands terroristes [pour les TDS ] ».47 Selon un sondage produit par l’organisme, la moitié des répondantes ont déclaré qu’un agent de la paix avait été abusif, oppressant ou humiliant envers elles.48 Plutôt que des charges de terrorisme, les TDS préféreraient plutôt la décriminalisation de leur travail et l’accès à des droits du travail.49 Même son de cloche du côté de Red Canary Song, organisme New Yorkais intervenant auprès des TDS asiatiques et migrantes, suite à la fusillade dans un salon de massage d’Atlanta qui a mené à la mort de 8 femmes:

Nous rejetons l’appel à davantage de police en réponse à cette tragédie. L’impulsion à appeler à davantage de répression est encore plus grande en milieu de toute cette violence anti-asiatique qui appelle à encore plus de peines carcérales. […] La police n’a jamais eu une réponse adéquate à la violence parce qu’[elle] est un agent de la suprématie blanche. La police n’a jamais gardé en sécurité les travailleuses du sexe ou les employées des salons de massage ou les immigrant.e.s. La criminalisation et la démonisation des travailleuses du sexe a blessé et tué un nombre incalculable de personnes – plusieurs aux mains de la police, à la fois directement et indirectement. À cause de la perception raciste et sexiste des femmes asiatiques, particulièrement celles engagées dans des travaux vulnérables et mal-payés, la criminalisation du travail du sexe porte préjudice aux travailleuses des salons de massage, peu importe si elles en font elle-mêmes. La décriminalisation du travail du sexe est la seule façon qu’ont les travailleuses du sexe, les femmes travaillant dans des salons de massage, les survivantes de traffic ou n’importe qui criminalisé pour ses stratégies de (sur)vie d’être en sécurité.50

Puisque c’est le même appareil qui les criminalise, faire appel à la police ou à l’ensemble du système carcéral ne fait donc aucun sens pour ces femmes, particulièrement les femmes migrantes qui vivent avec la menace constante d’être déportées si leur travail est découvert. 

Un argument souvent utilisé pour défendre la décriminalisation du travail du sexe est que les clients et les proxénètes abusifs pourraient être plus facilement dénoncés à la police. Quand on pense à la façon dont la police et tout l’appareil pénal traite les victimes de violences genrées, on peut questionner l’utilisation de cet argument. Alors si ce n’est pas pour aller à la police, qu’est-ce que la décriminalisation apporterait aux TDS?

Criminaliser la pauvreté, pas les prostituées!

En 2020, suite à l’assassinat de l’homme afro-américain George Flyod aux mains du policier Derek Chauvin, des militant.e.s d’un peu partout en Amérique du Nord se sont mis à réclamer le définancement – voire même l’abolition – de la police.⁵¹ Ces militant.e.s revendiquent du même coup que le budget de la police, et plus largement de l’ensemble du système pénal, soit réinvesti dans les ressources sociales et communautaires. Nous pensons que cette proposition est intéressante pour réfléchir la décriminalisation du travail du sexe. Car ce dont ont réellement besoin les TDS, ce n’est pas d’une meilleure criminalisation, mais bien de droits et de ressources.

La décriminalisation du travail du sexe permettrait entre autre que les TDS aient accès aux droits du travail. Nous pensons que l’accès à ces régulations occasionnerait plusieurs améliorations dans nos conditions de travail. Pensons à la capacité d’exiger que les employeurs garantissent un environnement de travail sécuritaire et bannissent les clients problématiques, à un accès facilité à la dénonciation du harcèlement et de la violence au travail et à la capacité d’obtenir des compensations dans ces cas ou encore, à la capacité de dénoncer la discrimination raciale à l’embauche. Les situations de violences pourraient également être davantage prévenues si les clients n’avaient plus peur de la criminalisation, car cela faciliterait l’utilisation de méthodes de screening.

