Montréal Contre-information
Montréal Contre-information
Montréal Contre-information

Rattachements : un texte ennemi

 Commentaires fermés sur Rattachements : un texte ennemi
Fév 212021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Au début de l’année 2020 sortait au Québec un bien mauvais texte intitulé Rattachements. Pour une écologie de la présence et signé par le collectif Dispositions. Ancré dans l’appelisme, celui-ci mélange non seulement un mysticisme langagier hors de propos à certaines idées conservatrices à peine déguisées, mais n’hésite pas, en plus, à défendre des positions tendancieusement néocoloniales et capitalistes, le tout baigné dans un étonnant narcissisme. Nous avions jusqu’ici gardé pour la sphère privée nos critiques de ce texte qui ne nous semblait pas mériter d’efforts critiques de notre part. Malheureusement, le fait que les auteur.e.s du texte s’efforcent de le faire circuler encore un an après sa publication et qu’il.le.s l’aient maintenant traduit en anglais nous place dans l’obligation de réagir. Si notre critique porte uniquement sur le texte Rattachementsi, elle peut aisément s’appliquer aussi au texte américain qui a inspiré celui-ci, à savoir Inhabitii (maintenant traduit en français et diffusé au Québec). Les citations suivent l’ordre du texte, mais ne sont pas référées, car la version imprimée du texte n’est pas paginée.

* * *

Après avoir rapidement présenté la crise actuelle, écologique et humaine, Rattachements se propose de dépasser la binarité paralysante qui traverse le mouvement écologiste, composée de « l’environnementalisme activiste » et de « l’environnementalisme individuel ». Il ne faut pas croire par contre qu’une proposition stratégique viendra remplacer cette binarité : au contraire, les auteur.e.s affirment que proposer une « orientation de l’action » relève de « l’activisme » et que cela est sans intérêt. D’entrée de jeu, il semble qu’un immanentisme ésotérique saupoudré de conviction en l’avenir (espoir qui sera contrebalancé plus tard) se substitue à la stratégie politique : il serait suffisant, selon les auteur.e.s, « de savoir que les éléments qui composent la vie magique sont déjà-là à nous attendre, de savoir que l’on agit sur le temps long ». Quant à savoir à qui exactement s’adresse le texte, cela n’est pas dit, quoique nous ayons un indice par la négative au début de la section II. Une assertion – qui sent la condescendance de classe – y pose la question de savoir comment l’on peut « parler de la nature à des sujets métropolitains ». Le ton semble connoter un regret quant à cette dépossession des pauvres des villes, mais rien n’est dit sur la manière dont il faudrait y pallier ou dont ces déshérité.e.s pourraient reconnecter avec la nature, sauf à s’acheter une terre en campagne. Nous verrons qu’en effet, les auteur.e.s insistent sur une reconnexion à la nature qui n’est, dans les faits, que le privilège des nanti.e.s. Alors pauvres déshérité.e.s : c’est triste, mais il n’y aura pas de « rédemption par la présence » pour vous dans le texte Rattachements.

Si les auteur.e.s jugent un peu plus loin dans leur texte, avec raison, que l’État cherche à capter l’ensemble des luttes écologistes et à faire passer n’importe quelle politique verte pour un progrès du bien commun, il.le.s se gardent pourtant de parler des très nombreux groupes et collectifs écologistes radicaux, anticapitalistes et décoloniaux qui luttent contre l’État et qui ne sont pas captés par lui. Afin de souligner leur soi-disant exceptionnalisme de conscience et la magnificence de leurs pratiques, les auteur.e.s du texte invisibilisent l’ensemble des mouvements radicaux existants. Allant jusqu’à exprimer le regret de cette soi-disant absence, les auteur.e.s masquent par ce geste les pratiques de millions de personnes en lutte partout à travers le monde. Comme le mouvement radical réel est ignoré par les auteur.e.s, il.le.s nous proposent ceci afin que les choses changent : « Il s’agit de défendre les formes d’existence contre ce qui en nie les possibilités. Il s’agit de lutter et de vaincre de l’ennemi (qui prend plusieurs formes, en nous comme hors de nous). » Nous ne saurons pas quelles formes d’existence il faut sauver ni quel ennemi il faut combattre. L’ellipse suffit selon les auteur.e.s. Le capitalisme ? Le colonialisme ? Des termes qui sont quasi absents du texte. Une assertion sur le colonialisme de peuplement (quelques pages avant le milieu) est certes pertinente, qui affirme que celui-ci poursuit la politique d’élimination des communautés autochtones au Québec et au Canada, quoique le ton autoritaire employé pour exprimer cette (rare) idée intéressante tranche bizarrement avec le subjectivisme du reste du texte.

Alors que Rattachements se disait d’entrée de jeu en rupture avec la politique classique (un refus exprimé par le mépris de « l’environnementalisme activiste » et de la stratégie), une nouvelle perspective, en contradiction directe avec la politique présentiste du texte, est amenée vers le milieu de celui-ci. En effet, après avoir prôné une espèce de retour à soi mystique, encouragé à chercher « les éléments qui composent la vie magique », après avoir ignoré les problèmes sociaux et collectifs, les auteur.e.s se contredisent en soulignant maintenant que la politique est l’art du conflit, et qu’agir (politiquement) contre « l’Économie » (pourquoi pas le capitalisme ?) implique « une réelle territorialité, une présence, un rattachement »… et donc « une possibilité de conflictualité concrète ». Soyons généreux et assumons « qu’il faut être » pour « être en guerre ». Mais au-delà de ça, il n’est aucunement explicité comment la présence mystique au monde devient, sauf par la force des mots, une réelle présence conflictuelle. En effet, peut-on penser le conflit politique sans organisation collective (au sens social et de classe), sans stratégie, sans nommer l’ennemi (capitaliste), etc. ? La présence qui est préconisée ici est tout individuelle et sans contenu politique. Renotons que seul le signifiant « présence » (à soi, à la nature) sert de contenu politique entre le début du texte et l’endroit où nous nous trouvons. Il est ainsi malheureux de voir que les auteur.e.s, essayant d’intégrer du mauvais Carl Schmitt prémâché par les appelistes français, n’arrivent même pas à poser une réelle contradiction politique.

Bien sûr, par-delà la présence mystique à soi-même, toute la notion de rattachement ignore la question du colonialisme de peuplement qui fonde les Amériques. Il semble qu’avoir parlé une fois du colonialisme de peuplement dédouane les auteur.e.s de toute réflexion sérieuse à ce sujet, et surtout d’en tirer les conséquences politiques. En effet, dans la seconde partie du texte, les auteur.e.s n’ont de cesse de parler de l’habiter, des territoires à habiter, des lieux à (re)prendre, etc. : des thèmes qui ne sont que de nouveaux déploiements de colonialité qui ne s’avouent pas. Disons-le : si les territoires sont des « choses qui leur sont dues » pour les auteur.e.s du texte, c’est parce qu’il.le.s ont totalement intériorisé les valeurs de la bourgeoisie coloniale blanche, seule classe sociale qui discoure sur son droit aux grands espaces et aux divers territoires et dont la simple affirmation d’exister fait office de politique.

Les auteur.e.s en profitent, dans leur insolence, pour rejeter la responsabilité collective que les descendant.e.s de colons portent. Qu’une telle reconnaissance de la responsabilité collective soit nécessaire si nous voulons penser une réelle politique décoloniale n’importe pas aux auteur.e.s : ceux et celles-ci craignent plutôt qu’un tel aveu nous mène à « une politique sacrificielle ». Le lien de cause à effet n’est pas explicité entre l’acceptation de notre responsabilité collective dans le processus colonial génocidaire et la question sacrificielle. Il semble plutôt que le refus de porter la responsabilité commune serve à rendre acceptables leurs envies en territoires non cédés : se réapproprier des territoires, s’y construire des maisons, y cultiver la terre, pouvoir être propriétaires, pouvoir faire librement la fête avec ses ami.e.s, être « présent.e.s » en somme sans que nul ne puisse leur faire des reproches. Et pour éviter que quelqu’un.e ne dévoile le pot aux roses : que de telles pratiques ne sont rien d’autre qu’une nouvelle colonialité et un vague hédonisme. Cette mentalité néocoloniale à l’œuvre vient d’être longuement mise en valeur dans le très bon texte Another Word for Settle : A Response to Rattachements and Inhabitiii. Ce texte montre bien le vice profond de ces deux textes appelistes.

Ne pas vouloir parler des crimes collectifs dont les sociétés et les individus occidentaux se sont rendus coupables jusqu’à ce jour n’est qu’une énième façon de se dédouaner de leurs responsabilités politiques pour le collectif Dispositions. Car après avoir (si mal) parlé du conflit politique en milieu de texte, les auteur.e.s en reviennent vite à leur leitmotiv personnaliste. Sous prétexte de ne pas vouloir culpabiliser les individus (une culpabilisation qui paralyserait l’action politique), il.le.s refusent de nommer les problèmes systémiques. La solution simple aurait été de mettre en accusation le capitalisme, l’État et ses structures – cela aurait aussi désigné un ennemi clair et créé du conflit politique –, mais en refusant de le faire, les auteur.e.s parient unilatéralement sur un dédouanement (d’elles et eux-mêmes) menant à l’inaction, voire à un devoir d’inaction sociale. Conséquence : les auteur.e.s tombent dans un relativisme volontairement niais quant aux responsabilités, selon lequel il n’y a « ni coupables, ni victimes ». Partant de l’immanentisme et du personnalisme comme politique, le texte s’est débattu avec la question politique, avant d’en arriver à une conclusion libérale, apolitique, individualiste et contraire à tout esprit révolutionnaire social.

Le pessimisme serait l’affect fondamental de l’époque ? Pour les auteur.e.s qui l’affirment, peut-être. Quoiqu’on se demande si cette affirmation ne sert pas simplement à justifier, à nouveau, le devoir d’inaction, le droit de ne pas militer, le refus d’une stratégie. Une autre manière de justifier que par ces temps difficiles, il vaut mieux être amoureux.euse de soi-même et que c’est déjà bien dans « l’époque ». Mais revirement de situation : jamais à court de contradictions, les auteur.e.s affirment maintenant qu’il faut « devenir responsables ». Belle parole de celles et ceux qui ne sont pas « coupables » mais « pessimistes ». Contradiction, vraiment ? Pas totalement, puisque la responsabilité qui est posée par les auteur.e.s est individuelle (envers soi et ses ami.e.s) et concerne les rapports que l’individu entretient envers autrui et la nature. Aux oubliettes la responsabilité historique, politique et économique. Ce qu’il faut, c’est être responsable envers soi et le voisin. Si ça ne rappelle pas « l’environnementalisme individuel » décrié en début de texte ça ! Ou simplement l’individualisme libéral. Bien sûr, quand les structures sociales et économiques ne nous écrasent pas, il est facile de se responsabiliser « envers » soi-même, en odeur de sainteté stoïcienne. Il en va autrement pour les peuples et les personnes qui s’organisent et luttent contre le colonialisme, l’impérialisme et le capitalisme ; mais il y longtemps que nous avons compris que le texte Rattachements n’allait pas parler des damné.e.s de la terre, tout obsédé qu’il est par la reconnexion spirituelle de la petite-bourgeoisie blanche et coloniale au monde qui l’entoure.

Comment les auteur.e.s proposent-il.le.s de dépasser la dichotomie du début ? Comment penser le conflit politique ? « Rendre l’écologie vraiment politique nécessite de poser la question suivante : qu’est-ce qui permet à tel ou tel milieu de vivre une vie bonne, d’accroître son bonheur ? » Assez faible comme grand jugement politique à la hauteur de l’époque. Combattre le capitalisme ? Organiser un monde nouveau, autogestionnaire ? Absolument pas : il semble que développer le bonheur et le bien-être dans son petit coin de pays suffise à changer le monde et à produire la révolution. Cette promesse du bonheur « dans son milieu de vie » est pourtant la même que celle du libéralisme et du capitalisme, et ne contredit aucunement les structures sociales. La plupart des membres de la classe moyenne et supérieure peuvent aspirer à un tel bonheur, sans d’ailleurs jamais remettre en cause le système de production et de consommation qui lui, détruit des millions de vies.

Ce qui est vraiment à l’œuvre ici, c’est la volonté de s’occuper de son jardin et de se faire croire qu’il y aurait quelque chose d’intrinsèquement révolutionnaire là-dedans. Preuve que la soi-disant politique appelée des vœux des auteur.e.s n’est rien d’autre qu’un entre-soi tout ce qu’il y a de plus commun dans l’époque : ce dont il faudrait prendre soin, ce sont « nos relations, nos appartements collectifs, nos maisons mises en commun et nos réunions politiques ». Outre la savoureuse touche « du propriétaire », il n’y a là qu’une volonté que ça marche bien avec ses ami.e.s. Aucune politique. Juste : « je veux que ça roule dans mon appartement et avec ma gang ». À l’instar de l’ensemble du texte, aucun problème politique, social ou collectif n’est soulevé. Les auteur.e.s avouent que c’est parce qu’il.le.s se sentent « épouvantablement inertes » qu’il.le.s veulent renouer avec la présence. Leur état semble relever d’une simple dépression, pas d’un appel du politique.

