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Une bannière suspendue à Saint-Félicien pour dénoncer les déversements dans l’Ashuapmushuan

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Juil 272021
 

Du Collectif Emma Goldman

Des militants et militantes des collectifs Mashk Assi et Emma Goldman ont suspendu durant la nuit d’hier à aujourd’hui une bannière pour dénoncer les déversements d’eaux de traitement dans la rivière Ashuapmushuan par l’usine de pâte Kraft de Résolu à Saint-Félicien (en terres volées du Nitassinan). Portant l’inscription « Ramasse ta marde Résolu », elle a été installée sur la route Saint-Eusèbe, aux abords de l’usine en question, afin de pointer du doigt l’exploitation de la multinationale.

Dans un régime forestier qui s’apparente au Far-West, avec son bar ouvert pour l’industrie, la question de la protection de l’environnement par les entreprises est réduite à de vaniteuses prétentions de conférence de presse. On le voit une fois de plus avec les déversements à répétition réalisés dans l’Ashuapmushuan par l’usine de pâte Kraft de Résolu à Saint-Félicien. La rivière Ashuapmushuan, qui bénéficie pourtant d’un statut de protection pour son patrimoine naturel exceptionnel, a connu 258 jours de déversement d’eaux de traitement industrielles de l’usine entre 2017 et 2020 selon le ministère de l’environnement et la scène s’est reproduite maintes fois depuis le début de l’année 2021. Ces déversements volontaires sont réalisés dans une stratégie de chantage face au gouvernement pour que celui-ci investisse à sa place les dizaines de millions $ nécessaires au remplacement de la conduite d’évacuation. En date d’aujourd’hui, Résolu peut se réjouir d’avoir presque déjà fait plier le gouvernement au grand dam des travailleurs et travailleuses qui financeront la multinationale avec leurs taxes. Pendant ce temps, leurs turpitudes mettent en danger la ouananiche, une espèce de saumon pour laquelle l’Ashuapmushuan est un corridor biologique capital.

Par ses agissements, Résolu affiche son mépris total à l’endroit du territoire ancestral des Pekuakamiulnuatsh et des droits des Premiers Peuples. C’est cela le colonialisme. Face au déni dont fait preuve l’industrie envers l’histoire et les traditions Ilnu, ainsi que le caractère sacré du territoire, il faut résister pour exister! Par cette action, nous souhaitons réitérer que les territoires du Nitassinan n’ont été cédés sous aucun traité. De plus, nous rejetons et dénonçons les Ententes sur les répercussions et les avantages (ERA) signées par les conseils de bande, qui se voient promettent des retombées des grandes entreprises en échange de leur consentement à la destruction rapide du territoire ancestral. Ces ententes sont pour nous bien révélatrices quant au rôle véritable des conseils de bande comme instances issues du colonialisme et sous la mainmise de l’État canadien.

Collectif Mashk Assi et Collectif Emma Goldman

From Embers : Fairy Creek

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Juil 222021
 

De From Embers

Après une interruption, le podcast anarchiste From Embers a été relancé ce mois-ci.

Le premier nouvel épisode est une discussion avec un participant anarchiste aux blocages de Fairy Creek sur la soi-disant île de Vancouver. Écoutez-le ici.

Autres lectures :

Five Months of Direct Action… (No More City)

The Return of the War in the Woods? (BC Blackout)

Desert (The Anarchist Library)

Another Word for Settle : Une réponse à Rattachements et Inhabit

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Juil 172021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

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C’est à l’hiver 2020, au lendemain du soulèvement anticolonial le plus inspirant de ma vie, que j’ai lu Rattachementsi et Inhabit (traduit par Habiter dans la version québécoise)ii. Les trains avaient recommencé à rouler à travers le pays, et la COVID-19 commençait à réorganiser nos vies, quelques semaines seulement après que nous ayons fait notre petite part dans le mouvement #ShutDownCanada. À Tio’tia:ke (Montréal) et dans ses environs, là où je vis, il y a eu de nombreuses initiatives menées par des Autochtones, notamment des rondes de solidarité qui ont bloqué la circulation au centre-ville, et bien sûr le blocage des voies ferrées qui traversent Kahnawá:ke qui s’est maintenu durant un mois. Sur l’île et autour, l’engagement des colons dans #ShutDownCanada a pris plusieurs formes, notamment le sabotage clandestin d’infrastructures ferroviaires, des manifestations et du vandalisme sur les propriétés de la GRC et de multiples blocages de voies ferrées, dont l’un a duré quelques jours.

Après ces événements, la lecture des propositions amenées par Inhabit et Rattachements a été particulièrement déstabilisante. Ces deux textes sont des représentations d’une pensée politique issue de communautés aux États-Unis et du Québec, fortement influencée par les écrits du Comité Invisible en France et par les mouvements autonomistes européens. Cette tendance politique est parfois qualifiée de tiqqunienne, d’appeliste ou d’autonomiste. Il s’agit d’une orientation politique qui a beaucoup d’influence sur une frange de ceux et celles qui ont participé à l’organisation des actions initiées par des colonsiii à Montréal l’hiver dernier, et ces deux textes semblent être des points de référence importants pour ces personnes. Malheureusement, le début de la pandémie a étouffé ce qui aurait pu être une occasion d’analyser plus en profondeur certaines des différences politiques entre ceux et celles d’entre nous qui se sont organisés ensemble cet hiver-là. Je voudrais clarifier mon désaccord avec la stratégie anticoloniale (ou bien l’absence de) mise de l’avant par Inhabit et Rattachements. J’espère que lors des futurs moments de solidarité et de coalition large comme celui que nous avons vécu l’hiver dernier, nous pourrons avoir une meilleure compréhension des limites de notre potentiel de collaboration. J’espère également que l’engagement critique à l’égard de l’analyse proposée par ces textes arrivera à limiter la manière dont ils influencent la stratégie de solidarité anticoloniale qui guide les actions des colons au cours des années à venir.

Rattachements

S’opposant aux courants dominants de la lutte écologiste (d’un côté les militants qui demandent au gouvernement d’agir pour sauver l’environnement, et de l’autre les individus qui modifient leurs pratiques de consommation pour faire de même), les auteur.e.s de Rattachements proposent une nouvelle approche pour faire face à la crise environnementale et au capitalisme colonial. Cette nouvelle approche consiste à bâtir une « écologie de la présence » par la construction de communesiv. Les auteur.e.s posent le projet de reconnexion avec ce qui « leur a été arraché » dans un sens à la fois matériel et spirituel. Ils souhaitent habiter véritablement le territoire, à partir duquel ils pourront s’attaquer aux rouages du capitalisme tout en y construisant de nouvelles formes de vie. Leur compréhension du problème repose sur le précepte qu’ils n’ont pas choisi d’être jetés dans un monde voué à sa propre destruction, un monde structuré par le capitalisme colonialv, dans lequel leurs « affects sont capturés » et leur lien avec la terre a été rompu.

Les auteur.e.s avancent que « défendre les territoires veut nécessairement dire apprendre à les habi­ter et inversement, habiter vraiment nécessite de défendre les territoires ». Ce faisant, ils affirment que leur rattachement à la terre est un précurseur et une partie intégrante de la lutte anticoloniale. Une « écologie de la présence », écrivent-ils, se retrouve dans le rapport entretenu entre les peuples autochtones et leurs territoires, notamment dans la résistance des zapatistes contre le gouvernement mexicain et à travers l’autonomie matérielle et territoriale Kanien’keha:ka. Cependant, dès le départ, les auteur.e.s rejettent la position sociale comme outil d’analyse. Ils semblent penser que leur propre leur posture de sujets au sein des systèmes de domination n’est pas pertinente pour leur analyse ou pour l’élaboration de leurs stratégies de résistance contre ces systèmes. Les auteur.e.s sont pourtant des colons qui s’adressent (principalement) à d’autres colons. L’abstraction qu’ils emploient est donc dangereuse : ils poursuivent en disant que « c’est lorsque des communautés affir­ment qu’elles font elles-mêmes partie de ce territoire, de cette forêt, de cette rivière, de ce bout de quartier, et qu’elles sont prêtes à se battre, que la possi­bilité politique de l’écologie apparaît clairement ». Cette déclaration peut facilement être comprise comme un appel aux colons à se définir comme faisant partie du territoire s’ils veulent pouvoir le défendre, ou à tout le moins, à se poser sur un pied d’égalité avec les Autochtones lorsqu’il s’agit de penser à quoi devrait ressembler l’avenir du territoire colonial. Que ce soit l’intention ou non, cela ouvre la porte à comprendre l’auto-autochtonisation des colons comme une stratégie décoloniale. Dans une société fondée sur le colonialisme de peuplement comme le Québec ou le Canada, l’État existe en grande partie pour garantir l’accès des colons à la terre, et les Autochtones sont toujours une menace pour cet accès. C’est à la fois l’histoire passée et actuelle de toutes les sociétés de colons. Nous n’avons pas à chercher bien loin pour trouver des exemples où un rapport au territoire se rapprochant d’une « écologie de la présence » a été efficacement mis en pratique par des colons contre les populations autochtones. 

