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Camp de la rivière – un rappel quant à la sécurité de vos camarades, complices, et allié.es

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Sep 112017
 

De Camp de la rivière – Galt-Junex

Nous aimerions procéder à un rappel quant à la sécurité de vos camarades, complices, et allié.es. Après des manifestations, des actions ou toute forme d’activité pouvant entraîner la judiciarisation des participant.es, il est essentiel de ne pas publiciser des photos desdits événements. Si vous tenez absolument à publier des photos, brouiller les visages et les signes distinctifs qui pourraient servir à identifier des personnes présentes svp. Bien que les photos peuvent contribuer à diffuser une lutte ou servir dans le cas de procédures judiciaires contre la police, elles peuvent également être mobilisées par les forces de l’ordre afin de réprimer des actions que nous évaluons comme étant justes. Notons que même si elles ne sont pas rendues publiques, ces photos pourraient être saisies par la police dans le cadre d’un procès. Il faut également comprendre que certaines personnes, pour de multiples raisons, souhaitent éviter d’être photographiées. Il nous semble donc problématique, sur le strict plan éthique, de diffuser des photos impliquant des camarades, et ce sans leur consentement.

Bref, créer un milieu sécuritaire permettra d’établir un réseau de confiance au sein d’activités politiques publiques et d’ainsi se permettre d’être joyeusement et communément offensif.ves sous de multiples formes!

La justice et Jean-Pierre Lizotte, poète de la Prison de Bordeaux

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Sep 062017
 

Il y a dix-huit ans, le 5 septembre 1999, Jean-Pierre Lizotte tombait sous les coups d’un agent du Service de police de la Ville de Montréal. Je partage aujourd’hui un article que j’ai écrit en 2008 (publié en anglais dans la Gazette de Montréal, mais également distribué en français) concernant la « Poète de la Prison de Bordeaux ». RIP Jean-Pierre Lizotte!

C’est dans les pages d’opinions du journal La Presse que s’exprimait récemment Micheal Stober, avocat de l’agent de police Giovanni Stante, impliqué dans la mort de Jean-Pierre Lizotte en 1999. Monsieur Stober y faisait état de son indignation face à la lettre d’opinion de Serge Lareault, éditeur et directeur général du journal « L’itinéraire », publiée dans son édition du 21 août, 2008. Il affirme que le commentaire de M. Lareault donne aux lecteurs et aux lectrices «l’impression fausse que M. Lizotte a été victime de brutalité policière. »

M. Stober répète qu’en 2002, l’officier Stante a été acquitté par jury de l’accusation d’avoir utilisé une force inappropriée, puis innocenté par le Comité de déontologie policière au mois d’août dernier.

Que Giovanni Stante ait été acquitté, voilà qui est un fait que personne ne conteste. Il demeure cependant pertinent, voire nécessaire, de remettre en question le comportement de la police de Montréal, de même que ses méthodes qui semblent permettre des choses comme de frapper un homme non-armé pendant que quelqu’un le retient. Un autre fait incontestable qu’on aurait pu porter à l’attention des lecteurs et des lectrices est que la police a attendu 53 jours avant de révéler publiquement la mort de Jean-Pierre Lizotte.

De tous les témoins des événements survenus au petit matin du 5 septembre, 1999, le seul qui ne pourra jamais donner sa version des faits est Jean-Pierre Lizotte lui-même ; il a perdu la vie suite aux blessures graves qui lui ont été infligées ce matin-là.

Près d’une décennie après l’incident, et prenant toujours vigoureusement la défense de l’agent Stante, M. Stober mentionne le long dossier criminel de Jean-Pierre Lizotte. Les absents ont toujours tort, ne dit-on pas ?

Malgré deux décennies d’allers-retours entre la rue et la prison, Jean-Pierre Lizotte, aujourd’hui absent, en avait long à dire. Heureusement pour lui, il en a dit beaucoup et de manière émouvante et perspicace. Il mérite d’être représenté dans ces pages, au moins autant que l’agent Stante par l’entremise de son éloquent et talentueux avocat.

Grâce aux Souverains anonymes, une émission de radio remarquable qui encourage la créativité des prisonniers de Bordeaux, les paroles de Jean-Pierre Lizotte ont pu être conservées.

En apprenant son décès, les producteurs des Souverains anonymes se sont souvenu d’une note que Lizotte avait écrite à Abla Farhoud, québécoise originaire du Liban, auteure et comédienne de théâtre, qui avait participé à l’une des émissions diffusées depuis la prison de Bordeaux. Lizotte réagissait aux mots d’un des personnages principaux du roman de Farhoud, Le bonheur a la queue glissante, qui remarque que «Mon pays, c’est là où mes enfants sont heureux.»

En tant qu’activiste impliqué dans la défense des droits des immigrants, plongé constamment dans les luttes de justice pour les personnes migrantes et indélébilement marqué par l’expérience d’immigration de ma propre mère, la réaction de Lizotte me touche, surtout lorsqu’il cherche un terrain commun tout en faisant le lien avec sa propre vie. Ses phrases valent d’être citées dans leur intégralité :

« Salut Abla, je m’appelle JP Lizotte. Depuis 21 ans que je reviens en dedans, la prison est devenue mon pays. Quand je la quitte je deviens immigrant ! Je ressens tout ce qu’un immigrant peut ressentir lorsqu’il s’ennuie de son pays d’origine. Quand je suis en dedans, je veux sortir dehors. Et quand je suis dehors, je m’ennuie du dedans. Parfois je me dis  » si j’avais eu une grand-mère ou un grand-père, les choses seraient peut-être différentes pour moi « . Mais comment avoir une grand-mère alors que je n’ai presque pas eu de mère ni de père. Les souvenirs que j’en garde font pleurer. Alors, je ne te les raconterai pas. Mais une grand-mère comme celle de ton roman, ce n’est pas donné à tout le monde. Alors, je dis à ceux qui ont une grand-mère ou un grand-père, profitez-en. Merci. »

Ses amis en prison l’avaient surnommé ‘le poète de Bordeaux’ ; Jean-Pierre était un écrivain prolifique. Le style de ses poèmes en rimes, souvent empreint d’humour, met en vers des thématiques profondes et intimes : son enfance difficile, le manque d’affection de la part de sa mère, l’alcoolisme de son père, la dépression, son diagnostic de VIH, les problèmes liés aux drogues, et des sujets comme la musique, la prison et la révolte. Il a même rédigé ses mémoires d’itinérance, une œuvre encore inédite intitulée Voler par amour, pleurer en silence.

Il y a évidemment des raisons sous-jacentes, mais compréhensibles, qui expliquent les nombreux allers-retours de Lizotte en prison pendant près de 20 ans. Celles-ci remontent bien plus loin que la liste des offenses criminelles mentionnées, hors contexte, par l’avocat de Stante.

Jean-Pierre Lizotte vient d’une réalité difficile, qui remonte à son enfance et qu’il décrit avec candeur dans ses poèmes et ses autres écrits. Tard dans la nuit du 5 septembre 1999, sur un tronçon huppé et branché du Boulevard St-Laurent, la réalité de Jean-Pierre Lizotte s’est heurtée à celle, contrastante, de la clientèle des restaurants, des portiers et des agents de police. Lizotte, parait-il, était la cause d’une perturbation telle qu’il a dû être immobilisé, retenu fermement et frappé à au moins deux reprises, selon le témoignage de l’agent Stante lui-même (des témoins ont rapporté que Lizotte a été frappé ‘à plusieurs reprises’ et avec excès). Des témoins oculaires disent avoir vu une flaque de sang au sol ; un autre raconte que Lizotte a été jeté ‘comme un sac de patates’ dans une fourgonnette de police.

L’officier Stante a été dûment acquitté par un jury en 2002, comme l’ont été les policiers impliqués dans l’agression de Rodney King ou, plus récemment, ceux qui ont mortellement tiré sur Sean Bell, un homme non-armé, le jour de son mariage. Il n’est pas étonnant que des policiers soient innocentés (si même ils sont accusés !) dans un système de justice qui demande une preuve « hors de tout doute » pour les inculper.

Que serait-il arrivé si une caméra avait filmé les événements devant le Shed Café cette nuit de 1999, au lieu qu’on doive se fier aux récits imparfaits et contradictoires des témoins de la scène, à 2h30 le matin ? Comment tout cela aurait-il tourné si Jean-Pierre Lizotte s’était présenté à la salle d’audience et devant le jury, paralysé et dans un fauteuil roulant ?

Au procès de Stante, comme récemment dans ces pages, l’avocat Stober fait le procès d’un homme mort qui ne peut plus se défendre. Jean-Pierre Lizotte assumait ouvertement qui il était. Il est simplement minable de tenter encore de réduire Jean-Pierre Lizotte, le résumant à un ‘criminel’ sans-abri ; au chapitre de la dignité humaine, il affichait pourtant une remarquable opulence.

– Jaggi Singh (septembre 2008), membre de la Coalition Justice pour les victimes de bavures policières (Justice for Victims of Police Killings) et Solidarité sans frontières (Cité sans frontières / Solidarity City / Ciudad Solidaria (Montréal))

Pas de visage, pas de dossier : une défense des attaques contre les caméras des grands médias

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Sep 062017
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Durant la mobilisation anti-fasciste contre l’extrême-droite raciste à Québec Dimanche, une caméra de Global News a été détruite par des participant.es du black bloc[1. Vous n’êtes pas familier.ères avec la tactique du black bloc? Allez voir ‘What is a black bloc?’.]. Par la suite, un anti-raciste de la foule a été entendu demandant à son ami « Je comprends pourquoi attaquer les fascistes, et même la police qui les protège, mais les journalistes? »

Nous aimerions expliquer ce qui s’est passé, et les raisons qui en rendent la continuité nécessaire durant des manifestations où les gens enfreignent la loi.

Parfois, il est nécessaire d’aller contre ce que les gens « normaux » considèrent « acceptable », de briser la loi pour agir éthiquement. Ceuzes qui se masquent pour combattre la droite ont décidé, en prenant de grands risques personnels, d’utiliser tous les moyens nécessaires pour mettre un terme à l’organisation fasciste. Plusieurs d’entre nous croyons que l’entièreté du système doit être abolit, que les lois sont oppressives, ou que ceuzes qui font les lois sont responsables d’un problème sérieux et urgent, que ça soit la destruction de notre planète, les centaines de milliers de maisons saisies, l’impunité des meurtres commis par la police, etc.

Chaque photo prise de gens qui portent des masques ou qui commettent des gestes illégaux peut devenir une preuve pour la répression. La police utilise quotidiennement les vidéos des manifs trouvés sur les médias indépendants pour accuser des gens et les mettre en cage. Pour rendre les manifs plus sûres pour ceuzes qui se mettent à risque, nous devons faire en sorte que les manifs deviennent des zones sans caméra (au moins dans les sections de la manif où il y a des manifestant.es masqué.es).

D’abord, décourageons les gens de filmer ou de prendre des photos durant une manif, et expliquons pourquoi c’est problématique. Souvent, les gens prennent des photos sans y penser, et plus tard eux-mêmes et leurs ami.es se retrouvent à avoir des problèmes. D’autres gens qui filment sont des journalistes de grands médias ou des « bons citoyens » qui iront donner leur information à la police plus tard.

Le médias appartenant au mouvement sont l’exception de ces « zones sans caméras », puisqu’ils ont construit une relation de confiance avec les participant.es du black bloc en flouant les visages des personnes masquées et en ne filmant aucune action qui puisse être criminalisée.

L’existence des grands médias, elle, vise à de propager et de légitimer la vision du monde capitaliste. Ils donnent régulièrement leurs images à la police sans même attendre un ordre de la cour. Dimanche dernier, à Québec, un journaliste de CTV s’est vu demander de ne pas filmer les gens masqués, ce a quoi il a répondu qu’il avait le droit de le faire (et effectivement, selon les lois de l’État, il a le droit). Lorsqu’il a reçu un avertissement final que s’il continuait sa caméra allait être détruite, il s’est approché de la police pour nous pointer du doigt et a plus tard arraché le masque d’un.e camarade (ce qu’il a payé de quelques douleurs au visage).

Les grands médias ont toujours fait la promotion des intérêts de la classe qui la finance. Quiconque ayant déjà été soumis à leur couverture sait à quel point elle est biaisée. La stratégie qui vise à obtenir une attention positive de la part des médias de masse manque de vision – ces institutions ne seront jamais nos alliées, aussi longtemps que nous aurons le désir de challenger réellement les structures de pouvoir. Tout message que nous essayerons de communiquer à travers les médias de masse seront toujours reformulés pour assurer le maintient du libéralisme.

Ceuzes qui décident que nous devons nous battre le font déjà contre les fascistes et la police armée qui les protège – nous n’avons pas besoin d’un autre ennemi qui nous mets en danger. Même si les médias de masse se font avertir de ne pas filmer les gens masqués, ils continuent souvent à les filmer subtilement à distance, parce qu’ils n’ont aucun respect pour nos luttes. Dimanche dernier, plusieurs anti-fascistes sont venus équipés avec des fusils à eau remplis de peinture noire pour asperger les visages des fascistes. Ça pourrait être utile dans le futur d’utiliser des tactiques similaires pour obscurcir les lentilles des caméras des grands médias, ou même des bonnes vieilles cannettes de peinture.

Les manifs ont besoin d’être participatives. Chaque personne ayant une caméra en main devient un spectateur aliéné. Les gens sortent dans la rue pour changer les monde précisément parce qu’ils sont écoeuré.es de regarder le monde à la TV et de regarder à quel point les gens puissant le changent constamment pour pire.

Les manifestations de rue doivent être des espaces de participation, de création et de destruction, non pas des endroits pour les médias et des pièges à surveillance policière.

Trucs pour des blocs plus sûrs

La police de Québec a annoncé qu’elle fera des arrestations basée sur la vidéo surveillance. Même si nous ne voulons pas renforcer la paranoïa, parce qu’il s’agit peut-être d’une menace vide, on veut tout de même saisir l’opportunité pour rappeler quelques trucs importants lorsqu’on porte des masques.

Pourquoi porter un masque? Pour d’agir sans être immédiatement reconnu. Plus des gens portent des masques, plus il est difficile pour les autorités d’identifier ou d’isoler une partie de la foule. Vous pouvez porter un masque pour protéger votre identité, ou simplement pour protester contre la surveillance constante. Porter un masque lors de manifestations permet d’ouvrir un espace pour que des gens qui ne pourraient pas participer autrement à cause de leur statut légal ou d’immigration ou à cause de leur emploi puissent le faire. Il est mieux d’y aller avec des ami.es qui pourront surveiller vos arrières, être vigileant.es quant au positionnement de la police, et être attentif.ves aux environs pour trouver le meilleur moment pour se masquer et se démasquer.