Les lois pour réguler le travail du sexe prenant racine dans le contrôle de la migration, nous pensons qu’il est également essentiel de porter une attention particulière aux conditions des TDS migrantes dans nos revendications pour la décriminalisation. Même en Nouvelle-Zélande, pays souvent vu comme l’exemple en terme de décriminalisation du travail du sexe, les TDS migrantes n’ont toujours pas le droit de travailler légalement près de 20 ans après le changement de lois. La lutte au trafic sexuel est directement reliée aux efforts des pays occidentaux de limiter la migration. Nous pensons que la seule solution pour remédier aux abus des personnes migrantes dans l’industrie du sexe est d’abolir la détention et les déportations, d’ouvrir les frontières et d’accorder un statut pour tout.e.s. Cela permettrait aux personnes migrantes qui travaillent dans l’industrie du sexe, ou dans toute autre industrie qui contourne les droits du travail, d’accèder à des protections sociales.

Toutefois, les réformes légales ne sauraient à elles seules lutter contre les violences structurelles desquelles les TDS sont souvent aux intersections. Les femmes, les personnes migrantes, racisées, trans et hadicapées sont toutes surreprésentées dans le travail du sexe et parmis les personnes victimisées. Les barrières aux emplois traditionnels, les difficultés d’accès au logement à un prix décent et de taille adéquate, les difficultés d’accès grandissantes à des soins de santé gratuits et universels, à la garde d’enfants, et plus largement, la pauvreté structurelle et les inégalités croissantes, sont tous des facteurs d’augmentation de la violence. Ces obstacles structurels font qu’une personne peut être obligée de rester dans une situation de violence, que ce soit la violence d’un conjoint, d’un proxénète ou d’un employeur. La prison, la criminalisation, la stigmatisation et la répression sont des facteurs d’accroissement de ces inégalités et non pas des solutions! Si nous voulons lutter contre la violence envers les TDS, les femmes et les personnes opprimées par le genre, il faudra réclamer davantage de ressources, de l’argent dans nos poches et un toit pour tout.e.s. Nous irons chercher cet argent à même le budget qui nous criminalise!

Cet article est paru dans la deuxième édition du zine CATS Attaque ! Pour consulter le zine au complet, visitez le site du CATS.

Visite en soirée à la maison de la présidente de RBC Québec [vidéo]

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Mar 012022
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Le soir du 23 février, une vingtaine de militant.e.s ont fait une visite surprise à la maison de la présidente de RBC Québec, Nadine Renaud-Tinker, au 734 avenue Upper Lansdowne dans Westmount. Pendant que les défendeur.eresses.s autochtones et leurs complices résistent aux vagues d’assauts coloniaux pour défendre le Yintah Wet’suwet’en et la rivière Wedzin Kwa, des investisseur.e.s tels que la RBC profitent confortablement des présents génocides des Premiers Peuples et de la destructions des territoires non-cédés pour des projects capitalistes extractivistes. Rappelons-nous que la Banque Royale du KKKanada est à la tête d’un groupe de 27 banques qui avancent les 6,8 milliards de dollars nécessaires à la réalisation du Coastal GasLink Pipeline et a généreusement contribué, depuis 2016, plus de 200 milliards de dollars à l’industrie des énergies fossiles.

Bien qu’il ne soit ni possible ni souhaitable de recréer la cruauté financée par la présidente Renaud-Tinker en territoire Wet’suwet’en, les militant.e.s ont souhaité lui donner une idée du sentiment qu’engendre une visite impromptue à son domicile. Iels sont resté.e.s plus d’une heure sur place, scandant des slogans et dansant sur la musique. L’ambiance fut festive et les camarades n’ont pas mâché leur mots pour démontrer leur indignation, puis ont quitté les lieux sécuritairement.

Suite au récent sabotage d’un site de forage de Coastal GasLink, une répression et surveillance accrue de la GRC en territoire Wet’suwet’en est en branle et notre solidarité est plus nécessaire que jamais! Restons à l’affût, la lutte continue! #AllOutForWedzinKwa

Les anarchistes russes sur l’invasion de l’Ukraine

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Fév 282022
 

De CrimethInc.