Prenons, par exemple, l’histoire des chasseurs blancs de Mi’kma’ki (dans les montagnes Chic-Chocs en Gaspésie, plus précisément) qui, en 2004, se mobilisaient déjà contre l’incursion de l’exploitation forestière dans la région et qui, ayant chassé sur le territoire pendant un certain temps et se sentant plutôt liés au territoire (voir « faisant partie du territoire »), étaient confrontés à une nouvelle menace : l’établissement d’une « zone contrôlée par les Mi’kmaq qui offrirait des activités de plein air payantes » (une « pourvoirie »). Ce nouveau projet menaçait leur capacité à chasser gratuitement. En réponse à cela, alors qu’ils se réunissaient dans une « tente communautaire » sur le territoire, les chasseurs blancs ont concocté un plan pour s’identifier en tant qu’Autochtones afin de légitimer leurs revendications de rattachement à la terre. Ils ont fondé une organisation qui allait être appelée la Nation métisse du Soleil levant, et ont réussi à empêcher la création de la pourvoirievi. Cette histoire n’est pas une exception en Amérique du Nord, mais plutôt un exemple d’un phénomène répandu où les colons, se sentant très attachés à la terre sur laquelle ils vivent (et ayant même parfois des penchants communaux), se sentent poussés à défendre leur contrôle sur le territoire envers ce qui le menace, incluant les Autochtones ayant leurs propres revendications et relations préexistantes à ce même territoire. Cela implique souvent de revendiquer une identité autochtone, mais ce n’est pas forcément le cas. L’acquisition continue des terres par les colons et l’enracinement de l’idée que la terre leur appartient est au cœur de l’avancement du colonialisme, que la possession soit basée sur la propriété (j’ai l’acte de propriété et donc c’est à moi) ou la spiritualité (je connais la terre, je me sens lié à la terre, et donc j’y ai ma place).  

En examinant d’autres contextes coloniaux, nous pouvons trouver davantage d’exemples des risques posés par l’établissement de projets communaux entrepris avec des objectifs politiques radicaux. Le mouvement des kibboutz en Palestine, par exemple, raconte l’histoire de communes auto-organisées créées à partir du début des années 1900, lors de la deuxième vague d’arrivée de colons juifs fuyant les pogroms d’Europe de l’Est. Les colons du premier kibboutz avaient des idéaux anarchistes d’égalitarisme, rejetaient la « structure socio-économique d’exploitationvii » des fermes établies par la première vague de colonisation, et espéraient miner l’économie capitaliste en développant leurs communes. Ils ont cherché à établir « une communauté coopérative sans exploiteurs ni exploitésviii», ce qu’ils ont fait en 1910 après avoir obtenu l’accès à des terres « qui avaient été récemment achetées par la Palestine Land Development Company au Fonds national juif ix». Cette première ferme a connu un tel succès que « bientôt, des kvutzot ont été créés partout où des terres pouvaient être achetéesx ». Ces communes, tout en se considérant comme une alternative viable et une menace considérable pour le mode de production capitaliste, servaient également la colonie sioniste de Palestine. Aujourd’hui, elles sont communément considérées comme une partie importante de l’histoire nationale d’Israël, et environ 270 colonies existent toujours (bien que leur organisation interne et leur caractère anarchiste se soient considérablement transformés) dans le territoire occupé. Il est clair que si les idéaux anarchistes et anticapitalistes de ces projets peuvent être inspirants, le contexte colonial appelle à prêter attention aux impacts de la colonisation sur les peuples autochtones, et pas seulement aux idéaux ou à la politique interne des communesxi.

Land back ou Retour à la terre ?

L’analyse proposée par Rattachements s’appuie sur une compréhension du monde selon laquelle les colons ont eux aussi été dépossédés de leur rapport au territoire, à la spiritualité et au savoir. C’est sur la base de ce principe que les auteur.e.s tentent d’inciter d’autres colons à passer à l’action. Le zine, écrit et circulant dans des cercles sociaux dominés par des colons blancs aux politiques radicales variées, postule que la solution à la crise écologique réside dans la capacité de ces milieux (là encore, principalement des colons) à créer des communes. Ces communes pourront alors établir une autonomie matérielle et politique en rendant les espaces (terrains, friches, bâtiments, églises, maisons et parcs) « habitables ». En d’autres termes, les auteur.e.s proposent de s’installer et de squatter en commun le territoire, qu’il ait déjà été investi par d’autres colons ou non, en affirmant qu’il s’agit d’une nécessité stratégique plutôt que d’un simple choix de mode de vie.

Je crois moi aussi que le capitalisme est un système qui nous aliène les un.e.s des autres et des êtres vivants dont nous dépendons. Et pourtant, je crois que nous devons être plus spécifiques : le capitalisme colonial a créé un territoire où, dans l’ensemble, les colons possèdent les terres et disposent des ressources ainsi que d’une relative liberté pour établir divers rapports avec le territoire. Cela se fait au détriment des peuples autochtones, qui ont été dépossédés de leurs terres, de leurs langues, cultures et spiritualités, qui sont directement reliées à ces terres et qui orientent leurs relations au territoire. Rattachements suggère qu’une partie cruciale de la lutte écologique anticapitaliste/anticoloniale consiste à modifier les relations affectives et spirituelles que les colons entretiennent avec le territoire, dans un contexte où notre relation matérielle avec la terre – celle de la propriété, de l’appropriation et du vol – reste inchangée et fondamentalement coloniale. Un groupe de colons achetant ensemble une maison communale en dehors de la ville dans le cadre d’une stratégie d’écologie révolutionnaire a très peu à voir avec la réoccupation par les peuples autochtones de leurs territoires ancestraux. Ce deuxième cas s’oppose directement au développement colonial et à la destruction de l’environnement, et il s’inscrit dans une tradition de résistance autochtone au déplacement et au génocidexii. Le premier se reconnaît à tort comme partageant en quelque sorte quelque chose avec cette tradition, alors qu’il est rendu possible par (et se rapproche bien plus) des générations d’empiètement et d’expansion coloniale.

Ce qui brille par son absence dans le programme de lutte écologique proposé par Rattachements, c’est un appel explicite à la restitution des terres aux communautés autochtones. Au lieu de cela, ses auteur.e.s demandent implicitement une présence accrue de leurs milieux (composés majoritairement de colons) sur ces terres, en partie pour arriver à potentiellement soutenir les luttes autochtones. Malgré la reconnaissance du fait que des terres ont été volées (et l’éloge des relations entre les peuples autochtones et le territoire en tant qu’exemples à suivre pour les lecteurs du zine), il manque dans Rattachements la proposition selon laquelle le retour des terres aux communautés autochtones, « Land Back » au sens littéral et matériel du terme, est une pièce centrale de la lutte écologique, et devrait être priorisé face à l’accélération d’un retour à la terre par les colons. Dans le Land Back Red Paper publié en 2019 par l’Institut Yellowhead, les auteur.e.s nous disent que « la question du retour de la terre [Land back] n’est pas seulement une question de justice, de droits ou de « réconciliation » ; la juridiction autochtone peut en effet contribuer à atténuer la perte de biodiversité et la crise climatique. […] La gestion à long terme des terres permet une réévaluation, une planification et une adaptation constantes ». Cela conduit à une protection efficace de la biodiversité et à un espoir contre le changement climatique grâce à des visions du monde culturellement spécifiques, transmises de génération en génération par une présence avec et dans la défense de la terrexiii

Le fait que les colons développent des relations (spirituelles ou affectives) avec le territoire qu’ils occupent n’est pas une condition préalable nécessaire à la décolonisation. Le fait que les colons décident de prioriser l’établissement de ces nouvelles relations avec la terre ne nous rapproche pas de la décolonisation. En posant les relations spirituelles ou affectives des colons avec la terre comme un élément important des luttes anticoloniales, on détourne et déforme notre capacité à se concentrer sur les problèmes beaucoup plus centraux posés par l’État colonial canadien. La dépossession territoriale des peuples autochtones est un élément partiel, mais crucial, de la lutte contre le colonialisme et contre les changements climatiques. Indépendamment des visées politiques des colons, nos relations avec le territoire sont le plus souvent construites sur une tactique de propriété foncière, en raison de la relative facilité d’accès aux moyens financiers ou au capital social qui permettent l’accès à la terre. Je pense, par exemple, aux nombreux projets fonciers collectifs qui ont été lancés par des colons radicaux au soi-disant Québec, et qui impliquent tous la propriété de la terre. Penser à construire une spiritualité fondée sur un rapport au territoire, mais à partir d’une propriété foncière n’a pas de sens. Ce sont des rapports coloniaux au territoire qui sont alors induits, et non pas révolutionnaires. En d’autres termes, la relation entre les colons et la terre doit d’abord être transformée matériellement, pas spirituellement ou affectivement. Les peuples autochtones ont déclaré que « Land Back » leur donnera le pouvoir de reconstruire leurs connaissances, leurs langues, leur culture et leur autonomie. C’est la substance même de la décolonisation : il est crucial que les peuples autochtones soient libres de se développer et de se réapproprier leurs relations avec le territoire, plutôt que les colons ne prennent sur eux de le faire à leur place.