Quelques références douteuses sont amenées au début de la partie III : on fait appel à la vie mythifiée des paysan.ne.s dans un geste à la fois passéiste et confus, on fait appel à l’expérience zapatiste (alors même que la réoccupation des territoires par les descendant.e.s de colons, au cœur du projet des auteur.e.s, contredit celle-ci) et on souligne enfin l’autonomie des Kanienʼkehá꞉ka, comme si les peuples autochtones n’étaient pas spécifiquement soumis à un régime colonial de non-autonomie au soi-disant Canada. Il est clair que ces figures ne servent qu’à donner un vernis décolonial au texte, quoique le vernis craque en raison du côté « retour à la terre et bon paysan », une approche tout bonnement conservatrice et coloniale. Les auteur.e.s se permettent encore une insulte envers celles et ceux qui militent : il.le.s feraient « un lâche don de soi ». Pourquoi ? Parce qu’il.le.s n’adhèrent pas au présentisme bourgeois et individualiste des auteur.es ? Il semble que de la part de celles et ceux (les auteur.e.s) qui préfèrent déserter sur des territoires volés pour passer du bon temps en gang, l’insulte soit bien basse.

Les auteur.e.s, en critiquant les stratégies et les tactiques pacifistes employées par certains groupes écologistes, n’hésitent pas à mettre ensuite dans le même panier l’ensemble des militant.e.s. Il.le.s opposent au militantisme « l’exigence de formes de vies extatiques », seule forme « d’organisation réelle » selon les auteur.e.s. C’est aberrant de bêtise : le texte demande au lectorat non seulement de cracher sur les militant.e.s, mais en plus de préférer aux combats collectifs, à l’organisation et, oui, parfois au sacrifice, l’idée vaseuse (et encore une fois mystique) d’extase. D’une part, notons que les auteur.e.s entretiennent tout au long du texte la confusion entre militantisme, réformisme, sacrifice et « absence au monde », invisibilisant les diverses pratiques sociales et radicales de lutte et ne proposant comme solution que leur présentisme et le retranchement dans la « commune » (terme qui n’a pas sa place dans ce texte). D’autre part, l’esprit des auteur.e.s ne semble pas même effleuré par l’idée que « l’extase » puisse être réservée à celles et ceux dont les conditions de classe – notamment économiques – leur permettent de s’offrir un tel bon temps « extatique ». Les auteur.e.s oseraient-il.le.s exiger des travailleur.euse.s nocturnes d’entrepôt dans le parc industriel à Saint-Laurent qu’il.le.s ne luttent pas contre leur employeur, mais qu’il.le.s « choisissent » la vie extatique ? Oseraient-il.le.s soumettre leurs « idées sur l’extase » aux détenues de Leclerc ? Le narcissisme et le classisme du texte atteignent ici un sommet. Comment penser une seconde que pour les personnes réellement opprimées, le choix existerait entre lutter (un mauvais choix sacrificiel selon Dispositions) et la vie extatique (qu’on peut choisir délibérément si on en a envie). Voilà comment 200 ans de réflexions et de pratiques matérialistes révolutionnaires partent en fumée.

Et cette vie extatique, de quoi a-t-elle l’air ? Il faut combattre, voler, voyager. Et surtout, « trouver de l’argent, se doter de bâtiments et de terres pour les rendre à l’usage commun et voir la vie fleurir ». En somme, des activités ludiques pour prendre du bon temps et des activités capitalistes pour la vraie vie, pour l’avenir. Nous ne pouvons que constater que ce paragraphe « stratégique » du texte (les auteur.e.s ignorent le sens de ce mot, clairement) ne s’articule qu’autour d’activités individuelles et festives, ainsi que d’investissements et d’activités économiques classiques (libérales et capitalistes). Si acheter une terre et y faire une coopérative est censé être révolutionnaire (ou être une stratégie !), les auteur.e.s devront apprendre que non : acheter une terre et y faire une coopérative est une action économique propre au régime capitaliste et encadrée par lui, accessible aux classes moyennes et élevées du monde en raison des coûts d’investissement. C’est aussi, dans le cadre du colonialisme de peuplement au fondement de l’Amérique, généralement un geste de perpétuation du colonialisme. Évidemment, il peut être utile pour les mouvements révolutionnaires de posséder des infrastructures, des lieux, etc. Mais cette possession, légale et capitalisée, n’est jamais révolutionnaire en elle-même, et encore moins lorsqu’on en fait un usage personnel ou pour son petit groupe.

La seule proposition concrète du texte est donc d’abandonner les luttes politiques au profit de l’entre-soi (famille ou noyau d’ami.es), puis d’adhérer à des pratiques de vie capitalisées permettant la jouissance individuelle pour celles et ceux qui en ont les moyens. On retrouve ici le melting-pot que nous nommions en début de texte : conservatisme des valeurs bourgeoises, néocolonialisme, capitalisme, individualisme et hédonisme ; nous sommes en droit de supposer que c’est ça, retrouver « les éléments qui composent la vie magique ».

Le néocolonialisme et le conservatisme sont poussés encore un peu plus loin, dans la veine très à la mode du « retour à la terre ». Il devient ainsi important de colliger « ce que notre tante nous a appris sur les pruniers » et « comment aiguiser nos couteaux à bois, comment canner dix mannes de tomates ». Il faut se retrouver dans « la commune » (terme qui n’a pas sa place dans ce texte), c’est-à-dire la maison de campagne achetée avec nos ami.e.s, pour y faire ses actions hautement symboliques. Les auteur.e.s nous apprennent que cela est à même « de suspendre définitivement la progression de la catastrophe ». C’est lourd de valeurs passéistes ainsi que d’actions totalement apolitiques qui relèvent simplement de la vie quotidienne, en somme de rien de très extatique. Enfin, nous n’avons pas à juger de l’extase d’autrui : nous pouvons par contre juger que vivre à quelques un.e.s à la campagne, en se délestant de nos responsabilités politiques, n’augure en rien une organisation révolutionnaire ou un triomphe politique. Il est d’ailleurs difficile de voir en quoi un tel projet se distingue de la myriade d’initiatives individuelles et apolitiques d’établissement à la campagne (de plus en plus populaires en raison de l’anxiété provoquée par la crise écologique) ou pire, de l’entrepreneuriat vert (la fameuse ferme biologique en permaculture). Si ces initiatives « autonomes » étaient réellement à même de provoquer le renversement des structures capitalistes et coloniales actuelles, cela ferait longtemps que Val-David serait une commune libérée du marché et de toute oppression.

Les deux dernières pages condensent les diverses caractéristiques de Rattachements : aucune analyse structurelle, aucune analyse matérielle, la domination de notre époque considérée comme d’abord subjective, un appel au présentisme mystique (retour à soi, à la vraie vie, au monde), une soi-disant politique qui ignore tout des conditions de vie réelles, etc. Le point d’orgue de ce texte colonial, capitaliste, narcissique et mystique : « Se rendre à la fois perceptibles et disposé-es à la perception. Affect et puissance, orientation et grandeur. Il ne s’agit pas de deux fronts à mener, mais de l’explicitation pratique du double sens des mots présence, sensible. » Le texte clôt donc sa longue litanie de contradictions par une phrase qui ne veut strictement rien dire.

* * *

Cette longue critique a pu sembler répétitive et parfois confuse. Elle a pourtant simplement suivi le fil d’un texte long, lui-même confus, rempli de ses contradictions, ne remplissant pas ses promesses, appelé Rattachements. Ce texte se veut une réflexion sur le temps présent et une proposition d’action révolutionnaire, mais il n’est selon nous rien d’autre qu’un long déploiement de valeurs néocoloniales, bourgeoises, capitalistes et narcissiques. On y trouve beaucoup d’aberrations, beaucoup de contradictions, un personnalisme crade et rien d’utile pour les révolutionnaires actuel.le.s. Que celles et ceux qui ne pensent pas que ce texte soit si terrible se donnent la peine de le (re)lire avec attention : il est terrible, il est ennemi. Nous savons que les gens derrière ce texte ne sont pas des adversaires, mais nous ne pouvons pas nous complaire face à ce qu’il.le.s ont écrit et diffusé.

Leur texte propose au final une énième « alternative » capitalisto-verte et individualiste : le type même de pratique qui détourne les forces vives de l’action politique et qui entretient la catastrophe sous prétexte « d’action personnelle ». Les lignes d’analyse de Rattachements sont contraires à la compréhension sociale et politique dont nous avons besoin, contraires à l’organisation collective nécessaire pour lutter contre le système capitaliste. Nous pensons qu’une analyse et une politique différentes de celles proposées par les auteur.e.s s’imposent : une politique faite par et pour les opprimé.e.s et les militant.e.s, qui doit nous mener vers un monde autogestionnaire ; pas une politique de petit.e.s narcisses vivant leur « trip » en campagne. La désertion individualiste ne nous sauvera pas et ne peut pas guider nos actions dans les temps à venir. Tant que Rattachements circule, il est de notre devoir de le critiquer durement.

i Voir en ligne (version originale française) : https://contrepoints.media/fr/posts/rattachements-pour-une-ecologie-de-la-presence

ii Voir en ligne (version originale anglaise) : https://inhabit.global/

iii Voir en ligne (version originale anglaise) : https://mtlcounterinfo.org/another-word-for-settle-a-response-to-rattachements-and-inhabit/

Berlin: Rigaer94 appelle à la solidarité internationale – la destruction de notre espace est attendue

 Commentaires fermés sur Berlin: Rigaer94 appelle à la solidarité internationale – la destruction de notre espace est attendue
Fév 182021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Après l’expulsion du house project anarcha-queer-féministe Liebig34 le 9 octobre 2020, l’offensive de l’État et du capital contre les structures autogérées dans le nord de Friedrichshain et dans d’autres quartiers de la ville n’a pas cessé. La Liebig34 est depuis lors sous le contrôle du propriétaire et la présence de son gang a également eu un effet sur la vie locale. La Dorfplatz (« place du village ») située juste en face de la maison a été, ces derniers mois, moins utilisée par les résidentes et les visiteureuses comme espace commun et a connu quelques affrontements mineurs avec les envahisseurs. En prenant l’un des points stratégiques du quartier et en éliminant en même temps un adversaire politique, l’État et la capitale ont pu se concentrer sur la Rigaer94, qui se trouve à quelques mètres de la Dorfplatz et qui a été un sujet récurrent dans les médias au cours de l’année dernière.

Il y a quelques jours, des flics et des pelleteuses ont détruit un campement de sans-abri à Rummels Bay, à quelques kilomètres de chez nous. Le prétexte était le gel extrême, en réalité il est aussi là pour servir le profit des investisseurs. L’expulsion du Potse est également prévue dans les prochaines semaines – la ville est en train de supprimer tout site rebelle.

Ce qui a commencé par des plaintes ridicules de l’opposition parlementaire sur les risques d’incendie de la maison est devenu l’un des problèmes centraux des forces de l’ordre. Tous ceux qui ont dépensé leur énergie pendant des années pour créer une image dépolitisée de Rigaer94 comme une maison pleine de gangsters brutaux ont commencé à parler de leur inquiétude que les habitant-es puissent mourir tragiquement dans un incendie. Leur rhétorique est très transparente car elle était principalement basée sur le fait que la maison dispose de plusieurs mécanismes pour barricader rapidement les entrées principales. Ces barricades sont en fait une pièce centrale de la sécurité des habitantes. Non seulement les réseaux «sociaux» regorgent de menaces fascistes visant la maison, mais les flics ont également prouvé ces dernières années qu’ils étaient non seulement capables de lancer des actions très violentes soutenues par la loi, mais aussi de coordonner ouvertement leurs actions avec les forces para-étatiques, à savoir les fascistes organisés et la structure mafieuse de l’industrie immobilière. Par exemple, le propriétaire de Liebig34, mais aussi d’autres sociétés, sont bien connus à Berlin pour avoir expulsé des maisons en les incendiant. Le message derrière cette fausse discussion sur notre sécurité n’était rien d’autre qu’une menace directe et un appel aux forces para-étatiques pour qu’elles mettent le feu à notre bâtiment. En même temps, il visait à créer une opinion publique et une base juridique pour détruire la structure de la maison sans avoir à obtenir un titre d’expulsion.