Alors que l’invasion de l’Ukraine par la Russie se poursuit,les anarchistes continuent de se mobiliser sur tout le territoire russe, aux côtés de milliers d’autres personnes, contre la guerre. Nous publions ici les communiqués de deux organisations anarchistes russes de longue date, qui proposent une analyse de la situation en Russie et de la façon dont l’invasion de l’Ukraine pourrait la modifier.

Plusieurs manifestations sont prévues en Russie pour demain (dimanche 27 février). Nous attendons toujours des nouvelles de nos contacts en Ukraine, que nous publierons dès leur arrivée.

Au cours de l’invasion la Russie est devenue un champ de bataille dans la guerre de l’information. Le gouvernement russe a tenté de bloquer l’accès à Twitter pour que les Russes ne puissent pas voir ce qui se passe en Ukraine, ou dans le reste de la Russie. De l’autre côté des barricades, le site internet du Kremlin a été piraté. Que les Russes soutiennent cette invasion qui leur coûte beaucoup, ou qu’iels s’opposent à Poutine malgré les risques, sera sans doute déterminant pour les événements en Ukraine à long terme.

« La paix est le privilège réservé à ceux qui ont les moyens de ne pas se battre dans les guerres qu’ils créent – aux yeux des fous nous ne sommes que des chiffres sur un graphique, des obstacles sur leur chemin vers la domination du monde. »

-Tragedy, “Eyes of Madness

Des actions de solidarité se poursuivent aujourd’hui en Allemagne, en Suisse et ailleurs dans le monde.

La position du Militant Anarchiste sur l’attaque de la Russie contre l’Ukraine

Le communiqué suivant a été publié hier sur le canal Telegram du *Militant Anarchiste [Боец Анархист], un collectif anarchiste russe dont nous avions précédemment traduit le nom par « Anarchist Fighter ».*

Notre position sur les événements qui se déroulent en Ukraine est clairement indiquée dans nos posts précédents. Cependant, nous il nous apparaît nécessaire de l’exprimer explicitement, pour ne pas laisser de place au non-dit.

Nous, le collectif Militant Anarchiste, ne sommes en aucun cas des soutiens de l’État ukrainien. Nous l’avons critiqué à de nombreuses reprises et avons par le passé soutenu celles et ceux qui s’y sont opposé·es. Nous avons également été la cause d’une opération de police contre l’opérateur téléphonique VirtualSim, menée par les services de sécurité ukrainiens dans l’espoir de nous combattre.1

Et nous reviendrons sans aucun doute à cette politique dans le futur, quand la menace de la conquête russe se sera éloignée. Tous les États sont des camps de concentrations.

Cependant ce qui est en train de se passer en Ukraine dépasse largement cette formule, et le principe selon lequel tout·e anarchiste devrait lutter pour la défaite de son pays.

Car il ne s’agit pas simplement d’une guerre entre puissances relativement égales, portant sur la redistribution des zones d’influence du capital, et dans laquelle nous pourrions appliquer l’axiome d’Eskobar.2

Ce qui se passe actuellement en Ukraine est un acte d’agression impérialiste : une agression qui, si elle réussit, mènera au déclin de la liberté partout – que ça soit en Ukraine, en Russie et peut-être même dans d’autres pays. Elle rend aussi plus importante la probabilité que la guerre se poursuive et que l’on assiste à une escalade vers une guerre mondiale.

De notre point de vue, cette analyse est évidente en ce qui concerne l’Ukraine. Mais en Russie, une petite guerre victorieuse (ainsi que des sanctions extérieures) fournira au régime ce dont il manque actuellement. Elle lui donnera carte blanche du fait de la poussée patriotique qu’elle ne manquera pas de déclencher chez une partie de la population. Et l’État russe pourra également faire reposer tous les problèmes économiques sur le compte des sanctions et de la guerre.

Dans la situation actuelle, la défaite de la Russie augmenterait la probabilité que les gens se soulèvent, comme cela s’est produit en 1905 [quand la défaite militaire de la Russie face au Japon a conduit à un soulèvement en Russie], ou en 1917 [quand les difficultés de la Russie lors de la Première Guerre mondiale ont conduit à la révolution], et ouvrent les yeux sur ce qui est en train de se passer dans le pays.