Sur Inhabit et l’autonomie territoriale des colons

Dans Inhabit, un texte provenant des réseaux appelistes/tiqqunniens/autonomistes aux soi-disant États-Unis, le désir du territoire est élargi. L’horizon articulé dans Inhabit repose sur l’extension et la multiplication des communes isolées proposées dans Rattachements. Mais contrairement à Rattachements, dont les auteur.e.s prétendent être engagé.e.s dans leur propre compréhension d’une politique anticoloniale, Inhabit n’articule pas du tout de politique anticoloniale. Ce n’est pas nécessairement surprenant, dans la mesure où les politiques anticoloniales semblent être moins présentes dans les milieux radicaux de colons aux États-Unis qu’au Canada, mais cela reste un écueil importantxiv. « Notre but est l’établissement de territoires libérés – le prolongement, de loin en loin, de zones ingouvernables. De lignes de faille parcourant l’Amérique et conduisant vers le haut lieu de l’autonomie ». Tout comme les colons expansionnistes lors de la conquête de l’Ouest américain, les auteur.e.s d’Inhabit proposent une meilleure manière d’utiliser le territoire et suggèrent de transformer, à leur image, les espaces qui ne sont pas encore mis au service de leur révolution. En d’autres termes, on peut lire les auteur.e.s d’Inhabit comme mettant de l’avant leur propre vision de la Destinée manifestexv : l’expansion de leur rapport au territoire, des lignes de faille se déplaçant sans entraves à travers une vaste Amérique du Nord vide et non-revendiquée. Peut-être en suivant les chemins de fer qui les ont précédés ?

Les auteur.e.s d’Inhabit semblent incapables ou peu interessé.e.s à problématiser le contexte colonial américain. À l’exception de la mention d’une interaction fortuite entre les colons et les familles autochtones dans des contextes où ils sont déjà des camarades, les questions de la race et du colonialisme sont absentes de leur texte. La réticence des auteur.e.s à s’engager face aux communautés autochtones et au contexte colonial dans lequel ils s’inscrivent trahit leur compréhension coloniale du territoire. En proposant une expansion du territoire sans se soucier des revendications territoriales préexistantes qui recouvrent déjà ce continentxvi, Inhabit interpelle ses lecteur.trice.s à partir de l’imaginaire du projet national de l’État colonisateur américain: from sea to shining sea [la référence à l’imaginaire national disparait dans la traduction québécoise]. « Construire l’infrastructure qu’il faut pour soustraire le territoire à l’Économie », pressent-ils. Mais la terre n’a jamais été qu’un simple territoire, et les colons qui l’occupent ont bien plus souvent donné l’impression de la soustraire aux peuples autochtones qu’à l’économie. Il suffit de se tourner vers le sud des États-Unis pour voir comment, par exemple, le fait que des blancs squattent des terres « vacantes » était une conséquence intentionnelle du processus d’attribution de terres aux Autochtones loin de leurs communautés. Les États-Unis comptaient sur le fait que ces communautés seraient incapables d’empêcher les squatteurs de s’installer et de prendre possession de leurs terres. « Que ce soit un espace dans le quartier ou une cabane dans la forêt. Squatter, s’il faut : un terrain, un local, un immeuble abandonné. Il n’y a pas d’espace trop petit, ni trop grand. » Inhabit réoriente la pensée et les stratégies en partant de contextes très différents des leurs (le mouvement des squats en Europe, notamment) et tente de mettre de l’avant des stratégies supposément libératrices pour « habiter » l’espace qui ne font que renforcer l’accès des colons à la terre et leur contrôle. 

La fuite de l’identité

Dans un compte-rendu publié en octobre 2020 intitulé Chasse à la chassexvii (traduit par Hunting the Hunt dans la version anglaise publiée sur le site Territories d’Inhabit), les auteur.e.s (basé.e.s au Québec) reviennent sur le temps qu’ils ont passé à soutenir les communautés anishinabeg qui luttent pour un moratoire sur la chasse à l’orignal sur leur territoire. Ils concluent leur résumé de la situation par la réflexion suivante : « Ce serait une illusion confinant à l’impuissance de penser que nous ne saurions être et paraître autrement que comme des colons illégitimes, indépendamment de « comment » nous entendons habiter ce qui reste du monde »xviii.

 Je trouve surprenant que l’une des conclusions les plus pressantes à tirer de l’organisation en solidarité avec une communauté autochtone soit la nécessité d’échapper à « l’identité » de colon qu’elle fait apparaître. Il me semble que la crainte d’être considéré comme un « colon illégitime » est ce qui motive en partie leurs rejets de la position sociale qu’ils occupent et qui, à son tour, mine leur analyse. Je ne prétends pas que les auteur.e.s n’ont rien à apporter à la lutte anticoloniale parce qu’ils sont des colons. Cependant, je suis en désaccord avec l’importance qu’ils octroient au fait de ne pas être perçu comme des colons, plutôt que d’évaluer quelle est la contribution la plus efficace qu’ils pourraient apporter à la lutte anticoloniale. Leur positionnement de colons dans une société coloniale doit nécessairement faire partie de cette évaluation. Ce rejet de la position sociale est visible dans Inhabit, dans la mesure où la race et le colonialisme y sont invisibles. Dans Rattachements, il n’est visible que comme une chose que les écrivain.e.s fuient : « Extase : béatitude provo­quée par une sortie, un décalage par rapport à ce qu’on nous a fait comme « soi », comme « position sociale », comme « iden­tité » ». Dans leur empressement à rejeter les politiques identitaires et à mettre en relation « l’identité » et la position sociale, les auteur.e.s sabotent la lentille qui leur permettrait d’analyser notre contexte de manière plus globale et précise. Ce faisant, leur analyse tombe à plat et ils se condamnent à une approche limitée, affirmant que s’il est stratégique et possible pour les peuples autochtones de construire une autonomie territoriale, il doit être tout aussi stratégique, possible et subversif pour les colons de faire de même.

Le blocus ferroviaire de Saint-Lambert était une action de plusieurs jours, organisée par des colons et réalisée principalement par des colons, qui s’est déroulée l’hiver dernier au cours du mouvement #ShutDownCanada. Cela aurait pu être une occasion d’expliquer de manière proactive et explicite pourquoi nous, les colons, pensions qu’il était important de répondre à l’appel à des actions de solidarité tel que nous l’avons fait, et d’encourager d’autres milieux radicaux de colons à faire de même. Cela aurait pu être très utile dans un contexte où certains alliés des luttes autochtones hésitaient à organiser ou à participer à des actions initiées par des colonsxix. Malheureusement, cette approche de communication proactive n’a pas été adoptée pour diverses raisons, notamment le manque de cohésion politique entre les personnes qui ont organisé l’action de blocage. Au bout du compte, les communications émanant du blocage sont demeurées vagues quant à l’origine des personnes présentes et la stratégie de communication au terme du blocage a manqué l’occasion de parler en tant que colons, à d’autres colons, sur ce que nous pouvions faire pour intervenirxx. Le fait d’obscurcir notre position a permis aux médias grand public d’utiliser plus facilement le fait que nous n’étions pas Autochtones, ce qui les a aidés à retourner l’opinion publique contre nous sans devoir utiliser un argumentaire ouvertement raciste. Notre manque d’analyse claire a également laissé au Premier ministre François Legault la possibilité de nous séparer des autres blocages, parce que nous n’avons pas su expliquer comment nous nous percevions par rapport à eux. Bien sûr, les flics connaissaient depuis le début la démographie des personnes présentes et ont agi en conséquence. Cette approche ne présentait donc aucun avantage tactique, et nous avons perdu l’occasion de présenter une analyse claire et décisive sur les raisons pour lesquelles d’autres colons devraient prendre les risques que nous (ainsi que de nombreuses communautés autochtones) prenions à l’époque. Je crains que le fait d’éviter d’aborder de front les questions de positionnement social et de rôle des colons dans la lutte anticoloniale ne nous conduise à faire des choix similaires à l’avenir.

Inhabit et Rattachements partagent une volonté de produire des affects chez leurs lecteurs les incitant à se considérer comme emplis de pouvoir et de possibilités. Dans cet objectif, ils encouragent les lecteurs à rejeter la culpabilité ou le sacrifice et à se comprendre comme des protagonistes centraux de la lutte. Pour Rattachements, cela se traduit par l’encouragement des lecteurs à se considérer comme « ni coupables ni victimes » de la crise écologique. Cette aversion pour le sacrifice de soi, dans le sens où l’on est prêt à renoncer à quelque chose, nécessite de nier que le colonialisme, ainsi que d’autres moteurs de la crise, continue à nous profiter. Il s’agit d’une évasion préventive de la culpabilité potentielle d’être un colon : nous ne devons pas nous comprendre comme les sujets qui profitent de l’appropriation génocidaire des terres des populations autochtones. Cette impulsion est liée à un rejet de la politique identitaire, et bien que je ne suggère pas d’embrasser une culpabilité démobilisatrice face aux horreurs passées et présentes, je pense que c’est une nécessité à la fois stratégique et éthique de refuser d’ignorer les conditions qui produisent cette culpabilité. Lorsque nous reconnaissons le mode de vie que le colonialisme continue à produire pour les colons et que nous essayons de trouver les causes de cette disparité manifeste, nous nous dotons d’une compréhension du contexte dans lequel on souhaite intervenir, qui est indispensable pour le transformer de manière efficace. Lorsque nous fuyons les sentiments produits par cette disparité en rejetant une étiquette, on pourrait en venir à croire que nous pouvons nous extirper des structures réelles par un acte de pensée ou de magie. Ce sont les conditions matérielles qui doivent être combattues, et non les affects qu’elles produisent.

À partir de là?