L’obstacle juridique sur la voie d’un titre d’expulsion est apparu en 2016, lorsque la Rigaer94 a repoussé une action policière majeure de trois semaines. Sous la pression de l’opinion publique, un tribunal avait déclaré l’invasion de la maison illégale et n’avait pas reconnu les avocats du propriétaire qui est, soit dit en passant, une société de boîtes aux lettres au Royaume-Uni. Des événements récents ont fait repartir cette situation à zéro. Début février, un tribunal a décidé que la police devait soutenir cette société de boîtes aux lettres pour garantir la soi-disant sécurité incendie à la Rigaer94. Par cette décision, le propriétaire est officiellement reconnu et va bientôt essayer d’entrer dans la maison en compagnie d’un expert national en matière de sécurité incendie et, bien sûr, d’énormes forces de police. Lors de raids similaires contre Rigaer94, les forces de police spéciales et les ouvriers du bâtiment ont causé de lourds dommages au bâtiment. Leur objectif a toujours été de rendre la maison inhabitable avant qu’elle ne puisse être expulsée et qu’elle ne soit rénovée.

Nous pensons que le prétexte de la sécurité incendie sera utilisé non seulement pour enlever nos barricades, mais aussi pour faire une descente légale dans tout le bâtiment et pour expulser les appartements afin de créer des bases permanentes pour la bande de propriétaires qui commencera à détruire la maison de l’intérieur. Comme prévu, la sécurité incendie est maintenant utilisée comme un outil pour terroriser les structures rebelles qui se sont emparées de la maison il y a plus de 30 ans et qui ont été impliquées dans de nombreuses luttes sociales différentes ainsi que dans la défense de la région contre l’État et le capital. En général, nous pensons que l’importance d’une communauté combative en combinaison avec un territoire occupé ne peut pas être sous-estimée. La Rigaer94 , avec ses jeunes autonomes et l’espace non commercial autogéré Kadterschmiede, est un lieu de convergence pour l’organisation politique et de quartier, qui abrite non seulement des personnes en lutte mais aussi l’héritage de l’ancien mouvement de squat et du mouvement en cours contre l’embourgeoisement et toute forme d’idées anarchistes. De nombreuses manifestations, événements politiques et cultuels ont eu lieu à partir de la maison et, pour ne pas l’oublier, de nombreux affrontements avec les forces de l’État dans le quartier ont été soutenus par l’existence de ce haut lieu. C’est pour cette idendité politique que la Rigaer94 et les structures et réseaux rebelles qui l’entourent traumatisent des générations de flics et d’hommes politiques et sont ainsi devenus un point central de leur agression contre celleux qui résistent. Au moment même où les derniers lieux non commerciaux et autogérés de Berlin sont expulsés, où la pandémie est utilisée pour répandre le virus du contrôle, de l’exploitation et de l’oppression, nous devons prendre au sérieux la menace d’une tentative très possible de nous expulser dans les jours ou les semaines à venir et, par conséquent, nous choisissons de continuer à nous organiser avec des démarches collectives pour défendre nos idéologies et nos espaces politiques. Cependant, il est politiquement important de continuer à lutter pour toutes nos luttes sociales du mouvement révolutionnaire, même en dehors de cette maison, et de ne pas laisser ceux qui sont au pouvoir intervenir dans nos agendas politiques et notre résistance.

Ils pourraient expulser notre maison, mais ils n’expulseront pas nos idées. Pour maintenir ces idées en vie et les alimenter, nous invitons tout le monde à venir à Berlin pour plonger la ville des riches dans le chaos. Nous appelons à tout type de soutien qui pourrait nous aider à empêcher la destruction de la Rigaer94. Mais si nous perdons cet endroit au profit des ennemis, nous sommes prêts à créer un scénario sans vainqueur.

Rigaer94
Rigaerstrasse 94, Berlin, Allemagne
https://squ.at/r/49pd
https://squ.at/r/5fm
https://rigaer94.squat.net/

Vengeance Patriote | Léopoldine Maréchal : une française d’extrême-droite à l’Université Laval

 Commentaires fermés sur Vengeance Patriote | Léopoldine Maréchal : une française d’extrême-droite à l’Université Laval
Fév 162021
 

De Montréal Antifasciste

Un topo de Québec Antifasciste.

///

En octobre 2020 le magazine français StreetPress publiait un dossier qui mettait à jour les activités d’un groupe d’extrême-droite jusque-là peu connu : Vengeance Patriote.

Vengeance Patriote est une organisation des plus discrètes. À l’exception de Libération qui mentionne brièvement son existence au détour d’un article sur les velléités sécessionnistes de l’extrême droite, l’organisation n’a jamais été mentionnée dans la presse. Ses membres, environ 400 et répartis en une trentaine de sections sur tout le territoire, ne cherchent pas la lumière. Mais dans l’ombre, ils se structurent. Sur Internet d’abord où grâce à plusieurs forums Discord, pour certains privés, ils recrutent et discutent. Sur le terrain, ensuite, où des petites cellules locales se réunissent chaque semaine et s’entraînent à la baston. StreetPress a retracé son histoire depuis sa création (sous un autre nom) en 2018, interrogé ses militants et infiltré ses forums secrets. Enquête sur un groupuscule violent persuadé de l’effondrement prochain de la République.

Des antifascistes français ont communiqué avec nous pour nous signaler l’existence d’une maigre section québécoise, qui faisait sa promotion via le comte twitter « Québec Rattachiste VP » (rattaché à quoi? à la France?) et Instagram @vengeance_patriote_quebec.

Le logo de Vengeance Patriote Québec

Le compte Twitter de Vengeance Patriote Québec

Le groupuscule composé d’une demi-douzaine de membres, composé d’étudiants français et de jeunes québécois publie des photos de rencontre et de randonnée, et semble recruter depuis moins d’un an dans le milieu traditionaliste et celui du scoutisme.

Petite randonnée entre jeunes réactionnaires

Rencontre entre membres

Rencontre entre membres

Nous sommes en mesure de démontrer que l’animatrice du groupe québécois se nomme Léopoldine Maréchal et qu’elle est une étudiante française inscrite à l’ULaval (Québec) au baccalauréat en études littéraires. Nous pouvons également affirmer que Léopoldine occupe un poste important dans l’organisation de Vengeance Patriote.

Léopoldine Maréchal à l’ULaval, surprise en train d’arracher des affiches antiracistes. Notez sa tenue pour la suite.

« I’m pro-life, change my mind »

Portrait de Léopoldine Maréchal et présentation de la preuve :

  • Léopoldine à moins de 20 ans et elle originaire de la région parisienne.

Léopoldine Maréchal obtient son diplôme français du baccalauréat en 2018. Elle a donc 20 ans ou moins. Elle est originaire de la région parisienne.

  • Elle est actuellement inscrite en études littéraire à l’ULaval.

Sur le registre de l’université Laval, elle est encore inscrite au baccalauréat en études littéraires.

  • Elle utilise les pseudos Fleur d’Aure Duroy (Twitter) (10), fleurdorduroy (Instagram)

Un compte Twitter de Léopoldine. Lien avec le milieu scout.

  • BlueLily/Lys Bleue (Discord) et Léop Marsh (Facebook).

Notez la photo de fleur.

« Léop Marsh », faculté des lettres de l’Université Laval. Une recherche au registre nous a donné son nom complet : Léopoldine Maréchal.

  • Elle administrait jusqu’à tout récemment le salon Discord de Vengeance Patriote, dédié à l’accueil et au recrutement (14-19)

Même photo de fleur. Lys Bleue / BlueLyly est « commandant » du Discord de Vengeance Patriote (fermé fin janvier 2021).

« Je gère ce salon en permanence » sur le Discord d’accueil de Vengeance Patriote.

« Je suis française j’étudie au Québec ». (Discord)

« Fais ta présentation » + recrutement d’un jeune de 15 ans. (Discord).

Recrutement d’un autre jeune de 15 ans (Discord).

« C’est marqué dans mon nom » « Fleur ? » « Yes ». Il s’agit bien d’une seule et même personne.

Recrutement d’un autre jeune de 16 ans (Discord).

  • En plus de la page «Québec Rattachiste VP» elle gère aussi les comptes Twitter et Instagram de la division féminine de Vengeance Patriote sur laquelle elle se montre assez active, toujours avec la même tenue cringe. (20-25).

Notez la tenue cheap de squelette-ninja qui revient sur toutes les photos.

Léopoldine semble faire des allers-retours entre France et Québec.

On peut donc dire qu’un membre importante de Vengeance Patriote, une organisation d’extrême-droite radicale et violente, étudie (ou étudiait jusqu’à tout récemment) à l’ULaval.

 

 

Le label La Barricade et Misanthropic Division Vinland : un véhicule pour le mouvement néonazi international au Québec

 Commentaires fermés sur Le label La Barricade et Misanthropic Division Vinland : un véhicule pour le mouvement néonazi international au Québec
Fév 162021
 

De Montréal Antifasciste

Le Réseau canadien Anti-haine a fait paraître le 2 février dernier un article détaillant les liens entre Steve Labrecque, alias « Steve Rebel », alias « Chtev », dont nous avons déjà parlé ici, et le label NSBM (black métal nazi) local La Barricade, qui sévit depuis plusieurs années dans les bas-fonds sordides de la contre-culture musicale québécoise.

Il va sans dire que nous nous intéressons à ce petit milieu néonazi/NSBM depuis longtemps[i], ne serait-ce que pour sa proximité avec la scène RAC (rock « anticommuniste »), le groupe Légitime Violence et le gang de boneheads Québec Stompers, dont est issu le groupuscule néofasciste Atalante. Les articles que nous avons déjà consacrés à Atalante et à ses sympathisant-e-s ont déjà bien établi l’ancrage de ses principaux militant-e-s et de leur entourage dans la sous-culture « white power » et néonazie de la région de Québec, malgré les pitoyables démentis des principaux intéressés, qui préfèrent se présenter comme des « nationalistes révolutionnaires » ou des fascistes rechromés « à l’italienne » d’un genre prétendument plus présentable.

Si l’article du Réseau Anti-haine a le mérite de mettre en lumière le rôle central de Steve Labrecque dans ce petit milieu, il laisse cependant des zones d’ombre sur d’autres personnages clés responsables de la distribution de vêtements et d’accessoires nazis dans les cercles sous-culturels d’extrême droite au Québec depuis plusieurs années. Il passe aussi un peu rapidement sur l’importance du réseau « Misanthropic Division », dont la section « Vinland[ii] » est étroitement liée au parcours du label La Barricade et sert de trait d’union entre cette petite bande de nazis locaux et le régiment Azov d’Ukraine, lequel est largement reconnu comme un berceau de l’avant-garde militante/militaire du mouvement néonazi international.

Le présent article, qui était déjà en chantier avant que le Réseau Anti-haine publie le sien, fait en quelque sorte « du pouce » sur celui-ci, que nous vous invitons bien sûr à lire.

Attention : cet article reproduit des éléments tirés de comptes de médias sociaux explicitement racistes, antisémites et homophobes, et qui célèbrent Adolf Hitler, le régime nazi et l’Holocauste.

///

 

Comme l’indique l’article d’Anti-haine, Steve Labrecque (alias « Chtev », membre ou ex-membre des formations de black métal Hollentur, Neurasthène et Holocauste) semble être le nouveau membre en règle du groupe Légitime Violence, où il vient rejoindre son ami et collègue Félix Latraverse (alias « Fix », Neurasthène et Hollentur) aux côtés de Raphaël Lévesque et Benjamin Bastien (Québec Stompers, Atalante), et du nouveau batteur de la formation, William Tanguay-Leblanc (auquel les camarades de Québec Antifasciste ont consacré un petit topo en novembre 2019).

Légitime Violence, circa 2020 : (de gauche à droite) William Tanguay-Leblanc, Steve Labrecque, Rapahël Lévesque, Félex Latraverse, Benjamin Bastien.

Légitime Violence, 2020 : (de gauche à droite) William Tanguay-Leblanc, Steve Labrecque, Raphaël Lévesque, Félix Latraverse et Benjamin Bastien.

Le lien étroit entre La Barricade, Labrecque et Légitime Violence se confirme en outre par l’édition en 2019 d’une cassette « 10e anniversaire » de Légitime Violence.

Cassette 10e anniversaire de Légitime Violence distribuée par La Barricade en 2019.

Un examen rapide des comptes Instagram[iii] et Facebook[iv] de La Barricade[v] révèle qu’Hollentur[vi], le principal projet de Steve Labrecque[vii], est le groupe phare du label, ce qui laisse croire (et c’est d’ailleurs l’hypothèse d’Anti-haine) que celui-ci en est le principal administrateur. Une recherche au registraire des entreprises révèle que Steve Labrecque, domicilié dans l’arrondissement de Beauport, à Québec, a immatriculé une entreprise « d’impression commerciale » en 2013 et que celle-ci est encore en activité aujourd’hui.

Badge du label La Barricade sur Encyclopaedia Metallum: NSBM, Propagande.

La fiche du label La Barricade sur Encyclopaedia Metallum.