Ne retirez pas votre masque avec négligence et évitez d’ouvrir partiellement votre déguisement. Assurez-vous de décider du bon moment pour devenir anonyme et quand ce sera le bon moment (et lieu) pour sortir de l’anonymat. Ne faites pas les choses à moitié. Si les flics peuvent trouver une photo de vous avec exactement les mêmes vêtements et souliers, avec un masque et sans masque, votre précieux déguisement n’aura servi à rien.

Même si nous réussissons à nous échapper, la police peut utiliser des photos et des vidéos pour nous poursuivre plus tard. Il est mieux de couvrir vos cheveux, votre visage, vos bras, vos tatous et vos mains. Assurez-vous qu’il n’y ait pas de marques qui permettent d’identifier vos vêtements, vos souliers ou votre sac à dos. C’est une bonne idée de changer plusieurs morceaux de votre couche extérieure ou même vos souliers (par exemple, apportez un chandail léger, des pantalons ou un manteau de pluie que vous pouvez jeter). N’oubliez pas de couvrir, déguiser, ou jeter tout sac à dos ou sac que vous pourriez avoir amené. Les souliers peuvent être recouverts de chaussettes noires. Les gants en tissu sont préférables aux gants en plastique parce qu’ils ne transfèrent pas les empreintes. Si nous amenons tout matériel avec nous, nous le nettoyons à l’avance avec de l’alcool à friction pour enlever les empreintes. Et plus important encore, assurez-vous de ne as être filmé.es lorsque vous vous masquez et démasquez!

Pour lire plus à propos des enjeux de sécurité en manifestation, allez voir la page Guides Pratiques de MTL Contre-information.

Consignes pour les médias du mouvement

Être en solidarité :

  • ne commencez pas à filmer la manifestation avant qu’elle n’ait commencé à marcher pour au moins 20 minutes, pour laisser à tout le monde la chance de pouvoir se masquer.
  • ne filmez pas des gens qui sont en train de faire des actes criminalisés (comme briser des fenêtres, faire des graffitis, lancer des projectiles, construire des barricades, etc.) Ne filmez pas ceuzes qui attaquent eux-mêmes, mais plutôt leurs cibles.
  • si quelqu’un porte un masque, ne les filmez pas. Ils portent un masque pour une raison et vos films peuvent les identifier grâce aux autres vêtements qu’ils portent ou avec leurs caractéristiques faciales. La seule exception à cela concerne les gens avec qui vous avez construit une relation de confiance et qui vous demandent d’être présent.es parce qu’ils savent que vous êtes à leurs côtés.
  • Avant de publier des vidéos et des photos, flouez les visages. Allez voir ce tutoriel si vous ne savez pas comment faire.
  • Ne faites pas du live-stream. La police est capable d’enregistrer immédiatement votre matériel pour constituer des preuves. Si vous filmez quelque chose d’incriminant, vous ne pourrez pas le retirer au montage.

D’autres lectures à propos des anarchistes et des médias

Caught in the Web of Deception: Anarchists and the Media
“Cops, Pigs, Journalists”: To Inform, To Obey
The Reasons for a Hostility – About the Mass Media

Mise en contexte et compte rendu des actions contre La Meute à Québec le 20 août

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Août 312017
 

Le groupe islamophobe et anti-immigration La Meute est accueilli par des antifascistes et confiné dans un stationnement sous-terrain pendant cinq heures

De Montreal-Antifasciste

Montréal /Québec, 25 août, 2017 — Des antiracistes et antifascistes de partout au Québec ont réussi à perturber un rassemblement du groupe xénophobe, anti-immigration et violemment islamophobe La Meute, à Québec, le 20 août. Pendant plus de cinq heures, les xénophobes de La Meute ont dû se terrer dans un garage sous-terrain, tandis que des centaines de militant-e-s antiracistes se rassemblaient à l’extérieur du bâtiment où ils et elles s’étaient réuni-e-s, un énorme édifice gouvernemental situé derrière l’Assemblée nationale. Après quelques affrontements avec la police de Québec et altercations entre antifascistes et sympathisants de La Meute (y compris un « bonehead » friand de saluts hitlériens), la police a finalement dégagé la place pour permettre à La Meute de sortir de son trou et de marcher en silence autour du parlement pendant quelques minutes, ses membres visiblement ébranlés par le confinement prolongé, considérablement réduits en nombre et encadrés par une forte protection policière.

Mise en contexte

[Aller directement au compte-rendu d’action]

Voilà maintenant plus d’une décennie que l’atmosphère politique et sociale du Québec est de plus en plus contaminée par un discours xénophobe colporté par des idéologues conservateurs, des médias mainstream sensationnalistes, des émissions de « radio-poubelles », des chroniqueurs de droite et des politiciens populistes. Il y a dix ans, ce discours toxique a mené à une crise nationale autour de la question des « accommodements raisonnables » et ensuite, en 2013, à une « charte des valeurs » grossièrement islamophobe proposée par le Parti québécois (PQ). Fondé à la fin des années 1960, le PQ était initialement une coalition de nationalistes de droite et de gauche qui partageaient l’objectif de réaliser l’indépendance du Québec. Il a organisé et perdu deux référendums sur cette question en 1980 et 1995 (Jacques Parizeau, alors premier ministre du Québec, a d’ailleurs mis cette dernière défaite sur le compte de « l’argent et le vote ethnique ») pour ensuite graduellement devenir un parti néo-libéral ordinaire. Son aile gauche a été de plus en plus marginalisée au fil du temps tandis que le parti effectuait un virage identitaire dans l’espoir d’attirer une base électorale xénophobe.

Ce virage identitaire n’a pas été suffisant pour plusieurs personnes d’extrême-droite qui, ces dernières années, se sont regroupées dans un ensemble de groupuscules à la rhétorique anti-immigration et anti-islam et au programme politique ambigüe et confus, faisant de plus en plus écho au fascisme historique sur la forme et le fond.

En janvier dernier, l’attentat perpétré par Alexandre Bissonnette au Centre culturel islamique de Québec, qui a fait six morts et dix-neuf blessés graves, a constitué un tournant pour ce milieu. De façon perverse, l’extrême-droite a profité de ce massacre pour s’affirmer davantage et prendre l’offensive. Ces groupes incluent une branche québécoise de la formation d’inspiration néo-nazie les Soldats d’Odin, les néo-fascistes de la Fédération des Québécois de souche, la plus récente Storm Alliance, et les populistes de La Meute.

Fondée par d’anciens militaires, La Meute est extrêmement régimentée et autoritaire. Ses dirigeants dictent une multitude de consignes à la base, incluant une ligne vestimentaire, l’interdiction stricte de parler aux médias et même ce que les figures officielles du groupe peuvent « aimer » sur Facebook. Des personnes qui ont quitté La Meute s’inquiétaient d’une ligne politique extrêmement centralisée malgré l’apparence d’une structure décentralisée, ce qui rappelle la structure des milices fascistes classiques. Le leadership et le service de sécurité de La Meute ont même adopté des chemises noires comme uniforme ces derniers mois. Ils ont publiquement déclaré qu’ils étaient prêts à assurer la sécurité pour tout événement de droite, n’importe où au Québec, qui serait visé par des militant-e-s antiracistes. La « Garde » de La Meute a ainsi assuré la sécurité lors de l’intervention de sommités islamophobes locales comme Djemila Benhabib et Mathieu Bock-Côté et à une conférence pathétique organisée par le groupe nationaliste d’extrême-droite Mouvement républicain du Québec. Ou encore, lors de la tournée nationale du vlogueur inspirée de l’Alt-Right et enthousiaste de La Meute, André « Stu Pitt » Pitre.

Bien que La Meute ne cesse de répéter qu’elle n’est ni raciste ni opposée à l’immigration, des milliers de commentaires racistes ont été postés par ses membres sur leur page Facebook publique ainsi qu’au sein de groupes Facebook « secrets ». Récemment, un de ses lieutenants a d’ailleurs été aperçu lors du rassemblement de Charlottesville, en Virginie, les 11 et 12 août 2017, en train de donner l’accolade au nationaliste blanc disgracié Chris Cantwell (ce lieutenant était Shawn Beauvais-MacDonald; il aurait soi-disant été suspendu de l’organisation, ce qui n’a pas empêché Robert Proulx [Proule sur Facebook], qui se présente comme le « responsable de la sécurité » de La Meute « d’aimer » par la suite son post des « 14 words » néo-nazis sur Facebook; de plus, Beauvais-MacDonal est toujours listé comme membre du Clan 06 de Montréal, et nous avons la preuve photographique qu’il a participé à la manifestation de La Meute qui a eu lieu à Québec le 20 août 2017).

Ce haut placé récemment « suspendu » de La Meute, Shawn Beauvais-MacDonald, adhère au fameux credo suprémaciste blanc des « 14 words ».

Le 4 mars 2017, des centaines de membres de La Meute ont marché aux côtés d’autres groupes racistes d’extrême-droite dans le cadre d’une journée nationale d’action contre la motion 103 condamnant l’islamophobie et présentée au parlement fédéral par le député libéral Iqra Khalid. À Montréal, leur manifestation a eu lieu sous protection policière et en dépit d’une forte mobilisation antifasciste. Cela faisait des décennies qu’un groupe d’extrême-droite n’avait pas réussi à manifester de la sorte dans une ville pourtant connue pour son militantisme de gauche.

Un peu plus de contexte : La ville de Québec est le lieu d’une mobilisation néo-nazie assez active depuis des années; cette mobilisation s’appuie sur une équipe de « boneheads » qui font partie du mouvement Rock Against Communism (RAC) et qui ont créé une milice fasciste nommée Atalante. Celle-ci est responsable d’un déploiement de bannières, le 19 août dernier, afin d’intimider les réfugié-e-s accueilli-e-s au State olympique de Montréal (les bannières faisaient en autres référence à la « rémigration »). Enfin, l’Atalante a également créé un club de combat identitaire à Québec.

La bullshit anti-réfugiés de La Meute

Bien que La Meute ne cesse de répéter qu’elle n’est pas contre l’immigration ni contre les réfugié-e-s, cette question était au cœur de la mobilisation du groupe à Québec le 20 août 2017.

En raison de la situation politique américaine— notamment la perspective que le président Trump remette en question le statut des réfugié-e-s haïtien-ne-s accueilli-e-s après le séisme qui a frappé Haïti en 2010—et de l’Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs, il y a eu une nette augmentation de demandes de statut de réfugié sur la base d’un passage irrégulier de la frontière canadienne (comme les demandes d’asile faites à la frontière sont immédiatement refusées en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, les personnes traversent la frontière de façon irrégulière pour pouvoir faire leur demande au Canada). Les gouvernements québécois et canadien ont réagi à cette augmentation en fournissant des hébergements temporaires (en accommodant le Stade olympique de Montréal et en montant un camp de tentes près de la ville frontalière de Lacolle).

Les groupes d’extrême-droite, dont La Meute, se sont rués sur cet enjeu comme des mouches sur un tas de fumier. Une forte mobilisation antifasciste a permis de contrer un rassemblement organisé par Storm Alliance à la frontière canado-américaine le 1er juillet 2017 et de faire échouer une manifestation contre l’immigration au State olympique de Montréal le 6 août 2017. Cependant, les dirigeants de Storm Alliance ont promis de mener d’autres actions à la frontière dans les prochaines semaines tandis que La Meute a réussi à marcher dans les rues de Québec le 20 août. Bizarrement pour un groupe dont la base est fortement nationaliste québécoise, la manifestation de La Meute était menée par un drapeau canadien et s’est présentée comme une expression d’appui envers la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Leur raisonnement est que les personnes qui font des demandes d’asile sont « illégales » et que la police devrait faire respecter la loi et défendre les frontières. Ce raisonnement ne tient pas la route puisque les personnes en situation irrégulière qui veulent faire une demande d’asile se livrent à la GRC dès qu’elles franchissent la frontière afin que leur demande soit traitée par l’Agence des services frontaliers du Canada. La façon dont ces personnes entrent au Canada et sont prises en charge n’a rien d’illégal ou de clandestin.

Par conséquent, toute la prémisse de la manifestation du 20 août à Québec était clairement une imposture visant à dissimuler le programme xénophobe et le racisme flagrant de La Meute.

Compte-rendu des actions

Après avoir appris que La Meute planifiait d’organiser un rassemblement et une manifestation à Québec, des militant-e-s antiracistes et antifascistes de Québec, Montréal et d’autres régions se sont dépêché-e-s d’organiser une contre-manifestation en moins de deux semaines.

Les organisateurs et organisatrices de Québec ont appelé à la tenue d’une manifestation populaire pacifique, tandis que le nouveau réseau Montréal Antifasciste et ses allié-e-s ont mobilisé les forces antifascistes dans le respect implicite d’une diversité de tactiques. Trois autobus ont été loués pour transporter les manifestant-e-s de Montréal, et plusieurs autres militant-e-s se sont rendu-e-s à Québec par leurs propres moyens. En tout, Montréal a mobilisé entre 150 et 200 personnes à Québec.

La Meute avait indiqué qu’elle n’annoncerait le point de rendez-vous sur sa page Facebook « secrète » que 24 heures avant le rassemblement. Comme des rumeurs ont circulé voulant qu’ils essaieraient de marcher de l’Hôtel de ville jusqu’à l’Assemblée nationale, le lieu de rendez-vous de la contre-manifestation a été fixé à la Place d’Youville, un square public situé grosso modo entre ces deux points.

Le vrai point de rendez-vous de La Meute a toutefois fait l’objet d’une fuite : ses membres allaient se rassembler dans le garage sous-terrain de l’édifice gouvernemental situé derrière l’Assemblée nationale pour en sortir en glorieuse formation le temps venu.

Ce scénario, en fin de compte, n’allait jamais se réaliser.

Les chef et les membres de La Meute sont confinés dans un garage sous-terrain, Québec, 20 août 2017.