Les auteur.e.s de Inhabit et Rattachements pourraient penser que le rejet, sur la base de leur positionnement social, de leurs stratégies respectives d’autonomie territoriale ou de construction d’une autonomie matérielle par l’établissement de communes sur les territoires est essentiellement un refus de construire un mouvement fort – une concession aux effets démobilisateurs des politiques alliées. Au contraire, je pense que ce refus est un choix à la fois éthique et stratégique, à partir duquel il nous faut développer une stratégie révolutionnaire plus forte et résolument anticoloniale. Cela n’affaiblit pas nos mouvements de se détourner de la construction de l’autonomie territoriale pour des communautés principalement composées de colons, si ce vers quoi nous nous tournons est une plus grande attention à la reconstruction continue de l’autonomie territoriale pour les peuples autochtones avec lesquels nous cherchons à être en lutte. Ce qu’il faut, c’est éviter de considérer les colons comme le sujet central de la lutte anticoloniale révolutionnaire et reconnaître que si les positions à partir desquelles nous luttons sont différentes, les chemins que nous prenons doivent également l’être. Toute analyse sérieuse du colonialisme canadien doit considérer les centaines d’années de luttes autochtones contre le capitalisme et l’État comme pertinentes et, à bien des égards, déterminantes pour les chances de succès de ces communautés dans la construction de leur autonomie territoriale. Cette même analyse notera la différence entre cette histoire de lutte et celle des mouvements radicaux de colons dans le soi-disant Canada.

Si nous prenons réellement au sérieux la question de l’autonomie territoriale, nous saurons que cela implique bien plus qu’un « réseau de points de convergences » que nous avons loués, squattés ou construits dans la forêt, ou qu’une constellation de maisons communales en campagne. L’autonomie territoriale, si elle est considérée comme une stratégie de destruction du capitalisme et de l’État, comprend le travail à long terme de développement de zones où les flics ne peuvent pas aller, où l’on peut trouver les moyens de soutenir et de reproduire ceux qui y vivent, où un grand groupe de personnes engagées et connectées de tous âges a les moyens et la nécessité de défendre ce territoire, sur plusieurs générations. Nous pouvons regarder là où ce travail a déjà été fait depuis des centaines d’années pour en voir des exemples : le territoire de Wet’suwet’en, Elsipogtog, le lac Barrière, Six Nations, Tyendinaga, Kahnawá:ke et Kanehsatà:ke. Dans l’ensemble, ce travail n’a pas été effectué depuis des centaines d’années par des communautés allochtones : nous partons de zéro, et donc même si la priorité donnée à notre propre autonomie territoriale semblait éthique, elle ne serait probablement pas stratégique, car les communautés de colons dans une société fondée sur le colonialisme de peuplement ont beaucoup moins de conflits structurels avec le système colonial. Cela ne nous rend pas plus faibles de donner la priorité à la lutte pour l’autonomie territoriale des communautés dont nous ne faisons pas partie. Cela nous rend plus fort.e.s si, ce faisant, nous établissons des relations qui contribuent à des contextes révolutionnaires dans lesquels les objectifs des réseaux révolutionnaires des colons convergent avec ceux des groupes autochtones anticoloniaux. Vers un potentiel plus fort de lutte commune contre l’État colonial.

Notre politique environnementale doit mettre au premier plan les réponses matérielles à la dépossession des terres des peuples autochtones, pour le bien de la planète et dans le cadre d’un engagement plus large en faveur d’une politique anticoloniale. Il est dangereux de glisser vers une politique d’un « retour à la terre », comme le fait Rattachements, car ces approches et ces projets, au mieux, nous détournent de notre objectif et, au pire, préparent le terrain pour le développement de revendications tordues des colons sur les terres autochtones. Ce genre de revendications va briser les relations que nous devrions chercher à établir avec nos alliés autochtones anticoloniaux et risque de renforcer les tendances réactionnaires des colons que nous devrions combattre. Si nous nous considérons comme visant à nous engager dans une lutte commune avec les communautés autochtones contre l’État colonial, nous saurons que nos mouvements gagnent en force lorsque nos camarades sont plus forts et que nos relations mutuelles sont solides.

Si nous nous concentrons sur les réalités matérielles du colonialisme et sur la manière dont il continue à structurer nos vies, nos options et nos ressources, nous pouvons développer des stratégies plus efficaces en nous demandant ce que nos différentes positions sociales permettent et interdisent, et comment nous pourrions mettre ces différences au service d’objectifs communs. Mike Gouldhawke explique que « les gens considèrent le colon comme une identité personnelle, mais il s’agit plutôt d’une relation catégorique entre un sujet social et les États coloniaux »xxi. Comme le dit La Paperson, le terme de colon (et d’Autochtone, et d’esclave) décrit « des relations de pouvoir par rapport à la terre. Il se rapproche d’identité, mais ce n’est pas une identité en soi »xxii. Au lieu de tenter de fuir ces étiquettes, nous devrions faire un meilleur usage de notre temps et nous concentrer à transformer les conditions qui produisent ces rapports de pouvoir.

Le positionnement social comme seule lentille d’analyse pour développer une stratégie révolutionnaire est bien sûr insuffisant. Ce que les gens souhaitent voir advenir comme monde, quelles que soient leurs vies actuelles, relève d’une importance indéniable. Nous devons toutefois être capables de voir et de comprendre les différentes réalités matérielles de ceux qui nous entoure si on souhaite voir ces réalités se transformer dans l’avenir que nous voulons construire ensemble. Voir ces réalités pour ce qu’elles sont, et pourquoi elles sont, nous montre que les relations que les colons établissent avec la terre sont bien moins importantes que celles que nous arrivons à démanteler. Il est évident que soutenir la résurgence de l’autonomie territoriale autochtone doit être une priorité plus importante que de construire notre propre autonomie territoriale. La question qui se pose alors est de savoir comment construire et maintenir des formations qui peuvent offrir un soutien et une solidarité sur le long terme aux populations autochtones qui luttent contre l’État colonial, et comment cultiver au mieux une politique qui continuera à répondre aux contextes, relations et terrains changeants de cette lutte commune pour l’autodétermination et la fin du capitalisme, du colonialisme et du Canada.

Réflexions? anotherword@riseup.net


i Rattachements est disponible en français ici: https://contrepoints.media/fr/posts/rattachements-pour-une-ecologie-de-la-presence et en anglais ici : https://illwilleditions.com/re-attachments/

ii Inhabit est disponible en anglais ici : https://inhabit.global et en français ici : https://contrepoints.media/fr/posts/habiter-instructions-pour-lautonomie . La traduction québecoise d’Inhabit est sortie le 15 février 2021. Je pense qu’il est nécessaire de sougligner qu’une modification importante a été apportée à cette version québecoise sans note de traduction ni explication. À la phrase « Les terres sont rendues à l’usage commun », les traducteurs.trices ont ajouté « et aux Autochtones, en premier lieu ». De ma perspective, ce changement vise à cacher l’absence d’une analyse anticoloniale dans le texte original. Clairement ce petit ajout ne règle pas les problèmes majeurs de l’analyse en général, mais il pourrait faire en sorte que les lecteurs présument l’existence d’une analyse anticoloniale dans le texte de départ, ce qui n’est pas le cas.

iii Pour être clair, moi et beaucoup d’autres, nous nous sommes vus comme des « initiateurs » d’actions spécifiques en réponse à des appels à l’action explicites, dans des contextes changeants qui, selon nous, l’exigeaient et, dans le cas des blocages ferroviaires du moins, étions très clairement inspirés par des initiatives autochtones déjà en cours. J’utilise l’expression « initié par des colons » non pas pour m’attribuer le mérite des événements de ce qui était très clairement un mouvement dirigé par des autochtones, mais plutôt pour noter qu’il y a une réelle différence entre les actions considérées par les partisans et les adversaires comme étant prises par les communautés autochtones et celles reconnues comme des actions de solidarité des colons. 

iv Il convient de noter que les communes qu’ils décrivent sont essentiellement des lieux où il fait bon vivre, où les gens partagent des repas et des activités quotidiennes et se parlent, et pas nécessairement des communes à une échelle où elles produiraient une réorganisation significative de l’économie ou de la reproduction sociale. Il est raisonnable de supposer qu’un changement d’échelle est souhaité.

v Ce qu’ils appellent modernité coloniale.

vi https://maisonneuve.org/article/2018/11/1/self-made-metis/

vii Page 17 de A Living Revolution: Anarchism in the Kibbutz Movement par James Horrox

viii A Living Revolution p. 18

ix A Living Revolution p. 18

x A Living Revolution p. 19

xi Un autre exemple de ce type d’établissement communal dont j’ai pris connaissance durant la rédaction de ce texte est l’établissement socialiste finlandais de Sointula, situé sur le territoire de la Première nation ‘Namgis. Le village a été établi au début des années 1900 sur l’île Malcolm, en soi-disant Colombie-Britannique.