La fiche du groupe Hollentur sur Encyclopaedia Metallum.

Steve Labrecque, alias «Chtev»; Félix Latraverse, alias «Fix»

Steve Labrecque dans le studio de La Barricade.

Le groupe Neurasthène de Félix Latraverse est distribué par La Barricade.

Le motif d'un t-shirt distribué par La Barricade: "NSBM against Antifa - Misanthropic Division Vinland - La Barricade Label & Tradition"

Le motif d’un t-shirt distribué par La Barricade : «NSBM Against Antifa – Misanthropic Division Vinland – La Barricade – Label & Tradition»

Nous avons déjà parlé sur ce site du groupe Folk You!, au sein duquel Steve Labrecque a côtoyé Kevin Cloutier, lui-même autrefois membre du gang de boneheads Ste-Foy Krew et guitariste du groupe Dernier Guerrier.

Kevin cloutier (à gauche) et Steve Labrecque (à droite); notez le tatouage «1488» sur les jointures de ce dernier.

La Barricade, vraisemblablement sous la gouverne de Steve Labrecque, opère également un studio dans un sous-sol de la région de Québec, où l’on reconnaît entre autres décorations un drapeau de la « Misanthropic Division » marqué du slogan « Töten für Wotan », qui se traduit par « Tuer pour Odin ».

 

Qu’est-ce que la « Misanthropic Division »?

Un article détaillé du projet FOIA Research publié en janvier 2019 présente ainsi la Misanthropic Division et sa raison d’être [notre traduction] :

La Misanthropic Division est un réseau néonazi mondial, apparu en Ukraine en 2014, dont certains membres ont combattu en tant que mercenaires contre les séparatistes prorusses dans la guerre du Donbass. La Misanthropic Division est étroitement liée au Bataillon Azov, un régiment néonazi désormais intégré à la Garde nationale ukrainienne. Le Régiment Azov milite pour l’indépendance de l’Ukraine, à la fois vis-à-vis de la Russie et de l’Union européenne, dans le but d’instaurer un état nazi.

Amnistie Internationale accuse le Régiment Azov de graves violations des droits de la personne. La Misanthropic Division entretient des réseaux en Europe, aux États-Unis, au Canada, en Amérique du Sud et en Australie, lesquels sont aussi utilisés pour entraîner et recruter des combattants [nos italiques].

Ses membres sont considérés comme racistes et enclins à la violence. Entre autres choses, ils glorifient le national-socialisme et la Waffen SS. La Misanthropic Division reprend un logo inspiré du Totenkopf (tête de mort), l’un des insignes les plus largement reconnus de la Schutztaffel (SS). […]

Selon les recherches menées par Belltower News, la Misanthropic Division recrute ses membres au sein du milieu international du métal noir national-socialiste (NSBM) [nos italiques]. Les personnes-ressource sont Hendrik Möbus, un néonazi condamné pour meurtre, Alexei Levkin, le chanteur du groupe M8l8th et organisateur du festival NSBM Åsgårdsrei, et Famine (Ludovic Van Alst), le chanteur du groupe de black métal français Peste Noire. Il existe d’autres liens avec la Mouvance identitaire et le parti d’extrême droite (allemand) Der III Weg.

On comprend donc à la lecture de cet article que les partisans locaux de la scène NSBM liée au label La Barricade, qui gravitent autour de Légitime Violence et d’Atalante et dont Steve Labrecque est une figure clé, sont associés par « Misanthropic Division » à un réseau néonazi international et au Régiment Azov, une formation paramilitaire suprémaciste blanche qui recrute des membres partout en Occident dans le but d’instituer un État nazi.

Notons que le complément « Vinland », qui correspond historiquement à Terre-Neuve, où les Vikings seraient débarqués au 11e siècle, est le terme qu’emploient les odinistes et autres fétichistes de la culture viking pour désigner l’Amérique du Nord et/ou la partie nord-est du Canada et des États-Unis, et donc, le territoire québécois.

 

Phil David, alias « Affreux Crapaud »

Un autre personnage proche du projet La Barricade, qu’Anti-haine ne mentionne pas dans son article, est Philippe David, alias « Affreux Crapaud », « Block_Onze » sur Instagram et « Phil Block Onze » sur Twitter, qui est sans doute l’un des néonazis les plus décomplexés de toute la fachosphère québécoise! Le pseudonyme « Block Onze », pour commencer, est une référence directe au bâtiment du camp de concentration d’Auschwitz où les nazis ont torturé et fusillé des milliers de détenu-e-s pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Steve Labrecque (à gauche) et Philippe David.

Phil David porte un t-shirt du Régiment Azov.

Il est difficile de déterminer avec certitude le rôle qu’a joué Philippe David dans le label La Barricade et la mise en place du projet « Misanthropic Division Vinland »[viii], mais il appert de ses comptes Twitter[ix] et Instagram qu’il en a été un fervent promoteur dès 2015 et qu’il a activement moussé la vente des camelotes distribuées par Misanthropic Division/La Barricade, et ce, au moins jusqu’en 2019.

 
 
next arrow
Phil David représente Misanthropic Division Vinland.
 

Phil David fait la promotion des marchandises distribuées par La Barricade/Misanthropic Division Vinland sur son compte Twitter personnel.

Phil David fait la promotion du disque de Hollentur, distribué par La Barricade, sur son compte Instagram personnel.

On serait d’ailleurs en droit de se demander comment il se fait que Twitter, qui s’est souvent targué de ne pas tolérer les discours à caractère haineux, n’a toujours pas banni ou sanctionné sérieusement un utilisateur comme Phil David, qui s’est servi pendant des années de sa plateforme pour diffuser des messages et une imagerie célébrant explicitement l’Holocauste… Le fait est qu’en dépit des excuses, Twitter est très tolérant des nazis, nationalistes blancs et légions de trolls alt-right qui pullulent plus ou moins discrètement sur la plateforme.

Phil David compte dans son réseau social plusieurs personnages connus des cercles néonazis québécois, remontant jusqu’à l’époque des gangs de boneheads Ste-Foy Krew (Québec, dont est issue la Fédération des Québécois de souche) et Strike Force (Montréal), dans les années 2000.

Party de piscine sur l’Instagram de Phil David : (de gauche à doite) Pascal Giroux, Sébastien Moreau, Steve Labrecque, Mikaël Delauney et Ian Alarie.

Outre Steve Labrecque (agenouillé à l’arrière), on reconnaît sur cette photo Sébastien Moreau (au centre), Ian Alarie (en bas à droite), Pascal Giroux (accroupi à gauche), et Mikaël Delauney (t-shirt noir).

Sébastien Moreau est un habitué de longue date des pages antifascistes, un bonehead nazi de la vieille école, membre du Ste-Foy Krew, qui a plus d’une fois défrayé la chronique. Il est notamment connu pour son association entriste avec le Parti indépendantiste, un projet encore aujourd’hui fermement campé à l’extrême droite et pour lequel Alexandre Cormier-Denis, d’Horizon Québec actuel, s’est porté candidat aux élections partielles en 2017.

Phil David en compagnie de Sébastien Moreau

Le Ste-Foy Krew; Sébastien Moreau est debout au fond, le bras tendu.

Sébastien Moreau. Photo: Québec FachoWatch

Sébastien Moreau avec ses amis Raymond Jr. et Kevin Cloutier, du groupe néonazi Dernier Guerrier. Photo: Québec FachoWatch

Ian Alarie est un adepte bêta de NSBM qui a été aperçu dans plusieurs actions d’Atalante et dont nous avons relevé la présence avec les Soldiers of Odin à Montréal le 12 mai 2018, arborant un t-shirt… de La Barricade/Misanthropic Division Vinland.

Ian Alarie, à droite; Phil David au centre avec un t-shirt Misanthropic Division; le deuxième à partir de la gauche s’appelle Étienne Chartrand, un ancien de Strike Force, de Fraction Nationaliste et du Ste-Foy Krew.

Ian Alarie (à gauche) et Phil David (à droite).

Qui ici est un gros nazi?

Ian Alarie arborant le t-shirt Misanthropic Division Vinland/La Barricade, le 12 mai 2018.

Pascal Giroux est un autre adepte de NSBM, lui aussi présent avec les Soldiers of Odin le 12 mai 2018, qui a semble-t-il eu des démêlés avec des antifascistes en 2019 en marge d’un festival de musique black métal à Montréal.

Pascal Giroux arborant le t-shirt Misanthropic Division Vinland/La Barricade.

Mikaël Delauney a quant à lui fait l’objet d’un article du journal Vice en 2018 pour sa proximité avec Atalante et son rôle dans une compagnie se spécialisant dans les « reconstitutions historiques » auprès du jeune public. Il y a d’ailleurs lieu de s’inquiéter du genre d’histoires qu’aiment reconstituer les néonazis…

Mikaël Delauney commence à manquer de mains pour afficher son affection des symboles nazis.

Mikaël Delauney s’entraîne avec les militants d’Atalante. Photo: Vice.

Un autre ami intime de Phil David est Fred Pelletier, une tête particulièrement brûlée qui n’a jamais caché, lui non plus, ses sympathies néonazies.

Fred Pelletier avec Phil David

Fred Pelletier porte fièrement un t-shirt de Blood & Honour, une organisation néonazie qui figure aujourd’hui sur la liste des «entités terroristes» du Code criminel canadien.

Fred Pelletier arbore un t-shirt Misanthropic Division.

 

Voici Phil David en compagnie de Francis Hamelin, un autre abonné des milieux néonazis depuis les années 2000.

Francis Hamelin et Phil David

Francis Hamelin pose devant un torchon.

 

Mention spéciale à Sarah Miller, la nouvelle fiancée de Jonathan Payeur, d’Atalante!

Phil David et Sarah Miller

Sarah Miller a un jour eu l’idée de se faire tatouer «1488» en lettre de trois pouces sur la poitrine…

Félicitations aux amoureux.

Jonathan Payeur en compagnie de Gabriel Marcon Drapeau et Fred Pelletier.

 

Gabriel Marcon Drapeau et la distro « Vinland Striker »

Soulignons enfin le rôle de Gabriel Marcon Drapeau, que mentionne au passage Anti-haine dans son article. Celui que le site Fascist Finder décrit facétieusement comme un chien enragé semble avoir mis à jour son compte Linkedin, qui indiquait jusqu’à tout récemment comme employeur le « Label n.s.b.m. chez La Barricade ».

Gabriel Marcon Drapeau pose pour sa photo de profil FB devant un drapeau de la Misanthropic Division Vinland.

Gabriel Marcon Drapeau – Label NSBM La Barricade (toujours dans le cache de Google)

Le compte Linkedin de Gabriel Marcon Drapeau avant la mise à jour toute récente.

Gabriel Marcon Drapeau

Le Linkedin de Marcon Drapeau indique maintenant qu’il travaille pour « Vinland Striker », où il continue à vendre des vêtements et des accessoires à caractère nazi, dont des drapeaux d’Adolf Hitler. Voir ci-dessous un échantillon des marchandises dont il fait la promotion sur sa propre page Facebook et sur le site web de la distro[x]. Nous ignorons pourquoi Marcon Drapeau n’opère plus sa distribution sous la bannière Misanthropic Division Vinland/La Barricade, mais il semble qu’il ait conservé les contacts privilégiés avec le distributeur français de vêtements néonazis 2YT4U.

27 novembre 2020 – Gabriel Marcon Drapeau a commencé à travailler chez Vinland Striker.

Le Compte Linkedin de Gabriel Marcon Drapeau, récemment mis à jour.

Un échantillon des pacotilles distribuées par Gabriel Marcon Drapeau sous la bannière «Vinland Striker».
 

Notons au passage que les t-shirts que distribue Marcon-Drapeau ont une curieuse tendance à se retrouver sur le dos de militant-e-s et de sympathisant-e-s d’Atalante…

Louis Fernandez, militant clé d’Atalante condamné à 15 mois de prison en décembre 2020 pour voies de fait, porte un t-shirt de Jeanne d’Arc distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

«Jean Brunaldo», militant d’Atalante dans la région de Montréal, porte un t-shirt inspiré du KKK distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

Heïdy Prévost et Vivianne St-Amant, sympathisantes d’Atalante, portent un t-shirt écofasciste distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

Jonathan Payeur, miliant d’Atalante, porte un t-shirt distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

Sarah Miller, miliante d’Atalante, porte un t-shirt d’inspiration écofasciste distribué par Gabriel Marcon Drapeau.

Décidément… Jonathan Payeur porte un AUTRE t-shirt ridicule distribué par Gabriel Marcon Drapeau. Vaudrait peut-être mieux rester caché, en effet.