Ce choix de point de ralliement était évidemment une idée farfelue, une idée que les antifascistes en provenance de Montréal allaient se dépêcher de tourner à leur avantage stratégique. Plutôt que de débarquer à la Place D’Youville comme prévu, elles et ils se sont préparé-e-s à un déploiement rapide exactement à l’emplacement où La Meute avait prévu de se réunir. À 12 h 30 précises, les antiracistes et antifascistes ont débarqué et pris d’assaut la porte de garage de l’édifice, prenant tout le monde par surprise, y compris la police de Québec, qui a dû se déployer à l’arrache-pied pour tenter tant bien que mal d’endiguer l’avancée des manifestant-e-s (non sans rappeler un sketch de Benny Hill). C’était trop peu trop tard, puisque le terrain était déjà occupé et la porte du garage complètement bloquée par les antifascistes.

La plus grande contre-manifestation ne devait pas quitter la Place d’Youville avant 13 h, cependant, et l’objectif de bloquer tous les points d’accès à ce gigantesque édifice posait un défi colossal, d’autant plus que le repérage avait été minimal avant l’arrivée des autobus. Deux scénarios se dessinaient alors : 1) garder cette position relativement forte et attendre l’arrivée des renforts du plus gros contingent de contre-manifestant-e-s avant de redéployer une partie des militant-e-s antifascistes de l’autre côté de l’édifice pour empêcher les membres de La Meute de s’y rassembler, ou 2) se redéployer immédiatement, coupant ainsi en deux le groupe de quelques 150 personnes et rendant les deux groupes plus vulnérables aux tactiques policières. Le premier de ces deux scénarios a été privilégié, ce qui s’est avéré une erreur tactique.

Plusieurs appels ont été lancés aux camarades de l’organisation locale de Québec pour qu’ils et elles envoient du monde en renfort pour soutenir le blocage et entamer un blocage de l’autre côté du building. Malheureusement, le changement de plan des autobus en provenance de Montréal ayant été décidé seulement une heure avant, les camarades de Québec étaient très réticents à modifier leurs propres plans, de peur d’exposer les contre-manifestant-e-s à des risques imprévus, ce qui est tout à fait compréhensible. Il est également possible que l’urgence de la situation, à ce moment, n’ait pas été bien communiquée, mais tout porte à croire que le principal problème ait été une différence fondamentale quant aux objectifs de l’action entre l’organisation de Montréal et celle de Québec. (Sur ce point, il nous parait nécessaire de préciser, pour ceux et celles qui en douteraient, que le changement de plan n’a été décidé et mis en œuvre qu’APRÈS avoir vérifié et validé auprès des camarades de Québec que c’était correct de le faire. L’idée ici n’est pas de distribuer le blâme, mais de constater qu’il y a eu un manque de coordination quant aux orientations stratégiques et aux objectifs respectifs des deux côtés de la mobilisation.) De plus, la manifestation n’a quitté la Place D’Youville (qui se trouve à sept minutes de marche) qu’à 13 h 30, soit une heure après le début du blocage, et plutôt que de venir directement en renfort ou de se déployer de l’autre côté du bâtiment, s’est rendue devant l’Assemblée nationale, ce qui, de notre point de vue, ne servait à rien puisque La Meute était effectivement confinée au garage sous-terrain. Les deux douzaines de manifestant-e-s qui sont venues d’avance en renfort au blocage n’ont pas suffi à gonfler nos rangs de manière considérable.

Ce manque de coordination s’est avéré une erreur stratégique importante, puisqu’entre 12 h 30 et 13 h, les membres de La Meute ont été capables de se rassembler par grappes en passant par le côté non bloqué de l’entrée principale, à quelques mètres à peine du blocage et de la ligne d’anti-émeute. C’est de cette manière qu’ils ont pu constituer un groupe de 200 à 300 personnes.

Pendant cette période de flottement, l’initiative a été prise de distribuer des t-shirts noirs aux personnes réunies autour du garage en leur demandant s’ils et elles voulaient se masquer. Les 50 masques ont été distribués en quelques minutes.

Lorsqu’un important sous-groupe de la contre-manifestation s’est enfin dirigé vers l’emplacement du blocage, le black bloc a mené un contingent d’environ 250 personnes autour du bâtiment pour tenter de bloquer l’entrée principale, à la fois pour empêcher d’autres membres de La Meute d’y entrer et compléter le siège en empêchant leur manifestation d’en sortir. Environ la moitié de la contre-manifestation est restée pour bloquer la porte de garage.

Toutefois, aussitôt que le contingent est arrivé de l’autre côté, une altercation a éclaté entre des antifascistes et des sympathisants de La Meute, ce qui a immédiatement entraîné l’intervention de la police anti-émeute à coups de matraques et de projectiles lacrymogènes. Cette situation a vite dégénérée, puisque des membres du bloc étaient venu-e-s préparé-e-s à défendre les manifestant-e-s contre l’intervention des flics avec des feux d’artifice, des fumigènes et d’autres projectiles.

Suite à ce déploiement raté, les manifestant-e-s ont cherché un plan B pendant quelques minutes, et une altercation s’est produite entre des membres du bloc et des journalistes du réseau Global TV. Leur caméra s’est ramassée en pièces sur le pavé. (Cet incident n’est pas resté sans conséquence, puisque le traitement médiatique des événements de la journée a été encore plus agressif que d’habitude. La complicité des médias capitalistes avec la police et l’appareil répressif de l’État ne doit pas être sous-estimée. Les médias ont souvent livré sans poser de questions des images à la police comme preuves pour faire condamner des antifascistes. C’est pourquoi nous sommes nombreux et nombreuses à croire qu’il est tout à fait légitime de chasser les journalistes et de s’en prendre à leur matériel lorsqu’ils refusent d’arrêter de nous filmer.)

Il a alors été décidé de se diriger sur Grande Allée, une avenue touristique où s’alignent les bars et restaurants, pour revenir plus loin vers l’édifice où La Meute était terrée et tenter à nouveau d’en bloquer l’accès. Une benne à ordures a été poussée jusqu’à l’avant du cortège. Jusque-là, le contingent plus large de contre-manifestant-e-s suivait toujours le black bloc. Des chaises ont alors été ramassées sur les terrasses dans une tentative précipitée de construire une barricade à l’intersection d’une petite rue transversale avec le contenu de la benne à ordure. Des projectiles ont aussi été lancés dans la direction d’une poignée des flics de quartier qui étaient un peu plus loin. À notre avis, ceci a été une erreur tactique, puisqu’il n’y avait rien à gagner à ce moment précis. Rétrospectivement, nous croyons que la benne à ordure aurait dû être gardée pour plus tard et non pas utilisée à cette intersection, où elle ne servait aucun objectif puisque les flics en chemise à manches courtes ne présentaient pas une menace immédiate. De plus, le résultat net de cette poussée chaotique a été d’effaroucher le contingent plus large de contre manifestant-e-s, qui est resté paralysé pendant plusieurs minutes sans trop savoir comment interpréter ce pétage de coche. Ça a aussi nui au black bloc, parce qu’il n’était plus capable de mobiliser la masse critique qui l’avait suivi jusque-là. À ce moment, nous avons aussi raté l’occasion de revenir vers la cible en traversant le parc. Pour la petite histoire, en marge de tout ce chaos, un photojournaliste du Soleil s’est fait planter dans l’asphalte après avoir cru bon essayer d’enlever le masque d’un camarade. Il a découvert très vite que c’était, en fait, une très mauvaise idée.

Après une longue et irritante période d’hésitation, le bloc s’est dirigé vers les Plaines d’Abraham, un choix saugrenu plus tard expliqué par le manque de connaissance du terrain par les camarades qui étaient à l’avant du cortège. Après être revenu-e-s sur Grande Allée, des camarades ont aperçu au loin un petit groupe de personnes portant des drapeaux du Québec et du Mouvement de libération nationale du Québec (MLNQ). Certain-e-s se sont précipité-e-s à leur suite en direction de la Porte Saint-Louis et du Vieux Québec. Dans des vidéos publiées par un média alternatif, on peut voir qu’un membre de ce groupe, un homme dans la cinquantaine, s’est fait frapper par des antifascistes après avoir tenté de repousser ses poursuivants avec un bâton. Cette agression, à notre avis, était démesurée, compte tenu que nous n’avions aucune raison de croire que cet individu était un fasciste ou un nazi.

Suite à cet incident, le contingent s’est regroupé avec une certaine difficulté et a contourné le parlement pour rejoindre l’autre moitié de la contre-manifestation, qui était restée devant la porte de garage pour maintenir le blocage. Ce groupe avait maintenu sa position en scandant des slogans, en chantant, en dansant, en chassant les droitistes et en trollant les chefs et les gorilles de La Meute lorsque ceux-ci osaient sortir la tête de leur trou.

Un peu plus tard, le militant antiraciste Jaggi Singh, qui avait animé la foule réunie à l’aide d’un mégaphone et d’un système de son portable, s’est fait violemment arrêter par la police anti-émeute après avoir refusé un ordre de dispersion. Il a été détenu provisoirement et relâcher une demi-heure plus tard dans Limoilou.

Ensuite, comme la foule s’était peu à peu étiolée, la police a déclaré la manifestation illégale et finalement lancé une opération de dispersion pour dégager l’entrée du garage. Ils ont poussé tout le monde sur René-Lévesque en faisant un usage abondant de poivre de Cayenne, après quoi la contre-manifestation s’est graduellement défaite, alors que les Montréalais-e-s regagnaient les autobus. Un renseignement crucial a plus tard été porté à notre attention. Il s’avère que la police de Québec a harcelé l’un des chauffeurs d’autobus pendant plusieurs heures en lui posant des questions sur les manifestant-e-s et leurs plans. Il est plus que probable que le chauffeur ait révélé que les autobus devaient repartir vers 17 h 30, et que cette information ait ensuite été relayée aux chefs de La Meute, qui ont décidé d’attendre que la tempête passe plutôt qu’annuler leur manifestation. Il faut dire que la police et la Meute ont été de véritables BFF tout au long de la journée.

Vers 18 h, alors que les autobus quittaient la ville pour retourner à Montréal, La Meute est finalement sortie de son trou. À partir des photos et vidéos accessibles sur Internet, il est clair que ses membres étaient secoués par l’épreuve, épuisés par l’attente dans un garage mal ventilé et considérablement réduits en nombre. Manifestement, ses chefs étaient extrêmement irrités par la situation. Ils ont marché pendant environ une demi-heure, en silence, sous forte escorte policière, avec la face longue et l’air misérable.

Retombées immédiates

Comme d’autres l’ont souligné avec raison, La Meute n’a pu prétendre que ce fiasco complet fut une réussite que dans la mesure où les médias affirment que c’en est une. Et bien sûr, c’est ce que les médias ont fait avec une ardeur hors du commun. Les chefs de La Meute ont spinné toute l’affaire comme un choc entre la loi et l’ordre, de leur côté, et le chaos, du nôtre. Et les médias ont avalé goulument ce scénario pour en faire l’histoire officielle.

Soyons clairs: malgré deux ou trois incidents exagérément violents et quelques erreurs tactiques de notre côté, cet affrontement à Québec est un échec cuisant pour La Meute et une réussite pour les antifascistes de manière générale.

Les commentateurs libéraux et les médias semblent irrémédiablement pris dans la logique circulaire des relations publiques. Allo!? Les antifascistes ne se battent pas contre l’extrême droite et la dérive fascisante pour gagner des points de popularité! Nous le faisons car nous croyons qu’il ne faut laisser aucune plateforme aux discours haineux. Point. Ça ne sera pas toujours joli, des erreurs seront commises, des leçons apprises et appliquées. Mais nous pouvons garantir ceci : la lutte contre le fascisme ne pourra jamais être strictement non-violente. C’est tout simplement du délire de prétendre le contraire, et le plus tôt nous reconnaîtrons cette réalité, le plus tôt nous pourrons construire un mouvement plus large d’autodéfense antifasciste. Quiconque considère valide l’argument voulant que quelques incidents violents isolés délégitiment la cause antiraciste tout entière (un argument spécieux répété ad nauseam par les analystes libéraux et les perroquets des médias) n’a manifestement pas encore saisi toute l’importance et la profondeur de cette cause.

Les groupes comme La Meute prétendent qu’ils ne sont pas violents mais ils adhèrent tous à divers degrés à un point de vue suprémaciste blanc, lequel est fondamentalement violent. Un très grand nombre de membres de La Meute flirtent avec des groupes ouvertement fascistes et expriment TOUT LE TEMPS des sentiments racistes en ligne. Ses chefs mettent de l’avant un discours xénophobe, et spécifiquement islamophobe, ce qui est extrêmement violent dans une ville où il y a à peine sept mois, un fanatique d’extrême droite a assassiné six musulmans pour le seul motif qu’ils priaient dans l’intimité d’une mosquée.

Voilà pourquoi, nous devons les empêcher de grossir et de prendre de la place dans nos communautés et dans nos villes. Par tous les moyens nécessaires. Est-ce que cela signifie que chacun des gestes posés de notre côté sont parfaits? Bien sûr que non. Nous devons TOUJOURS faire notre autocritique et reconnaître nos propres erreurs.

Quelques leçons

  • Il nous faut mieux définir nos objectifs. Il semble que la mobilisation du côté montréalais et celle du côté de Québec aient eu des objectifs différents. Il nous faut mieux communiquer nos intentions respectives à l’avenir, puisqu’il est absolument certain que nous devrons nous coordonner entre régions très bientôt. Aussi, au sein du milieu antifasciste radical, entre groupes d’affinité, nous devons mieux définir des objectifs spécifiques pour des actions spécifiques.
  • Il nous faut mieux définir nos ennemis. La Meute n’est pas une organisation nazie. Il est un peu gênant que certain-e-s de notre côté soient incapables de faire la différence entre un groupe populiste vaguement d’extrême droite et sans programme politique clair, comme La Meute, et des groupuscules carrément néofascistes comme Atalante ou la Fédération des Québécois de souche. Bien sûr, ils sont tous nos ennemis idéologiques, mais si nous espérons les battre, il est nécessaire que nous les reconnaissions pour ce qu’ils sont vraiment.
  • Par conséquent, il nous faut mieux choisir les cibles de violence physique. Très peu de gens versent une larme pour le « bonehead » néonazi qui se fait réarranger le portrait. Mais ça n’est pas si simple pour mononque Gérard de Saint-Georges, qui est un peu raciste sur les bords mais ne ferait pas de mal à une mouche. Certes, il faut faire en sorte que les racistes ne se sentent pas en sécurité (et après dimanche, on peut au moins cocher cette case là…), mais ne surchargeons pas d’avantage un système de santé déjà en difficulté.
  • Il existe une séparation de longue date entre les cultures organisationnelles de Montréal et de Québec, une différence culturelle qui refait sporadiquement surface. La communauté militante de Montréal est traditionnellement plus militante à la fois dans le ton et dans la pratique, y compris dans son approche de l’organisation antifasciste. Notre position est que l’autodéfense populaire et militante doit être développée partout où l’extrême droite prend de la vitesse. De l’autre côté, il y a certains aspects des réalités des autres régions que les militant-e-s de Montréal doivent apprendre à mieux comprendre et à respecter davantage. Peut-être que le renforcement et le transfert des capacités entre les différentes régions pourrait être davantage priorisés, et d’une manière mutuellement respectueuse des différences (ce qui est parfois difficile).
  • Il nous faut combattre et déconstruire le récit libéral voulant que toutes les formes de violence sont également répréhensibles. C’est une illusion complaisante, ignorante et anhistorique. À chaque occasion, il nous faut aussi contester les récits insignifiants que construisent les médias au sujet de la lutte antifasciste, parce que tant et aussi longtemps que nous les laisserons faire, ces récits favorables à l’ennemi seront leur modèle par défaut.