xiihttps://briarpatchmagazine.com/articles/view/100-years-of-land-struggle

xiii Je ne souhaite pas ici dépeindre une vision romancée des peuples autochtones comme n’exploitant jamais la terre, tel que le Red Paper nous met en garde contre cette pratique à la page 60. Je souhaite plutôt nous rappeler que sans la capacité des peuples autochtones à gérer la terre, la destruction du capitalisme nous laisserait encore sans les connaissances intergénérationnelles nécessaires pour en prendre soin de manière efficace. https://redpaper.yellowheadinstitute.org/wp-content/uploads/2019/10/red-paper-report-final.pdf

xiv À l’inverse, les critiques de l’esclavagisme et du racisme anti-noir sont souvent mal intégrées dans les analyses émanant des réseaux radicaux au Canada par rapport aux États-Unis. Il est d’autant plus grave qu’Inhabit ne fasse pas non plus référence à ce type de critique ou d’analyse.

xv La Destinée manifeste (Manifest Destiny en anglais) est une expression apparue en 1845 qui désigne la croyance calviniste selon laquelle les États-Unis sont investis d’un droit divin à l’expansion territoriale et à la colonisation dans l’Ouest américain et ailleurs dans le monde.

xvi Par revendications territoriales préexistantes, je parle à la fois des revendications territoriales autochtones et des revendications de longue date de groupes tels que la Republik of New Afrika.              https://newafrikan77.wordpress.com/2016/04/20/new-afrikans-and-native-nations-roots-of-the-new-afrikan-independence-movement-chokwe-lumumba/

xvii Disponible en francais ici : https://contrepoints.media/posts/chasse-a-la-chasse-recentes-mises-en-acte-de-la-souverainete-anishinabee et en anglais ici : https://territories.substack.com/p/hunting-the-hunt

xviii Il est important de noter que les versions anglaise et française diffèrent de manière significative. Que ce soit en raison d’importantes erreurs de traduction ou de changements intentionnels en prévision d’un lectorat anglophone américain, la phrase la plus proche dans la version anglaise est la suivante « The question of how to inhabit concerns any living being in any given place. » Il s’agit d’une différence majeure.

xix #ShutDownCanada était un mouvement massif, large et hétérogène mené par des Autochtones. Un grand catalyseur a été le raid militarisé de la GRC sur les défenseurs des terres de Wet’suwet’en qui protégeaient leur lieu de vie contre la construction du gazoduc Coastal Gas Link l’hiver dernier. Dans ce contexte, un certain nombre d’appels explicites à des actions de solidarité ont été lancés, notamment par les chefs héréditaires Wet’suwet’en et par des camps spécifiques sur ces terres, comme le point de contrôle de Gidimt’en. Malgré ces appels à l’action très clairs et explicites, je pense que l’hésitation de certains colons alliés à participer à des actions de solidarité initiées par des colons vient en partie de la conviction que toutes les actions doivent être soit dirigées par des Autochtones, soit explicitement approuvées par un Autochtone. Je pense que les critiques des Autochtones sur la façon dont les colons participent à l’organisation anticoloniale sont importantes. Je pense qu’il est crucial de tenir compte de la façon dont les actions d’une personne peuvent être perçues par les communautés autochtones ou avoir des conséquences pour elles lorsqu’on planifie des actions de solidarité. Cependant, sacrifier les principes de sécurité de base du « besoin de savoir » pour obtenir l’approbation des Autochtones sur une action risquée lancée par les colons semble être une forme assez flagrante de tokenisation. Le fait que nos communautés d’organisation à Montréal soient souvent composées en majorité ou exclusivement de colons est une question qui doit être examinée et traitée à un niveau plus fondamental, plutôt que de tenter de le cacher en cherchant à obtenir une approbation de nos choix après coup. Je peux me tromper, mais mon hypothèse sur ce qui s’est passé l’hiver dernier était que certains colons sympathisants ou alliés de #ShutDownCanada s’inquiétaient des risques de participer à des actions de solidarité et utilisaient le fait que certaines actions étaient initiées par des colons pour éviter de devoir prendre des risques et se joindre au blocus. Je pense que c’est regrettable et que cela doit être changé en partie par une analyse anticoloniale plus claire de la part des réseaux de colons.

xx Il existe peu de traces des discours prononcés devant les médias, mais en voici un exemple: https://contrepoints.media/en/posts/declaration-du-blocage-de-saint-lambert-declaration-from-the-saint-lambert-blocade

xxi https://twitter.com/M_Gouldhawke/status/1345150065103388673

xxii https://manifold.umn.edu/read/a-third-university-is-possible/section/e33f977a-532b-4b87-b108-f106337d9e53

GNL Québec : les conseils de bandes contre le projet par défaut?

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Juil 152021
 
Les chefs René Simon, de Pessamit, Martin Dufour, d’Essipit, et Gilbert Dominique, de Mashteuiatsh, posent en compagnie de Michel Gagnon, président de la société GNL Québec. Ils ont signé une entente de collaboration en 2015.

Des Collectifs Mashk Assi et Emma Goldman

Depuis 2017, le collectif Mashk Assi, un groupe formé de membres des Premières nations qui défendent le territoire, joue un rôle clé dans la lutte contre le projet de GNL Québec. Pendant ce temps, les instances autochtones issues du colonialisme, les conseils de bande, n’ont pas levé un petit doigt pour s’y opposer, se contentant de négocier leur part du gâteau avec les promoteurs de ces projets destructeurs. En effet, en janvier dernier, un article du journal Informe Affaires expliquait que le conseil de bande de Mashteuiatsh négociait une Entente sur les répercussions et les avantages (ERA) avec GNL Québec :

« Pekuakamiulnuatsh Takuhikan compte notamment sur la conclusion d’Ententes sur les répercussions et les avantages (ERA) pour obtenir des retombées provenant des grandes entreprises présentes sur leur Nitassinan, incluant celles qui projettent de s’y installer. Dans ce contexte, Stacy Bossum cite, à titre d’exemple, l’entente qui a été conclue en août dernier avec les promoteurs de Métaux BlackRock. Il rappelle que des négociations sont toujours en cours, entre autres, auprès d’Arianne Phosphate et de GNL Québec. » [1]

Mais voilà que tout dernièrement, les conseils de bande de Mashteuiatsh, d’Essipit et de Pessamit ont déclaré s’opposer au gazoduc et à la construction de l’usine de liquéfaction à Grande-Anse. Est-ce une opposition par défaut ou un réel vouloir de bloquer ce genre de projet? Une bonne question à se poser quand l’on sait que la lutte à GNL Québec est active depuis plusieurs années. Bizarre de commencer à s’y opposer seulement après avoir constaté qu’il n’y a pas d’acceptabilité sociale au Québec pour ce projet et que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) ait publié un rapport défavorable à la construction du complexe de liquéfaction de gaz naturel. Il faut ajouter à cela la lenteur pour en arriver à une ERA entre les conseils de bande et GNL Québec. Cette nouvelle annonce sonne comme si les conseils de bande ne voulaient pas rater le bateau et être dans le bon camp. Cependant, il est important de rappeler que les conseils de bande de Mashteuiatsh, d’Essipit et de Pessamit ont signé une Entente sur les répercussions et les avantages avec Métaux BlackRock, dont certaines clauses sont confidentielles. Le transport du minerai par bateau, qui va se faire à partir du port de Grande-Anse, va augmenter le trafic dans le fjord du Saguenay et mettre en péril tous les écosystèmes et milieu de vie qui s’y retrouvent (c’est sans compter la mine à ciel ouvert près de Chibougamau et l’usine à Grande-Anse qui sera l’une des plus polluantes au Québec).

En voyant ce constat, dur de croire que les conseils de bande le font pour s’opposer à un projet qui met en péril le fjord, mais bien par un certain opportunisme. Il ne faut donc pas se méprendre. Les conseils de bande ne sont pas des sauveurs et des écologistes qu’il faudrait mettre sur un piédestal. Plusieurs militants et militantes autochtones ont beaucoup sacrifié depuis le début de la lutte contre le projet de GNL Québec, ceux et celles qui vivent sur le territoire et qui défendent le Nitassinan. C’est ces gens et leurs groupes que nous devons soutenir. Finalement, pour en rajouter une couche, il est bien de souligner que Pekuakamiulnuatsh Takuhikan est partenaire et participe économiquement à des projets forestiers qui en résultent à des coupes à blanc sur le Nitassinan. Devant l’écocide, les masques tombent. C’est sur le territoire que ça se passe et il faut soutenir les groupes de la base qui luttent à chaque jour contre ces projets destructeurs. Non aux opportunistes!

Les collectifs Mashk Assi et Emma Goldman

[1] MASHTEUIATSH | L’économie mixte à l’ordre du jour

Victoire au 1492 Land Back Lane : le développement McKenzie Meadows est annulé

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Juil 042021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Après plus d’un an de réoccupation continue de la parcelle de terre sur laquelle était prévu un développement immobilier colon de plus de 200 maisons, les membres de la communauté de Six Nations ont réussi à forcer l’annulation du projet. Les défenseur.es de la terre Haudenosaunee et leurs complices occupaient le site de 25 acres depuis le 19 juillet 2020. Iels ont survécu à un raid policier, des douzaines d’arrestations, une surveillance constante de l’OPP et du SCRS, ainsi qu’à des ordonnances du tribunal venant de juges racistes. 

Le 1er juillet 2021, les célébrations du jour du Canada ont pris un autre coup de frappe lorsque  Foxgate Development, une coentreprise de Losani Homes et Ballantry Homes, a annoncé l’annulation de leurs projets et le remboursement des dépôts aux futurs propriétaires.  