Vigilance reste le mot d’ordre…

Rien n’indique que le projet « Misanthropic Division Vinland », lié au label NSBM La Barricade, ait été autre chose qu’un délire entre chums néonazis épris de romantisme aventurier, mais rien n’indique non plus qu’il n’a pas effectivement servi à recruter des militant-e-s pour le réseau néonazi international ou à lever des fonds pour le Régiment Azov. Il est évident du moins que ces projets de distribution de musique et de marchandises néonazies a un poids considérable dans la microéconomie de ce petit milieu au Québec et contribuent à faire rayonner cette sous-culture dégueulasse.

Il ne faut pas non plus négliger le rôle que de tels projets peuvent jouer dans un processus de fanatisation de jeunes adeptes de black métal susceptibles d’être attiré-e-s par les sirènes nazies, dont le programme, foncièrement, reste d’exterminer des millions de personnes qui ne correspondent pas au pitoyable idéal de pureté aryenne.

Ces individus racistes et haineux vivent tous près de nous, circulent dans nos collectivités et continueront à mener leurs petites besognes impunément tant et aussi longtemps que nous les laisserons aller sans leur opposer une véritable résistance. Il revient à nos communautés de les débusquer et de neutraliser leur effet toxique.

Mais comme pour toute espèce envahissante et nuisible, pour les déraciner, encore faut-il savoir les reconnaître.

///

Si vous avez des renseignements à nous communiquer concernant le label La Barricade, Misanthropic Division, ou l’un ou l’autre des individus mentionnés dans cet article, veuillez écrire à alerta-mtl @ riseup.net.


[i]               Nous devons saluer ici le travail réalisé avant nous par Anti-Racist Action Montréal, le webzine Dure Réalité et le projet Québec Facho-Watch.

[ii]               Le complément « Vinland », qui correspond historiquement à Terre-Neuve, est le terme qu’emploient les odinistes et autres fétichistes de la culture viking pour désigner l’Amérique du Nord ou à la partie nord-est du Canada et des États-Unis, et donc, le territoire québécois.

[iii]              https://archive.md/JUB9G

[iv]              https://archive.vn/ohGwn

[v]               https://archive.vn/J25Xj

[vi]              https://archive.vn/gxQzx

[vii]             https://archive.vn/oqaj0

[viii]             https://archive.vn/Ag7nq

[ix]              https://archive.vn/l8PyN

[x]               https://archive.vn/9eRWP

Sur la réponse anarchiste à la pandémie mondiale

 Commentaires fermés sur Sur la réponse anarchiste à la pandémie mondiale
Fév 102021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

La crise de la COVID 19 a représenté un défi pour les anarchistes et pour toutes celles et ceux qui croient en une vie pleinement autonome et libérée. Nous écrivons ceci aujourd’hui car nous avons le sentiment que trop de personnes qui, en des temps meilleurs, portent ces couleurs politiques et philosophiques, mettent de côté leurs croyances fondamentales – ou pire – les déforment de manière tout à fait décevante, et se conforment ainsi aux mandats des technocrates et des politiciens, convaincues qu’il s’agit d’un grand acte de solidarité envers les plus vulnérables.

Nous disons haut et fort que si les principes politiques que vous défendez et encouragez en temps normal se rétractent dans les moments de crise, ils n’ont aucune valeur. Tout système d’organisation ou toute croyance en l’autonomie humaine qui doit être mis de côté aux moindres soubresauts de l’histoire ne vaut pas la peine d’être conservé lorsque l’urgence s’estompe. En effet, ce sont les moments difficiles qui mettent nos idées à l’épreuve et nous disent si elles sont ou non aussi solides qu’on pourrait le croire.

En tant qu’anarchistes, l’autonomie de notre esprit et notre corps est une valeur essentielle. Nous estimons que les êtres humains sont suffisamment intelligents pour décider eux-mêmes comment évaluer leur environnement et déterminer comment avancer dans la vie en répondant à leurs besoins et désirs. Bien entendu, nous reconnaissons que cette autonomie s’accompagne d’une véritable responsabilité, non seulement envers soi-même, mais aussi envers celles et ceux avec qui on vit en communauté – humains et non humains. Nous acceptons tout à fait qu’on puisse demander à des individus de coopérer à la réalisation d’un objectif collectif. Mais nous sommes également convaincu.e.s de l’importance fondamentale du consentement dans de telles situations, et que la force et la punition sont contraires à une vision anarchiste du monde.

C’est pourquoi nous vous écrivons aujourd’hui. Pour vous tendre la main à vous, nos amis, nos camarades, allié.e.s intellectuel.le.s et philosophiques, et vous demander, si ce n’est déjà fait, de commencer à critiquer et à remettre en question sérieusement les réponses des États à la pandémie de la COVID 19. Nous avons observé l’année qui vient de s’écouler docilement, tranquillement, comme d’autres anarchistes qui sont resté.e.s dans les limites tracées par les bureaucrates de l’État. Nous nous sommes tu.e.s devant les anarchistes agissant avec hostilité à l’égard de celles et ceux qui se révoltaient contre les couvre-feux et les ordres de fermeture imposés par l’État, uniquement parce que ces pressions viennent ordinairement de gens affiliés à une politique de droite, cédant ainsi malheureusement ce terrain à la droite, au lieu d’élaborer nos propres critiques de la politique de l’État, et offrir ainsi un foyer intellectuel aux personnes isolées qui ont développé de l’antagonisme à l’égard de ceux qui, au pouvoir, se moquent de nos vies.

L’impulsion de ce comportement chez les anarchistes paraît enracinée dans leur désir de faire du bien à celles et ceux qui en ont besoin, et comme cette crise particulière est causée par un virus, cela semble se manifester par une volonté enthousiaste d’accepter les injonctions de l’État et de faire honte à celles et ceux qui ne les respecteraient pas. Il est admirable de vouloir bien agir envers les personnes âgées et les invalides, mais cet instinct devrait n’être que le début de la conversation, et non sonner la mise de côté de nos principes fondamentaux, et justifier cet abandon en prenant au mot les technocrates et les politiciens, en utilisant les déclarations d’experts établis comme un évangile pour prétendre que si on ne résiste pas aux injonctions, c’est qu’elles ont don ben de l’allure.

Les politiciens mentent. Ils sélectionnent les analyses et les techniciens qui font la promotion de leurs programmes. Les dirigeants d’entreprises font la file pour les soutenir, sachant que ça leur délie les cordons de la bourse de l’État. Et les médias, qui veulent toujours être dans les bonnes grâces de ceux qui détiennent le pouvoir politique et financier, fabriquent du consentement en cycles d’informations de vingt-quatre heures. Cela, nous le savons. Nous avons des bibliothèques pleines de livres que nous avons lus et recommandés pour expliquer en détail les rouages de cette réalité. Par conséquent, il est toujours nécessaire de critiquer les politiciens qui déclarent que leurs violations des libertés fondamentales sont justifiées par la crise. Il est toujours nécessaire de critiquer les dirigeants pharmaceutiques qui disent au public qu’ils sont les seuls à détenir les clés d’un avenir de liberté et de sécurité, ainsi que les médias qui agissent comme des machines de propagande au service des récits officiels.

Les anarchistes semblent savoir tout cela instinctivement quand la guerre que les politiciens veulent nous faire mener est une guerre menée avec des armes littérales, quand les victimes sont plus évidentes, quand la propagande est plus nationaliste, xénophobe et raciste. Mais avec la crise de la COVID 19 , la guerre menée par les personnes au pouvoir est ostensiblement une guerre pour sauver des vies, et cette nouvelle façon de présenter les choses semble avoir effectivement touché le cœur et l’esprit de bien des anarchistes qui, au fond de tout, se préoccupent profondément et sincèrement des autres.

Mais nous devons prendre du recul et réfléchir de manière critique à notre situation. Il est pardonnable, lorsqu’on est confronté à une situation d’urgence où tout va très vite, sans avoir les informations nécessaires pour prendre des décisions en toute confiance, de vouloir se ranger du côté des experts placés sur des podiums lorsqu’ils demandent que nous nous mobilisions toutes et tous pour le plus grand bien commun. Mais la situation a changé. Bien des mois se sont écoulés depuis l’époque où le SRAS-COV-2 était un mystérieux nouveau virus respiratoire qui infectait des dizaines de personnes à Wuhan, pour devenir un virus de portée mondiale ayant probablement infecté 20 % de la population humaine*. Les données ont afflué de la part des chercheurs du monde entier, et il n’y a désormais plus d’excuse pour prendre des décisions fondées sur la peur, pour accepter comme un évangile les perceptions et les prescriptions estampillées par l’État et distribuées par ses laquais dans les médias.

Nous pensons que cette crise est comme toutes les autres qui l’ont précédée, en ce sens qu’il s’agit d’une période où ceux qui détiennent le pouvoir et la richesse voient une opportunité d’étendre leurs griffes et de se les accaparer encore un peu plus. Nous vivons un moment de peur et d’incertitude collectives qu’ils peuvent exploiter pour prendre le contrôle encore davantage et s’enrichir aux dépens de la population. La seule chose qui semble séparer la crise de la COVID 19 de celles qui l’ont précédée, c’est la volonté d’une si grande partie de l’opinion publique (dont malheureusement de nombreux anarchistes) de soutenir volontairement et avec enthousiasme la perte de sa propre autonomie.

*Début octobre, l’OMS a publié une estimation selon laquelle 10 % de la population mondiale avait eu une infection de COVID 19. Il est donc raisonnable qu’après un deuxième hiver dans l’hémisphère nord, ce nombre ait pu doubler.

La science !!!

Dès le départ, nous pensons qu’il est très important de souligner la nature dangereuse, quasi religieuse, de la manière dont les médias et l’État poussent – et dont le public accepte – la notion d’un consensus scientifique unifié sur la manière d’aborder politiquement la question de la COVID 19. Avant tout, la science est une méthode, un outil, et son principe fondamental est que nous devons toujours poser des questions, et toujours essayer de falsifier notre hypothèse. La science n’est absolument PAS une question de consensus, car la bonne expérience menée par une seule personne peut absolument démolir les dogmes établis avec de nouvelles informations, et c’est la science dans toute sa gloire. En outre, le SRAS-COV-2 est un virus connu de l’ensemble de l’humanité depuis un peu plus d’un an. Il est absolument faux de suggérer qu’il existe une compréhension totale et irréfutable de ses caractéristiques et de sa dynamique, et que tous les scientifiques, chercheurs et médecins du monde entier sont d’accord sur la politique publique à adopter pour le combattre.

En outre, nous entrons en terrain très dangereux en tant que société lorsque nous permettons, voire exigeons, que des experts enfermés dans des laboratoires utilisant des méthodes ésotériques soient les seules voix qui génèrent des déclarations politiques uniques pour des nations entières s’étendant sur un territoire géographique immense, pour des nations peuplées de groupes d’êtres humains très divers qui ont tous des besoins différents. Ce type de technocratie est très préoccupant, tout comme le sont les déclarations selon lesquelles les gens sceptiques face à de tels schémas de manipulation sociale sont en quelque sorte des abrutis intellectuels ou des antiscientifiques.

La science est un outil qui permet d’éclairer l’humanité par l’élucidation des mécanismes de cause à effet. C’est un processus de découverte. Ce que nous faisons avec cette illumination, comment nous menons notre vie avec les informations découvertes, dépend de nous, en tant qu’individus et communautés.

Enfin, il est très facile de tomber dans le piège de la concurrence entre experts. Une partie a un expert qui dit X et l’autre partie trouve un expert qui dit Y, et nous voilà dans une impasse. Ce n’est pas notre intention, cependant, nous avons le sentiment d’être doublement coincés si nous ne démontrons pas, à un certain niveau, que le récit avancé par l’État et ses médias n’est pas aussi ancré dans les faits scientifiques qu’on voudrait nous le faire croire. Si nous ne présentons pas un certain nombre de contre-preuves, nous risquons d’être rejeté.e.s du revers de la main comme des individualistes ignorant.e.s dont les véritables motivations sont “égoïstes”. Il n’est pas facile de décortiquer un récit d’un milliard de dollars élaboré pendant près d’un an par les médias publics et privés du monde entier, dans le but de créer une atmosphère de peur et donc de conformité, et c’est pourquoi nous allons maintenant présenter certaines recherches ci-dessous afin d’aider celles et ceux qui nous lisent à comprendre la situation actuelle en se basant sur la réalité et les données, non pas pour dire que nous avons des informations alternatives et secrètes, mais simplement pour démontrer qu’il existe des recherches qui font que de nombreuses injonctions des États semblent absurdes, même d’un point de vue scientifique.