¡No pasarán!

— Des antifascistes de Montréal

Mort imminente du terrain vague : faut qu’on se bouge contre la Cité de la logistique

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Août 312017
 

De La Fronde: Journal anarchiste montréalais La fronde est disponible à L’Insoumise et La Déferle

Des vitres brisées à Hochelag, ça vous dit quelque chose ? Les anarchistes qui résistent contre la gentrification, qui rendent les nouveaux résidents yuppies anxieux et qui fatiguent les flics du poste 23, se sont passé le mot pour faire la vie difficile à ceux qui observent tous ces bâtiments et ces terrains vacants avec des signes de piasse dans les yeux.

Pourquoi Hochelag est un quartier auquel on tient tant ? Parce qu’on le connait par cœur, on est familiers, on fait plus ou moins confiance à nos voisins, tout le monde se parle, on est proches les un.es des autres, y’a des loyers pas chers, des friperies et des banques alimentaires, beaucoup de gens criminalisés ou précaires avec qui on peut partager une analyse contre la police, les prisons et la vie chère. C’est un quartier populaire avec ses recoins. À l’heure où les commerçants, les élus et les promoteurs voraces tentent d’imposer leur monde par tous les moyens, une solidarité se tisse entre les habitants pour résister au développement commercial et à la hausse des loyers. À tous ceux qui luttent, peut-être devrions-nous nous préoccuper de l’avenir du terrain vague à l’est d’Hochelag, ce lieu où nous aimons tant aller traîner depuis belle lurette. Si nous ne le défendons pas, il sera sous peu envahi à son tour par un immense projet industriel : la Cité de la logistique.

Le terrain vague situé complètement à l’est du quartier est une ancienne gare de triage du CN peu utilisée. Parsemé d’anciennes fondations sur lesquelles la végétation a poussée, de vieilles ruines devenues un skate-park sauvage recouvert de graffitis, de boisés où plusieurs individus ont posé leurs tentes et avec les tracks de chemin de fer qui le traverse, c’est notre lieu favori pour aller faire des feux de camp.
Le projet de développement industriel envisagé serait dans les faits, une extension du port de Montréal, gérée par un partenariat d’entreprises privées et de l’État. Selon les élus, la Cité de la logistique serait, due à sa location, un pôle stratégique pour le transport qui attirerait des entreprises de manipulation et de traitement de marchandises. Il implique un prolongement du boulevard l’Assomption jusqu’à la rue Notre-Dame, et de l’avenue Souligni, à côté du chemin de fer déjà existant, ce qui faciliterait l’accès au port par les camions de conteneurs. La Cité de la logistique occuperait un vaste territoire qui comprendrait en plus du terrain vague, un autre secteur s’allongeant jusqu’à l’autoroute 25.

L’entreprise Ray-mont Logistique a déjà acheté au CN une part du terrain vague, soit un lot de 240 000 mètres pour la somme de 20 millions de dollars. Le propriétaire Charles Raymond possède aussi le terminal de conteneur situé sur la rue Wellington dans le Sud-Ouest de la ville en plus d’autres terminaux portuaires du genre à Vancouver. Paraîtrait-il qu’il a l’intention de déménager son terminal du sud-ouest vers cette Cité de la logistique. Aucun projet de construction officiel n’a encore été déposé à l’arrondissement. Le maire de l’arrondissement Réal Ménard insiste pour que le projet soit à « valeur ajoutée », c’est-à-dire qu’il crée de l’emploi et contribue à l’économie. Un groupe de citoyens du quartier a récolté 5000 signatures afin de demander une audience publique qui aura sans doute lieu cet été. Ceux et celles-ci ne s’opposent pas au développement en général, mais à une nuisance industrielle dans leur cour. Ils et elles préféreraient probablement un développement commercial avec des petites boutiques et restos chics.

Le projet est sur la glace jusqu’aux audiences publiques, mais le paysage a déjà commencé à se métamorphoser sur une grosse partie du terrain. La décontamination préalable à toute construction future a débuté. Il y a d’immenses montagnes de roches ressemblant à des tranchées. Des camions y circulent du matin au soir. Pour faire face aux plaintes de bruit des gens qui habitent tout prêt, l’entrepreneur Ray-mont propose de construire un mur entre les habitations et le futur quartier industriel.

Certes, le projet de la Cité de la logistique fait mal au cœur. Le développement de l’industrie ne cesse jamais, d’autant plus que pour s’accroître, le capital a besoin d’élaborer ses infrastructures de transport de marchandises et de rendre toute circulation plus fluide et plus rapide, par son réseau d’autoroutes, de ports, d’aéroports, de chemin de fer, de lignes de transport d’électricité et de câbles de fibre optique d’internet. Même si en ville, il n’y a presque pas de nature à protéger, on peut quand même mettre un frein à la colonisation par le capital et ses industries en attaquant ses infrastructures et en bloquant ses flux. Ce sont ces infrastructures qui contribuent à l’exploitation des ressources pillées des terres et des forêts puis au génocide des peuples autochtones qui luttent pour leur survie et leur autonomie. Nous devons faire ces liens entre notre réalité et celle d’autres, construire un rapport de solidarité dans la lutte et enraciner la lutte dans nos vies, dans notre réalité, en solidarité avec tous ceux et celles­ qui sont déterminés à vivre libre.

Nique les promoteurs, les compagnies qui contribuent au développement et les flics qui les protègent. Ne laissons pas les ruines du terrain vague se faire envahir par de nouveaux projets de développement, que ce soit pour mettre en place de nouvelles industries ou pour embellir l’espace avec de nouveaux condos et commerces. Nous ne voulons ni du travail qu’ils nous proposent, ni de leurs nouveaux produits et services trop chers.

Dénoncer la violence

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Août 242017
 

De Céline Hequet

Je n’étais pas à la contre-manifestation de dimanche dernier, à Québec, mais la déferlante médiatique qui s’en est suivie m’a donné envie de barrer les portes à double tour et de laisser les Devoir s’accumuler sur le perron jusqu’à ce qu’une tempête hivernale les emporte. De force.

En effet, sur toutes les plates-formes, les politiciens se sont empressés de faire leur activité préférée, soit de dénoncer «la violence», un terme employé tellement souvent qu’on ne sait plus trop ce qu’il veut dire. Quelle violence? De la police? De ceux qui lancent des objets dans la rue? De ceux qui pensent que certaines personnes méritent plus que d’autres de vivre dans des pays riches?

Dans le cas de certains élus, on s’est même demandé s’ils ne s’étaient pas fait hacker leur compte Facebook ou s’il fallait bel et bien y voir une trahison des gens qui les avaient mené sur le chemin de la renommée. On sait ce qu’il faut faire pour être politically correct; c’est à peu près la même chose que pour devenir le plus ennuyeux des politiciens de carrière. Et ce n’est pas comme ça qu’on va changer le Québec.

Oui, comme d’autres, j’ai vu les images de cet homme malmené par les militants antifascistes, alors qu’il affirme à la caméra être venu manifester avec eux. On m’a rapporté que l’individu dénonçait d’autres personnes à la police qu’il ne jugeait pas assez pacifiques.

Était-il vraiment un sympathisant de la contre-manifestation ou venait-il au contraire précisément pour la miner? Le doute plane. Mais c’est vrai, on ne devrait pas frapper les gens sans s’assurer préalablement qu’ils sont bien des nazis.

Je pourrais le reprocher aux militants d’extrême gauche. Cependant, quand je regarde les 100 dernières années d’histoire en Occident, je sais qui se trouve du bon côté. Et dans 50 ans, ce ne sont pas trois chaises cassées et un nez qui saigne que l’on racontera aux élèves, mais deux guerres mondiales et les camps de la mort.

Alors non, quand on me demande de dénoncer la violence de mes camarades – de ceux qui ont pu voir en direct le salut nazi qui, seulement en vidéo, m’a fait l’effet d’un coup de poing dans le ventre – ça, je ne peux pas l’accepter. J’ai l’impression qu’on me demande de frapper le doigt qui pointe l’incendie.

La violence, c’est celle de l’extrême droite qui, si elle était cohérente avec elle-même, s’auto-déporterait en Europe. Vous n’avez pas plus le droit d’être là que quiconque, sauf les autochtones. Retournez d’où vous venez, on ne vous veut justement plus.

La violence, c’est celle des membres de La Meute qui lèchent les bottes du SPVQ parce qu’ils savent très bien que, dans les quartiers, les flics font déjà le sale boulot de profilage à leur place.

La violence, c’est celle de Jean-François Lisée qui, plagiant Trump sur Charlottesville, a osé tweeter «Manifs à Québec: la violence, les masques, c’est pas une façon de s’exprimer. Peu importe son opinion. Point final. #polqc», comme s’il y avait deux côtés tout aussi fautifs.

La violence, c’est celle des flics qui tirent des gaz lacrymogènes à bout portant sur des manifestant.e.s parce qu’ils n’en ont pas eu assez d’éborgner un des nôtres en 2012.

La violence, c’est celle des terroristes qui posent des bombes dans les mosquées des gens de chez nous.

La violence, c’est celle d’Atalante qui voudraient voir des personnes retourner vivre dans un pays où leur vie est menacée.

Alors, en toute responsabilité, parce que je connais les grands enjeux qui se cachent derrière ce tapage médiatique et ces images sensationnalistes, tout ce que je peux dire c’est: solidarité avec les antifascistes! Et bienvenue aux réfugié.e.s.

Junexit; Par dela les masques et les médias

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Août 162017
 

Soumission anonyme à MTL Counter-info

L’encre a beaucoup coulé ces derniers temps a propos du blocage des puits Galt de Junex en Gaspésie. Malgré tout, l’information sur ce qui se passait sur le lieu du blocage demeurait plutot limitée, les flics, tout comme les bloqueuses-bloqueurs sont demeuréEs avares de mots.

Je ne m’étendrais pas sur le comment ou le pourquoi de cette action.
Je tiens seulement a partager des moments d’une puissance incroyable qui ne seront jamais relayés par les médias, mais qui furent bien réels.

La vue était imprenable de Galt 5 (transformé par Junex en plateau désert de gravelle et de résidus de forage), du haut de la montagne entouré de foret dense, et la vie quotidienne aupres de personnes admirables était douce. Le cor sonnait trois fois par jour, annoncant l’heure du repas, ca discutait de tout, entre quelques relais de garde sur les barricades.

Je n’oublierai pas la joie espiegle qui s’emparait de nous a la vue du loader de Junex utilisé pour leur bloquer leur propre chemin, ni l’absurdité de voir des gens masqués vaquer a leurs occupations quotidiennes ou bien déhambuler une chainsaw ou une hache a la main, tout en portant l’uniforme de Junex agrementé d’un casque de construction jaune fluo.

Les barricades qui s’amélioraient de minutes en minutes, passant de quelques arbres couchés en travers du chemin a un mur de branches, renforcé avec de la terre, un echafaud en guise de tour de guet, des blocs de bétons et la machinerie placée en travers de la route. Le tout avait un look de chateau-fort imprenable.

Que dire des fous rires collectifs devant l’incomprehension totale des flics confrontés a notre silence (surtout lorsqu’ils nous ont transmis une injonction au nom de Gab Luneau).

Bien sur, tout ne fut pas parfait, nous avons eu notre lot d’embuches, de pleurs, de remises en question, de doutes et de moments tendus, mais peu importe le dénouement de cette histoire, la victoire est déja notre. Nous avons ouvert un monde de possibilités en un temps si court, le bal est lancé pour la suite.

La seule entrevue que nous avons accepté de donner a Radio-Canada et dont vous n’avez surement pas entendu parler se résume ainsi: (chanté parfaitement faussement)

Nous aurons des corbeilles pleines
De roses noires pour tuer la haine
Des territoires coulés dans nos veines
Et des amours qui valent la peine

Nous aurons tout ce qui nous manque
Des feux d’argent aux portes des banques
Des abattoirs de millionaires
Des réservoirs d’annees lumieres

Et s’il n’y a pas de lune
Nous en ferons une

Junex et tous les autres, on vous emmerde, vous ne nous retrouverez jamais et on ne vous lachera pas.

Freddy, nos pensées et tout notre respect sont avec toi.
Force et courage.

UNE AUTRE FIN DU MONDE EST POSSIBLE

Entrevue avec Gary Metallic Sr.: Nous appuyons le blocage et nous pensons que beaucoup de nos gens l’appuient

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Août 162017
 

Vidéo de Ni Québec, Ni Canada, transcription et traduction de l’anglais par MTL Contre-info

Appel d’appui par Gary Metallic ici

Gary Metallic : Mon nom est Gary Metallic, je suis le Chef de District des Surveillants du Conseil Tribal de Gespegawagi.

Frank Sorby : Et je suis Frank Sorby, sous-chef du Conseil Tribal de Gespegawagi.

Ni Québec Ni Canada : Nous sommes ici pour parler de ce qui se passe autour de la compagnie Junex, des projects Galt et du blocage. Que pensez-vous de ce qui se passe présentement?

GM : Qu’est-ce qu’on en pense? D’après ce que nous avons entendu, nous appuyons le blocage, et nous pensons que beaucoup de nos gens l’appuient. Nous ne voulons pas de pétrole ni d’exploration visant la fracturation ni d’extraction sur notre territoire parce que ça va détruire l’environnement, l’eau, la vie sauvage et tout ça.