Selon Skyler Williams, un porte-parole pour Land Back Lane:  

« Je crois que cela envoie un signal important aux communautés autochtones et à toute l’Île de la tortue. Ce type de gain est atteignable. Nous avons une opportunité de dire à la police fédérale et à la province que si notre communauté dit non aux développements, que ce soit des projets immobiliers massifs ou la destruction de ressources, si nous disons non et que nous sommes fermes, nous pouvons gagner. »

Malgré que les développeurs aient rasé le site avant le début de l’occupation, retirant toute verdure de la zone, les défenseur.es de la terre y ont replanté un verger, un jardin communautaire, et y ont construit des Tiny homes ainsi que deux petits bâtiments. Foxgate a mentionné que « l’évolution du projet d’installations temporaires à un site comprenant des bâtiments de nature plus permanente » était une raison de l’annulation de leur développement immobilier.  

L’annonce de l’annulation est une merveilleuse victoire partielle. La lutte n’est pas terminée: au moins cinquante personnes ont des accusations en lien avec l’occupation de Land Back Lane, et les gens continueront d’occuper le site tant qu’il est l’objet d’une injonction. Foxgate a aussi intenté une poursuite de 200 millions de dollars contre certain.es défenseur.es de la terre en avril 2021.  

« Nous prenons un moment pour célébrer ces gains, mais nous savons aussi que le travail ne fait que commencer », déclare Skyler Williams. « Nous sommes au pied de la montagne. » 

Land Back Lane collecte les dons pour les constructions et l’entretien de son camp. Vous pouvez envoyer des transferts à landback6nations@gmail.com.

Vous pouvez aussi faire un don au fond légal ici: https://ca.gofundme.com/f/legal-fund-1492-land-back-lane 

Solidarité avec les défenseur.es de la terre de Six Nations!

De MTL à Sask : Longue vie à Cory Cardinal !

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Juin 162021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Cette semaine, nous avons été bouleversé.es d’apprendre la mort de Cory Cardinal à la suite d’une potentielle surdose. Suite à cette nouvelle, dans la nuit du 12 juin, nous sommes allées nous promener dans le quartier pour peindre les murs en sa mémoire.

Cory était un poète, un écrivain, un artiste et un activiste pour les droits des prisonniers membre de la Première Nation de Sturgeon Lake. Nous avons pris connaissance de son existence ainsi que de son travail dans le contexte des grèves de la faim qu’il a aidé à organiser en prison en Saskatchewan au début de la pandémie pour lesquelles il faisait du travail médiatique.

Dans ce contexte, Cory articulait avec acuité les liens entre la prison et le colonialisme et il participait au combat, à l’intérieur de la prison tout comme à l’extérieur, pour les détruire.

Selon lui, traduit de l’anglais :

« C’est vrai que nous avons été ciblés par un système raciste en tant qu’hommes autochtones. Mais malgré cette épidémie d’incarcération, notre communauté de guerriers autochtones modernes a fait preuve de résilience. Nous avons survécu grâce à notre volonté, à notre ambition et à notre créativité, pour vaincre de nombreux ennemis comme la pauvreté, l’addiction et le racisme, pour nous faire accepter, pour trouver une communauté et un sentiment appartenance dans le moule dominant. Nous n’avons pas pu le faire à partir de nos propres normes, puisque nous sommes un peuple opprimé. »

Nous envoyons nos pensées, notre solidarité et notre amour à sa famille, ses ami.es, et ses camarades.

Nous continuerons à diriger notre rage contre les prisons, le colonialisme et contre ce monde qui criminalise et tue les utilisateurs.trices de drogues.

Trainez des kits de naloxones avec vous !

#Libérezlestous
#SafeSupply

Longue vie à Cory !

– quelques anarchistes blanc.he.s vivant à Montréal

Une mine à ciel ouvert c’est comme un feu : Action contre la mine Nouveau Monde Graphite sur le Nitaskinan

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Juin 112021
 

De Mobilisation Matawinie

Nouveau Monstre Graphite et Métaux Black Rock veulent nous faire croire que creuser toujours plus loin nous sauvera du désastre écologique actuel. Nous ne sommes pas dupes de leur greenwashing. Ekoni aci! Aski mamo! C’est assez!

indigenouslanddefenders [@] gmail.com

mobilisationmatawinie [@] protonmail.com

Entretien : Un portrait des luttes sociales et antiautoritaires dans le Bas du Fleuve

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Juin 022021
 

Du Collectif Emma Goldman

Au cours des dernières années, nous avons vu apparaître plusieurs projets intéressants au Bas-du-Fleuve, principalement dans le secteur de Rimouski / Trois-Pistoles, mais pas seulement. Il y a un essaimage libertaire autour de différents projets comme un centre social et une auberge notamment et dans les milieux communautaire et syndical. La chose n’est pas entièrement nouvelle, mais ce regain a suscité plusieurs questions que j’ai voulu adresser à une personne engagée dans les luttes là-bas. Autant dire que l’entretien qui en résulte n’est pas un portrait exhaustif de tous les groupes en présence. Il faut aussi préciser que l’entretien a été réalisé il y a plusieurs mois déjà. L’information demeure à mon avis importante puisque l’existence des militantes sociales et militants sociaux en dehors de la métropole et de la capitale fait l’objet d’un oubli quasi constant.

BCEG : Salut! Peux-tu nous faire un petit portrait des différents groupes militants qui luttent dans le coin de Rimouski et les idées qu’ils portent?

Camarade du Bas du fleuve : Il y a plusieurs groupes mobilisés autour d’enjeux environnementaux dans la région, surtout contre les hydrocarbures (Prospérité sans pétrole, Non à une marée noire dans le Saint-Laurent, Rimouski en transition). Il y a aussi des groupes relativement actifs à l’université (UQAR) : le Comité féministe, le Comité étudiant de Rimouski en environnement (CÈDRE) et le Carrefour international bas-laurentien pour l’engagement social (CIBLES) (antenne uqarienne), qui œuvre en éducation populaire sur les enjeux de justice migratoire. Les actions plus militantes sont souvent menées par des groupes spontanés… Dernièrement, y’a le collectif Églantine qui a vu le jour autour d’une vigie pour Joyce Echaquan. Autour de Rimouski, y’a Le Récif à Rivière Trois-Pistoles qui est en train de mettre sur pied un centre social et qui agit comme lieu de résidence et de brassage d’idées depuis un bout. Au Kamouraska, y’a le collectif La Camarine qui organise des activités interculturelles et de soutien à diverses luttes anti-oppressives. Après, il y a peut-être aussi d’autres groupes que je connais moins, mais dans tous les cas, si ça vous intéresse d’en savoir plus sur les groupes mentionnés ci-haut, ils sont tous retrouvables sur Facebook !

Aussi, je viens de flasher sur Syndic-à-l’Est, qui est un groupe très informel qui s’attarde plus à la réflexion et au soutien à la défense des droits des travailleuses et travailleurs. Dans le milieu communautaire, y’a Action populaire Rimouski-Neigette qui œuvre en défense collective de droits des personnes vivant de la précarité pis le Comité logement de Rimouski-Neigette qui sont plus revendicateurs. Pendant le premier confinement, y’a eu un petit mouvement autour de la grève des loyers avec Solidarité logement – BSL qui voulait inciter les locataires à se parler et se solidariser…

Il n’y a pas de collectif ou groupe organisé autour d’Extinction Rebellion à Rimouski. Dans le fond, il y a eu quelques rencontres de gens pour discuter d’actions et de divers enjeux de la région. La page Facebook (Extinction Rebellion Rimouski), qui existe depuis 2019, sert surtout pour les communications publiques, comme vitrine à des actions / lieux de diffusion anonyme.

BCEG : Quels sont les enjeux porteurs des luttes dans votre secteur?

Camarade du Bas-du-fleuve : Disons que les enjeux environnementaux ont pas mal la cote dans la région, mais les gens autour de cette page (Extinction Rebellion Rimouski) s’attardent peut-être plus aux luttes anti-oppressives (anti-coloniales, anti-racistes, anti-capitalistes) et s’associent plus à une mouvance anarchiste qui voudrait rediffuser le pouvoir dans la population plutôt qu’il soit entre les mains d’une élite politico-économique.

BCEG : Quels sont les freins à ces luttes?

Camarade du Bas-du-fleuve : Les principaux freins sont probablement liés aux communications entre personnes intéressées par des actions militantes… ou du moins dès qu’on parle d’actions un peu plus dérangeantes mettons. Les médias sont souvent ouverts à diffuser nos communiqués de presse, mais évidemment ça soulève toutes sortes de commentaires de la population sur les réseaux sociaux. Par contre, je ne pense pas que ça joue comme un frein. Peut-être qu’il y a un effet d’éparpillement qui serait un frein? Autant territorial que d’enjeux ; comme Rimouski est la « grosse ville » du coin, c’est possible de se mobiliser autour d’enjeux très spécifiques et peut-être perdre en vision plus systémique des enjeux? Et y’a certainement un effet « ne pas vouloir déranger » lié au fait que nous vivons dans un petit milieu et que tout le monde se connait. Mais, cet effet a un aspect positif aussi d’encourager l’acceptation d’idées variées et peut-être encourager le travail ensemble ?

BCEG
 : Qu’est-ce que tu vois comme les plus gros défis qui peuvent se poser à la persistance dans le temps des groupes militants dans votre coin?