Quant à l’Ukraine, sa victoire paverait la voie à un renforcement de la démocratie directe, car si elle advient, ça ne peut-être que grâce à l’auto-organisation populaire, l’entraide et la résistance collective. Ce sont les réponses à apporter aux défis que la guerre impose à la société.

En outre, les structures crées pour mettre en place ces formes d’auto-organisations ne disparaîtront pas une fois la guerre terminée.

Bien sûr, la victoire ne réglera pas les problèmes de la société ukrainienne, ils devront être résolus en profitant des opportunités qui s’ouvriront dans l’instabilité que connaîtra nécessairement le régime après de tels bouleversements. Cependant, la défaite ne résoudra pas les problèmes non plus, mais au contraire les exacerbera encore plus.

Bien que toutes ces raisons – que nous appellerons géopolitiques – soient importantes dans notre décision de soutenir l’Ukraine dans ce conflit, ce ne sont pas les raisons principales. Les plus importantes sont des raisons morales internes : la simple vérité est que la Russie est l’agresseur et qu’elle mène une politique ouvertement fasciste. Elle appelle la guerre la paix. La Russie ment et tue.

À cause de ses actions agressives, des gens souffrent et meurent dans les deux camps. Et oui, même les soldat·es sont broyé·es par cette machine de guerre (par compte nous ne comptons pas les ordures pour qui « la guerre est naturelle », qu’il est pour nous difficile de continuer à qualifier de « personnes »). Et tout cela continuera jusqu’à ce qu’on y mette fin.

C’est pourquoi nous demandons instamment à toutes celles et ceux qui lisent ces lignes et ne sont pas insensibles, à faire preuve de solidarité avec le peuple ukrainien (et pas avec l’État !!!) et de soutenir leur lutte pour la liberté contre la tyrannie de Poutine.

Il nous faut vivre une époque historique. Faisons en sorte que cette page d’histoire ne soit pas honteuse, mais que nous puissions en être fièr·es.

Liberté pour les peuples du monde ! La paix au peuple d’Ukraine ! Non à l’agression de Poutine ! Non à la guerre !

Des manifestant·es anti-guerre défilent avec une bannière à Moscou. Les anarchistes ont défilé à plusieurs reprises avec cette bannière dans la nuit du 24 février. Selon les informations recueillies, même après que la police ait dispersé la manifestation principale et procédé à de nombreuses arrestations, les anarchistes se sont regroupé·es et ont recommencé à défiler jusqu’à ce que la police les charge et les arrête. Le courage dont ont fait preuve les manifestant·es en Russie est une leçon d’humilité.

But what is happening now in Ukraine goes beyond this simple formula, and the principle that every anarchist should fight for the defeat of their country in war.


Le crépuscule avant l’aube

Le texte suivant a été publié aujourd’hui sous la forme d’un podcast en russe sur le site web d’Action Autonome.

Guerre

Jeudi matin, Poutine a lancé la plus grande guerre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Il se cache derrière les prétendus intérêts de la partie séparatiste du Donbass, même si la RPD et la RPL étaient déjà absolument satisfaites de leur reconnaissance en tant qu’États indépendants, de l’entrée officielle de l’armée russe sur le territoire et de la promesse d’un financement à hauteur d’1,5 milliard de roubles. Rappelons également que depuis de nombreux mois, le coût des loyers et le prix des denrées alimentaires augmentent de jour en jour en Russie.

Le Kremlin a formulé des demandes absurdes aux autorités de Kiev, à commencer par la « dénazification ». Il est vrai que, grâce à sa participation active aux manifestations de Maïdan en 2014, l’extrême-droite ukrainienne s’est assurée une position disproportionnée dans les institutions politiques et les forces de l’ordre. Mais dans toutes les élections en Ukraine depuis 2014, ils n’ont pas obtenu plus de quelques pourcentages des voix. Le président de l’Ukraine est juif. Le problème de l’extrême-droite en Ukraine doit être résolu, mais pas par des chars russes. Les autres accusations du Kremlin à l’encontre de l’Ukraine – corruption, fraude électorale et justice aux ordres – seraient bien plus appropriées pour parler du régime de Poutine lui-même. Aujourd’hui, les soldat·es russes sont, au sens premier du terme, des occupant·es d’un pays étranger, même si cela contredit les attentes de toutes celles et ceux qui ont grandi avec les récits de la Grande Guerre patriotique.