FS : Voilà, tu as tout dit.

NQNC : Que pensez-vous de ces personnes qui veulent être en relation avec le peuple Mi’gmaq et qui veulent se battre côte à côte contre ce projet qui va dévaster la terre?

GM : Je pense que nous devons former ces alliances, parce que comme nous l’avons dit plus tôt, c’est correct de faire des manifestations et des blocages, mais seul.es nous n’arriverons pas à bloquer ce que les gouvernements et les compagnies minières, gazières, pétrolières et de fracturation essayent de faire. Les cours de justice sont à leur service et ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient démantelés. Mais si nous arrivons à former l’alliance dont nous avons parlé, où notre défense légale entourant la revendication territoriale autochtone est en combinaison avec ce que vos gens essayent de faire là-bas. Lorsque nous posons les deux ensemble, ça pourrait être, je pense, très difficile pour Québec de contester la revendication territoriale autochtone.

NQNC : Que pensez-vous de cette résurgence de colons qui veulent construire des liens de solidarité et de lutte avec les peuples autochtones, dans ce cas avec les personnes Mi’gmaq, de différentes manières et sur différents fronts?

GM : Eh bien, notre position a toujours été, en tant que Conseil Tribal du 7e District, que nous devons co-exister. Personne ne va aller nulle part. Nous avons vécu ensemble plusieurs centaines d’années. Peut-être cela n’a pas été la plus paisible des relations, mais dorénavant, vu la manière dont les choses se passent, avec les gouvernements et les corporations prédatrices qui détruisent nos terres et nos ressources et l’environnement. Et il est temps pour les gens de les arrêter. Et la seule manière de le faire est de former ces alliances, que ça soit Mi’gmaq, français, acadiens, anglais, c’est la seule manière dont nos voix pourront être entendues.

NQNC : Que pensez-vous de la réaction de Manon Jeannotte, la chef du conseil de bande de Gespeg?

GM : C’est une réaction typique de conseil de bande, spécialement s’ils font affaire avec les gouvernements et les compagnies pétrolières et gazières. Je pense que c’est la relation qui existe ici dans le district, que c’est la relation qui a existé depuis 2005, je crois. Et uniquement à partir de sa déclaration, quand elle dit que si on s’opposait à ce qui se passe par rapport à l’extraction e pétrole ou e gaz par Junex ou Squatex, ils se rencontreraient en personne. Mais ça fait déjà près d’une décennie qu’ils se rencontrent en personne. Et si je me base sur leur déclaration, je ne pense pas qu’ils aient une quelconque intention de s’opposer à ce qui se passe.

NQNC : Qu’est-ce qui devrait se faire maintenant?

GM : Maintenant, comme je l’ai mentionné plus tôt, des alliances doivent être formées, ensemble avec les gens qui sont sur le site, et nos gouvernement traditionnels tribaux du District. Nous avons les moyens de fournir les arguments légaux et constitutionnels pour prouver que cette terre nous appartient toujours. Le Québec n’a pas d’affaire et n’a pas de précédent pour donner une quelconque autorisation à quiconque sans notre consentement, et ce qu’on fait c’est contester qu’il le fasse. Et je pense qu’en amenant cette revendication d’un titre de propriété autochtone, avec les arguments constitutionnels qui viennent avec, que ce sont toujours des territoires Mi’gmaq non cédés, nous allons certainement obtenir leur attention.

NQNC : Pourquoi pensez-vous que beaucoup de groupes environnementalistes, principalement constitués de colons, ne comprennent pas la relation entre le capitalisme et les conseils de bande? Qu’ils ne prennent pas ça en considération lorsqu’ils parlent des relations avec les peuples autochtones? Ça amène beaucoup de confusion et de surprise pour des gens lorsque les conseils de bande signent des accords avec les compagnies, ou leur apporte leur support ou ne s’y opposent pas ou quoi que ce soit…

GM : Eh bien c’est un gros problème, parce que même nous avons ça aussi entre nous. Nos propres gens ne le comprennent pas. Parce que dans les coulisses, dans les négociations à huis-clos avec les gouvernements et les compagnies de pétrole et de gaz, nous ne savons pas ce qui se passe. Mais nous savons, en tant que gouvernement traditionnel du district, que cette relation n’est pas légitime. Parce qu’il y a une définition des conseils de bande et des systèmes des gouvernement traditionnels. Et ça veut dire que les systèmes ancestraux traditionnels étaient là longtemps avant que les conseils de bande n’aient été créés en 1876. Et ainsi, les conseils de bande ne sont qu’une entité fédérale, en fait une entité qui négocie pour elle-même les revendications de territoires et de droits. Et voilà la clé. Notre défense devant le tribunal en témoigne spécifiquement. Et pour ajouter à cela, nous avons aussi cette clause de co-existence avec les colons non-autochtones, que ça peut être fait aisément. Comme je l’ai dit, nous avons vécu ensemble pour plus d’un siècle.

NQNC : En dehors de cette situation, et plus largement, que pensez vous que nous puissions construire comme relation plus concrètement, pour construire des meilleures relations entre les personnes autochtones et les personnes non-autochtones?

GM : De meilleures relations… Je pense qu’il y a un facteur commun qui nous lie tous ensemble : la Terre Mère et les ressources qui doivent être protégées. Parce que si vous regardez autour de la planète et ce qui est en train de se passer, avec les changements climatiques et tout ça, l’eau contaminée comme au Dakota du Nord. Si l’eau est contaminée, l’eau offre la vie à tous les humains et toutes les espèces. Maintenant si on ne les protège pas, si on ne peut pas faire ça en tant qu’êtres humains, eh bien qu’est-ce qui va se passer?

Et l’autre raison pour laquelle nous devons former ces alliances et co-exister est que nos gouvernements, qu’il soient fédéraux ou provinciaux, ont fait un terrible travail de gestion de nos terres et de nos ressources, comme on peut le voir aujourd’hui. Le résultat, c’est le réchauffement climatique. Nous avons des scientifiques qui disent que l’utilisation des énergies fossiles ne cesse pas, l’humanité va simplement disparaître, presque comme les dinosaures. Mais personne n’écoute. Alors des alliances entre nos peuples doivent naître, pour reprendre cette autorité à ces gouvernements, qui ont abusé de l’autorité qui leur a été donnée. Ça ne se fera pas par votre système, le système électoral. Nos peuples doivent dorénavant affirmer ce titre autochtone, et reprendre ça aussi. Et c’est là que la co-existence pourra arriver.

Trouver les moyens de résister: apprendre des luttes contre la gentrification à Montréal

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Juil 212017
 

De The Cannon Street Bellows (Hamilton, Ontario)

En ce moment, où nous sommes de plus en plus nombreux.ses à nous trouver dans des situations difficiles dues aux prix immobiliers, nous sommes souvent à cours d’inspiration pour combattre la gentrification. Mais à l’autre bout de la 401, à Montréal, des anarchistes développent depuis plusieurs années des pratiques d’action directe contre les commerces impliqués dans la gentrification de leurs quartiers. Concentrée à Hochelaga dans l’est et à Saint-Henri dans le sud-ouest, on observe l’émergence d’une diversité de stratégies ayant comme but de rendre le territoire inhospitalier aux commerces cherchant à attirer une clientèle riche vers des quartiers populaires.

Depuis 2010, on remarque un flot constant d’attaques contre les caméras de surveillance. La destruction de ces caméras permet aux anarchistes de contester la logique de surveillance – à la sécurité de qui contribuent-elles ? – et rendent plus faciles des attaques contre d’autres cibles dans le quartier. Lors d’une des premières attaques de ce genre, un extincteur rempli de peinture a été utilisé. Dans un communiqué de décembre 2016, on peut voir la photo d’une personne cagoulée portant plusieurs caméras détruites en guise de collier.

En mai 2015, à Saint-Henri, l’inauguration d’un bar à jus de fruit a été interrompue par une foule cagoulée, laquelle a d’abord jeté un fumigène à l’intérieur, puis attaqué le proprio à coup de poivre de cayenne quand il a essayé d’intervenir. La tactique de s’attaquer ouvertement et en groupe contre des gentrificateurs connus permet de montrer que les riches sont vulnérables et que les flics ne peuvent pas les protéger d’un groupe déterminé. Encore à Saint-Henri, en mai 2016, une action de dégentrification a collectivement pillé un magasin de nourriture haut-de-gamme dans le quartier, pour ensuite redistribuer la nourriture aux résident.es. De nouveau à Hochelaga, en 2016, une manif d’Halloween a distribué des bonbons aux gens du quartier tout en laissant des dizaines de tags contre la gentrification et contre la police qui, une fois arrivée, s’est vue repoussée à coup de pierres. La résistance en masse rompt l’illusion de l’acceptation paisible du développement et de la gentrification, nous permettant ainsi de nous échapper du fatalisme et du désespoir qu’ils nous infligent.

Il y a eu quelques tentatives d’actions semblables à Hamilton: en juin dernier, une trentaine de personnes ont confronté une excursion d’investisseurs immobiliers appelée “Try Hamilton” (J’essaie Hamilton). À l’aide de slogans et à coups de trucs dégueux, il.les ont montré qu’il y aura toujours une résistance contre cell.eux qui cherchent à s’enrichir en expulsant les gens de chez eux. Grâce à leur engagement à se défendre collectivement contre la police, personne n’a été arrêté. C’est aussi le cas pour toutes les actions montréalaises décrites précédemment.

Saint-Henri et Hochelaga ont également vu un grand nombre d’attaques clandestines contre des commerces de luxe favorables à la gentrification. Vitrines fracassés et graffitis sont le motif récurrent de ces actions. L’usage d’extincteurs remplis de peinture semble être un choix de prédilection. En novembre 2016, un communiqué appelait à ne pas se contenter de s’attaquer aux façades des commerces: à Hochelaga, les vitres de trois boutiques avait été brisées, puis l’intérieur avait été recouvert de peinture à l’aide d’un extincteur. On pouvait lire dans le communiqué: « Ces vitrines détruites, cette marchandise ruinée par la peinture, c’est un acte de guerre. Nous ne laisserons pas ces boutiques s’installer en paix – cette paix de façade qui n’est autre que l’invisibilisation de la guerre en cours contre les pauvres et les marginaux.ales. ». En 2015, à St-Henri, une action semblable ciblant un magasin de vêtements avait été revendiquée dans le cadre du Black December, un appel par des prisonnier.ères anarchistes internationaux.ales à attaquer des symboles de domination. À Hamilton, des graffitis avait été faits sur la prison de Barton en réponse à cet appel.

Tout au long de la lutte contre l’embourgeoisement, on observe un important effort de diffusion des actions et de circulation d’un contre-discours sur le développement. Suite à l’attaque d’un restaurant à l’imagerie machiste en juin 2015, à Hochelaga, des affiches avaient été posées dans le quartier. Elles détournaient de manière queer et parodique le logo du commerce et expliquaient pourquoi les restos chers n’étaient pas les bienvenus dans le quartier. En décembre 2016, une affiche collée sur les murs de Saint-Henri racontait l’histoire de l’icône locale Louis Cyr, dont un restaurant bobo, déjà la cible de plusieurs attaques au cours des deux années précédentes, avait commercialisé l’image. Des entrepreneurs parasitaires cherchent souvent à utiliser certains aspects de la culture et de l’histoire locales pour leurs campagnes publicitaires, afin de vendre le quartier à des riches venus d’ailleurs. Et ça ressemble à quoi concrètement? Il n’y a qu’à penser aux discours des gentrificateurs de Hamilton sur le fer ou sur l’industrie, comme The Cotton Factory ou Seed Works. Ces espaces industriels réaménagés se vendent à l’aide d’éléments de la culture travailleuse et populaire locale, utilisés dans le but attirer des bureaux et des événements bourgeois.

Cet article n’est qu’un survol de toutes les actions qui ont eu lieu, mais il permet de montrer qu’avec résolution, on peut trouver les moyens de résister. Bien que la situation puisse sembler sans espoir, certain.es sont d’avis que la lutte vaut toujours la peine. Dans un entretien accordé à Submedia en décembre 2016, deux anarchistes ayant participé à certaines des actions ci-dessus disaient:

« Ça a l’air inévitable, et ça l’est peut-être, mais ça vaut tout de même le coup de lutter contre et de ne pas se laisser faire. Dans le monde insupportable dans lequel on vit, j’ai l’impression que ma vie peut juste trouver un certain sens si je me bats ».

Pour plus d’information sur ce qui se passe à Montréal: Montréal contre-information

Envie d’en apprendre davantage sur la gentrification et son histoire à Hamilton ?
Vous pouvez lire le texte (en anglais) “Now that it is Undeniable: Gentrification in Hamilton” (Maintenant que c’est incontestable: la gentrification à Hamilton)

Mise en pratique

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Juil 202017
 

Pour l’article complet (en anglais) voir ici

Nous désirons répondre par nos idées au texte Mise en Commun qui a circulé récemment. Ce dernier critiquait les projets et perspectives insurrectionnelles à Montréal en général. […] Mise en Commun se réfère et fait réponse à quelques douzaines d’actions, d’attaques et de petites manifestations qui furent organisées dans les quartiers Hochelaga et St-Henri par des anarchistes l’an dernier (la multiplication de ce type d’initiatives persiste depuis maintenant plusieurs années).

Ces actions auxquelles nous ferons référence impliquent surtout la destruction de devantures et de marchandises de commerces ou des dispositifs qui contribuent à l’embourgeoisement : des commerces yuppies, la police, des bureaux de promoteurs immobiliers, des voitures de luxe et des caméras de surveillance. La plupart de ces actions ont été revendiquées par des communiqués publiés sur le net ou imprimés et distribués en tracts (parfois éparpillés au le sol sur les lieux de l’action) offrant une explication de comment elle a été perpétrée et la situant dans son contexte particulier. Des actions revendiquées, il y en a depuis longtemps, mais il y eut un sommet de leur fréquence en 2016.

Nous observerons les contextes dans lesquels ces actions prirent place au cœur de quartiers sous tension face à l’embourgeoisement, qu’est-ce que cela signifie pour des anarchistes ayant l’intention d’intervenir et à quoi croyons-nous que cela ait contribué. À travers ces fondements, nous inciterons les questions de la communication et de l’intelligibilité, des mouvements de masses, de l’intervention anarchiste, de la stratégie, de l’isolement, de la spécialisation et de la répression. Nous offrirons ensuite quelques propositions quant à une lutte multidimensionnelle et combative contre l’embourgeoisement, et sur d’autres luttes que la nébuleuse anarchiste montréalaise pourrait poursuivre.