Camarade du Bas-du-fleuve : Je dirais que c’est la mobilité des militant.e.s !! Plusieurs personnes vont et viennent dans le Bas-Saint-Laurent, donc la durée du passage est certainement un enjeu. Aussi, plusieurs personnes qui décident de rester le font dans l’optique de mener un projet personnel ou auto-entrepreneurial qui finit par prendre beaucoup de place dans leur vie (par exemple, les projets maraîchers d’auto-suffisance alimentaire ont pas mal la cote chez les militant.e.s du coin).

J’espère que ça répond à tes questions quand même pas pire. Je t’invite vraiment à contacter aussi les différents groupes que j’ai name-droppés si tu veux voir un portrait plus large des mobilisations dans le coin … pis le Réseau libertaire brume noire à Gaspé.

BCEG : Merci pour ce portrait! Ça vaudrait certainement la peine de les rejoindre et surtout d’éventuellement trouver des moyens efficaces de tisser des liens de solidarité entre nos milieux.

Bruit, drapeaux et poings: Réflexions sur une fin de semaine au centre-ville de Montréal

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Mai 312021
 

Soumission anonyme à MTL Contre-info

Depuis le 6 mai de cette année, un conflit intercommunautaire fait rage entre voisins dans les régions urbaines multiethniques de la Palestine occupée, de Jérusalem à Jaffa et ailleurs, déclenché à ce qui parait par une dispute foncière à Sheikh Jarrah. Par conséquent, il y a eu un échange inégal de bombes et de roquettes entre l’État israélien et le Hamas, ce dernier étant l’autorité étatique du petit territoire de Gaza. Je ne sais pas ce qui va se produire en Palestine. Je n’ai qu’une compréhension de la situation de niveau Wikipédia. Je ne parle pas les langues en question et en tout cas je n’essaie même pas de suivre les actualités de près.

Mes réflexions portent sur la situation à Montréal, ville qui abrite des communautés musulmanes et juives importantes, dont respectivement de nombreux membres (au risque d’être réducteur) font partie de mouvements sociaux locaux en soutien du côté palestinien ou sioniste/israélien du conflit. La fin de semaine dernière, une partie des deux mouvements a envahi les rues du centre-ville de Montréal en réponse aux derniers événements outremer.

Le samedi 15 mai, des dizaines de milliers de personnes (au minimum) sont descendues dans la rue en soutien au côté palestinien; elles ont manifesté à Westmount Square, un complexe avec un tour de bureau où se trouve le consulat israélien, ainsi qu’au square Dorchester, au coeur du centre-ville. Pendant des heures, toute la zone entre ces deux endroits grouillait de gens qui brandissaient le drapeau palestinien, scandaient des slogans et faisaient retentir leurs klaxons. Sans doute, elle a été parmi les manifestations les plus larges qui ont eu lieu à Montréal cette dernière année. Il n’y a eu que très peu de violence ou de dégradation, bien qu’une vitre ait été cassée au Westmount Square et quelques personnes ont grimpé sur un échafaudage en proximité du Square Dorchester. Avant le début des manifs, il y a eu un cortège d’automobiles qui est parti de l’autre bout de la ville. Dans la foule, il y avait quelques anarchistes et partisans de « la gauche radicale » présent·e·s sans liens familiaux à une quelconque communauté musulmane, mais très peu par rapport à la taille de la foule.

Le dimanche 16 mai, le côté pro-israélien a eu son propre rassemblement — c’est à dire, une manifestation statique — au square Dorchester, opposé par une foule pro-palestinienne, de nombres plus ou moins égaux, qui s’est rassemblée au départ à la place du Canada, directement au sud du square. D’après mes observations, il convient de dire que certaines personnes du côté pro-palestinien se prêtaient à des provocations volontaires à l’égard de la foule pro-israélienne, en essayant par exemple de s’approcher d’eux pour agiter des drapeaux. La police a essayé d’éviter que les deux côtés n’entrent en conflit, mais la logistique de leur déploiement s’est dégradée au fil du temps et il y a eu de nombreux moments où des membres des deux camps ont pu s’approcher suffisamment pour échanger des coups de poing, essayer d’attraper les drapeaux de l’autre camp, etc. Bien que le nombre de personnes ait été beaucoup moins élevé que le jour précédent, les rues autour du square Dorchester étaient bloquées par le mouvement de manifestant·e·s pro-palestinien·ne·s essayant de se rendre au square ou à la place du Canada, puis par des membres de la foule pro-israélienne qui quittaient la zone, ainsi que par la police. La police a fait usage indiscriminé de gaz lacrymogène, ce qui a touché de nombreux passants qui n’avaient rien à faire des accrochages en cours. Des groupes de manifestant·e·s pro-palestinien·ne·s sont restés dans les environs plusieurs heures après la dispersion du côté pro-israélien à braver les charges policières et les tirs de munitions « non létales ».

Précédant cette fin de semaine, il y a eu nombreuses manifestations pro-palestiniennes de moindre envergure autour de l’ouest du centre-ville montréalais qui, si elles ne défiaient pas ouvertement la police, n’étaient pas moins bruyantes et visibles. Je m’attends à ce qu’il y ait encore plus de manifestations locales dans les jours qui viennent. (Mise à jour : Après que j’ai commencé la rédaction de ce texte, mais avant de l’envoyer à des sites anarchistes pour publication, il y a eu une autre manifestation au consulat israélien).

La solidarité internationale

Les images nous parlent. Les mots nous inspirent. Dans le stade, les joueurs adorent les hurlements de la foule. Je me dis que ça doit marcher un peu de la même manière pour ce qui est de luttes. Mais je n’en suis pas sûre.

Ce que je sais, c’est que ce qui s’est déroulé à Montréal samedi et dimanche – que se soit interpersonnel ou simplement la destruction d’une vitre, que se soit contre la police ou entre partisans de nationalismes contradictoires – n’a pas aidé de façon concrète qui que ce soit des deux camps nationaux en Palestine. Il ne m’est pas du tout clair combien de personnes en Palestine ont entendu parler de ce qui s’est passé à Montréal. Il y a eu des manifestations dans des villes aux quatre coins du monde, mais c’est à croire que l’actualité locale les préoccupe davantage.

Ça arrive que les anarchistes de Montréal manifestent au consulat montréalais d’un gouvernement étranger. Nous avons fait d’autres choses aussi. En particulier, le consulat russe a été attaqué à deux reprises les dix dernières années.

Cependant, au plus souvent, les manifestations de solidarité avec des luttes sociales en d’autres pays sont menées par les communautés qui ont des proches dans ces endroits. Il y en a constamment, bien que peu de montréalais·e·s s’en rendent compte. La plupart du temps, elles sont petites et elles ont peu de chances d’attirer l’attention de journalistes. Il faut que tu passes au bon moment pour voir la banderole ou entendre un discours sombre (peut-être dans une langue autre que le français ou l’anglais) et l’assistance dépasse rarement les soixante personnes. Même aux moments où les manifs de solidarité internationale sont plus larges, elles ne deviennent presque jamais des émeutes (ça vaut la peine de noter que malgré quelques moments isolés d’énergie bagarreuse, la manif de samedi était majoritairement non-violente).

Le problème avec les campagnes de solidarité internationale, c’est que très souvent ils détournent l’attention de projets avec plus de pertinence locale. J’ai pas envie de me faire des ennuis, donc soyons clairs : ils ont une certaine valeur. Mais je crois que c’est toujours désavantageux de mieux connaître les actualités d’un pays lointain que ce qui se passe dans leur ville. Ce qui veut dire, avoir un narratif bien précis des événements et de leurs causes dans des sociétés à l’autre bout du monde, sans comprendre ou au moins reconnaître les tensions et dynamiques qui existent dans son propre contexte.

Il se peut que la solidarité internationale soit pour des gens ailleurs, mais on ne peut pas pour autant oublier les gens qui le font. En tant qu’anarchistes, ça nous incombe de faire en sorte que ces campagnes contribuent à des stratégies qui créent de l’anarchie (ou d’autres projets en lien avec ce que veulent les anarchistes) à l’échelle locale, quoi que cela puisse signifier de façon concrète.

Montréal fait des émeutes

Montréal fait des émeutes, et ça assez régulièrement. Dans le contexte actuel, après un an de pandémie et plusieurs mois de couvre-feu imposé par un gouvernement élu par les banlieues avec son siège à Québec, cette tendance refait surface. Si ce n’était pas la Palestine, ça serait quelque chose d’autre.

J’ai quelques grosses généralisations démographiques à faire et je vais les mettre sur la table tout de suite. Premièrement, c’est surtout les jeunes hommes qui participent aux émeutes. Bien que cela ne soit pas inévitable, c’est ce que j’ai pu constater à partir de mes inférences de l’identité du genre des personnes que j’ai vues casser des vitres, piller des commerces, jeter des trucs sur la police ou essayer de s’approcher de manifestations pro-israéliennes dans la dernière année. Deuxièmement, il me semble que les personnes racisées sont aussi susceptibles de participer à des émeutes que des personnes blanches, sinon plus.

Or, si j’invoque la démographie, ce n’est que pour l’écarter. Si des gens manifestent violemment, comme ils ont fait le 11 avril en réponse au durcissement du couvre-feu, certains journalistes et commentateurs les traiteront de « blanc » sans avoir à réfléchir – et ils n’ont pas failli. Ceux qui considèrent le milieu anarchiste comme irrémédiablement problématique, y compris ceux qui veulent rester proches de ce milieu, trouveront sans doute faute avec tout engagement de ma part (ainsi qu’avec tout non-engagement de ma part) par rapport au fait que les participant·e·s à une émeute auraient une peau plus foncée et sont plus pauvres et marginalisé·e·s que les personnes qui fréquentent les milieux anarchistes.