La Russie s’est retrouvée isolée au niveau international. [Le président turc Recep Tayyip] Erdoğan, [le secrétaire général du Parti Communiste chinois] Xi Jinping, et même les talibans demandent à Poutine de cesser les hostilités. L’Europe et les États-Unis imposent chaque jour de nouvelles sanctions à la Russie.

Au moment où nous préparons ce texte, le troisième jour de la guerre approche. L’armée russe est nettement supérieure à l’armée ukrainienne, mais la guerre ne semble pas se dérouler exactement selon le plan de Poutine. Ce dernier comptait apparemment sur une victoire en un ou deux jours, avec très peu de résistance, voire aucune, mais de sérieux combats ont eu lieu sur tout le territoire ukrainien.

Les Russes et le monde entier regardent en ce moment-même des vidéos montrant des bombes frappant des immeubles résidentiels, un véhicule blindé écrasant une personne âgée, des cadavres et des fusillades.

Roskomnadzor [le service fédéral du gouvernement russe chargé de la supervision des communications, des technologies de l’information et des médias] tente encore de menacer tout Internet, en exigeant : « N’appelez pas cela une guerre, mais une opération spéciale. » Mais peu de gens le prennent encore au sérieux désormais. Tant qu’Internet n’est pas entièrement coupé en Russie, il y aura suffisamment de sources d’information. Au cas où, nous vous recommandons une fois de plus de configurer à l’avance Tor avec passerelles, un VPN, et Psiphon.

Les effets des sanctions et de la guerre commencent tout juste à se faire sentir en Russie. À Moscou, la plupart des distributeurs de billets étaient à court de billets vendredi. Pourquoi ? Parce que la veille, les gens ont retiré 111 milliards de roubles des banques : en fait, toutes leurs économies. Le marché de l’immobilier s’est effondré alors que la construction de bâtiments résidentiels est la branche la plus importante de l’économie russe. L’industrie automobile étrangère cesse progressivement d’expédier des voitures en Russie. Les taux de change du dollar et de l’euro sont artificiellement maintenus par la Banque Centrale. Les actions de toutes les entreprises russes ont sévèrement chuté. Tout le monde comprend que la situation ne peut que s’empirer.

La police anti-émeute russe arrête une manifestante. On peut lire sur son masque « Non à la guerre ».
Seul Poutine a besoin de ça

La réaction russe à la guerre en Ukraine est complètement différente de ce qui s’était passé en 2014 [quand la Russie s’était emparée de la Crimée après la révolution ukrainienne]. De nombreuses personnes, y compris des personnalités qui travaillaient pour le gouvernement, demandent la fin immédiate de la guerre. Le renvoi d’Ivan Urgant, la principale vedette de la télévision russe, est en ce sens remarquable.

La grande majorité de celles et ceux qui soutiennent encore Poutine est également contre la guerre. Le supporter moyen de Poutine croit maintenant que tout a été calculé, que la guerre ne va pas s’éterniser et que l’économie russe va survivre. Car oui, il n’est pas simple de reconnaître que son pays est dirigé par un dérangé, par un Don Quichotte qui contrôle une armée d’un million de soldat·es, l’une des plus puissantes du monde, un Don Quichotte qui dispose de l’arme nucléaire, capable de détruire l’humanité toute entière. Il est difficile de concevoir qu’un dirigeant, après avoir consulté des politologues et des philosophes de seconde zone, puisse bombarder un pays voisin et fraternel et détruire sa propre économie.