Intelligible pour qui ?

« Pour avoir une résonance, nos actions doivent être communicables, elles doivent faire du sens pour autrui, elles doivent être intelligibles. »
– Mise en Commun

Nous sommes clairement en accord avec une part de ce commentaire. En agissant, l’une des premières considérations qui nous vient en tête est de savoir comment nos actions seront comprises autant par les compagnons que par quiconque en prenant connaissance. Nous voulons néanmoins être explicites quant à ceuzes envers qui nous souhaitons être intelligibles. Nous voulons d’abord communiquer avec de potentiels complices. Des gens pour qui voir ou entendre parler d’une action fait résonner en elles et eux le besoin de saper ce qui rend leurs vies misérables, des gens qui veulent se battre. Nous ne cherchons pas à être intelligibles pour l’autorité. Nous ne parlons pas leur langage et ne le voulons pas – nous ne recherchons pas à nous adapter à leurs paradigmes dans le but d’entrer en dialogue. Nous voulons les détruire.

Même lorsque les actions parlent d’elles-mêmes (certaines plus clairement que d’autres et c’est bien ainsi), on ne peut jamais compter sur les médias de Gauche ni sur les médias de masse pour diffuser nos idées – le but de ces médias n’est pas de communiquer des idées, mais de solidifier leurs propres visions dominantes du monde en incorporant nos idées et nos actions dans leurs narratifs. Il nous est nécessaire d’utiliser nos propres canaux de communication afin d’être sans équivoque sur ce que nous faisons, ce que nous voulons et pour ne pas être censuré.es.

Accompagner une action d’un communiqué peut aider à faire comprendre les intentions de l’auteur, à démystifier les moyens par lesquels l’action a été produite et à la lier à une lutte plus large ou à des objectifs stratégiques. Les communiqués de la plupart des actions auxquelles nous nous référons ont été publiés en ligne sur Montréal Contre-information, un projet local de communication autonome pour nos luttes anarchistes à Montréal. Évidemment, cette page web a souvent pour limite de n’être qu’utilisée et lue que par d’autres anarchistes. Semblant vouloir dépasser cette limite, ce projet produit des versions imprimables des communiqués pouvant ensuite être affichées dans la rue et diffusées sur des tables de distros, partagés entre nos maisons, dans la tentative d’ouvrir des canaux de communication avec des gens qui ne font pas usage de cet outil limité qu’est l’internet.

Le langage de la guerre et du spectacle

Mise en Commun critique les auteur.es d’un communiqué anonyme pour avoir « parlé d’un acte de guerre en revendiquant le vandalisme de cinq commerces… », les accusant de fétichiser certaines terminologies, d’être prétentieux.ses et d’accepter la mise en scène leur propre puissance. En général, lorsque l’on parle de guerre (du moins, d’une guerre dans laquelle nous pouvons être impliqué.es), on réfère habituellement à la guerre sociale ; c’est-à-dire à l’expansion du conflit dans tous les aspects de la vie, de la même façon que le font la domination et le capital en débordant le lieu de travail. Ce conflit social est inévitablement ouvert, chaotique et il comporte des possibilités d’accentuation exponentielle de complicités. Cette guerre est sous-jacente. C’est une réalité que l’on tente d’exposer à travers nos actions et par la propagande, bien que notre implication dans cette guerre n’en constitue qu’une fraction. Ceuzes qui ont agi ont aussi expliqué leur ‘acte de guerre’ par ces mots : « Nous ne laisserons pas ces boutiques s’installer en paix. Cette paix de façade n’est autre que l’invisibilisation de la guerre en cours contre les pauvres et les marginaux.ales. » Néanmoins, soyons conscients que ‘la guerre’ est aussi le langage dont l’État fait usage pour décrire le conflit. Les guerres incluent souvent des trêves et sont pensées dans des logiques standardisées alors que celle que nous menons est permanente et en dehors d’une conception militariste de la lutte. […]

Nous tenons également à complexifier ce que Mise en Commun avait réduit comme étant « la mise en scène de notre puissance ». Précisons que les conditions socio-culturelles locales actuelles, influencées par une éthique puritaine (dans les milieux anglophones), nous apprennent la modestie lorsque nos paroles nous viennent du cœur. Dans la société conventionnelle, il est permis à une certaine jeunesse de se penser au centre de l’univers jusqu’à ce que la réalité économique difficile et les rôles sociaux les obligent à s’y soumettre. Dans ce contexte, les gens préfèrent abandonner la gloire aux célébrités et à la lutte internationale, pour ensuite les fétichiser tel des objets. Ayant cela en tête, nous rejetons la pratique de la modestie et nous préférons contribuer en luttant activement contre ce qui nous détruit. Lorsque nous parlons fièrement avec le cœur, avec respect pour les actes dans lesquels nous avons projeté nos passions, nous ne pouvons qu’espérer normaliser l’amour de soi-même et de nos passions comme actes subversifs. Trouver des moyens d’interagir avec nos propres désirs sans intermédiaire est une démarche qui permet de retirer de l’importance au pouvoir du spectacle plutôt que de le renforcer. CrimethInc. est souvent critiqué ou ridiculisé pour valoriser ces qualités dans leur écriture, mais ils ont peut être compris quelque chose. La fierté est une limite lorsqu’elle devient un obstacle à l’auto-critique et à l’apprentissage, ou dans nos relations interpersonnelles. C’est plutôt là où nous préférons adresser cette problématique.

Les mouvements de masse et l’anarchisme populaire à Montréal

« … ça suffit d’être à l’arrache du contexte, à attendre une grève étudiante ou la construction d’un pipeline…Le contexte qui nous favorise, l’arène où l’on se bat, le territoire que l’on habite, c’est à nous de les créer. »
-Mise en commun

Non seulement nous sommes complètement en accord avec cette affirmation mais cette idée influence tous nos projets. Le temps d’agir pour la liberté est maintenant.

Mise en Commun poursuit en prononçant que « Ce n’est pas dans les mouvements sociaux qu’on la cherche [la puissance], mais bien dans les moments insurrectionnels ». C’est là où nous divergeons. Nous ne voulons pas remplacer le Grand Soir avec un éventuel moment insurrectionnel anticipé à l’horizon, remettant la lutte à plus tard une fois de plus. Même pour celleux qui croient que la puissance collective réside dans les futurs moments insurrectionnels, il reste significatif d’agir en dehors de ces moments dans l’objectif de s’y préparer, des fomenter ses bases. En donnant corps à notre praxis dans le présent, notre capacité d’intervenir dans de futures occasions (souvent inattendues) reste vive.

Mise en commun se contredit entièrement en mentionnant seulement la grève étudiante de 2012 comme exemple concret d’un moment insurrectionnel. Avril et Mai 2012 est considéré comme un moment insurrectionnel « non pas seulement dans le sens que ça pétait tous les soirs, mais au sens où nos relations étaient définies en fonction de, par et pour la grève. »

Nous ne sommes pas d’avis que la grève étudiante de 2012 était un moment insurrectionnel. Nous définissons un moment insurrectionnel comme la création violente d’un espace-temps faisant rupture avec les rôles sociaux et la norme. Si la situation est presque devenue incontrôlable par moments, ce n’est pas parce que la grève étudiante définissait nos relations. C’en est plutôt l’opposé ; c’est parce que la lutte a débordé au-delà des cadres d’une grève orientée par des revendications et une forte identité étudiante après que les lois répressives aient été appliquées. Même si nos capacités collectives de nous battre dans la rue s’accrurent avec créativité à différents moments, il y eut un manque au niveau de la diffusion d’idées incontrôlables et dans la subversion des rôles socialement assignés. Toutes ces vitres brisées et ces flics blessés ont été redéfinis avec succès en tant que militantisme réformiste. Le momentum a été récupéré par les politiques électorales sans le moindre ébranlement. Lorsque l’on réfléchit à nos interventions durant ces mois de grève, notre principale auto-critique est que nous n’avons pas mis assez d’énergie à engager la lutte au niveau des idées anarchistes pour leur donner de la pertinence dans la situation.

Il serait abruti de dire qu’aucune puissance libératrice ne fut ressentie durant ces moments. Mais il serait dramatique de ne pas admettre que nous avons trahi.es nos complices potentiels et nous sommes trahis nous-mêmes en mettant nos perspectives radicales de côté afin de répondre à un sentiment d’urgence. Durant le mouvement de 2012, il était inconfortablement clair à quel point les visages des soi-disant masses étaient blancs dans une ville très multi-culturelle, dans une lutte se fondant sur un discours de classe, alors que des libéraux gauchistes klaxonnaient dans leur Mercedes pour appuyer celleux désobéissant aux lois répressives dans les rues. Les politicien.nes du privilège pourraient analyser une telle réalité et refaire les mêmes erreurs encore une fois; en affirmant que nous devons mettre nos désirs de côté pour privilégier des revendications qui ne feraient que renforcer le contrat social libéral (avec ses droits, ses privilèges et son impuissance), l’amenant au-delà des standards du cadre de la suprématie blanche. Si nous nous prenons au sérieux en tant qu’anarchistes et que nous parlons d’une ‘culture de lutte’ à partir de notre perspective et non de celle de politicien.nes, tenons des positions ayant moins de compromis.

Dans certains moments, des actions menées et revendiquées par les anarchistes ont aliéné et rendu impossible la collaboration avec la Gauche. Dans un certain sens, cela est désirable. Nous croyons que la construction d’une culture révolutionnaire de lutte nécessite, non pas de nous aliéner chaque gauchiste en ville, mais plutôt de saboter l’emprise de la Gauche sur les luttes. La Gauche est l’un des principaux moyens par lequel plusieurs luttes incontrôlables antérieures ont été récupérées, en canalisant leur énergie dans une médiation avec les autorités et en dissimulant le conflit sous couvert de réconciliation. Les anarchistes devraient considérer la Gauche en tant que barrière aux perspectives et aux pratiques de libération. Une certaine forme d’anarchisme aux penchants populistes hérité de la Gauche (dans le cas de Montréal, des organisations militantes étudiantes) est selon nous l’un des plus grands obstacles aux projets anarchistes montréalais.

Il nous semble que ces anarchistes prennent la voie plus ‘populaire’ parce qu’illes veulent que leurs projets soient socialement légitimes ‘pour le public, pour les gens, pour les non-anarchistes, etc.’ On apprend aux individus dans la société à se sentir valides à travers la reconnaissance de quelque chose qu’illes admirent, qu’illes perçoivent plus puissant qu’euxlles-mêmes. Tout le monde est sensible à cela et c’est en partie pourquoi l’autorité existe toujours. Ce n’est pas seulement la faute du maître. Tout le monde joue un rôle dans la hiérarchie. Plutôt que d’essayer de détruire les racines de la domination à la base, le populisme et la Gauche exploitent et utilise cette faiblesse humaine dans le but de créer un mouvement. Il en résulte la reproduction de relations sociales dans lesquelles une personne agit principalement par peur d’exclusion si elle ne suit pas la vague. C’est aussi une façon par laquelle la répression fonctionne. Chaque individu a peur d’être arrêté car cela signifierait d’être humilié publiquement ou isolé en prison. Avec ce piège qui nous limite, la pacification gagnera toujours.

Les compagnon.es qui s’inscrivent dans la logique de la légitimité normative accusent souvent celleux qui font des attaques directes de rendre leur projet impossible en ne se souciant point de cette légitimité du ‘peuple’. Les attaques ne sont pas valorisées en tant que contributions en vue de la construction d’un contexte. Cela propage l’idée que certains actes ‘ dangereux ‘ posés au mauvais moment peut détruire la croissance du mouvement. Cela a été vrai à Athènes, en Grèce, suite à l’incendie de Marfin Bank (où des employés sont morts dans un feu allumé par des anarchistes), mais à Montréal, il semble que le critère pour ‘dangereux’ consiste dans le fait de sortir des diktats de la légitimité normative, ce que nous considérons comme faisant partie intégralement de notre projet.

Rechercher une légitimité normative ne peut, à long-terme, qu’invisibiliser le conflit. Par contre, si nous pouvions répandre socialement des narratifs de légitimité liés à nos pratiques de façon à rompre avec les valeurs normatives, nous développerions de grandes capacités subversive. C’est le cas par exemple lorsque beaucoup de gens pensent qu’il est légitime d’attaquer la police ou d’occuper des bâtiments mais que ce ne l’est pas pour les flics de nous tirer dessus ou pour nos proprios de nous évincer. Il y a plus de possibilités quand il y a un appui social de nos actions et lorsque plus de gens rompent avec leurs rôles, participent à des luttes ou à différentes formes de pratiques illégales. Cela entre certainement en conflit avec la légitimité normative. Nous pouvons voir un exemple évident de comment ces logiques sont irréconciliables quand nous observons comment la ‘violence’ dans les paradigmes normatifs est utilisée pour désigner quoi que ce soit ayant possiblement un horizon révolutionnaire. Il est tout aussi important que des compagnons mettent de l’énergie à argumenter en faveur de la légitimité de notre praxis autant que ce l’est d’expérimenter dans la praxis; pas avec les médias ou avec les politiciens, mais de façon horizontale, dans la rue, avec les voisin.es et en détruisant la légitimité des pratiques de l’État.

Malgré qu’il soit important de trouver des moyens d’interagir directement avec celleux à l’extérieur de nos milieux jeunes et souvent imprégnés de sous-cultures, on devrait éviter de focaliser sur l’organisation des autres en mouvement de masse pour nourrir notre sentiment de légitimité et plutôt nous organiser nous-mêmes en étant clair.es sur qui on est et ce que nous voulons quand on interagit avec les autres. La politique (et les discours manipulateurs basés sur l’omission qu’elle requiert) devrait être évitée lorsque l’on construit des fondements anti-autoritaires.