Dans la mesure où cela nous empêche de contribuer à des ruptures sociales menées par les jeunes, je crois que c’est un vrai problème.

À Montréal, tout le monde participe aux émeutes. Pas tout à fait tout le monde, mais plein de gens de diverses origines. Et qu’il y ait des émeutes ici, ça ne date pas d’hier. L’histoire de cette ville est pleine de moments où on a tout niqué, remontant aux premières décennies du 19e. Ceci a continué durant des cycles politiques et sociaux de toute sorte, à des moments où la population urbaine montréalaise ne consistait quasiment que de personnes blanches de plusieurs variétés, beaucoup plus en tout cas que leur population relative aujourd’hui. Cette histoire rend fier chaque habitant de Montréal qui déteste la police et aime la culture de la rue. Ça ne veut pas dire que chaque émeute ait été pure ou parfaite, mais il y a beaucoup plus à célébrer que de condamner dans cette histoire. De toute façon, les émeutes, ça marche. Si on préfère le capitalisme-providence à, par exemple, ce qu’ils ont au Texas, les émeutes sont en partie à remercier pour cela et il me semble que quelques vagues d’émeutes pourraient nous gagner beaucoup plus dans les années à venir.

En tant qu’anarchistes, nous n’avons pas forcément besoin de former un « contingent » dans le cortège de quelqu’un d’autre. Pour ce qui est des parties rebelles du mouvement pro-palestinien dans la rue, celles qui cherchent le plus la confrontation, ce sont des bandes avec qui la plupart de nous n’ont aucune connexion, avec qui il n’existe en ce moment aucun rapport de confiance et qui sont de toute façon capables d’agir par eux-mêmes. Notre but devrait être d’étendre l’agitation aux commerces du centre-ville et à la logistique policière au même moment, mais pas forcément dans les mêmes endroits, que les autres événements. Nous devrons chercher à établir une position distincte capable d’attirer des gens autres que ceux qui participent déjà aux manifs pro-palestinienne et d’occuper l’attention de la police dont l’impératif stratégique est d’être partout en même temps. Le boulot de la police est impossible, mais notre présence peut faire en sorte que cette impossibilité devient manifeste le plus vite possible.

On a pu apercevoir dimanche les signes d’un effondrement de la logistique et de la stratégie policière, ce qui ne visaient qu’à empêcher deux groupes, plutôt petits, de se battre. Chaque geste qui contribue au chaos compte.

Une idée : À bas la France

À part les Juifs et le Musulmans, il y a également pas mal de Français à Montréal – c’est à dire, des gens nés ou élevés en France ou qui ont de liens familiaux proches en France. J’ai connu plein d’anarchistes français·e·s à Montréal. En plus, plein d’autres anarchistes à Montréal qui ne sont pas « français » ont quand même passé beaucoup de temps en France, y ont des amis ou des opinions sur les questions politiques particulières à la France, etc. Bien que la France soit loin, elle a une proximité émotionnelle pour nombreux d’entre nous (mais pas tout le monde assurément).

La France a interdit les manifestations en faveur de la cause palestinienne, justifiant cette décision par l’agitation en 2014 lors de la dernière grande crise.

Ce qui se passe en France était déjà inquiétant. Déjà en 2016, en réponse au massacre djihadiste l’an avant (Charlie Hebdo, l’Hypercasher, le Bataclan, la Stade de France), l’État français s’est engagé sur une voie qui a mené à l’interdiction de manifester, l’état d’urgence et l’expansion des pouvoirs policiers. Le mois dernier, l’État a rendu illégal le fait de filmer les policiers. Bien sûr que sur notre territoire, les modèles de gouvernance français sont très admirés et les politiques qui y sont expérimentées seront importées ici. Ce processus se voit dans l’orientation du gouvernement à Québec par rapport à la suppression de tout ce qui est radical et de tout ce qui est islamique – deux catégories dont on fait très souvent l’amalgame.

De mon avis, c’était plus respectable de défoncer de coups de pied les vitres de Westmount Square que de chercher à tabasser des bouffons nationalistes qui portaient le drapeau israélien comme cape; je sais que plusieurs de ces bouffons cherchaient eux aussi la bagarre, mais je n’aime pas trop quand l’emportement mène à la violence interpersonnelle. Le consulat français se trouve dans un bâtiment en face de l’université McGill, à quelques rues seulement du square Dorchester. Peut-être serait-il logique pour les anarchistes ainsi que pour d’autres ennemies du capitalisme et du colonialisme d’appeler notre propre manifestation là-bas lorsqu’il y a raison de croire que des foules pro-israéliennes et pro-palestiniennes vont de nouveau s’affronter au centre-ville? Ou bien ailleurs, pourquoi pas? Mais on aime tous avoir un thème.

Au final, tout ce qui nous amène au centre-ville contribuer à l’agitation et élargir la zone de destruction, de possibilité et de rencontre, une zone qui n’est possible que lorsque la machine logistique policière s’effondre.

L’esprit de la révolte

Les adolescents ont des analyses politiques, mais elles risquent de ne pas être super. La plupart ne savent pas ce que sont l’anarchisme et le nationalisme. Ils connaissent peut-être les mots, mais cela ne vaut pas grand-chose. La plupart n’ont pas les idées bien claires pour ce qui est des questions liées aux Juifs, aux Palestiniens, aux sionistes, aux terroristes, ou quoique ce soit. Il ne faut pas non plus croire que les actions des adolescents soient forcément motivées par leurs analyses politiques de toute façon.

Tout ceci n’est pas moins vrai pour les adultes, mais les adolescents bénéficient de meilleures raisons de ne rien savoir sur tout ça que les adultes, donc ça vaut souvent la peine d’essayer de les leur expliquer, car ils et elles ne sont pas encore des causes perdues. Mais ça ne marchera jamais d’aller vers eux pour les instruire.

On ne peut discuter avec quelqu’un d’idées qu’une fois que les deux parties ont envie de discuter. Mais c’est impossible de savoir si on a envie de se parler – se parler vraiment, avec tout le risque de malentendu ou d’insulte qu’importe n’importe quelle conversation avec de vrais enjeux – avant qu’avoir une bonne raison de le faire.

Si des gens se voient dans la rue de façon régulière, ils vont sans doute commencer à se parler à un moment donné. Surtout si les deux groupes ont l’air de faire le même genre de trucs inhabituels et que les actions se complètent. Il se peut que cela s’aboutisse à quelque chose de génial, ou non. Mais si un jeune dont la famille dit beaucoup de mal des Juifs croisent des Juifs et des Juives qui sont anarchistes, qui détestent la police, qui d’ailleurs n’aiment pas trop Israël, qui ont du style, qui ne craignent pas de la bagarre, ça pourrait être du bon.

Il ne s’agit pas de descendre dans la rue pour « faire des anarchistes », mais pour faire l’anarchie. Après tout, la majorité des anarchistes deviennent tôt ou tard des sociaux-démocrates. La plupart des jeunes dans une foule de jeunes gens en colère ne vont pas trouver que l’anarchisme, peu importe sa forme sous-culturelle, leur parle ou répond à leurs préoccupations. Tant pis. Ce n’est que lors d’un triomphe de l’anarchie quelconque, peut-être due en partie au fait qu’il y avait des partisans et partisanes de l’anarchie dans la rue, que les gens prêteront attention. Certains aimeront ce qu’ils voient et essaieront de nous trouver. Il ne faut pas trop s’en soucier pourtant. C’est en dehors de notre contrôle.

Ce dont on est capable, c’est de reconnaître où il y a de nouvelle énergie, s’interroger sur le comment et le pourquoi de son émergence et se demander comment on va s’orienter par rapport à elle. Que veut-on faire? De quelle manière peut-on aider? Qu’est-ce que ça nous fait que la logistique politique soit occupée au centre-ville?

L’anarchie, et non l’émeute

Si les événements prennent la forme d’affrontements avec la police au centre-ville, les anarchistes sont capables d’amener une contribution utile. Mais on peut faire d’autres choses aussi. Il faut éviter de fétichiser l’émeute ou les gens qui contribuent le plus à l’émeute en cours. Disons plutôt que notre chemin vers l’absence de la police passe par l’émeute. C’est pas les pacifistes qui vont changer l’histoire.

L’essentiel c’est qu’on continue d’agir, qu’on ne reste pas sur la touche lors de moments insurrectionnels et qu’on se concentre sur ce qui se passe dans notre propre région. Sur ce terrain mouvant, c’est souvent difficile de suivre les événements, mais il faut faire de notre mieux.

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Appel à l’action pour la Palestine

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Mai 192021
 

De subMedia

Pour la semaine du lundi 17 mai, les PalestinienNEs appellent à une semaine d’action en solidarité avec leur soulèvement national et leur grève générale. Veuillez agir pour soutenir celleux qui luttent contre l’apartheid et le colonialisme moderne.

#savesheikhjarrah #gazaunderattack #freepalestine

Voice-over par Nader Haram, musique par John Prod. Produit en collaboration avec Antimidia.