La recherche

L’idée sous-jacente aux fermetures et aux couvre-feux est que ces efforts peuvent arrêter la propagation du SRAS-COV-2. Mais est-ce vraiment possible ? C’est une question de nuances. Tout d’abord, nous sommes prêt.e.s à reconnaître que si l’on pouvait isoler chaque être humain dans sa propre bulle, oui, on pourrait probablement éliminer de nombreuses maladies (tout en créant une série de nouveaux problèmes). Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent en réalité. Même sans parler de ces délinquant.e.s de l’ombre qu’on blâme de Londres jusqu’en Californie pour les échecs de ces efforts de confinement, incapables qu’ils et elles sont de respecter les consignes à la lettre, le fait est que la civilisation moderne exige une quantité massive de travail quotidien afin d’empêcher son effondrement immédiat, et que ce travail nécessite que les êtres humains entrent en contact les uns avec les autres, et qu’ils se déplacent sur de grandes distances.

Tout a un impact, des travaux agricoles au transport routier. De l’exploitation des centrales électriques aux plombiers effectuant des visites à domicile. Les médecins doivent se rendre à l’hôpital, tout comme le personnel d’entretien et de cuisine. Les usines d’engrais doivent continuer à produire pour la saison prochaine, comme les centres de données tentaculaires doivent rester opérationnels pour que tous les professionnels du tertiaire puissent se rencontrer sur Zoom. Et puis il y a les entrepôts d’Amazon et les Wal-Marts ! Comment nous confiner sans nos livraisons quotidiennes ? La liste des industries et des institutions qui ne peuvent pas fermer si nous voulons des maisons chauffées, de l’eau potable, des réseaux électriques fonctionnels, des routes praticables et tout autre système de soutien de la vie moderne est très longue, et chacune d’entre elles a besoin d’êtres humains pour les faire fonctionner. Ce simple fait signifie qu’il est impossible que 100 % de la population soit confinée.

On constatera évidemment que la majorité de la main-d’œuvre qui doit continuer à travailler est col bleu et/ou gagne un salaire de misère. Ce constat à lui seul fait de l’idée même du confinement une entreprise classiste, mais ceci a déjà largement été discuté, nous allons donc poursuivre.

N’oubliez pas non plus que ces confinements massifs n’ont jamais eu pour but (dans la plupart des endroits, au départ) d’éliminer la COVID 19. Ils avaient pour objectif d'”aplatir la courbe”, ce qui se traduit par “ralentir la propagation” du SRAS-COV-2 afin que les hôpitaux ne soient pas débordés. Il convient de noter que la plupart des hôpitaux dans la plupart des localités n’ont jamais été confrontés à cette menace, et que même si c’est une bonne idée d’empêcher le débordement des hôpitaux, les plans visant à prévenir un tel scénario devraient être locaux et non pas nationaux, ou même provinciaux. Au fur et à mesure que l’année avançait, lentement, on a oublié l’intention initiale des mesures de confinement, et les politiciens et leurs experts choisis ont sans cesse prolongé les fermetures, pour finalement transformer le discours qui s’est fixé sur l’éradication du virus. Cette situation est inacceptable dans la mesure où c’est un objectif probablement impossible à atteindre.

Quant à ces mesures de confinement et à leur efficacité, les recherches ont montré qu’elles n’ont pas beaucoup d’effet lorsqu’il s’agit de réduire le nombre total de cas :

“Conclusions : Bien qu’on ne puisse exclure de petits avantages, nous ne voyons pas d’effets significatifs des mesures restrictives sur la croissance des cas. Des réductions similaires peuvent être obtenues avec des interventions moins restrictives”.

Une autre étude conclue:

«Des taux plus élevés de mortalité de la Covid sont observés dans la latitude [25/65°] et dans les plages de longitude [−35/−125°]. Les critères nationaux les plus associés au taux de mortalité sont l’espérance de vie et le ralentissement de la vitalité, le contexte de santé publique (charge des maladies métaboliques et non transmissibles (MNT) par rapport à la prévalence des maladies infectieuses), l’économie (croissance du produit national, soutien financier) et l’environnement (température , indice ultraviolet). La rigueur des mesures prises pour lutter contre la pandémie, y compris le confinement, ne semble pas être liée au taux de mortalité.»

Nous devons absolument comprendre qu’aucune intervention ne vient sans coûts et lorsqu’une intervention implique de la distanciation, de l’isolement et la fermeture des points habituels d’interaction sociale et de soutien, ces coûts sont payés par la santé physique, mentale et émotionnelle de la population. Nous ne pouvons détériorer la santé publique pour sauver la santé publique. Cet éditorial du British Medical Journal soulevait que:

«Le confinement peut également causer des problèmes de santé à long terme tels que le retard du traitement et des examens. Les retards de diagnostic et de traitement de divers types de cancer par exemple, peuvent engendrer la progression du cancer et affecter la survie des patients. On estime qu’un délai de trois mois à la chirurgie cause plus de 4 700 décès par an au Royaume-Uni. Aux États-Unis, on estime que les retards dans le dépistage et le traitement entraînent chaque année 250 000 décès évitables supplémentaires de patient.e.s atteint.e.s du cancère.

De plus, une forte diminution du nombre d’admissions hospitalières pour syndromes coronariens aigus et interventions coronariennes d’urgences a été observée depuis le début de la pandémie aux États-Unis et en Europe. En Angleterre, le nombre hebdomadaire d’hospitalisations pour syndromes coronariens a chuté de 40% entre mi-février et fin mars 2020. La peur d’une exposition au virus a empêché de nombreux patients de se rendre à l’hôpital, les exposant à un risque accru de complications à long terme suite à un infarctus du myocarde.»

Malgré la pression des personnes au pouvoir pour présenter leurs mesures draconiennes préférées comme étant totalement soutenues par «la science», il y a plusieurs sources de désaccord entre les chercheurs et les médecins sur la meilleure façon de traverser cette crise. Scientific American écrit:

«Dans la lutte contre le Covid-19 d’aujourd’hui, la communauté scientifique mondiale est divisée. D’une part, certain.es penche fortement en faveur d’interventions de santé publique actives et parfois même draconiennes, comprenant l’arrêt généralisé des activités non essentielles, la prescription de masques, la restriction des déplacements et l’imposition de quarantaines. D’un autre côté, certains médecins, scientifiques et responsables de la santé publique remettent en question le bien fondé de ces interventions sanitaires en raison des grandes incertitudes qui persistent quant à leur efficacité, mais aussi de preuves de plus en plus claires que de telles mesures peuvent ne pas fonctionner dans certains cas, voir causer des dommages nets. Alors que les gens sont mis au chômage en conséquence directe des fermetures temporaires et que de plus en plus de familles se retrouvent incapables de payer leur loyer ou leur nourriture, il y a eu une forte augmentation de la violence conjugale, de l’itinérance et de la consommation de drogues illégales.»

Le confinement prolongé et les couvre feux sévères ont intéressés beaucoup de gens au danger que présente le Covid-19, sans pour autant que la menace que représente le virus puisse être réellement comprise. En raison de la posture alarmiste des médias, – une industrie que nous savons fondée sur le sensationalisme pour attirer l’attention et qui s’efforce toujours de promouvoir les récits politiques officiels – de nombreuses personnes pensent qu’une infection par le SRAS-COV-2 est beaucoup plus mortelle que ce qu’elle n’est en réalité. Selon une étude rédigée par John P. Ioannidis de Stanford, le taux de mortalité par infection dans le monde est assez faible:

«Le taux de mortalité à différents endroits peut être inféré par les études de séroprévalence. Bien que ces études comportent des mises en garde, elles montrent un tauxx de mortalité allant de 0,00% à 1,54% sur 82 estimations d’études. Le taux de mortalité médian sur 51 sites est de 0,23% pour l’ensemble de la population et de 0,05% pour les personnes de moins de 70 ans. Le taux de mortalité est plus important dans les endroits où le nombre total de décès est plus élevé. Étant donné que ces 82 études proviennent principalement d’épicentres durement touchés, le taux de mortalité au niveau mondial pourrait être légèrement inférieur. Des valeurs moyennes de 0,15% à 0,20% pour l’ensemble de la population mondiale et de 0,03% à 0,04% pour les personnes de moins de 70 ans en octobre 2020 sont plausibles. Ces valeurs concordent également avec l’estimation de l’OMS d’un taux d’infection mondial de 10% (d’où un tauxx de mortalité environnant 0,15%) au début d’octobre 2020. »

Nous sommes conscients d’un sentiment commun selon lequel le confinement pourraient éliminer le SRAS-COV-2 s’il était plus strict si seulement chaque personne s’y conformait irréprochablement. C’est le genre de pensée infalsifiable que les politiciens et les experts aiment pousser pour excuser l’échec des mesures précédentes à rencontrer les résultats escomptés, ainsi que pour cibler leurs politiciens opposants qu’ils aiment accuser de «laisser tomber la balle» et qui devraient donc porter la responsabilité du bilan de la pandémie. Toute politique reposant sur une totale adhésion de la population est vouée à l’échec dès le départ. Même en ignorant notre point précédent sur le travail requis pour maintenir la société fonctionnelle, il n’y aura jamais de conformisme total de tous les êtres humain.e.s sur aucune question.

Nous pensons qu’il est nécessaire de préciser qu’un nouveau coronavirus n’est pas quelque chose qui serait détecté immédiatement par les médecins ou les chercheurs lors de sa première transmission d’animal à humain. Étant donné que les coronavirus sont courants et parce qu’ils induisent des symptômes similaires (en plus d’avoir une évolution des symptômes similaire à d’autres formes de virus respiratoires) et que le SRAS-COV-2 n’est pas symptomatique chez un tiers des personnes qui le contractent, il ne serait pas étonnant qu’il circulait sur la Terre avant que quiconque ne sache qu’il fallait le chercher.

Il a maintenant été confirmé que le SRAS-COV-2 circulait en Italie en septembre 2019:

«Des anticorps anti-SARS-CoV-2 ont été détectés chez 111 individus sur 959 (11,6%), à partir de septembre 2019 (14%), avec un groupe de cas positifs (> 30%) au cours de la deuxième semaine de février 2020 et le nombre le plus élevé (53,2%) en Lombardie. Cette étude montre une circulation très précoce et inattendue du SRAS-CoV-2 parmi les individus asymptomatiques en Italie plusieurs mois avant l’identification du premier patient et clarifie l’apparition et la propagation du Coronavirus en 2019. »

Il circulait au Royaume-Uni en décembre :

«Le professeur Tim Spector, épidémiologiste au King’s College de Londres dirige l’étude Zoe Covid Symptom Study, qui suit les symptômes signalés par les patients pendant la pandémie.

Il a déclaré que les données collectées “montrent clairement que de nombreuses personnes avaient le virus en décembre”.

Il circulait aussi aux États-Unis à la fin de l’automne 2019 :

«Ces sérums réactifs confirmés comprenaient 39/1 912 (2,0%) dons collectés entre le 13 et 16 décembre 2019 auprès de résidents de Californie (23/1 912) et de l’Oregon ou de Washington (16/1 912). Soixante-sept dons réactifs confirmés (67/5 477, 1,2%) ont été recueillis entre le 30 décembre 2019 et le 17 janvier 2020, auprès de résidents du Massachusetts (18/5 477), du Wisconsin ou de l’Iowa (22/5 477), du Michigan (5 / 5 477) et Connecticut ou Rhode Island (33/5 477). »

Il existe d’autres exemples démontrant que le SARS-COV-2 circulait dans divers pays du monde avant que son existence ne soit confirmée par la Chine. Au fil du temps, nous aurons probablement une idée plus précise de ce à quoi ressemblait cette circulation, mais nous pouvons sans risque présumer que s’il y avait des anticorps chez les personnes sur les différents continents en décembre 2019, la circulation du virus aurait commencé des mois auparavant. Et nous soulignons ce fait, une fois de plus, pour insister sur le fait qu’il n’y avait probablement aucune mesure de confinement qui aurait pu être mise en œuvre pour éteindre le virus, car il avait déjà pris une avance si formidable.

Par principe

En tant qu’anarchistes, il y a des principes phares auxquels nous revenons dans la nuit noire de l’inconnu et ceux-ci incluent la liberté, l’autonomie, le consentement et une profonde croyance en la capacité des gens à s’auto-organiser pour leur bien en tant qu’individus et en tant que communauté. Personne n’est mieux placé que soi-même pour connaître ses besoins. En vérité, la plupart des gens ont des instincts d’autoconservation qui les poussent à choisir des comportements qui mènent à leur propre sécurité et à leur survie, ainsi qu’à celles de ceux dont ils prennent soin.

Au début de la pandémie, alors que les informations étaient encore rares, nous avons beaucoup vu des gens faire des choix pour s’éloigner des foules et des rassemblements qu’ils ne croyaient pas essentiels, alors qu’ils ont également entâmé des démarches pour soutenir et prendre soin de ceux qui pourraient être plus vulnérables à une maladie respiratoire pour laquelle il n’y a pas encore de traitement.