Nous croyons qu’une critique de la Gauche et du populisme peut amener d’intéressantes réflexions aux initiatives anarchistes sociales, comme Chlag.info, ayant organisé une assemblée contre la gentrification dans Hochelaga. […] Certains éléments hérités du modèle raté d’organisation que des anarchistes ont essayé d’appliquer pour mobiliser les masses d’étudiants dans une grève contre l’austérité semblent avoir été transférés vers une mobilisation de masse contre la gentrification dans les quartiers, dans l’objectif qu’un jour, des actions directes puissent s’inscrire dans un contexte de mouvement social. Ce modèle d’organisation fonctionne grâce à la politique : une logique de recrutement, remettre la lutte à plus tard et la création d’une campagne de mobilisation basée sur le plus petit dénominateur commun comme point d’unité. Que ça soit “Fuck l’austérité” ou “Fuck la gentrification”, les idées et les différences sont réduites à un programme politique conçu pour faire appel aux “masses”. Lorsque la lutte contre la gentrification (ou n’importe quelle lutte spécifique) offre l’opportunité de lier cette lutte à des perspectives anarchistes qui remettent tout en question, cette approche politique choisit plutôt de ne faire aucun de ces liens et de ne pas récuser les discours normatifs et respectables de la Gauche contre la gentrification.

Ce discours populiste a tendance à penser que de lier cette lutte à une analyse contre tous les gouvernements, la police, la colonisation et le contrôle sociale, etc., aliénera beaucoup de gens de cette éventuelle masse sociale et les détournera de la base de supporters nécessaire à une lutte fondée sur le ‘plus-petit-dénominateur-commun’. Lorsqu’on aborde la lutte avec un tel raisonnement, elle sera fort probablement limitée à des arguments progressistes […] Même si celleux qui mobilisent ont sans doute raison de dire que leur approche attirera plus de gens à leur ‘cause’, ils préparent déjà le terrain à la récupération en n’étendant pas leurs arguments vers des critiques anarchistes. Ils sacrifient la qualité pour la quantité. […]

La question à savoir le degré auquel des actions comme une assemblée générale populaire ou une grève de loyers peuvent nourrir une culture révolutionnaire (plutôt que de renforcer la Gauche) dépend de l’honnêteté avec laquelle nous faisons connaître nos intentions dès le départ. Cette culture révolutionnaire ne sera pas renforcée si on joue le jeu des valeurs de la social-démocratie, pour que les gens plus accoutumés à ces comédies de légitimité nous rejoignent. Nous entendons souvent des discours romantisant l’ « opacité » dans le cadre d’une lutte contre les structures de pouvoir (qui s’applique à quiconque se trouve hors de notre « milieu »). Au contraire, nous sommes d’avis que faire preuve d’honnêteté par rapport à nos ambitions et ne pas prendre les gens pour des cons nous mènera beaucoup plus loin que de cacher nos intentions derrière une façade d’organisateurs.trices communautaires responsables, de militant.es syndicalistes, ou autre. […]

La question de la “stratégie”

[…]
Pour penser nos objectifs et nos trajectoires, nous désirons proposer un cadre alternatif, des perspectives et une projectualité. Bien sûr, on devrait développer une analyse de notre contexte et de ses transformations, pour réfléchir les conséquences potentielles de nos actions sur ce contexte. Nous pensons aussi que cela peut permettre d’intégrer une dimension sur le long-terme à nos projets et perspectives. Le jargon insurrectionaliste nomme souvent ce concept ‘projectualité’. Nous pensons que la différence n’en est pas seulement une de langage, mais bien que les idées qui sous-tendent ‘stratégie’ et ‘projectualité’ sont profondément différentes.

Nous ne pensons pas que les conséquences de nos actes puissent toujours être prévues à l’avance, tel des déplacements qu’on fait en jouant aux échecs. Nos projets sont expérimentaux. Nous pouvons déterminer certaines intentions, discours et gestes, puis les engager sur le terrain social, sans avoir de certitudes quant aux résultats (que des suppositions éclairées par l’expérience). Il n’y a que nos propres actions que nous pouvons garantir. Il nous est ainsi possible de faire vivre des idées pour que d’autres s’en saisissent. Le fait d’être confrontés à des obstacles écrasants et peut-être sans espoir dans nos projets de libération, semble être la cause d’une telle recherche de certitude prédictive. On a besoin de sentir qu’on a du contrôle. Il est compréhensible, mais déplacé de croire que l’impact de nos actions sera prévisible si seulement on attend ‘le bon moment’ ou que l’on trouve la bonne forme de lutte.

Nous croyons que l’élaboration de visions stratégiques n’affirmant pas explicitement de perspectives divergentes mène à la centralisation ou à la bureaucratisation de l’insurrection. Des projectualités hétérogènes incarnent mieux l’éthique anarchiste puisqu’elles ne sacrifient pas les moyens pour les fins. Nos objectifs s’incarnent dans nos moyens : nourrir des projets qui rendent le terrain fertile à la propagation d’une combativité, qui alimentent l’auto-organisation, qui mettent fin au dialogue avec l’ennemi de classe ou qui diffusent les valeurs et les pratiques minant la domination et l’exploitation.

Mise en commun soutient avec condescendance que les actions en question n’ont pas contribué à ‘construire un pouvoir collectif’. On peut présumer que c’est parce que ces actions s’écartent de la vision stratégique de l’auteur. Pourtant, pour nous, après une simple lecture des communiqués des actions auxquelles Mise en Commun semble répondre, il est évident que les acteurs derrières certaines de ces attaques ressentent et sont en train de construire une telle capacité collective. Même dans le pire des scénarios où il semble que ces actions soient toujours faites par les mêmes personnes et où elles ne seraient pas contagieuses, au moins ces gens construisent un réseau combatif entre elleux. Et comme des idées subversives se font sentir dans la réalité, il est plus facile de se lier avec elles.

Nous voulons d’une lutte anarchiste qui soit expansive et que nos actions contribuent à imaginer des outils pour manifester notre mécontentement ou nos énergies créatrices en dehors des canaux réformistes. Même si nous ne croyons pas que cela répandra magiquement nos actions du jour au lendemain, nous pensons que ça aura un impact alors que la situation sera plus agitée.

Le texte ‘Signals of Disorder: Sowing Anarchy in the Metropolis’, publié en 2010, vante les bénéfices d’attaques régulières et visibles, menées dans des temps de paix sociale relative contre des symboles évidents de l’exploitation capitaliste. Selon l’auteur, des graines subversives sont plantées par ces actions dans la conscience des gens et lors des moments de rupture sociale, ils pourront y avoir accès et les cultiver. Bien que la plupart des gens soient en désaccord avec ces actions lorsqu’elles se produisent, lorsque les formes traditionnelles et valides d’activité politique se révéleront inadéquates, ils pourront adopter ces formes et en faire leurs propres outils. Pour illustrer cette théorie, qui est dans les faits le fruit inversé de la théorie de contrôle social de ‘la vitre brisée’, A. G. Schwarz utilise l’exemple de l’insurrection grecque de 2008 (bien que nous ayons vu, dans les dernières années, des tactiques anarchistes être adoptées par beaucoup d’autres gens lors d’insurrections de ce côté de l’Atlantique). […]

Une conséquence importante des attaques récentes contre des figures d’extrême-droite liées à Trump, ou quelques années plus tôt et à plus petite échelle, des attaques à Seattle qui visaient toute personne liée à des éléments gentrificateurs, c’est que les critiques anarchistes ont commencées à être prises au sérieux par les gens et, encore plus important, les pratiques naissant de ces critiques. […]

Sur l’ ‘illégalité’, la ‘spécialisation’ et l’ ‘isolement’

« Ce qui nous donne la puissance, ce n’est pas le niveau de préparation d’une clique d’expert.e.s en destruction. … Bon gré, mal gré, il nous faut avouer que s’il y a bien une chose que le pouvoir sait gérer, autant sur le plan du discours que celui de la répression effective, c’est une bande de potes qui s’isole dans l’illégalisme. »
– Mise en Commun

« Le point c’est pas de développer une « expertise » en destruction. Tout ce qu’il faut, c’est des marteaux, des crowbars, des roches pis de la peinture. Et avant ça, une petite idée de par où on arrive, par où on part, des masques pis peut-être des vêtements qu’on peut jeter. On se croise dans la nuit ! »
– Extrait d’un flyer déposé aux stations de métro Préfontaine, Joliette et Pie-IX ainsi qu’à la Place Valois en février 2016, le jour après l’action

Sans le pouvoir de la négation, nos luttes ne sont rien. Mais nous pensons aussi qu’une lutte qui se limite à l’attaque est condamnée à un conflit perpétuel qui ne pourra jamais véritablement détruire les systèmes qu’on haït. Bien que nos inclinations personnelles nous poussent à nous concentrer sur des projets destructeurs, pour pouvoir les soutenir et les renouveler, nous avons besoin de tailler des espaces d’autonomie dans nos luttes et nos vies, des infrastructures matérielles, des réseaux de solidarité et de support.

Les autorités tenteront inévitablement d’isoler les éléments combatifs d’une lutte. Celleux engagé.es dans ces formes de lutte devraient tenter d’éviter de renforcer leur isolement. On constate cela entre autres lorsque des anarchistes voient la négation comme étant l’unique contribution de valeur pour une lutte, renforçant la spécialisation ou agissant sans égard pour le contexte en ne souhaitant développer de relations qu’avec d’autres anarchistes à l’international. Cependant, la lutte contre l’isolement de ces éléments combatifs est aussi la responsabilité des anarchistes qui ont un focus plus social. Une intervention à ce niveau pourrait être de défendre publiquement les actions illégales, de refuser la fausse dichotomie entre les bons et les mauvais anarchistes et de ne pas cacher ses idées anarchistes pour s’intégrer “aux gens”. […]

Pour appuyer socialement les attaques, on pourrait lire des communiqués durant les assemblées populaires ou les citer dans les publications distribuées au porte-à-porte, toujours s’assurer de parler de la nécessité de l’action directe et du refus des canaux réformistes. Il pourrait aussi s’agir d’organiser l’occupation d’espaces populaires ou de bâtiments en coordination avec des gens prêt.es à les défendre. Par exemple, la série d’affiches-communiqués de Montréal Contre-Info offre la possibilité d’être activement complice de gestes inspirants sans qu’une telle complicité ne requiert de faire des actions semblables.

Le narratif selon lequel seuls les anarchistes attaquent doit être brisé. L’accessibilité et la reproductibilité de nos actions doit être mise en évidence par nos gestes, nos paroles et nos relations. Pour l’instant les actions qui se sont produites à Montréal autour de la gentrification dans les dernières années ne nécessitait pas une grande expertise technique. Briser des fenêtres ou même allumer des feux peut être extrêmement accessible. Tous les matériaux nécessaires peuvent être trouvés dans votre quartier. […]

Si agir illégalement est nécessairement spécialisé, nous sommes foutus. Mais, en réalité, nous savons que plusieurs formes de crime sont répandues. Nous savons aussi que les ressources et la réputation qu’exige les avenues légitimes sont incroyablement spécialisées. Nous ne dirions jamais que tous les projets anarchistes doivent être fondamentalement illégaux, mais l’illégalité n’est pas quelque chose que nous devrions fuir.

Notre critique de la spécialisation ne devrait pas se limiter aux considérations tactiques pour des luttes combatives. Elle doit aussi s’appliquer à nos vies en entier. C’est pourquoi nous rejetons l’identité du militant, de l’organisateur, etc.: ceux-ci se voient comme des spécialistes de la lutte. Pour nous, prendre part à la lutte fait partie intégrante du fait même de vivre, la lutte est donc tout simplement une partie de nos vies. Nous nous battons pour remplir nos besoins et non pas pour faire un sacrifice sur l’autel de la politique.
[…]

Répression

« Il faut se donner toujours un coup d’avance sur … la répression ».
– Mise en Commun

« Tu t’en vas en prison. Tu pourrais aller en prison pour quelque chose que tu es en train de faire ou pour quelque chose que tu as fait il y a longtemps. Tu pourrais être piégé.e et faire de la taule pour un truc avec lequel tu n’avais rien à voir. Même si tu n’as jamais enfreint une loi, tu pourrais tout de même aller en prison – le simple fait de lire ces lignes fait de toi un suspect. Plus il y aura de gens qui vivent servilement, avec obéissance, plus aisément le gouvernement pourra faire un exemple de la personne choisie.

Regarde les personnalités historiques que tu respectes, ou même tes ami.es. Si tu suis le même chemin qu’eulles, les chances sont grandes que tu ailles en prison toi aussi. Fait la paix avec ça. Imagine ton temps en prison, ce que tu y feras, comment tu passeras à travers. Tu peux aller en prison avec dignité ou tu peux y aller mollement, en aidant tes ennemis et en vendant tes ami.es. Tu peux aller en prison pour ce en quoi tu crois ou tu peux y aller sans raison, sans jamais t’être porté à la défense ni de toi-même, ni de quiconque.

Tu t’en vas en prison. Maintenant que tu le réalises, tu es libre. Tu peux aller en prison pour ce que tu veux, tu peux faire ce que tu crois être juste. Merde, si tu fais attention, tu pourrais ne pas aller en prison pour longtemps.

Si assez de gens comprennent cela, un jour il n’y aura plus de prison. En tant que personne qui s’en va en prison, tu comprends que ce jour ne peut pas arriver trop tôt. »
– Green Scared ? Leçons préliminaires du Green Scare

Mise en Commun laisse entendre que les implications négatives de nos actions (c’est-à-dire la répression) devraient être l’une des mesures à considérer dans notre ‘stratégie’. Ce discours est souvent utilisé pour justifier l’inaction. Bien sûr, des gens auraient pu et pourraient encore être arrêtées et des maisons pourraient faire l’objet de descentes. C’est toujours une possibilité. Cette possibilité est le pari nécessaire que nous faisons pour donner quelque force à nos luttes. Évidemment que la répression fait peur. Nous en avons tous.tes peur et nous pouvons nous entraider pour y faire face. Cependant il est crucial qu’un virage soit fait dans la manière dont les gens pensent et parlent de la répression. Idéalement cela doit être fait avant que cette peur ne se fasse sentir de manière plus significative, qu’elle puisse contrôler et donner forme à nos luttes jusqu’à les rendre méconnaissables.

Pour nous, la répression est une réalité inévitable de la lutte anarchiste. Notre but est de détruire l’État, l’économie et bien d’autres systèmes de pouvoir. Si nous agissons en fonction de cela, les autorités auront certainement pour réponse l’emprisonnement et les fouilles de nos maisons. Dans des endroits où l’État a l’apparence moins démocratique, c’est l’assassinat et la torture de celleux qui sont du côté des anarchistes qui advient.