En se délectant d’un pouvoir illimité, Poutine s’est progressivement éloigné de la réalité. On pense aux quarantaines de deux semaines imposées aux simples mortels qui doivent rencontrer le président russe pour une raison ou un autre, ou aux tables gigantesques ou Poutine reçoit à la fois ses ministres et les autres chefs d’État.

Poutine a toujours été un politicien qui cherchait à équilibrer les intérêts des forces de sécurité et des oligarques. Aujourd’hui, le président est sorti de son rôle, et a entrepris un grand voyage dans la mer infinie de la sénilité. Nous sommes prêt·es à parier une bouteille du meilleur whisky que dans un futur proche, monsieur le Président pourrait subir un coup d’État venant de son cercle le plus proche.

La Russie pourrait bien se retrouver en 2023 avec un autre système de pouvoir et autre visage au Kremlin. Lesquels exactement, nous le savons pas. Mais pour l’heure, nous traversons le crépuscule avant l’aube.

Pendant ce temps, des manifestations contre la guerre ont lieu en Russie. Des anarchistes y participent à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kazan, Perm, Irkoutsk, Yekaterinburg et dans d’autres villes. En Russie, il est extrêmement difficile d’organiser des manifestations dans les rues ; cela entraîne des poursuites administratives et pénales, ainsi que de la bonne vieille violence policière. Mais les gens sortent tout de même. Des milliers de personnes ont déjà été arrêtées, mais les manifestations continuent. La Russie est contre cette guerre et contre Poutine ! Sortez – quand et où vous le souhaitez ! Faites équipe avec des ami·es et des personnes partageant les mêmes idées. Les réseaux sociaux suggèrent une action de protestation générale ce dimanche à 16 heures. Ce moment n’est pas pire qu’un autre. Vous pouvez télécharger des tracts anti-guerre à distribuer et à afficher sur notre site web et sur les réseaux sociaux !

Des tracts russes s’opposant à l’invasion, sur lesquels on peut lire « Vous payez pour la guerre de Poutine – impôts, frontières fermées, pauvreté, blocage des services, vide informationnel – non à la guerre ! » et « Non à l’invasion militaire de l’Ukraine : paix au peuple, guerre aux dirigeants. »

Pendant ce temps, les anarchistes ukrainiens participent à la défense territoriale de leurs villes. C’est bien plus difficile pour eux que pour les gens en Russie, mais il s’agit d’une seule et même défense. C’est la défense de la liberté contre la dictature, de la volonté contre la servitude, des gens ordinaires contre les présidents dérangés.

À vos moutons

Si, comme par miracle, Poutine revenait à la raison et que la guerre prenait fin, serions-nous prêt·es à « retourner à nos moutons » ? Il est probable que nous serions expulsé·es du Conseil de l’Europe. Les Russes perdraient ainsi la possibilité de s’adresser à la Cour Européenne des droits de l’homme, et bientôt le Kremlin rétablirait la peine de mort.

Pour l’heure, revenons à l’actualité, qui reste conforme à l’esprit de ces dernières années. En ce moment-même, la Douma [organe législatif de l’assemblée au pouvoir en Russie] adopte une loi selon laquelle un conscrit militaire doit se présenter lui-même au bureau d’enrôlement plutôt que d’attendre une convocation. Poutine a également récemment augmenté les salaires de la police. Et le bureau du procureur, dans un appel, a demandé de porter de cinq à neuf ans la peine d’un anarchiste de Kansk, Nikita Uvarov, condamné dans la célèbre « affaire de terrorisme Minecraft ».

Vous savez vous-même quoi faire de tout cela.

Liberté pour les peuples! Mort aux empires !


La police escorte une personne arrêtée tenant une pancarte « Je suis contre la guerre ».
  1. Plus d’informations sur cette affaire ici
  2. Eskobar était le chanteur d’un groupe de rock ukrainien appelé Bredor. Il y a longtemps, dans une interview, il a prononcé une phrase célèbre, qui est devenue un mème : “Шо то хуйня, шо это хуйня” – une façon succincte d’exprimer quelque chose comme « une situation où vous avez le choix entre deux mauvaises options, sans aucune alternative »