Bien que nous accueillons les informations et les données qui circulent, bien que désagréables, décrivant les circonstances actuelles, nous pensons qu’il faut faire confiance aux gens pour analyser ces informations. Dans le paradigme actuel, l’État et ses experts technocratiques sélectionnés filtrent les données disponibles et ne mettent en évidence que ce qui soutient les décisions politiques qu’ils ont déjà décidé de mettre en œuvre sans aucune considération de l’opinion publique. Les informations et analyses qui peuvent être considérées comme de «bonnes nouvelles» ont été largement ignorées par l’État et ses exécutant.e.s et occultées par les médias.

On peut toujours trouver des «expert.e.s» pour légitimer des horreurs. En effet, nous aurions probablement du mal à trouver un cas dans l’histoire récente dans lequel des crimes massifs contre l’humanité ne sont pas accompagnés du cachet d’approbation d’un consortium d’expert.e.s en qui tout le monde a été prié de faire aveuglément confiance. La pandémie de Covid-19 n’est pas différente et en tant qu’anarchistes nous vous demandons simplement de vous rappeler que le débat, la critique et la dissidence sont des composantes essentielles pour la libération et l’autonomie des sociétés. Nous vous demandons, quoi que vous pensiez de l’efficacité des mesures sanitaires, de ne reconnaître en aucun cas, aussi désastreux que cela puisse paraître, les décrets justifiant la menace de la force et de la violence pour atteindre leurs objectifs. Notre engagement inébranlable envers l’autonomie humaine et notre conviction qu’aucune autorité n’est valable sans le consentement de ceux sur qui elle est exercée est ce qui fait de l’anarchisme une chose à part des autres philosophies politiques. Nous n’abandonnerons pas cet engagement et espérons que vous non plus.

200 jours au 1492 Land Back Lane : Mise à jour de Skyler

 Commentaires fermés sur 200 jours au 1492 Land Back Lane : Mise à jour de Skyler
Fév 052021
 

De 1492 Land Back Lane (Twitter)

Lorsque les défenseur.es des terres Haudenosaunee sont obligé.es de défier des injonctions pour protéger nos territoires, nous sommes arrêté.es, inculpé.es, menacé.es et incarcéré.es.

C’est un crime de se battre pour nos terres, mais nous continuons à nous battre. La criminalisation de la défense des terres vise à diviser les familles, les nations et les alliés, afin de nous effrayer et de nous soumettre.

Le 5 août et le 22 octobre sont des jours qui pèsent lourdement sur l’esprit de chacun.e. Des jours où l’on nous a tiré dessus, où l’on a utilisé des tasers et où l’on nous a traînés hors de nos terres. La résilience de tant de personnes est étonnante. Ce sont des jours parmi les 200 derniers qui ne seront pas oubliés.

L’OPP a toujours essayé de diviser notre communauté. Pour essayer d’entraver le soutien de toutes les manières possibles. Vous avez tous et toutes clairement fait savoir que nous ne jouerons plus leur jeu. Ce territoire est Haudenosaunee !

En regardant en arrière et en voyant tout ce que nous avons enduré ensemble. Toutes les familles et tous les ami.es qui nous ont soulevé.es dans ces moments-là. Se souvenir de tous les rires et de toute la joie. La construction d’une communauté. L’unité des nations. Quel cadeau nous avons reçu.

Les routes, les autoroutes et les chemins de fer qui traversent nos terres ne seront pas utilisés pour infliger davantage de violence à notre peuple, toutes ces infrastructures coloniales qui ont été utilisées pour nous opprimer et exploiter nos terres.

Nous avons la possibilité d’aller de l’avant. Mais nous devons le faire ensemble. Toutes les souffrances que nous avons endurées en tant que nations. Le traumatisme qui nous a été infligé. Pour donner à nos enfants et petits-enfants plus que ce que nous avions, nous devons rester uni.es.

À mes frères et sœurs, des gens qui se sont donnés tout entiers pour nous tous, des vies et des membres en danger, des libertés et des carrières, qui ont donné tant de temps et d’énergie, des gens qui ont dû supporter le poids de lourdes conditions de libération sous caution et de mise en liberté : nous avons tant d’amour et de gratitude pour vous.

Il n’y a rien que ces tribunaux, ces flics ou ces politicien.nes racistes puissent faire avec leurs armes et leurs prisons pour nous faire tourner le dos aux générations futures. Ces terres sont seulement empruntées aux générations à venir. Il est de notre devoir de les garder pour elles.

Complément d’information : Le policier Sanjay Vig désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale

 Commentaires fermés sur Complément d’information : Le policier Sanjay Vig désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale
Fév 042021
 

Du COBP

Le policier Sanjay Vig du SPVM matricule 5144 et désarmé dans Parc Ex le 29 janvier 2021 a déjà été trouvé coupable de brutalité policière et d’arrestation illégale par le Comité de déontologie policière.

https://www.canlii.org/fr/qc/qccdp/doc/2018/2018qccdp43/2018qccdp43.html

https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2021-01-30/policier-blesse-dans-parc-extension/le-spvm-deploie-un-poste-de-commandement.php

Aux feux incouvrables

 Commentaires fermés sur Aux feux incouvrables
Fév 012021
 

De Pas de solution policière à la crise sanitaire

Nous serions donc recouverts, écrasées. Après des mois à suivre tant bien que mal les restrictions sanitaires, voilà que l’on ploie sous le poids de l’inédit : un couvre-feu qui nous intime à rester chacun chez soi, du jamais vu de notre côté du monde depuis plus d’un demi-siècle.

L’idée n’est pas ici d’ajouter un autre texte d’analyse soulignant le caractère autoritaire, disproportionné et violemment « symbolique » du couvre-feu, son impact dévastateur sur les plus démuni.e.s, les marginaux et marginales, les travailleuses et travailleurs du soir (souvent précaires, ou déjà surmené.e.s), ou même d’en rajouter contre la dérive policière qu’il implique ou le fait que le caractère catastrophique de la situation actuelle provient surtout d’une série de compressions récurrentes dans les service publics depuis au moins 30 ans… Plusieurs textes1 prenant la pandémie au sérieux et ne tombant pas dans le registre conspirationniste ont déjà bien souligné le côté ignoble de la mesure (il ne vous reste plus qu’à les lire si ces éléments ne sont pas déjà des évidences pour vous).

Il s’agit plutôt ici de faire ressortir quelques lignes qui n’ont pas (ou si peu) été énoncées au cours des derniers mois. Des lignes qui ne nous feront pas d’ami.e.s, on le sait bien, mais qui circulent déjà comme un secret, exprimées à la fin d’une marche nocturne entre deux ami.e.s, dans une discussion furtive entre deux jeunes commis dans les allées d’une pharmacie, dans une rencontre Zoom entre des grand-parents et leurs enfants qui habitent dans une autre ville. Ces lignes, qui ont peut-être traversé par moments même les plus aligné.e.s, ne sauraient être tues plus longtemps. Il en va des sens portés par nos vies mêmes.

*

Le couvre-feu vient nous enlever un des derniers espaces de liberté qui nous restait. Celle de prendre un moment avec un.e ami.e à distance dans un parc après une journée à se faire bouffer les yeux par les écrans, celle d’aller prendre une marche pour changer d’air, sortir un peu de nos existences séparées par le confinement pour rencontrer un peu de différence. Après les fêtes, les bouffes entre ami.e.s, les moments de création collective, les concerts, on nous a enlevé ça, aussi. Alors que cette opération concertée contre les joies du commun était jusqu’à tout récemment justifiée par la science (ou du moins une certaine conception de la science), le couvre-feu semble être la première mesure proprement morale2 qui nous est imposée durant cette crise : cet « électrochoc symbolique », de l’aveu même du gouvernement et de la Santé publique, tombe comme un jugement sur les manières de vivre.

Ce nouveau diktat porte directement les mesures gouvernementales en réponse à la pandémie sur le terrain éthique, non pas dans le sens du code qui vient cadrer une série de pratiques, de règles immuables qui viennent surplomber des relations professionnelles, de recherche ou judiciaires, mais dans le sens de l’ethos, celui des manières de vivre. Cette conception de l’éthique pousse à interroger comment on souhaite vivre, qu’est-ce qui fait que cette vie vaut la peine d’être vécue, au-delà de la pure survie.

En nous imposant à résidence – réprimant toute sortie qui ne serait pas justifiée par le travail, les besoins primaires ou les soins de base –, le gouvernement nous dit ni plus ni moins comment vivre. Il y a longtemps que l’on sait que la vie est objet de pouvoir – c’est ce que Foucault avait pointé il y a plus de quarante ans par son concept de biopolitique : or ce que la pandémie vient clarifier maintenant, c’est que cette vie objet de pouvoir n’est pas uniquement la vie biologique, la survie, mais la qualité même de la vie, ce qui lui donne sa teneur, son goût, ce qui fait qu’elle peut avoir un sens pour nous.

*

La situation nous apparaît plus clairement comme une guerre entre formes de vie : ce qui est réprimé, c’est une vie faste, généreuse, conviviale3, où les liens primordiaux ne se limitent pas au couple, à la famille nucléaire, où ce qui compte ne se calcule pas en termes d’opportunités de carrière ou de bons coups sur les réseaux sociaux, mais une vie tissée de liens, pour qui les amitiés sans statut priment, une nocturne ponctuée de fêtes, de musique, tournée vers l’extérieur, vagabonde voire même sans domicile fixe. Parce qu’il se trouve que pour pas mal de monde, ce qui donne un sens à l’existence est justement ce qui est rabroué couche par couche, voire interdit, depuis le début de la pandémie.

Il faut se rendre à l’évidence : ce qui est préservé depuis la deuxième vague de la pandémie, c’est la forme-de-vie type de celles et ceux qui ont élu ce gouvernement : le petit entrepreneur, la jeune professionnelle, la gérante de service, le jeune cadre, qui se rendaient au travail juste pour faire acte de présence, mais qui n’avaient que hâte de rentrer dans leur maison de banlieue ou leur condo pour pouvoir s’enfiler quelques verres et passer le reste de la soirée à regarder des séries sur Netflix… avant de recommencer le lendemain. Le principal impact que le couvre-feu a vraiment sur ces types est qu’il n’a plus à se taper le trafic, qu’elle n’a plus besoin d’excuse pour tout acheter sur Amazon. Bon, il y a bien l’impossibilité d’organiser le souper du vendredi soir avec la belle famille (pour reprendre un des loisirs avoués du PM), ou la soirée de hockey avec les chums de gars, ou d’aller voir Louis-José Houde au Théâtre St-Denis une ou deux fois par année. Mais c’est pas mal tout que ça empêche, au fond.

On caricature un peu, c’est souvent plus complexe que ça, évidemment. Mais il reste que la plupart des gens qui soutiennent le couvre-feu sont aussi ceux et celles qui avouent que la mesure n’aura à peu près aucun impact sur leur vie quotidienne. Et ils-elles vont jusqu’à sous-entendre que ça ne devrait pas avoir d’impact négatif sur la vie de personne, comme si cette mesure était à la hauteur de l’idée misérable de la vie qu’on devrait avoir au Québec en hiver : « Anyways, y fait frette pis noir tôt, c’est plate, y’a pas de raison de sortir faque… pourquoi ça vous dérange? ». Et si vous ne pensez pas comme ça, si vous avez une autre conception de la vie, eh bien c’est vous le problème, vous êtes louches en fait.

Car voilà une des fonctions tacites les plus puissantes du couvre-feu : rediriger le ressentiment. Après avoir multiplié les petits empêchements, on peut enfin s’en prendre à ces irresponsables qui sortent le soir, qui ne vivent pas comme nous. Ça a au moins l’avantage de détourner l’attention de la gestion pitoyable de la crise, des innombrables incohérences des mesures, et des coupures et compressions répétées dans le système de santé qui l’ont rendu si vulnérable et qui ont mis tout le monde qui y travaille à bout. Grâce au couvre-feu, on peut enfin punir celles et ceux qui ont « triché » pendant le temps des fêtes, les jeunes qui se rencontrent malgré tout, mon voisin qui a reçu un ami l’autre soir sur son balcon et qui avait l’air d’avoir ben trop de fun… Et tant pis pour les pauvres qui sont trop mal foutu.e.s pour se trouver un logement où on peut rester enfermé à la journée longue sans virer fou, pour ceux qui s’entassent en ville avec plein d’étrangers, pour celles qui habitent seules sans connexion Internet…

Pendant ce temps, la majorité des éclosions a lieu dans les institutions disciplinaires (écoles, usines/lieu de travail, prisons), toutes qualifiées par un certain niveau d’enfermement. Mais mieux vaut taper sur celles et ceux qui refusent de s’enfermer.