Les gens feront face à de la répression et il n’y a aucune honte à se faire prendre. Nous ne pouvons pas choisir le moment où la répression s’abattra. Nous faisons face à un ennemi dont la capacité de détruire nos vies est immense. Par contre, cette peur ne devrait jamais être une raison de se distancer de ceuzes qui sont les plus à risque d’être ciblés par la répression et d’ainsi renforcer la division créée par l’État et les médias entre les bons anarchistes qui ont des opinions et des jardins communautaires et les anarchistes criminels qui brûlent des voitures et cassent des fenêtres.
[…]

La répression a pour projet de séparer et d’isoler celleux sur qui elle s’abat. En rejetant cette séparation, en ne jouant pas la mentalité de la justice du coupable-ou-innocent, nous pouvons exprimer véritablement notre solidarité les un.es avec les autres en rendant plus visibles les luttes de celleux qui font face à la répression.

Propositions pour une projectualité à Montréal

Le mot ‘projectualité’ est employé pour référer aux dimensions contextuelles et temporelles à long-terme de nos projets, de nos activités intentionnelles. Il s’agit de développer un rapport conscient et intentionnel à la projection de nos désirs et de notre force dans le monde et dans l’avenir, pour nous assurer que nos projets nous mènent là où nous le voulons et nous aident à en créer les conditions de possibilité. Appliquée à une lutte spécifique, cette intentionnalité est manifestée grâce à des interventions multiples au sein de cette même lutte. Ces dernières s’informent entre elles, à la fois dans leur continuité et dans leurs incessantes transformations, lorsque les interventions ont eu un impact changeant le contexte. Bien que ce texte place son focus spécifiquement sur les luttes contre la gentrification dans deux quartiers de Montréal, cette idée peut s’appliquer dans tout contexte de tension sociale ou de lutte contre un projet de domination. Nos batailles ne visent pas uniquement à détruire une seule manifestation spécifique de la domination capitaliste. Nous désirons aussi construire une capacité d’organisation autonome, alimenter et maintenir une tension autant que participer à répandre des pratiques combatives et des idées indomptables.

Malheureusement, nous ne pouvons pas être partout en même temps et nous devons choisir nos combats. Cela dit, les points de tension qui informent nos choix sont innombrables. Si nous pensons que la lutte contre la gentrification est un point de départ intéressant pour les anarchistes, c’est parce qu’elle a trait aux relations de pouvoir qui nous affectent dans la vie quotidienne : la police, les patrons, les propriétaires, et bien d’autres. Voilà une opportunité intéressante pour ancrer et donner de la consistance à nos projets subversifs, ce qui permettra de nourrir une lutte en continu et de donner de la force à long-terme à des pratiques d’organisation autonomes.

La constance de nos interventions dans cette tension leur procure une plus grande efficacité. Nous aimerions développer la capacité de contribuer par des activités anarchistes constantes dans un quartier au maintien de la tension, plutôt que de nous concentrer à faire de plus grandes attaques mais qui ne feront que ponctuer de grand temps morts. Cette activité constante est beaucoup moins vulnérable à la répression parce qu’elle est décentralisée. Hors des calendriers militants de ‘mouvements sociaux’, la constance combat la passivité cynique qui est la norme en temps de paix sociale. Les moments creux qui suivent les sommets des mouvements sociaux pourraient être moins dévastant si on y trouvait une base d’activité dans laquelle nous prenons une liberté d’action.

Quels projets pourraient contribuer à cette projectualité contre la gentrification? Comment nos cibles et nos méthodes pourraient-elles être plus créatives? Nous aimerions proposer quelques façons dont des anarchistes pourraient contribuer à une lutte multiforme et combative contre la gentrification. Nous pensons que ces initiatives pourraient se compléter entre elles et laisser lieu à différents savoir-faire, désirs et types de risques :

  • attaquer des bureaux de promoteurs immobiliers et favoriser l’hostilité envers ces derniers, les proprios et toute initiative de ‘revitalisation’ de la ville ;
  • apporter du soutien à des espaces autonomes et à des infrastructures telles des centres sociaux, des logements et des jardins occupés, pour remplir nos besoins en étant plus autonome face à l’État et au Capital ;
  • saboter la promotion et la construction de condos ;
  • développer des réseaux de solidarité pour se défendre contre les évictions, agir directement et collectivement avec des gens du quartier. Des compagnon.nes de St-Henri ont fait l’expérimentation d’un réseau de solidarité basé sur le modèle élaboré à Seattle. Illes ont eu pour principal obstacle le fait que la plupart des gens préféraient se référer à la Régie du Logement (le corps officiel où déposer des plaintes, contester des hausses de loyer et se battre contre les évictions). Nous désirons proposer l’idée d’un réseau de défense contre les évictions qui pourrait être utilisé par les gens que le système de ‘justice’ ne supporte pas ;
  • mettre en danger la propriété des yuppies pour que le quartier leur soit indésirable ;
  • trouver des gens hors de nos réseaux pour nous battre ensemble. Ceci pourrait prendre la forme d’une occupation temporaire de la Place Valois ou d’autres carrés populaires, pour distribuer de la littérature et de la nourriture, ou en temps de plus grande tension sociale, d’occupations permanentes. Ces connexions pourraient aussi se produire en organisant des assemblées populaires.
  • miner le contrôle social dans le quartier : dégrader ou détruire des caméras de sécurité, briser des tourniquets de métro pour rendre le passage gratuit et développer des relations avec vos voisins, s’assurer qu’illes ne parleront pas à la police si elle vient cogner à leur porte pour poser des questions sur vous ;
  • déranger les événements ou les avancées que la police ou la ville organise pour tenter de pacifier la situation ;
  • attaquer la police chaque fois que vous en êtes capables : dans les manifs autant que dans leurs fonctions quotidiennes ;
  • miner la légitimité des médias en les attaquant.

Bien que vandaliser les façades des commerces yuppies puisse fournir un contexte pour d’autres actions, nous ne pensons pas qu’il faille nous reposer excessivement sur cette tactique. Dans les dernières années, nous avons apprécié les quelques fois où l’intérieur des boutiques et leur marchandise ont été aspergées de peinture, puisque cela démontre un mépris fondamental pour la marchandise elle-même, et que ça a empêché le fonctionnement de l’entreprise attaquée.

D’un autre côté, nous devrions éviter de personnifier le capitalisme trop fortement dans la figure de gentrificateurs spécifiques, comme Corey Shapiro (un propriétaire de commerce du quartier St-Henri). Dans un contexte donné, si ces actions sont les plus fréquentes, elles courent le risque d’attirer l’attention sur les aspects flagrants et obscènes de la gentrification (sa façade, si vous voulez) sans en adresser les fondements.
[…]

Briser les limites des luttes spécifiques

Nous pensons que lorsque les anarchistes interviennent dans des luttes partielles, il est crucial de tenter d’étendre celle-ci à la lutte contre tous les systèmes de domination. Même si le pouvoir nous apparaît comme une totalité, nous battre contre lui n’est possible qu’en attaquant ses projets et ses manifestations spécifiques. Pour favoriser la solidarité entre les luttes et prévenir la récupération, il est important de lier nos luttes partielles aux systèmes totalisants. La lutte contre la gentrification doit être connectée aux luttes centenaires contre la colonisation des peuples autochtones qui se battent pour la souveraineté et l’auto-détermination. Même les luttes avec des objectifs, des formes ou des contenus différents peuvent se supporter mutuellement. Cela peut se faire à travers le partage d’apprentissages et de ressources, en attirant l’attention l’une sur l’autre, ou simplement en continuant à se battre contre les forces qui les perpétuent toutes : l’aliénation de nos moyens de survie, l’oppression raciste et patriarcale, et l’exploitation capitaliste. Voilà les ingrédients d’une solidarité révolutionnaire.

Un des problèmes qui survient continuellement dans la lutte contre la gentrification est la manière dont elle est séparée de la lutte contre le Capital et les autres systèmes de domination. Plusieurs se perdent dans cette vision étroite, à savoir ce que ‘gagner’ veut dire contre l’unique ‘enjeu’ de la gentrification. Ielles se battent alors contre elle comme si elle était isolée. Si nous aussi nous avons envie de revendiquer des victoires, nous voulons cependant élargir les critères qui les déterminent. Pour nous, nous ne gagnons que lorsque d’autres luttes et notre capacité future à nous battre sont renforcées. Si ‘gagner’ contre la gentrification signifie de renforcer la municipalité, l’État ou la Gauche, ce n’est pas une victoire, mais plutôt de la récupération.

Ni Montréal, ni Canada

Nous sommes inspiré.es par le texte ‘150, 375: vive les rebelles!’ publié récemment qui appelle à des actions de perturbation contre Montréal et le Canada dans le cadre des célébrations pour leurs anniversaires coloniaux. Nous pensons que cet appel souligne des opportunités pour une projectualité concertée entre les anarchistes habitant le territoire dominé par l’État canadien. Nous apprécions que le refus de l’État-nation en soit le point de départ. Effectivement, attaquer les manifestations spécifiques du projet génocidaire canadien correspond de près à la perturbation des fondements de la domination sur ce territoire.

Dans la seconde semaine de 2017, des anarchistes agirent contre ces anniversaires en bloquant avec des pneus en feu l’autoroute qui traverse Hochelaga à l’heure de pointe tôt le matin. Des actions comme celles-ci, ainsi que d’autres, peuvent permettre d’utiliser l’énergie organisée d’un quartier pour tracer des liens de solidarité entre celleux qui luttent contre la gentrification dans un certain secteur de la ville et celleux qui se battent contre le projet capitaliste colonial du Canada sévissant depuis bien avant notre époque. Nous ne désirons pas mentionner cela comme des paroles en l’air ni pour nous positionner comme allié.es. Cette position efface trop souvent nos propres raisons de lutter contre ce qui nous affecte énormément : que ce soit la vie quotidienne sous le capitalisme, en passant par les frontières et les autres formes de contrôle. La lutte entière est renforcée lorsque nous pratiquons une solidarité révolutionnaire active ou que nous luttons contre les dispositifs du pouvoir étatique et contre le contrôle des endroits où se déroulent nos vies.

Une solidarité qui détruit les frontières

L’élection récente de Donald Trump signale un changement de contexte au sud de la frontière. Nous avons pu y constater le durcissement de l’extrême droite et de l’activité fasciste. Dans notre contexte, on y trouve des échos dans l’assassinat récent de six personnes musulmanes à la mosquée de Québec par un supporter de Trump et dans la manifestation fasciste qui a réussi à prendre la rue avec succès pour la première fois à Montréal depuis des décennies. Si Trump se distingue de tout autre candidat avec sa stratégie de représentation, dans sa rhétorique et dans le fait qu’il ait nominé des personnes ayant des liens flagrants avec des groupes suprématistes blancs, il ne fait que rendre explicite un cauchemar qui était déjà présent. Mais cette présentation explicite a créé une rupture. On assiste maintenant à l’émergence d’un conflit social répandu contre les autorités, des fermetures d’aéroports aux émeutes dans les capitales de la nation, ayant pour horizon la possibilité de devenir ingouvernables.

La menace du fascisme rampant au Canada ne doit pas être ignorée. Il est dangereux que ces activités de l’extrême-droite soit vues comme exceptionnelles et indépendantes du projet fondamentalement génocidaire et xénophobe de ce pays. Alors, comment démontrer l’importance du combat contre la gouvernance en soi, que le Léviathan du pouvoir étatique utilise des discours d’extrême-droite, un multiculturalisme libéral ou la récupération gauchiste pour continuer l’occupation des terres volées et la domination des blancs et de la civilisation occidentale ? Une fois de plus, il faut nous battre localement et communiquer avec celleux qui se battent ailleurs. Lorsqu’illes nous voient, illes sont inspirées à continuer de se battre un jour de plus.

Essayons d’avoir un impact sur la capacité des gens aux États-Unis à demeurer ingouvernables à partir de là où nous sommes. Comment pouvons-nous perturber et bloquer l’économie américaine du côté nord de la frontière ? Où sont les valves de pétrole, les points stratégiques du système ferroviaire, et les autoroutes dont son économie dépend ? Comment pouvons-nous affaiblir la frontière canado-américaine, nous battre contre les déportations qui renvoient les gens aux USA et devenir une ressource pour celleux forcé.es à fuir ?

Mots de la fin

“ La gentrification c’est un processus du capitalisme et du colonialisme comme d’autres. Ça a l’air inévitable, et ça l’est peut-être, mais ça vaut tout de même le coup de lutter contre et de ne pas se laisser faire. Dans le monde insupportable dans lequel on vit, j’ai l’impression que ma vie peut juste trouver un certain sens si je me bats…Au mieux, le processus de gentrification va se déplacer ailleurs, si un quartier résiste. Quand même, lutter contre le capitalisme et l’État, ça ouvre des possibles qui ne peuvent pas exister autrement.”
– Defend the Hood, interview avec subMedia

Nous souhaitons que nos projets soient aisément communicables. Cependant, nous n’avons pas d’audience particulière en tête, qui soit généralisable, comme ‘le peuple’ (ou, à ce compte, tout autre sujet révolutionnaire), puisqu’on ne peut y voir qu’une audience passive prête à consommer des idées réduites au plus-petit-dénominateur-commun. C’est notre désir de nous battre et de remettre tout en question que nous désirons communiquer à de potentiels complices, avec lesquels nous pouvons construire des relations réciproques de lutte.

Une conception anarchiste de l’insurrection cherche à ce que des éléments anarchistes se diffusent et traversent une population à un moment donné, plutôt que d’être à la recherche d’une masse nombreuse. Ces éléments auraient pour base le rejet d’agents récupérateurs comme la politique (qu’elle soit grassroot ou institutionnelle).

Tout en reconnaissant l’inévitabilité (et la désirabilité) de différences ‘stratégiques’ et de désaccords à travers (et au sein) des milieux, nous cherchons une ‘mise en pratique’ hétérogène et décentralisée des expérimentations anarchistes à Montréal. Nous espérons que nos réflexions et nos critiques pourront favoriser la solidarité et des différences respectueuses, et qu’elle sera reçue avec ouverture et bonne foi. En ce qui a trait aux actions et aux projectualités jugées désirables, nous sommes intéressé.es à entendre parler des idées d’autres gens. Comment ces idées pourraient-elles contribuer à quelque chose qui les dépasse dans leur spécificité ? Comment les autres camarades pensent-ils que nos projets puissent se rencontrer ? Nous aussi, nous en avons assez d’attendre une grève étudiante ou la construction d’un pipeline’ et nous pensons qu’il est intéressant de ‘créer un climat d’insécurité dans le quartier en maintenant un certain niveau de vandalisme’. […]