*

Évidemment, il y a des gens qui ne prennent tout simplement pas la pandémie au sérieux, qui se croient au-dessus d’une solidarité de base et qui mettent une foule de monde en danger. Mais aujourd’hui malheureusement, pas besoin d’être aussi con pour se faire traiter d’irresponsable. Suffit de ne pas s’enligner sur la morale gouvernementale, et hop c’est parti. Mais si on s’y arrête un peu, est-ce que les jeunes qui dépriment chez eux, sans contacts sociaux, sont irresponsables d’aller voir des ami.e.s une nuit? Est-ce que des célibataires sont irresponsables de chercher à avoir une vie sexuelle pas complètement inactive malgré tout? Est-ce que l’aîné qui a reçu un diagnostic d’Alzheimer et qui n’a pas vu ses petits-enfants depuis des mois est irresponsable de passer les voir pendant une heure, masqué, à deux mètres à l’intérieur? Un peu, dans un sens, puisque si tous ces gens finissent par se faire contaminer ainsi, ils et elles iront se faire soigner comme les autres, avec tous les impacts qu’on connaît. Mais tous ces gens (et les innombrables situations différentes), ne sont pas écervelés : ils montrent seulement qu’il y a des dimensions de la vie à laquelle ils et elles ne sont pas près à renoncer totalement, que la vie est une affaire éthique. Ou, dans un langage plus clinique, qu’on ne saurait subsumer indéfiniment la santé mentale et les relations sous la santé physique (et les suicides? les dépressions? les violences intrafamiliales? les mutilations? c’est moins important parce que ça ne se chiffre pas en nombre d’hospitalisations?). Cet aspect de l’existence qui se voit constamment rabattu depuis des mois, en attendant…

Parce que ça commence à faire longtemps. Longtemps qu’entre la santé et l’économie, il ne reste plus de place pour grand chose. Que tout ce qui ne tombe pas dans ces deux catégories est limité, dissout, écrasé. Et à force d’être contraintes et isolés, on en vient à se demander ce qui reste de notre dignité, jusqu’où peut-on peut mettre la vie de côté? Quelles zones de l’existence va-t-on encore devoir mettre sur pause, voir disparaître? Combien de temps on pourra rester des zombies, chacun sur notre écran pour travailler, « voir » ses ami.e.s, se divertir, et rebelote? Deux mois? Six mois? Un an? Cinq ans? Parce que depuis le début, on nous dit que c’est un sacrifie à faire, pour un court laps de temps, pour sauver les plus démuni.e.s et éviter que le réseau de santé s’effondre. Ok, mais là ça va faire un an. Un an qu’on pourrit de l’intérieur. Et soyons réaliste, personne ne peut garantir qu’il n’y aura pas de 3e, 4e, 5e, voire même de 6e vague. Que les vaccins accordent une immunité de plus de six mois. Que le virus ne va pas muter, rendant certains inopérants. Pendant que le gouvernement fait de la gestion de la population (« il faut diminuer la probabilité des rassemblements ») et de la morale de crise, les yeux rivés surs les sondages, la vie s’écoule, dans un petit bruit qui ne reviendra pas.

Il faut bien se le dire, à un moment donné : on ne saurait « limiter tous les contacts » sans que la vie perde un peu de son sens. Il va falloir apprendre à re-vivre, à vivre-avec. Pas comme les conspis balançaient, en tout début de pandémie, qu’il fallait laisser le virus faire ses ravages, sans contextualiser, sans penser le soin, la complexité de l’immunité collective, etc. Non, vivre avec au sens de mettre fin à l’effritement de nos vies communes, de tracer une ligne, chaque fois singulière, derrière laquelle les mesures sanitaires ne passeront pas, de prendre soin de ces parts de nous qui meurent à petit feu enfermées. En fait, la question est déjà là : on « vit » déjà avec cette maladie depuis des mois. Mais on vit très mal. La question est de savoir comment vivre avec. Et ça, aucun gouvernement ne pourra nous l’imposer.

D’ici là, on lâche pas, on continue : à faire attention et à trouver des zones d’ombres, pour occuper les interstices, à prendre soin de nos proches et à retrouver le sentiment fuyant de la liberté, partager une intensité commune quelques instants, trouver les manières de contourner leurs cloisons.

Ces feux-là ne se recouvrent pas.

P.S. Oh, et pour celles et ceux qui reprendront la morale gouvernementale pour nous traiter d’égoïstes, de privilégié.e.s ou d’irresponsables (encore une fois), sachez que ces quelques lignes s’adressent à tout le monde : on le souhaite particulièrement pour les employé.e.s du réseaux de la santé, qui se font enfoncer des heures supplémentaires dans la gorge, pour les enseignantes et enseignants forcés de rentrer au travail, les itinérants et itinérantes, les fameuses gens vulnérables, qui peuvent aussi ne plus être capables de supporter l’isolement et la zoomification de l’existence… Va falloir arrêter de cliver le débat, de rabattre tout questionnement des mesures sanitaires-répressives dans l’imbécilité ou l’égocentrisme (ce qui revient souvent au même). Ce texte n’est qu’une amorce pour ouvrir des espaces de réflexion que trop de gens voudraient voir se refermer illico.

1 Notamment celui de Jaggi Singh (https://ricochet.media/fr/3431/pas-de-couvre-feu-ni-police-ni-delation), de Montreal Antifasciste (https://montreal-antifasciste.info/fr/2021/01/16/position-de-montreal-antifasciste-sur-le-couvre-feu-decrete-par-quebec) et du blogue L’Éteignoir (https://www.leteignoir.com/2021/01/ton-couvre-feu-de-marde.html), pour ne mentionner que ceux-là.

2 Une des premières mesures, plutôt : en fait le mode même d’imposition des confinements pandémiques vient implicitement poser l’unité familiale et le couple comme formes appropriées du vivre-ensemble. Sans rentrer dans le fait que la science implique souvent sa propre morale…

3 Le président français, qui semble servir d’exemple à notre mononcle national, a au moins eu l’honnêté de déclarer, lorsqu’il fut question d’imposer un nouveau couvre-feu, « Le problème, c’est la convivialité ».

Contrôle et surveillance en temps de pandémie

 Commentaires fermés sur Contrôle et surveillance en temps de pandémie
Jan 302021
 

Du Projet accompagnement solidarité Colombie (PASC)

La pandémie a révélé les conséquences d’années de coupes budgétaires des gouvernements et de politiques favorisant la privatisation graduelle de nos systèmes publics de santé, au profit d’une vision mettant de l’avant la rentabilité économique de la santé.

Pour faire face à la pandémie de la COVID-19, au lieu de proposer des investissements dans nos services publics, de nombreux État ont opté massivement pour l’implantation de mesures répressives, telles que le confinement strict et le couvre-feu, et d’une panoplie de mesures de contrôle et de surveillance.

L’urgence et le climat de peur servent à forcer le consensus et à fabriquer le consentement de la population aux diverses mesures mises de l’avant pour nous sortir de la crise sanitaire. Nous acceptons jours après jours la mise en place de mesures de contrôle social qui, il y a à peine quelques mois, auraient été impensables. Le traitement médiatique de la pandémie n’est pas étranger à l’acceptation sociale des changements drastiques qui nous sont imposés.

Ainsi, la majorité des États se tournent vers le privé pour nous offrir des solutions technologiques. Comme ceux mis en place dès le début de la crise en Israël par exemple, où les données de géolocalisation des cellulaires, normalement utilisées par les services de renseignement pour réprimer les mouvements sociaux palestiniens, ont été utilisés pour identifier les personnes qui auraient été en contact avec des porteurs du virus.

Partout dans le monde, des pays ont maintenant recours à des applications de traçage numérique. Ainsi, avec le prétexte de vouloir nous protéger du virus, nous assistons à la mise en place de systèmes de suivis des déplacements et des relations de milliards d’individus, alors que les résultats sanitaires sont plus qu’incertains.

La pandémie est vue par l’élite mondiale comme une opportunité d’accélérer la mise en œuvre du capitalisme de surveillance et de ce que le Forum économique mondial (FEM) appelle, la 4ieme Révolution Industrielle : numérisation des chaines d’approvisionnement et de pans entiers de l’économie, Internet, des objets, villes intelligentes, etc. Le capitalisme de surveillance est une forme d’extractivisme, dans laquelle la matière première sont les données personnelles des individus, le nouvel « or » sur les marchés boursiers. Bref, une hyper-connexion via un système Internet totalement centralisé et contrôlé qui consigne dans de gigantesque centre de données, nos amitiés, nos désirs, nos tristesses et nos peurs afin de pouvoir les analyser et mieux les “influencer” grâce a la capacité de traitement de données de l’intelligence artificielle.

Les plans de développement des villes intelligentes, basés sur la surveillance et l’interconnectivité des données, affrontaient avant la pandémie de nombreuses réticences à cause de l’ampleur des changements proposés. La pandémie semble avoir fait disparaître ces réticences, agissant comme un choc qui permet de rendre acceptable que nos maisons deviennent notre bureau, notre gym, notre école et même notre prison si l’État le décide.

Montréal est devenue un des plus importants pôles de développement de l’intelligence artificielle dans le monde. « Les entrepreneurs en IA ont dans leur mire l’ancien pôle industriel entre Parc-extension et la Petite-Patrie, qu’ils appellent le Mile-Ex. Ils profitent aussi de l’expansion du campus de l’UdM dans la partie Sud de Parc-Extension. (…) Plusieurs start-up sont aussi situées près du Canal Lachine. (…) Ces entreprises s’approprient des ateliers locatifs, faisant grimper le prix des loyers et des ateliers, mais aussi des logements tout autour. Ce mouvement d’appropriation du territoire par les entrepreneurs en IA contribue à achever la gentrification des quartiers visés. »1 Nos luttes contre la gentrification peuvent les décourager de s’installer dans nos quartiers ; à nous de faire les liens entre l’embourgeoisement de ces derniers et le développement des pôles de l’IA.

Les crises du capitalisme opèrent toutes selon la même dynamique ; elles liquident des pans entiers de l’économie et permettent de la restructurer avant d’entrer dans une nouvelle phase de croissance et d’accumulation de capitaux, qui concentre chaque fois plus la richesse. Les crises financières, les guerres et les catastrophes, dont les pandémies, sont idéales pour remettre les compteurs à zéro. Klaus Schwab, le fondateur et président exécutif du FEM (aussi appelé forum de Davos) en est bien conscient, puisqu’il fait la promotion active de l’idée que la pandémie offre une fenêtre d’opportunité pour effectuer ce qu’il appelle The Great Reset, visant à jeter de nouvelles bases pour le fonctionnement du capitalisme global, basé sur l’idée d’une mondialisation version 4.0.

La crise actuelle permet également de mettre à jour les cadres légaux et les comportements sociaux et de réécrire les règles du jeu de la « nouvelle normalité » qui s’installe. N’oublions pas que les États tendent à rendre permanentes les lois spéciales et autres mesures d’exceptions introduites en temps de crise. Nous n’avons qu’à penser aux lois anti-terroristes ayant été votées un peu partout sur la planète après le 11 septembre 2001, donnant des pouvoirs accrus aux forces de l’ordre et à l’État en matière de contrôle et de surveillance ; l’ensemble de ces pouvoirs sont toujours en place.

En plus de mesures autoritaires comme l’imposition de couvre-feu et les contrôles d’identité, plusieurs autres moyens de surveillance médicale de masse sont en train de voir le jour : caméras thermiques et de reconnaissance faciale, bracelets électroniques pour contrôler la distanciation physique, et carnet de vaccination numérique font partie des propositions en vogue. Ce dernier est probablement le plus inquiétant car les personnes qui refusent de se faire vacciner pourrait se voir refuser l’accès aux avions, aux endroits publics, commerces, restaurants, bars, salles de spectacles et même à leur lieu de travail. L’Ontario et le Québec ont déjà indiqué qu’ils pensent à exiger des preuves de vaccination pour certaines activités.

Alors qu’on nous demande de nous adapter à cette nouvelle « normalité », nous devons nous demander jusqu’où sommes-nous prêtes à accepter ces nouvelles formes de contrôle et de surveillance de nos vies.

Nous assistons à une véritable réingénierie des comportements sociaux : imposition du télétravail, délation des voisins, peur de la contagion, peur d’une accolade, isolement social et acceptation de la surveillance de masse. Alors que le capitalisme de surveillance a bel et bien pris son envol et que son éventail de nouvelles technologies nous est présenté comme autant de solutions miracles à la crise que nous vivons; nous percevons avec inquiétude la rapide acceptation des mesures qui créent de la distance dans nos relations humaines et nous empêchent d’être ensemble…

Bien que nous acceptions la distanciation sociale comme un mauvais moment à passer, tant qu’il s’agit d’une mesure temporaire pour se protéger et protéger nos proches, nous pouvons refuser de nous y habituer et affirmer d’ores et déjà que nous n’accepterons pas la distanciation sociale perpétuelle. Nous avons besoin du contact humain et nous en priver revient à nous déshumaniser.

Tout comme nous refusons l’imposition de mesures autoritaires pour faire face à la pandémie, refusons que s’installe un monde sans contact!